Un amour foot au Soleil levant

Ou comment l’attrait pour le ballon rond couplé à celui d’une nation peut conditionner le futur d’un individu.

Cela est peut-être un brin présomptueux… Pardonnez moi ! C’est juste que ce mercredi 9 octobre 2024 peut sembler être un jour comme les autres. Sauf peut-être pour ceux qui célèbrent leur anniversaire en ce jour ? Comme l’un de mes meilleurs amis depuis presque 13 ans, qui souffle ses 28 bougies aujourd’hui, et que je salue chaleureusement !

Mais pour moi, il s’agit d’un moment charnière de ma vie. Certains au sein de la rédaction le savent déjà depuis longtemps. Il faut dire que je n’ai jamais gardé la chose secrète. Mais aujourd’hui, je pars au Japon. Avoir la ferme intention d’y rester aussi longtemps que me permettront les Vents divins ! (et l’administration nippone aussi… un peu) Cette fois, c’est pour du très long terme. Je souhaite vivre au Pays du Soleil levant. Cela fait plus d’un an que je prépare la chose. Et cela commence aujourd’hui.

C’est donc aujourd’hui que je souhaite m’ouvrir un petit peu à nos lecteurs : voilà deux ans que le site Pinte de Foot a commencé ses activités, auxquelles j’apporte modestement ma contribution depuis le 21 octobre 2022. Déjà, j’annonçais la couleur de ce qui allait être ma marque de fabrique avec cet article sur Hideomi Yamamoto (qui à 44 ans est toujours membre de l’équipe première de Kôfu d’ailleurs) : là où certains rédacteurs sont spécialisés dans le football d’antan, ibérique, allemand, italien, … moi, c’est sur le football japonais que j’écrirai.

Nous avons déjà vu ici que je suis un (malheureux) supporter des Girondins de Bordeaux. On sait également, grâce au pseudonyme et à l’avatar de votre serviteur, que le club de cœur dont j’ai hérité par transmission familiale est le Sporting de Gijón. Mais le Japon ? C’est vrai ça… Pourquoi un tel intérêt pour ce football de l’autre bout du monde ? D’où me vient cet attirance pour cet archipel à l’autre bout du monde ? En réalité, il s’agit d’une question plus difficile qu’il n’y paraît. Là où beaucoup des gens de mon âge répondraient « parce que j’aime les mangas« , je ne les suivrais pas. C’est un peu plus complexe que ça…

Premier contact

Alors par où commencer ? Tiens, par les Mangas et Anime justement. Dire que cela n’a pas été ma porte d’entrée vers la culture japonaise serait un gros mensonge. D’autant que nous sommes tous passés par là. Depuis les années 80, l’exposition à la bande dessinée et l’animation nippone est telle en France qu’elle a créée des générations d’amoureux de ce pays. Et j’en fais probablement partie.

D’aussi loin que je me souvienne, le premier dessin animé japonais que j’ai pu voir est le célèbre Captain Tsubasa. Evidemment connu dans l’Hexagone sous l’appellation Olive et Tom. Quoique plus que ma porte d’entrée vers la pop culture nippone, cet anime fut surtout une bretelle sur l’autoroute de ma passion dévorante pour le ballon rond. En d’autres mots, si j’aime le football depuis tout petit, c’est grâce (à cause ?) à Olive et Tom. Et donc indirectement au Japon. Cet Anime m’a donné envie de jouer au football. Je me souviens de mon premier entrainement : je m’imaginais qu’il serait facile de conduire le ballon comme Olivier Atton ou de frapper aussi puissamment que Mark Landers. Naturellement, la déception fut aussi violent que la claque du retour à la réalité !

Nous sommes nombreux à avoir commencer à aimer le foot à cause de ces deux là !

Cependant… Mark Landers, Olivier Atton, … Pas très japonais comme noms ça. En effet, dans les années 2000 de mon enfance, c’est encore la première version de l’anime qui est diffusé à la télévision. Celle où les noms étaient occidentalisés/américanisés (parce que les USA, c’est cool il paraît). Difficile alors de comprendre quand tu as 6 ans que tu es en train de regarder un monument de l’animation japonaise. Donc à priori, si Captain Tsubasa est assurément mon premier lien avec le football, il n’est pas vraiment mon premier lien avec le Pays du Soleil levant.

