Quatrième partie : 20-11
20. Ladislas Smid « Siklo » Milieu de terrain, 1934-1950
De passage à 19 ans dans le Nord pour une tournée de matches amicaux avec son équipe hongroise de l’Attila Miskolc dans laquelle il joue demi-droit, il n’en partira plus, acheté par Lens pour quelques milliers de francs. Siklo c’est une figure majeure du club dans l’entre-deux-guerres. Il connaît les débuts du professionnalisme au club (à partir de 1934), et contribue à développer le football et faire progresser le club vers les sommets et la première division. Champion de France de deuxième division en 1937, un championnat que Lens survole littéralement et qu’il remporte haut la main. Dans le sillage de Stanis et Siklo, au sein d’une équipe composée de joueurs issus de la classe ouvrière et minière et d’ouvriers immigrés, tels les futurs internationaux français Ignace Kowalczyk (né en Allemagne de parents polonais mineurs) ; Edmond Novicki (né en Pologne et arrivé pour travailler à la mine), Raymond François (au club depuis les années 1920 et première grande vedette de la période amateure). François et Novicki seront les deux premiers Lensois à honorer une sélection en équipe de France le 8 mars 1936 pour un match France-Belgique (3-0).
Les années 1930 sont un âge d’or pour le football régional, marqué par le passage au professionnalisme, et l’arrivée d’une forte présence de joueurs d’origine étrangère, participant pleinement à l’identité du club, outre Stanis et Siklo,les Autrichiens Tony Marek et Viktor Spechtl. Champion de France avec l’équipe de Lens-Artois sous l’Occupation et le régime de Vichy, Siklo, naturalisé Français en 1939, devient international français pour les premiers matchs d’après-guerre avec quatre sélections en 1945.Signe de sa longévité au club, Siklo fait encore partie de l’équipe finaliste de la Coupe de France 1948 où il est aligné avec son compère Marcel Ourdouillié (au club de 1938 à 1950) et avec qui il a passé la majeure partie de ses années lensoises au milieu de terrain, et avec lequel il partage également une rencontre en équipe de France. Le Franco-Hongrois est donc un pilier de Lens avec au moins plus de 300 matchs (statistiques non officielles), l’une des grandes figures des débuts du professionnalisme malgré une carrière tronquée par la Seconde Guerre mondiale.
19. Eugeniusz Faber Attaquant, 1971-75
L’un des grands hommes du renouveau lensois dans les années 1970, si ce n’est l’homme du renouveau tout simplement. À l’annonce de sa mort en 2021, son ancien coéquipier Farès Bousdira lui rend hommage dans La Voix du Nord : « Eugeniusz, et je pèse mes mots, a révolutionné le football à Lens. Il savait tout faire, même sur les terrains en terre battue où on s’entraînait à l’époque. Si Lens a pu revoir le professionnalisme et le haut niveau, c’est grâce à lui et à des joueurs comme Ryszard Gregorczyk, son compère polonais… Il savait tout faire, il partait à 200 kilomètres à l’heure, centrait parfaitement… Il a ressuscité le foot à Lens. » International polonais (36 sélections, 11 buts), Faber est recruté alors que le club évolue en D2. Champion de Pologne avec le Ruch Chorzow à deux reprises dans les années 1960, ses plus belles années sont derrière lui. Lens est mal en point depuis sa descente en D2, le retrait des Houillères en pleine crise et endettée l’a fait plonger financièrement et a entraîné la perte de son statut professionnel. Une époque de crises pour le bassin minier. Pourtant, Faber, ancien mineur en Pologne avant de commencer sa carrière de footballeur, débarque pour rallumer la lumière.
Petit attaquant, très talentueux, doté d’une bonne vitesse et d’une aisance technique hors-pair et d’un certain talent pour les dribbles, il redonne des couleurs aux Lensois dès sa première saison qui se ponctuera par une demi-finale de Coupe de France, éliminé par Bastia, malgré un très bon Faber au retour à Bollaert. Mais le club n’obtient pas son ticket pour la D1, finissant une nouvelle fois troisième de son groupe. C’est lors de la saison suivante que Lens remonte, champion de D2 avec un Faber qui finit meilleur buteur de D2 avec 21 buts. Son dernier coup d’éclat est la Coupe de France 1975 où, pour sa dernière saison, l’équipe atteint la finale. Face au grand Sainté, Lens et Faber s’inclinent 2-0. Après sa carrière (53 buts en 130 matchs avec le RCL), Faber resta définitivement dans la région, et reste toujours très proche de Joachim Marx et Arnold Sowinski. Il meurt à Liévin en 2021.
