par Tommaso Maestrelli aurait eu 100 ans le 7 octobre 2022. Légende absolue de la Lazio, homme clé du Scudetto 1974, il est décédé en décembre 1976, 18 mois après qu’a été diagnostiqué son cancer du foie.
L’œuvre de Maestrelli à la Lazio est souvent résumée à sa psychologie et son magnétisme, un homme capable de souder chaque dimanche des clans qui se détestent et se déchirent tout au long de la semaine. 1971- 1975, quatre saisons extraordinaires avec Giorgio Chinaglia, Pino Wilson, Luigi Martini, Vincenzo D’Amico, rejoints plus tard par Felipe Pulici, Renzo Garlaschelli et Luciano Re Cecconi. Sa Lazio, c’est une accession en Serie A, un podium, un Scudetto et une quatrième place alors que la maladie ronge déjà le Maestro. On en oublierait presque qu’il a eu une vie avant la Lazio.
Le Toscan Tommaso Maestrelli grandit à Bari dans les Pouilles, presque par hasard, au gré des mutations professionnelles de son père. C’est un frêle milieu de terrain de seize ans que lance en Serie A le coach hongrois József Ging début 1939. Il se révèle peu à peu dans l’ultramoderne stadio della Vittoria, immense ovale aux formes harmonieuses inauguré en grande pompe par le Duce en personne. Le service militaire et la guerre brident son essor et il faut attendre 1945 pour que sa carrière prenne véritablement corps. Il connaît alors trois belles saisons matérialisées par une septième place de Serie A en 1947.
A l’époque, l’idole locale s’appelle Riccardo Carapellese, un enfant du Tavoliere delle Puglie, cette longue plaine séparant Bari de Foggia. Carapallese joue à Milan, il est le symbole de la réussite pour des générations de miséreux ayant migré vers les cités industrieuses du Nord. En décembre 1947, sous une pluie battante, Maestrelli est parmi le public du stadio della Vittoria venu voir la balbutiante Nazionale de l’après-guerre vaincre la Tchécoslovaquie du jeune Kubala. Carapellese inscrit en héros le dernier but de son équipe, comme s’il s’agissait de la contribution du Mezzogiorno à l’espoir de jours meilleurs dans la toute nouvelle République italienne.
Honnête joueur de Serie A, Maestrelli évolue à la Roma, à Lucca et revient finir sa carrière en pente douce à Bari. Ses premiers pas en tant qu’entraîneur sont timides, adjoint anonyme ou intérimaire au sein d’équipes en perdition. Et puis le président-maire de Reggio Calabria Oreste Granillo le choisit, on ne sait comment ni pourquoi. En proposant un jeu séduisant, il porte la Reggina en Serie B, une première dans l’histoire du club, puis échoue d’un rien dans la course à la Serie A en 1966. Son mandat est également associé à la mort, déjà. Celle de l’ailier Italo Alaimo, électrocuté lors d’un test d’effort en pré-saison.
Sa famille lui manque. Reggio – Bari à la fin des années 1960, c’est un long périple sur des routes dangereuses ou à défaut, sept heures de train agrémentées par le spectacle époustouflant de la côte ionienne jusqu’à Taranto, avant la jonction vers la capitale des Pouilles. Quand le président Antonio Fesce le sollicite pour redonner vie au premier Foggia dei Miracoli, celui d’Oronzo Pugliese, Maestro Tom saisit l’opportunité d’un retour auprès des siens. La saison s’ouvre quelques jours après la mort de Padre Pio, ce prêtre affecté de stigmates comparables aux plaies du Christ, faiseur de miracles consulté par certains prédécesseurs de Maestrelli comme Luigi Bonizzoni ou Egizio Rubino.
Sombre augure ? Il n’en est rien, Maestrelli ne s’enferme pas dans le mysticisme comme les maghi en vogue sur les bancs de touche, croyant avant tout en ses hommes. Il laisse un souvenir impérissable à Foggia, frôlant la victoire en Coppa Italia dès le premier exercice puis obtenant par la suite le retour des Rossoneri dans l’élite. La troisième et dernière saison se conclut dans l’amertume, une relégation au goût étrange, faite de décisions arbitrales contestables y compris du seigneur des arbitres, le présumé incorruptible Concetto Lo Bello. Quand Maestrelli part, il se livre dans une lettre touchante de sincérité que publie le journal local.
La Lazio d’Umberto Lenzini l’attend, impressionné par une raclée 5-2 subie au Pino Zaccharia. Maestrelli aurait voulu emmener avec lui Alberto Bigon, Nello Saltutti et Luciano Re Cecconi. Mais la Lazio n’a pas les moyens du Milan ou de la Fiorentina et seul le dernier le rejoint en 1972, inlassable chien fou à la crinière blonde inconscient de son destin tragique le mois suivant la disparition de Maestro Tom.