Je dirais plutôt cela pour Détective Conan. Diffusé après l’école sur France 3, c’était pendant un temps un petit rituel que de regarder l’épisode quotidien. Et cette fois, pas d’américanisation des noms. Les références culturelles n’ont pas été dénaturées, et le dessin animé est absolument génial quand on le regarde avec des yeux de gosse. Vinrent ensuite Dragon Ball, ma première collection de mangas, Chocolat & Vanilla, … La machine est lancée. Le très puissant soft power du Japon vient de m’attraper.

Cela dit, si ces œuvres sont bien japonaises, elles font rarement explicitement référence au Japon en tant que tel. A cette époque, qu’est-ce que je sais du Japon ? Que sa capitale est Tôkyô, que c’est un archipel lointain, que c’est un peu le « futur » là bas… Mais sinon ? Ben… on ne sait pas grand-chose de ce pays en fait. On en parle très peu en France. Ou alors avec une représentation très… comment dire ? « Con-nichon-ah » ! Bon ok, j’aime beaucoup Taxi 2, mais avec le recul, c’est pas très glorieux. Et me parlez pas de Kill Bill ! (vous regardiez du Tarantino avant 10 ans, vous ?)

C’est même pas comme ça qu’on dit en plus ! C’est こんにちは ! (Ko-n-ni-chi-wa)
Taxi 2 (2000)

Par contre, il y quelque chose que je faisais beaucoup durant mon enfance : c’est jouer à des jeux de football. Et particulièrement Pro Evolution Soccer 4 et 5. Des jeux géniaux dont l’absence de maillots et logos réels étaient le seul point noir. Du moins… Sauf pour le Japon ! (en ce qui concerne les sélections nationales). Les Samurai Blue sont en effet, avec la Corée du Sud, les seuls à avoir leur vrai maillot dans le jeu. Et le genre de détail qui a fait que j’ai joué un grand nombre de fois avec cette équipe, et qu’ainsi j’ai pu me familiariser avec certains noms de joueurs, comme Nakata, Nakamura, Ogasawara, ou encore Santos Alessandro, qui évidemment faisait un peu « intru » au sein de cette équipe et soulevait donc en moi beaucoup de questions.

Des maillots sous licence dans PES 4. Une rareté qui marque à vie

Je pense qu’on tient là le vrai début de mon histoire avec le football japonais. Car à force de jouer des matches contre l’ordinateur avec cette sélection, à force d’entendre les noms de ces joueurs, à force de voir ce beau maillot bleu parfaitement modélisé, il y a un petit lien qui se créer. Et lorsque que commence la Coupe du monde 2006, alors que j’ai 10 ans, eh bien je connais la plupart de ces joueurs, je connais ce maillot, je connais ce pays (plus identifiable que le Ghana ou la Croatie par exemple). Et donc il y a par conséquent un petit souhait de les voir réussir dans ce tournoi. Je me souviens avoir célébré bien plus que la normale l’ouverture du score de Keiji Tamada contre le Brésil. Finalement pour une défaite 4-1 qui a entériné l’élimination au premier tour des Samurai Blue. Je n’en avais pas fait tout un drame, je restais avant tout supporter de la France et de l’Espagne (les deux pays dont j’ai la nationalité), mais j’avais tout de même un peu de peine.

Après ce match contre le Brésil, j’avoue que je perds totalement le contact avec la sélection. Il faut dire qu’à cette époque, il devient facile de suivre les grands championnats européens, mais quasiment impossible pour tout ce qui se passe en dehors du vieux continent. D’autant plus que ce qui faisait la spécificité du Japon (et de la Corée) dans les jeux PES disparait avec Pro Evolution Soccer 6, plusieurs équipes nationales étant désormais licenciées. Ainsi, en dehors des évocations des exploits de Shunsuke Nakamura au Celtic FC, du soyeux Daisuke Matsui au Mans, et des mésaventures de Kôji Nakata à Marseille, je n’ai plus vraiment de lien avec le football japonais ou des joueurs japonais. Bien que je garde une petite sympathie instinctive pour les Samurai Blue alors qu’approche la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud.