18. Jean-Marie Elie Milieu de terrain, 1967-1978
Arrivé à 15 ans à Lens au centre de formation, il débute très tôt à 17 ans en première division, mais le club descend en deuxième division. Mal en point financièrement, le club vend ses meilleurs joueurs. En 1969, les Houillères mettent un terme à leur soutien financier au club qui aura duré près de 40 ans. C’est un tournant dans l’histoire du club. Le RC Lens perd son statut professionnel et doit repartir au niveau amateur, il évolue donc en CFA lors de la saison 1969-1970, sauvé par son président Henri Tranin, le maire socialiste André Delelis, et l’historique Arnold Sowinski. Un trio qui remettra le club rapidement sur de bons rails après la fin du patronage de la Compagnie des Mines. Ce changement est inéluctable, l’industrie et la communauté minières sont frappées par les crises successives. L’effacement et la chute des structures d’encadrement de la communauté minière et de ses institutions, participent à un changement de l’image du club au fil des ans, de l’identité minière et ouvrière à une image plus régionaliste et populaire, sous l’impulsion du Parti Socialiste qui a supplanté le Parti communiste.
Durant ces saisons en D2, Elie s’est imposé au milieu de terrain lensois, comme un joueur habile, doté d’une bonne technique et vision de jeu et disposant d’une belle frappe de loin. Trois saisons plus tard, le club emmené par Faber retrouve la D1 après un titre de champion de D2. Elie forme un trio magique avec Leclercq et Bousdira clé de voûte de succès retrouvés pour le RC Lens, finale de la Coupe de France, seconde place en championnat, retour dans les compétitions européennes. Fidèle au club, Elie a tout connu avec Lens, de l’amateurisme à la finale de Coupe de France. Mais il termine sa carrière lensoise sur un nouveau coup dur et la descente en D2 à l’issue de la saison 1977-1978. Après 323 matches disputés (61 buts) avec le RC Lens, il s’engage avec Saint-Étienne.
17. François Brisson Attaquant, 1981-1985
François Brisson est recruté par Lens qui l’achète au Paris SG. Utilisé comme ailier gauche, ce très bon dribbleur, toujours prompt à déborder avec des centres précis et dangereux, fut un joueur remarquable de la première partie des années 1980 avec le maillot du RC Lens. Si sa première saison est celle de l’adaptation, dans l’ensemble correcte mais sans plus, on ne le verra être que peu décisif avec Lens qui joue le maintien. Par contre, les trois suivantes sous les ordres de Gérard Houllier, il s’épanouit aux côtés de Philippe Vercruysse et Daniel Xuereb, internationaux français, avec en point d’orgue la belle saison en 1983. Élément majeur et titulaire indiscutable durant ses trois saisons où il inscrit consécutivement au moins 10 buts en championnat, dont 17 lors de la saison 1983-1984 (meilleur buteur du club cette saison). Brisson sera sélectionné à deux reprises sous le maillot lensois. Il est aussi champion olympique 1984, tout comme ses coéquipiers Daniel Xuereb et Didier Sénac, il est l’auteur de l’ouverture du score en finale face au Brésil au Rose Bowl de Pasadena, François Brisson reviendra à Lens en tant qu’entraîneur-adjoint de Daniel Leclercq, puis sera nommé comme entraîneur principal suite à l’éviction du Druide lors de la saison 1999-2000 et emmènera le club jusqu’en demi-finale de C3.
16. Farès Bousdira Milieu offensif, 1971-1978
Le milieu de terrain né en Algérie, devient le premier Algérien à jouer pour l’Équipe de France après l’indépendance de l’ancienne colonie. Arrivée dans le Nord à Arras, peu de temps après que sa famille a quitté l’Algérie indépendante, il débute au RC Lens. Meneur de jeu à la grande qualité technique, mais aussi avec beaucoup d’énergie et d’endurance, Bousdira est un joueur majeur de la décennie 1970. Il éclot en D2, avec Elie au milieu de terrain, et réalise une très bonne saison pour la remontée du club en D1 dont il fut un grand artisan. Il brille dans un milieu composé d’Elie et de Leclercq, se révélant aussi buteur avec 13 buts lors de sa première saison en D1. L’année suivante, le club dispute sa deuxième finale de Coupe de France de son histoire après 1948, se soldant une nouvelle fois par une défaite. En championnat, son meilleur résultat est la deuxième place acquise en 1976-1977 à la surprise générale. Bousdira éclabousse de son talent la saison avec 13 buts en 36 matchs de D1. Il disputera ensuite l’Europe (auteur du troisième but dans le match mythique contre la Lazio Rome) et connaît la descente à l’issue de la saison 1977-1978. Comme plusieurs de ses coéquipiers, il quitte alors le RC Lens avec un total de 203 matchs et 53 buts toutes compétitions confondues. Bousdira sera convoqué en 1976 pour sa seule sélection, un France-Pologne à Bollaert. Il n’a jamais su s’imposer à un plus haut niveau à cause de performances irrégulières.
15. Xercès Louis Milieu central, 1949-1957
Une partie d’une tribune a son nom au Stade Bollaert (la partie haute au-dessus du Kop Marek), après son décès dans un accident de voiture en 1978. Né en Martinique, il est le premier Antillais sélectionné en équipe de France. Il revêtira douze fois le maillot bleu durant sa période lensoise, avec une participation au Mondial 1954. Il jouera aux côtés des grands noms du football français de cette époque, honorera sa première sélection contre la RFA alors championne du Monde en titre et une victoire des Bleus 3-1 à Hanovre. Il sera remarqué par les observateurs du football espagnol après une victoire historique 2-1 en terre espagnole, la presse lui attribuant le surnom El Negro Volante après avoir été élu homme du match. Très vite adopté par le public lensois, c’est un joueur incontournable au club et indispensable au milieu où il est aligné comme demi (aussi capable de jouer en défense centrale). Il brille de par ses qualités athlétiques et individuelles. Infatigable et élégant, Xercès Louis cumule aux environs de 280 matchs, fut un patron du milieu lensois et capitaine du club, à une période dorée pour Lens qui est collectivement l’une des meilleures équipes françaises au milieu des années 1950, trois fois consécutivement sur le podium : troisième en 1955, deux fois deuxième en 1956 et 1957, mais n’arrivant pas à remporter un titre ou une coupe nationale.
14. Bernard Placzek Défenseur, 1957-1969
Bernard Placzek rejoint Lens après avoir commencé sa carrière en senior à Calais. Le défenseur originaire du bassin minier y reste 12 saisons, lui permettant d’avoir disputé plus de 400 matchs sous le maillot Sang et Or (477 soit le second total le plus élevé – dont 377 matchs de D1). Vainqueur des trois coupes Charles Drago du club : 1959, 1960 et 1965 (un record partagé avec ses coéquipiers Oudjani et Deloffre). Placzek est un monument du club. Fer de lance de la défense lensoise durant toute la décennie 1960, où se succéderont à ses côtés Bieganski, Guy Sénac, Louis Polonia ou Robert Budzynski, Placzek n’était pourtant pas le plus grand des défenseurs par la taille, c’était un petit gabarit. Il était surtout remarqué par son visage marqué sur le côté gauche, avec un œil atrophié et une cicatrice, après un accident. Placzek pouvait coller la frousse à ses adversaires. Joueur de devoir, pouvant évoluer au poste de demi défensif ou d’arrière, le capitaine lensois était un défenseur hargneux qui ne lâchait rien sur le terrain.