Le tournant de Rustenburg

Une équipe que cette fois je connais assez peu, en dehors de Matsui qui joue en France, mais je que vais (ré)apprendre à découvrir au de deux premiers maches intéressants (victoire 1-0 contre le Cameroun, défaite 0-1 contre les Pays-Bas) et envers laquelle je vais tomber amoureux le soir du 24 juin 2010. Déjà qu’il s’agit d’un des matches les plus importants de l’histoire de la sélection, me concernant, il y a clairement un avant et un après ce Japon-Danemark décisif pour la qualification en huitième de finale. Je ne pense pas avoir été le seul ce soir là, mais j’ai été époustouflé par la partie livrée par les hommes de Takeshi Okada.

Pendant 90 minutes, nous avons vu tout ce qui fait le football japonais. Souvent brouillon et naïf en défense, amenant le fait qu’ils se mettent inutilement en danger. Mais avec le ballon, c’est juste magnifique ! Un jeu collectif léché et parfaitement huilé, à base de passes courtes et rapides en une à deux touches, et de courses et d’appels de balle incessants qui font vivre un calvaire à la défense viking. Tout au long de la rencontre, les Samurai Blue éblouissent les spectateurs par leur jeu offensif et spectaculaire, auquel s’ajoute une maitrise insoupçonnée des coups de pied arrêtés, comme en témoignent les deux bijoux inscrits sur coup franc. Avec Shunsuke Nakamura, on savait qu’il y avait un excellent tireur de coup franc au Japon. On se dit désormais qu’ils sont sûrement légion au Pays du Soleil levant. Avec tous les styles de frappes possibles : le tir enveloppé par Yasuhito Endô, et la frappe tendue « Juninhesque » d’un autre joueur…

Yasuhito Endô et sa technique de frappe caractéristique ont montré au monde l’art du coup franc à la japonaise

Un joueur qui assurément ne laisse pas indifférent. Reconnaissable facilement par sa teinture platine et son style affirmé, il est évident que ce joueur détone dans cette équipe, qu’il n’est pas comme les autres. Ce joueur s’appelle Keisuke Honda. Rarement un joueur japonais n’avait livré un tel récital avec le maillot bleu. Récital qui n’aurait pu être mieux illustré que par le troisième but de la partie pour les Japonais : excentré aux vingt mètres, Honda mystifie son défenseur par une talonnade derrière la jambe d’appui. Seul face au gardien, au lieu de tenter le tir piqué et de marquer, il préfère surprendre et en retrait Shinji Okazaki, qui n’a plus qu’à marquer dans le but vide d’un gardien mis à terre par le talent du numéro 18. Classe, élégance, justesse technique, vista, décisif. Keisuke a condensé sa performance XXL d’un soir en une seule action. Orphelin de Fernando Morientes, qui était jusque là mon idole d’enfance, en un soir, en une action, Honda devint mon héros, mon joueur préféré.

Qu’importe que les choses se soient arrêtés prématurément pour ce Japon, éliminé en huitième de finale par le Paraguay aux tirs au but après un match soporifique, à rebours de ce qu’ils avaient montré jusque là. Ce match contre le Danemark reste encore aujourd’hui un des matches les plus marquants que j’ai pu voir. Et plus rien n’a été comme avant. J’étais désormais enthousiaste pour cette sélection japonaise. Je voulais la suivre, l’encourager. Je me reconnaissais dans cette équipe. Elle pratique le football que j’aimais. Elle a des joueurs qui misent sur la technique pour compenser des lacunes physiques sont réelles. Et ça marche ! A une époque où le football français ne jurait (et continue de jurer d’ailleurs) que par les joueurs grands, puissants mais aux pieds carrés, ces footballeurs nippons sont une bouffée d’air frais !

8:09 : le coup de foudre

Le temps de l’enthousiasme

Nous sommes au début des années 2010, et il n’est pas encore simple de suivre une équipe asiatique, continent boudée par les médias français, contrairement à l’Afrique par exemple. Néanmoins, l’essor des plateformes vidéos sur internet me permet de voir quelques images. Notamment cette victoire en amical contre l’Argentine pour la première du nouveau sélectionneur Alberto Zaccheroni. Rapidement la Coupe d’Asie des Nations arrive, en janvier 2011. Je ne sais plus s’il était possible de la voir en France, mais je me souviens la suivre de loin, regardant les résultats sur internet avec une certaine appréhension. Puis voir le Japon progresser difficilement mais rejoindre la finale. Finale que j’ai pu regarder sur Eurosport. Je n’ai donc vu qu’un seul match de cette Coupe d’Asie 2011, mais sans aller jusqu’à autant d’exubérance que pour une victoire de mes équipes de cœur, il y a eu une grande joie au moment où Tadanari Lee donna la victoire face à l’Australie d’une splendide reprise de volée.