13. Frédéric Déhu Milieu défensif/défenseur central, 1991-1999
Avant de vivre ses plus belles heures, le RC Lens s’est construit patiemment dans les années 1990, notamment en s’appuyant sur une poignée de joueurs formés au club ou fidèles au club. Des joueurs qui ont connu la deuxième division ou le retour hésitant en première division avant le sacre de 1998, qui ont progressé au fil des saisons, accumulées les places européennes avant le titre de 1998 qui récompensa la plupart de ce groupe d’amis qui attendait son année de gloire. Frédéric Déhu fait partie de ces hommes-là, lui qui a traversé les années 1990 sous le maillot lensois. Né en région parisienne, il est formé à Lens, à un moment où le club prospecte au-delà de son vivier du bassin minier et de sa traditionnelle zone d’influence. Lens est reconnu pour former des jeunes et attirent les jeunes pousses. Déhu est un milieu de terrain défensif, il débute en seconde division avec quelques minutes de jeu en 1991. Puis le club remonte en D1, il effectue deux saisons d’apprentissage en grattant de plus en plus de temps de jeu, avant de faire sa place dans le onze lensois. Il devient progressivement une valeur sûre à son poste et du football français, se frottant aux meilleures équipes d’un championnat de top niveau européen au mitan des années 1990 et jouant ses premiers matchs européens. Il sera un élément de base et incontournable de l’équipe de 1993 à 1999.
Déhu est la courroie de transmission, la plaque tournante de l’équipe lensoise. « Libéro » entre milieu et défense, il règne dans cet espace entre les lignes. Déhu n’hésite pas à se porter sur les attaques, inscrivant une vingtaine de buts sous le maillot lensois très souvent dans le jeu (21 buts en 281 matchs officiels). Le grand Fred est un joueur adroit, avec un jeu long précis, ou ses passes précises pour créer des espaces dans le jeu lensois. Ses qualités de placement et d’anticipation lui serviront aussi pour jouer comme défenseur central, poste auquel il effectuera sa deuxième partie de carrière en tant que stoppeur au Paris SG et à l’Olympique de Marseille. Le maître du milieu lensois a connu les grands succès du RC Lens avec le titre de 1998, avec une très grande saison de sa part ; puis la victoire en Coupe de la Ligue, moment particulier pour Fred, car ce soir-là – capitaine après le départ de Wallemme – il devient le premier lensois à soulever un trophée national. Il efface ainsi à moitié l’échec en Coupe de France la saison précédente et ce doublé qui tendait les bras au RC Lens. Déhu découvre ensuite la Ligue des Champions, avec quelques prestations remarquables comme celle à Wembley contre Arsenal, où il règne sur la pelouse londonienne. Ses succès lensois lui permettent d’obtenir ses premières sélections avec l’équipe de France, mais la concurrence est très élevée à cette époque. Il signe au FC Barcelone de Louis Van Gaal pour passer un palier supplémentaire et se rapprocher du gotha européen. Même s’il a les qualités pour s’y imposer, il joue peu et ne reste qu’une saison, avant de revenir en France ouvrir un second chapitre de sa carrière comme défenseur central.
12. Anton « Tony » Marek Défenseur, 1934-1940 puis 1941-1945
Si vous ne verrez pas de joueur lensois porter le numéro 12, c’est que le club Sang et Or l’a retiré pour rendre hommage à son « douzième homme » : ses fervents et fidèles supporteurs. Le public lensois est reconnu, partout en France et au-delà même des frontières, pour être l’une des plus chaudes et belles ambiances du football français. Alors en guise d’hommage « au meilleur public de France » comme plusieurs médias l’ont proclamé, place à celui qui a donné son nom à l’une des tribunes les plus respectées de France, celle du kop, Anton Marek. Avant Vairelles, un autre Tony s’est forgé une réputation à Lens. Anton Marek était un footballeur autrichien, officiellement défenseur, bien que plusieurs sources de l’époque attestent qu’à un moment ou l’autre il a joué quasiment à tous les postes sur le terrain. Son passage à Lens s’effectue en deux temps, entrecoupé par la Seconde Guerre mondiale. Le premier durant les débuts du professionnalisme qui permet au club artésien de signer plusieurs recrues étrangères, le Hongrois Siklo ou son compatriote Viktor Spechtl. Ces recrues aident le club lensois à gravir les échelons du foot français en compagnie des joueurs-mineurs immigrés. Tony fait partie de l’équipe qui est sacrée championne de France de D2 et permet au club d’accéder pour la première fois à la première division en 1937. Mais la guerre stoppe l’ascension du club de Lens. Marek passe en zone libre et joue pour Toulouse, avant de revenir dans le Nord. Après une saison à jouer pour l’éphémère équipe fédérale Lens-Artois, il reprend du service dans l’équipe lensoise relancée après-guerre comme entraîneur-joueur. Il reviendra comme entraîneur à Lens, où il hissera le club lensois à une seconde place en 1956. Et donc par la suite, le club lensois donnera son nom à une tribune du Stade Félix-Bollaert.