La superbe volée de Tadanari Lee offre au Japon sa 4e Coupe d’Asie

J’avais 15 ans, mais j’avais déjà pris conscience de la portée de cette victoire pour le football nippon. C’était la quatrième Coupe d’Asie remportée en moins de 20 ans ! La quatrième en six éditions. Et ce, alors que le Japon n’avait jamais participé avant 1988 ! En seulement quelques années, le Japon est devenu la plus grande nation de football du continent. Avec le temps, en m’intéressant d’avantage à l’histoire de ce pays, et de son football, je me suis mis à établir un parallèle : celui entre son histoire au XIXe siècle et son football. J’ai commencé à un voir plusieurs points communs. On est en effet passé d’un pays technologiquement arriéré et au système féodal (jusqu’aux années 90, le football était essentiellement amateur au Japon, et le niveau était très faible), à un pays devenu en quelques années la première puissance économique et industrielle de l’Asie (en 20 ans, le Japon a acquis le plus beau palmarès en Asie et son championnat est le plus puissant du continent) grâce à l’import intelligent du savoir faire étranger (référence aux nombreux Brésiliens venus dans les années 80, puis les grandes stars dans les années 90, et enfin des techniciens étrangers comme Arsène Wenger ou Philippe Troussier).

Durant cette période, nous étions en train d’assister à l’émergence d’une future grande nation du football. J’en étais persuadé ! Les résultats sous Zaccheroni me confortait dans cette idée, avec cette victoire 1-0 en France en 2012, ou ces deux matches spectaculaires contre les Pays-Bas en amical (2-2) ou l’Italie en Coupe des Confédérations 2013 (défaite 3-4). Je sais d’ailleurs que ce match là a marqué tous ceux qui l’ont vu dans la qualité du jeu proposée par les Samurai Blue fut élevée ce soir là. Pour ma part, bien que j’en étais déjà convaincu, ce match a complétement entériné que Japon était synonyme de « beau jeu ». Et je repense avec nostalgie à cette période, où ce Japon entrainé par Alberto Zaccheroni était l’une des sélections les plus spectaculaires du monde. Il y avait du talent à tous les postes et chacun semblait être un bon rouage dans une mécanique complète et harmonieuse : Kawashima ; Uchida ; Yoshida ; Nagatomo ; Hasebe ; Yamaguchi, Endô, Hosogai, Kiyotake, Okazaki, Kagawa, et bien sûr Keisuke Honda. Il y en a encore d’autres, mais tous ces joueurs étaient titulaires dans leurs clubs, même si ce n’étaient pas les plus grands, et étaient tous considérés comme extrêmement fiables et utiles.

Eiji Kawashima (1) ; Maya Yoshida (22) ; Riyôichi Maeda (18) ; Yasuyuki Konno (15) ; Keisuke Honda (4) ; Shinji Kagawa (10)
Makoto Hasebe (17) ; Atsuto Uchida (6) ; Shinji Okazaki (9) ; Yasuhito Endô (7) ; Yûto Nagatomo (5)
On parle beaucoup de la génération des années 2020, mais elle a je pense beaucoup à faire dépasser cette équipe là !

Supporter, c’est souffrir

Par ailleurs, c’est au cours de cette période, où j’étais au lycée, que je consommais de l’animation japonaise en grande quantité. Donc il était certain que j’allais avoir un petit tropisme en faveur de la sélection. On arrive à la Coupe du monde 2014 et je commande mon premier maillot des Samurai Blue. Floqué Honda, évidemment (maillot que j’ai encore aujourd’hui d’ailleurs, même si le flocage a disparu). Sans ambitionner la victoire finale, j’étais persuadé que le Japon pouvait atteindre les quarts de finale, ce qui aurait été la continuation logique de sa progression jusqu’ici quasi continue. D’autant plus qu’il est placé dans un groupe à priori homogène mais à sa portée. Je me souviens que le premier match contre la Côte d’Ivoire était joué à 3h du matin heure française. Je l’avais donc enregistré pour pouvoir le regarder le lendemain matin à la première heure, en prenant garde à ne pas me gâcher le résultat. Je ne savais pas ce que j’allais voir. Autant dire que je suis tombé de haut.