Le stade a été construit par la puissante Compagnie des Mines de Lens, qui était le premier employeur de la ville et des alentours à l’époque. Sur un de ses terrains, elle décide de construire un stade pour asseoir son rayonnement sur la ville et le territoire, ainsi que pour servir ses ambitions d’encadrement de la vie sociale des mineurs par un intérêt grandissant pour le football et son club (le RC Lens, créé en 1906, n’a pas été fondé par la compagnie minière). La construction du stade commence au début des années 1930. La Compagnie affecte 180 mineurs à sa construction. Le stade des Mines, de forme ovale, est inauguré en 1933. Le RC Lens en devient le résident après que la Société des Mines a pris le contrôle du club en 1934 au profit de la Municipalité pour en devenir « l’équipe de la Compagnie ». Le stade, d’une capacité d’environ 7 000 places, est vite renommé Félix Bollaert en 1936, nom du dirigeant de la Compagnie des Mines, suite à son décès. Après-guerre, l’enceinte se modernise dans les années 1950 et devient une place forte du foot français en même temps que la réputation de son public de mineurs grandit.
Au retrait des Houillères, en plein cataclysme économique et social pour toute une région, le stade tombe en désuétude. Sans le sou, la Compagnie délaisse son stade qui tombe en lambeaux. La municipalité le rachète pour un franc symbolique en 1974, signe de la reprise en main du club par les pouvoirs publics sous l’impulsion de l’édile socialiste André Delelis (qui verra son nom accolé plus tard).
Dans les années 1970, des supporteurs se rassemblent en tribune latérale plutôt qu’en virage, donnant naissance au kop lensois. Le stade est rénové au fil des ans et accueille l’Euro 1984. Ce stade dit « à l’anglaise », est l’une des plus grandes enceintes de football de France, une capacité qui flirte les 50 000 places, établissant le record d’affluence en 1992 lors d’un Lens-Marseille. En vue de la Coupe du monde 1998, une rénovation a lieu et limite la capacité du stade. Elle sera encore réduite après d’importants travaux en tribunes pour l’Euro 2016.
11. Arnold Sowinski Gardien de but, 1952-1966
Soyons honnêtes. Non Sowinski n’est pas parmi les meilleurs gardiens que le club ait connu. Sportivement, il est très loin de Warmuz, ou même des Gaëtan Huard, Georges Duffuler ou André Lannoy. Sowinski c’est trois saisons tout au plus comme titulaire dans les buts lensois, et une majeure partie de sa carrière sur le banc ou en équipe B. Quand il débute en équipe première, il est en concurrence avec l’historique Georges Duffuler (10 ans au club entre 1947 et 1957) qui règne dans les cages lensoises pendant les très bonnes saisons des années 1950. Sowinski doit attendre son départ pour joueur plus, et réussit tant bien que mal à se faire une place de titulaire, bien que précaire, pour les saisons 1957-1958 et 1958-1959. Mais il perd sa place au profit d’Yvon Clément par la suite. Il sera de nouveau titulaire pour la saison 1962-1963. Voilà pour ses saisons de titulaire, les autres : il les passe comme doublure, notamment durant les meilleures saisons du club des années 1950 et 1960. Mais pourquoi le mettre si haut alors ? Parce que Sowinski c’est le RC Lens à tout jamais. Un dévouement total pour le club.
Arnold Sowinski est né à Liévin juste à côté de Lens. Il fait toutes ses classes au RC Lens et débute dans l’effectif lensois derrière Duffuler, tout en étant électricien aux Houillères, car la relation est étroite entre le club et la Compagnie des Mines de Lens (qui deviendra après la nationalisation de 1946 : les Houillères du Bassin du Nord et Pas-de-Calais, HBNPC). Le club des « gueules noires » ne deviendra effectif qu’après la Seconde Guerre mondiale, grâce au concours d’une synergie entre l’élite locale bourgeoise (aux sources de la fondation du club), la Compagnie des Mines nationalisée et le Parti communiste (qui y voit un symbole de prestige pour souder la communauté minière autour du club des mineurs et du prolétariat). Les HBNPC investissent massivement dans le club pour en faire le club du bassin minier, un « paternalisme sportif » se met en place et exerçant un triple contrôle : moral (autour des valeurs de la mine défendues et véhiculées par le club et les joueurs sur le terrain), social (identification entre supporteurs, joueurs et le club « patronné ») et politique (rassembler les mineurs autour du club et donc indirectement de la compagnie afin de les dissuader de se rassembler ailleurs, avec le spectre du syndicalisme, des grèves et des idées socialistes et communistes). Le lien entre l’appartenance ouvrière et l’appartenance sportive est largement développé et entretenu, on peut dire que c’est une construction mise en œuvre après-guerre, car Lens n’est pas exclusivement le club des mineurs au départ, ces derniers s’adonnant bien plus à la colombophilie ou au cyclisme qu’au football.
Pour les joueurs, un statut de « footballeur-mineur » se développe, c’est-à-dire que les joueurs étaient en réalité semi-professionnels, ayant un double contrat : avec le club et avec la compagnie. Sowinski était électricien. Bien évidemment, une fois devenus joueur du RCL, ils étaient épargnés des métiers les plus éreintants. Ce statut offrait une voie d’intégration pour ceux d’origine polonaise, mais aussi principalement un moyen d’échapper à la mine (au travail au fond) par le football et d’accéder à des privilèges pour leurs familles. Raymond Kopa ne s’est d’ailleurs jamais caché que pour lui le football était au départ un moyen de remonter à la surface, par opposition au travail le plus dangereux qui était au fond. Le RC Lens agit comme un vecteur de promotion sociale au sein de la communauté minière, en tant que joueur pour des postes moins pénibles, mais aussi après la carrière de footballeur pour une reconversion au sein de la compagnie à des postes également les moins pénibles. D’ailleurs, les parents cèdent les talents du fils prodige à la Compagnie contre des avantages, comme l’a expliqué Theodore Szkudlapski : « Le fait d’être à Lens, c’était un luxe. T’étais tranquille et tes parents étaient tranquilles à la mine. » En signant au club, Wisniewski put extirper son père du fond, de même que les Lech négocièrent leur talent pour faire « remonter » leur père. Des « emplois protégés » en échange d’une fidélité aux Houillères qui détiennent tout (club, logement, charbon, etc.), donc pas de syndicalisme ni de politique, il faut être un exemple pour la communauté à travers les yeux de la Compagnie (cf. Marion Fontaine, Le Racing Club de Lens et les « Gueules noires »).
Sowinski traverse toute la période jusqu’au retrait définitif de la Compagnie. En 1969, Sowinski est nommé entraîneur et récupère le club au bord du gouffre au niveau amateur en D4. Il le ramène vers les sommets : champion de France D2 en 1972, finale de la Coupe de France 1975 et vice-champion de France en 1977. Il est remercié après la descente du club en 1978. Puis, il revient peu de temps après en 1979 juste avant l’ère Gérard Houllier ; et une dernière fois en 1988-1989 au cours d’une saison très difficile qui se solde par une nouvelle descente. Sowinski a toujours lancé des jeunes, car il s’est occupé de la formation durant les années 1960, et après où il occupa diverses fonctions au sein du club, notamment chez les jeunes où il a vu passé tous les talents et futurs cadres du club, un second père pour certains d’entre eux. Sowinski a toujours répondu présent quand on faisait appel à lui au club, n’ayant jamais mis les pieds ailleurs, un attachement indéfectible jusqu’au bout. Sowinski est décédé en 2020, après avoir passé toute sa vie en Sang et Or.
Formidable fournée !
– Votre numéro 16, c’était Farès !
– Ça alors ! C’était Farès ? C’est effarant !
Belles photos. Celles du Bollaert des années 70 rappellent le fameux 6-0 passé à la Lazio en 1977. La photo de garde est celle de la légendaire demi-finale de Coupe de France 1974-75 à Reims contre le PSG (3-2 a.p.). Celle-ci valait qualification pour l’Europe car le vainqueur rencontrait en finale l’ASSE déjà sacrée championne. Une reprise de volée d’anthologie de Jean-Mimi sur Lannoy plus tard, tout ça tout ça…
Suis d’accord avec Fred. Fantastique session. Et merci pour ton éclairage historique sur la vie du coin.