Le Japon fait un bon match, domine, mène au score grâce à un but superbe de Keisuke Honda (évidemment). Mais en milieu de seconde période, il prend deux buts quasi coup sur coup et finit par s’incliner 1-2. Encore aujourd’hui, quand je regarde ce match, je n’arrive pas à comprendre comment les Samurai Blue ont pu perdre cette rencontre. Le football est ainsi fait. Mais il est certain que cette défaite inattendue a été un coup de massue fatal à cette équipe en pleine confiance. Car s’en suivra une prestation indigente contre une Grèce pourtant réduite à 10 dès la 20e minute. Score final 0-0 et voilà les hommes de Zaccheroni condamnés à devoir battre une Colombie épatante depuis le début du tournoi. Sans faire un mauvais match, le Japon subit la fureur d’un James Rodríguez de gala et encaisse un sévère 1-4, actant son élimination dès le premier tour de ce Mondial. Je continuerai toujours de maintenir que c’est extrêmement cruel, voire injuste. Cela n’aurait pas dû se terminer comme ça pour Zaccheroni, qu’évidemment, la fédération licenciera sur le champ.

Et je pense encore aujourd’hui que c’était une erreur. L’Italien avait encore beaucoup à apporter. Et vont se suivre plusieurs années difficiles. D’abord avec une véritable erreur de casting que fut le Mexicain Javier Aguirre qui fut rapidement remercié après une élimination dès les quarts de finale de la Coupe d’Asie 2015. Puis ce fut Vahid Halilhodžić qui fut nommé, bien connu en France. Et malheureusement pour le Japon, Vahid a fait du Vahid. Des rapports tendus avec la presse et ses joueurs, un jeu stéréotypé où l’accent est mis sur la défense et l’intensité physique… Des intentions qui vont à rebours de tout ce qui avait été entrepris depuis des années, et surtout, qui semblent en totale contradiction avec le profil des joueurs japonais.

C’était prévisible. Mais l’expérience Vahid avec le Japon fut un échec cuisant !

C’est à cette époque que j’ai commencé à pouvoir suivre les matches du Japon en direct. Et quand on avait pu voir ce que pouvait faire celui de Zaccheroni, la comparaison fait mal. La qualité de jeu est catastrophique, et les résultats deviennent inquiétants (0-0 contre Singapour par exemple !). Quand bien même la qualification pour le mondial 2018 fut arrachée, elle le fut malgré le fait que Coach Vahid faisait de moins en moins confiance à Shinji Kagawa, et surtout Keisuke Honda ! Je pense que le blondinet n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir en club. Indéniablement, le marasme qu’était le Milan des années 2010 l’a tué sur ce point.

Mais en sélection, on ne peut que constater qu’il a toujours répondu présent comme le leader technique de l’équipe, et a été décisif de trop nombreuses fois pour les énumérer. Difficile de comprendre alors pourquoi Vahid voulait se passer de lui. C’est ce qui coutera son poste au Bosnien. Devant la colère des sponsors, qui craignaient l’absence de la grande star et égérie commerciale, la fédération décide à la surprise générale de licencier Vahid. Personnellement, j’étais soulagé. Car même si Vahid se montrera très amer dans les médias français (suscitant l’incompréhension des fans de foot hexagonaux), j’étais persuadé qu’avec lui, le Japon courrait à sa perte lors du Mondial russe. Cela dit, changer de coach à un mois du mondial n’était guerre rassurant, et chez moi, le pessimisme régnait, étant persuadé que le Japon serait à nouveau éliminé au premier tour, avec trois défaites cette fois.

L’amour du yoyo

Sauf que le Mondial 2018 a été une parfaite synthèse de ce que c’est qu’être supporter de la sélection japonaise ? Ou même supporter tout court tient ? Car entre cette victoire inattendue contre la Colombie, ce match nul arraché au forceps contre le Sénégal, et cette rencontre scandaleuse contre la Pologne, on est déjà passé par beaucoup d’émotions. Y compris la honte, sentiment rare tout de même quand on regarde du football. Mais cette dernière rencontre, où pendant le dernier quart d’heure, Japonais et Polonais ont livré un remake de RFA-Autriche 82, la défaite 0-1 permettant la qualification des Nippons au bénéfice des cartons jaunes (!!!), il y avait pas de quoi être fier.

Bordel ! Si seulement Philippe Albert de ne l’avait pas dit… Me revoilà en larmes !

Inutile de dire que malgré cette qualification en huitièmes inattendue mais bienvenue, le pessimisme régnait à nouveau chez moi, et je n’attendais pas grand-chose de cette rencontre contre la Belgique. Evidemment, tout le monde sait ce qu’il sait passé. Un des matches qui font la légende de la Coupe du monde. Il serait trop long de raconter tout ce que j’ai ressenti ce soir là (déjà que c’est un roman que je suis en train d’écrire !), mais après des larmes de tristesse qui ont coulé, et croyez moi, qui furent on ne peut plus spontanées et sincères, ce fut le sentiment de fierté qui m’animait. J’étais fier de me sentir supporter du Japon. Car cette équipe que je soutien, même dans la défaite, aura malgré tout à terme réussi à donner une bonne image d’elle et de son football au jeu collectif léché que l’on a retrouvé.

En un sens, je pense que c’est ça être supporter du Japon. Et pour ça que j’ai fini avec le temps par aimer profondément cette sélection. Avec elle, on peut passer par toutes les émotions. Et c’est ce que j’aime dans le football. Je l’ai encore vécu en 2022 avec l’extase de la victoire contre l’Allemagne, la colère après l’inadmissible défaite contre le Costa Rica, la frustration avec l’élimination contre la Croatie, et l’amertume vis-à-vis de celui qui entraine cette équipe depuis 2018. Encore une fois, j’aime cette sélection du Japon. Au point que désormais, systématiquement quand je le peux, je suis les rencontres en direct. Au point où, contre l’Espagne, bien que mon souhait de départ était la qualification des deux équipes (ce qui s’est produit), j’ai plus heureux de voir le Japon passer que de voir les deux équipes se qualifier. Et si aujourd’hui, je critique énormément Hajime Moriyasu, l’actuel sélectionneur, c’est parce que je pense que le potentiel de cette sélection est réel mais sous-exploité. Qu’importe ce que je pense cela dit, car je suis certain maintenant que quoiqu’il arrive, les émotions seront là.

Le « Beau jeu » à la japonaise

Trouver son identité de fan de foot

Aussi étonnant que cela puisse paraître, je ne me suis jamais considéré comme « fan de mangas », ou « fan d’anime », ou de « passionné du Japon ». Cela peut sembler paradoxale vu comment je peux parfois être dithyrambique dès que je converse au sujet de ce pays. En fait, ce n’est pas sa culture populaire ou sa culture ancestrale qui m’attire. C’est pas que ça ne m’intéresse pas, mais j’ai jamais songé à en faire une priorité. En revanche, je pense que c’est ce lien que j’ai développé avec le football nippon, en particulier sa sélection, qui m’a attiré vers ce pays.

Néanmoins, au départ, je n’avais pas pour intention de partir vivre au Japon. Seulement de le visiter. Le frisson de me rendre à l’autre bout de la Terre sans doute. De découvrir quelque chose de très différent de ce que je connais (ça l’est. Croyez-moi, sur bien des aspects, ça l’est). Mais lorsque j’ai ce sentiment, on est en 2014. Je viens d’entrer à Sciences Po Bordeaux, école dans laquelle je resterais quatre ans, dont une année à Turin, en Italie. Et il y avait une chose que j’avais envie de faire : apprendre la langue japonaise. Cela était motivé par mon envie de voyage et de profiter un maximum une fois sur place. Il y avait bien des cours du soir de Japonais sur le campus universitaire bordelais. Cependant, en raison d’un emploi du temps qui ne concordait jamais, je n’ai jamais pu aller à un seul de ces cours.

Une frustration a commencer à naitre en moi. D’autant que j’avais commencé suivre des vidéastes français basés au Japon faisant rêver avec leur vidéos présentant les paysages paisibles de l’archipel, ou bien les travers de sa société (sujet passionnant, car tout n’est pas rose dans ce pays). Ce côté inaccessible, paradoxalement, m’attirait de plus en plus. Ces gens étaient la preuve qu’il était possible d’apprendre le Japonais, d’aller au Japon. Pourquoi même d’y vivre, qui sait ?