« éclairage historique sur la vie du coin », ah tu sais je sais pas si j’apporte grands éléments… ce que je voulais montrer au travers de ce top, au-delà de retracer les grands moments sportifs de l’histoire du club, c’est l’ancrage du Racing dans une histoire particulière, celle de son territoire – comme tous les clubs de foot d’ailleurs. Présenter les grands traits des périodes sportives du club : débuts du professionnalisme d’avant-guerre / la mainmise des Houillères / la municipalisation du club et sa « régionalisation »/ l’ère Martel (renouveau économico-sportif, image de Lens « club populaire par excellence du football français »), dans son contexte général.
Xercès Louis et tout ce que la France doit aux Antilles. Je l’ai lu pas mal de chose sur lui et ce qu’il a pu représenter pour le sport martiniquais à l’époque. Y’avait d’autres martiniquais qui excellaient dans le sport au debut des années 50?
Et que deux tribunes prennent le nom de deux défenseurs, comme avec Marek, est assez significatif de l’état d’esprit du club, je trouve.
C’est une excellente question. Pour y répondre j’ai trouvé cet article sur les athlètes d’outre-mer:
https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2007-2-page-97.htm
à noter que les deux personnages meurent de façon soudaine: Tony juste avant ses 50 ans, et Xercès dans un accident de voiture, lui aussi avait à peine 50 ans. Donc c’est aussi ces raisons tragiques qui l’explique, en plus de l’empreinte laissé par les deux au club.
Merci Adje. Presque déçu qu’il faille attendre pour la suite 😉 Quelques noms fleurent bon mon enfance et mon adolescence… Bousdira bien sûr (le maillot qu’il porte sur la photo est mythique), Brisson mais aussi Sowinski, le pompier de secours, l’homme toujours prêt à rendre service. Et puis c’est bien de rappeler à ceux qui l’ignorent que Déhu le mal-aimé du PSG et de l’OM, c’est d’abord et avant tout le RCL.
Et le Barça!
Sowinski, comme je le dis, il s’est dévoué corps et âme au RCL. Sportivement parlant, il n’a rien à faire dans un top si on ne juge que des critères purement sportifs, de ses performances sur le terrain. C’était un gardien de CFA… Mais il représente Lens à lui tout seul. Il a fait trois mandats comme entraîneur principal, avec bonne et mauvaise fortunes. Toujours fidèle quand on faisait appel à lui pour assurer l’intérim, boucher un trou. Sans rien dire. Puis il reprenait sa place ailleurs au club: il a entraîné dans toutes les catégories quasiment. Brave parmi les braves.
Déhu, je l’appréciais énormément dans son rôle à Lens. Il arrive au Barça, je pense que la marche n’était pas trop haute. Van Gaal le fait jouer défenseur central, uniquement là dans la continuité de sa dernière saison à Lens où il a été installé en défenseur central. Malgré une forte concurrence, il a pu joué tant qu’il n’était pas blessé, c’est aussi ça qui a gâché sa saison, il a été souvent blessé. Il aura tout de même marqué un but du milieu de terrain en Ligue des Champions avec les blaugrana.
Maillots préférés :
Lens : Europe 1
OM : maillot centenaire 1998 /1999
PSG : maillot hechter off course
Asse : kb jardin entre 81 et 84
Nantes : Europe 1
Monaco : maillot rmc 1982
Lille : maillot peaudouce 1979
Bordeaux : malardeau 1985
Toulouse rmo 1983
Auxerre : 1982 challotîne
Dans ces années là, il y avait le maillot du SECB avec Club Med.
Ou celui rayé de l’OL avec RTL http://farm4.static.flickr.com/3044/2580914465_f624346ca6_o.jpg
Pour bastia je préfère celui de l épopée avec la tête de maure
Je croyais que tu n’évoquais que les maillots avec pub !
J avais pas précisé 😀
Pas mal, mais pour l’ASSE, rien n’égale le maillot Manufrance des années 70, rendu pâle et un peu brillant par l’éclairage artificiel. Une seule image suffit à rejouer ASSE-Dynamo Kiev dans la tête. Magique. Nantes, pareil : si Waldemar Kita avait la bonne idée de revenir au jaune et vert de ces années-là, il gagnerait d’un coup 10% en cote de popularité.