C’est en 2018, lors de ma dernière année à Sciences Po, que j’ai découvert la chaine YouTube de Julien Fontanier, un professeur de langue japonaise offrant des cours gratuitement sur la plateforme vidéo. Bien vulgarisés et construits, ces cours sont parfaits pour débuter. J’ai donc commencé à apprendre un peu le japonais par ce biais. Et j’y ai pris goût. Ainsi, lorsque je quittais Sciences Po en juillet 2018, je me suis dis qu’il était temps de réaliser ce souhait que j’avais depuis longtemps : apprendre le Japonais de façon sérieuse et concrète.

C’est pour cette raison que je me suis inscrit en Licence de Japonais à l’Université de Toulouse avec pour objectif de devenir professeur de français langue étrangère. A ce stade, je ne pense pas encore à vivre au Japon. Mais il est désormais certain que j’irai un jour. A Toulouse, malgré l’ennui de certains cours, la difficile période de pandémie ou autres difficultés, j’ai rencontré des gens formidables, devenus de grands amis. Amis dont certains vivent depuis quelques temps au Japon. En raison de la Pandémie, et d’une longue période de fermeture des frontières, mon premier voyage là-bas a longtemps été retardé. Jusqu’à février 2023, où pour réaliser un stage en lien avec mes études, j’ai enfin l’occasion de me rendre sur l’archipel.

Tout devient alors évident. Je veux vivre ici. Non seulement parce que la qualité de vie y est bonne et parce que je pense que je pourrais m’intégrer à cette société, mais aussi parce que j’ai fini par concrétiser ce lien avec le football nippon que j’avais commencé à tisser. Ce lien était jusque là essentiellement tissé avec la sélection nationale. Sur place, j’ai découvert la culture du stade, la culture supporter, la culture football. Et je me sentais dans mon élément. Comme je l’ai plusieurs fois dit :

« Aller au stade est une drogue. Et celle du Japon est aussi douce qu’addictive. »

Ainsi en a résulté les quelques articles que vous avez pu lire sur ce site. Sur le Derby d’Ôsaka, sur la guerre culinaire livrée à Matsumoto, et bien sûr sur la série sur le football dans la ville de Sendai. Je ne sais comment remercier Pinte 2 Foot de m’avoir permis d’écrire sur ces sujets qui me passionnent. J’ai bien l’intention de continuer à documenter cette culture foot très différente de la notre, mais d’une incroyable richesse et au sein de laquelle je me sens si bien. Et si je ne sais ce qu’il en sera de ma vie personnelle ou professionnelle dans ce futur désormais nippon, je sais que j’aurai toujours ce but qui est de faire découvrir à quelques curieux la richesse de ce football amené à devenir grand.

Vivement qu’on découvre ça tous ensemble !

Xixon

Même un Bordelais peut préférer la bière. Puxa Xixón, puxa Asturies, puta Oviedo ! 俺は日本サッカーサポーター ! (Rien à voir avec le judo) 

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23 réflexions sur « Un amour foot au Soleil levant »

  1. A juger de ce que j’en vois tous les quatre ans, c’est vrai que le Japon s’est doté d’une culture-jeu vraiment sympa.

    Vu qu’ils semblent plafonner un peu, j’espère qu’ils ne se renieront pas. Les déceptions tendent souvent à rendre plus calculateurs, à voir..

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  2. Merci pour cet article personnel Xixon ! J’imagine que ta peine était égale à ma joie en cette soirée de juillet 2018 à Rostov. Mais quel plaisir le jeu de la sélection nippone ce jour la. Dans ses bons jours elle peut offrir les plus belles séquences de jeu collectif du football. Cette collectivité est aussi remarquée en ovalie avec les Brave Blossoms qui ont offerts au rugby certains de ses plus beaux essais collectifs. Niveau club japonais je suis supporter des Yokohama F Marinos grâce à Shunsuke Nakamura et leur maillot trône fièrement dans un cadre au mur de ma collection. Je te souhaite bon vent et tout le meilleur la bas !

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  3. Bon voyage camarade.

    Tiens une anecdote sur le premier japonais en Argentine: Naohiro Takahara.
    Prêté par son club à Boca en fin de saison 2001 pour une opération marketing. Boca vient de remporter la Libertadores 2001 et s’assure d’un deuxième voyage à Tokyo pour l’Intercontinental. Forcément, le businessman Macri – qui ambitionne de faire de Boca un club-monde et a déjà bien remodelé le club en entreprise , se dit qu’il faut un produit d’appel pour s’ouvrir le marché… Donc ça tombe sur ce pauvre Takahara. Bianchi le fait un peu jouer avant et tout le monde le trouve naze. Au point que Bianchi s’en fout total de ce joueur et le prend même pas pour voyager à Tokyo, même pas le mettre sur le banc et un beau bras d’honneur à Macri avec lequel la relation était tumultueuse.

    Bref, au final je sais l’impact de tout ça, mais parait que Boca a une fan base au Japon, vrai ou pas ?

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    1. Bonne chance chez samourais blues Xixon.

      Khia, je fais un peu chou blanc sur cette histoire de Jairzinho en AfSud. Il n’y a presque rien sur le sujet ici, et je n’arrive pas à entrer en contact avec lui pour l’instant. Mais je reste sur le coup.

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      1. Salut Cebo. Si tu ramenais des infos de Jairzinho même, tu serais le Phénix des hôtes de ces bois….

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  4. Il faut avoir un certain courage pour se livrer ainsi. En plus, on ne sent pas un égo surdimensionné et un besoin incessant de tout ramener à soi. Bravo. Bonne chance dans cette aventure. Il est important de suivre ses rêves, de peur également d’être frustré plus tard. Peut-être que cette nouvelle vie vous fera apprécier le football féminin, étant donné que l’équipe nationale japonaise féminine a pratiqué un jeu merveilleux à la coupe du monde 2023 et n’a été éliminée aux JO que par un but très tardif d’une joueuse appartenant au trio Triple Espresso. Il y a dans cette équipe japonaise une joueuse qui est un régal à voir jouer. Elle voit tout avant tout le monde et joue juste. Elle marque et fait des passes décisives. Une sorte de Giresse et Griezmann du foot féminin. Elle s’appelle Mina Tanaka.

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  5. D’un exilé volontaire à l’autre, je salue cet article aussi posé que sincère et la démarche qui te pousse à chercher l’ailleurs. Certains de mes ex-collègues de Renault ont franchi le pas eux aussi au moment de l’alliance avec Nissan à la fin des années 90. Beaucoup sont vite revenus, un certain nombre (dont un excellent ingé qui avait débuté le même jour que moi dans le même service) y sont restés 15 à 20 ans, une poignée a choisi de ne pas revenir. Tous m’ont parlé d’une culture qui, quoi qu’on puisse en penser, ne laisse pas indifférent. Respect!

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  6. Bonne arrivée, ami Xixon !
    Quelle aventure dans laquelle tu t’embarques, tout le meilleur en tout cas !
    Figure-toi que j’ai envisagé de faire prof de FLE en Asie, mais les projets professionnels ont finalement changé… Puisses-tu être plus assidu que moi !
    Le Japon est un pays fantastique mais étrange à la fois, as-tu des amis sur place ? Ce n’est pas toujours facile de s’intégrer apparemment…
    En tout cas, continue de nous narrer le foot japonais comme tu le fais si bien.
    Seras-tu au stade pour le match contre l’Australie ?

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    1. J’ai beaucoup de chance : je vais dans un pays que je connais déjà, dont je parle un peu la langue, et surtout, j’ai déjà mes meilleurs amis sur place. Donc je ne souffrirai pas de solitude ^^

      Pour le match, j’aurais bien aimé, mais j’aurai déjà quitté Tokyo. Avec 2 copains, on a loué une voiture, et on va se faire un petit road trip de 3 semaines sur Honshū 😀

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  7. Au Japon, j’aime beaucoup l’ambiance dans les stades, avec les grands drapeaux en virage qui se lèvent quand l’équipe marque. Ca a l’air vraiment sympa à vivre comme expérience.
    Le reste de mes connaissances footballistiques sur le Japon se résument à un an dans Football Manager, au FC Tokyo puis au Montedio Yamagata.

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    1. Pour avoir vécu le premier match du Japon dans un Mondial, au Stadium face à l’Argentine, je peux te confirmer que c’est très sympa. Toute la tribune était japonaise. Chants, écharpes, enthousiasme, franchement mon meilleur souvenir de supporteurs pendant la compétition. Ils avaient également nettoyé la totalité du virage. Pas rancuniers quand tu sais le prix exorbitant que certains avaient payé au marché noir.

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