À l’étranger, il y a des maillots mythiques aussi. Je viens de soumettre un article sur les Bayern-Dynamo Dresde de 1973 et le maillot du Dynamo, avec sa bande verticale noire excentrée sur un jaune bien clair, est absolument magnifique. Le maillot Kappa de l’Italie de ces années-là est un chef-d’oeuvre qui ne vieillira plus jamais. Je n’ai jamais été un fan du VfB Stuttgart mais son maillot du titre de 1984 a une sacrée gueule. Pour « mon » Werder, il y a eu des tonnes d’essais : mon préféré est celui de la saison 2013-14, avec son fond en petits losanges clairs et foncés, malgré une saison pourrie ponctuée d’un 0-7 à la maison contre le Bayern. C’est l’un des deux maillots que je me sois jamais acheté, l’autre étant le maillot de gardien Malardeau 1982 des Girondins (jaune et noir) que je portais avec fierté dans ma cage.
Pour moi le maillot manufrance est mythique ( j avais achete la reedition que j ai offert à sindelar) mais j’ai une préférence esthétique pour le kb jardin: Rep , Platini ..
J’adore aussi pour les selections le maillot ecossais 1978-1982
Et evidemment france 1978 et ceux du Perou
Il y a un livre de Bernard Lions sympa sur ce sujet: 1000 maillots de football
France 1978, je ne sais pas pourquoi, je préférais l’extérieur blanc vu pendant Italie-France au bleu vu contre l’Argentine. Je bavais d’envie devant le maillot vert numéro 21 de JPBD, même si j’étais encore trop jeune pour le porter.
Elie est celui que je connaissais le moins. Indissociable de Bousdira. J’aime de plus en plus la periode 70. Marx et Faber. Un jeu offensif et les hauts et bas qui font ce club.
Il a aussi pris plus qu’honorablement le relais de Bathenay à Saint-Étienne après le départ de celui-ci pour le PSG. Le soir du légendaire 6-0 contre le PSV avec trois buts dans les cinq premières minutes, c’est lui qui a gratté le ballon du premier but.
Elie, Elie, lama sabactani?
En regardant le derby du Nord, je me demandais quels joueurs récents auraient pu intégrer ton top? Et à quelle place!
Fofana? Sotoca?Clauss?
Frank Haise rentre-t-il dans le panthéon des coachs? A quel niveau?
le joueur le plus « récent » de ce top, donc c’est Hilton, c’est 2007, dernière grande saison du club en L1 (qui a finit en eau de boudin). Derrière, saison cata, descente en L2 et on s’est mangé une décennie de pain noir, à faire l’ascenseur et à se taper des joueurs moyens, médiocres et nos jeunes talents qui se barraient au bout d’une saison ou deux.. . Le seul qui a un peu duré en terme de longévité au club à ce moment-là, c’est Demont, qui a bien dépassé les 300 matchs avec Lens, mais bon pas le cador non plus même si je le trouvais pas ridicule, loin de là. Bref jusque 2019, pas grand chose à en tirer. Donc depuis Montanier, les barrages arrachés au printemps 2019 ça marque un renouveau. Leca, Fofana, Sotoca me semble pouvoir en être si je le réactualise… peut-être d’autres s’ils durent quelques saisons à Lens, surtout si à la fin de saison y a bien mieux que ses deux places consécutives de 7e (c’est un peu « léger » pour le moment 🙂
Y a un petit fléchissement actuellement mais choper une place en Europe serait superbe. Faut tenir!
Est-ce qu’il existe aussi un lien football-mine du côté du LOSC ? (étant donné la proximité géographique entre les 2 clubs)
@Ed
Non absolument pas aucun lien direct.
Après le lien indirect du LOSC avec le bassin minier, c’est ses joueurs eux-mêmes: Jean Vincent, Félix Witkowski, François Bourbotte, Jules Bigot, André Stappe ou Marian Walter en étaient tous originaires et sont passés par les clubs du bassin minier en jeunes avant de passer professionnel dans la grande équipe lilloise d’après-guerre /début des années 1950, qui était sportivement (une des meilleures équipes de France) au-dessus de Lens, et offrait de biens meilleurs contrats et salaires.