Verano, il Maestro… la rime du jour, facile certes mais tellement parfaite !
Merci Verano. Carapellese est formé au Torino mais est-ce la disparition du Grande Torino qui le fait revenir au club? En tout cas, il est du voyage au Brésil en 1950 avec une Nazionale sacrément décimée.
Oui Khiadia, il grandit dans les équipes de jeune du Torino, évolue en parallèle dans les rangs amateurs du Dopolavoro Magnadyne, équipe corpo du grand fabricant de radio turinois. Ferruccio Novo commence à construire il Grande Torino en attirant patiemment les meilleurs joueurs italiens du pays, bloquant sa progression du jeune. Appelé sous les drapeaux dans la Marine, il découvre La Spezia, l’arsenal et le club alors en Serie B. Puis à la fin de la guerre, c’est Como et le Milan aux côtés d’Ettore Puriccelli. Il retourne au Toro quand Novo tente de reconstruire une équipe après Superga.
D’ailleurs, tiens, pourquoi est-ce que Pozzo cède sa place à Novo pour le Brésil ? Mauvaise perf aux Jeux de Londres ? Pozzo trop vieux ?
L’Italie de l’après-guerre n’a plus rien à voir avec celle des années 1930, les résultats sont décevants et je crois (pas le temps de vérifier), que la raclée subie contre l’Angleterre est fatale à Pozzo.
Ouaip, je sais que l’Italie des années 40 n’est plus celle des années 30. Ce qui me faire dire que, même sans Superga, elle ne serait pas allée au bout au Brésil et y aurait subi la loi des Sud-Américains. Peut-être aurait-elle pu tout de même se qualifier pour le tour final. Mais je me demandais quel événement avait poussé la fédé à tourner la page Pozzo. Pozzo est toujours là aux Jeux, après la déroute face à l’Angleterre à Turin. Ce sont peut-être les Jeux qui lui coûtent sa place, ou alors tout simplement se sent-il trop âgé…
vous étiez donc tous cachés ici!!!!
Ça fait plaisir de vous retrouver, Verano, Bota etc..
vous pouvez compter sur un nouveau lecteur fidèle, je vais meme desactiver addblock
Magnifique, merci pour ce texte. Du coup j’ai été voir la biographie de ce pauvre Italo Alaimo.
Les distances, à l’époque, c’était quelque chose. Les transports modernes ont énormément joué sur les évolutions de carrière au fil du temps.
@Seb, j’ai lu des papiers où des joueurs du Nord témoignaient de leur appréhension à l’idée d’aller jouer dans les petites società du Sud : mystère, distance, sensation d’être dans un autre pays, vingt ans en arrière. Le Mezzogiorno faisait peur.
J’avais bien sur déjà entendu parler de cette italie coupée en deux, mais je ne pensais pas que c etait à ce point là…
Merci Verano!
Les transports, oui. Et cependant, je viens de vérifier (en diagonale..) pour les années 40-50 : en Italie, bon 90% des clubs de D1 étaient d’année en année localisés dans le Nord.
Par la bande j’ai appris un truc, saison 45-46 : 2 voire 3 championnats régionaux, avant un tour final n’en concernant plus que les meilleurs respectifs.
Il grande Verano !
La mort qui plane à chaque recoin du récit, prête à surgir au détour d’une phrase bien troussée.
Des descriptions qui permettent de voir et de sentir : on s’y croirait dans ce Mezzogiorno abandonné de Dieu, si lyrique, si mythique, si propice à la rêverie. Oui, le Christ s’est bien arrêté à Eboli.
« Le véritable drapeau italien n’est pas le drapeau tricolore, mais le sexe, le sexe masculin. Le patriotisme du peuple italien est tout entier là, dans le pubis. L’honneur, la morale, la religion catholique, le culte de la famille, tout est là, entre les jambes, tout est là, dans le sexe : qui en Italie est très beau, digne de nos anciennes et glorieuses traditions. »
Je ne sais pas pourquoi, j’avais envie de la placer ici…
Et ce n’est évidemment pas du Carlo Levi !
Tiens voilà Malaparte (et non Rocco Siffredi)
D’ailleurs, dans quel pays est apparu la braguette, cet accessoire de la virilité ? Hein ?
La braguette « tradition » ?
Merci pour la découverte Verano!
Tu crois que tu pourrais mettre la lettre d adieu dans les commentaires?
Voilà chef (trad approximative) :
« Mes débuts en Serie A ont malheureusement coïncidé avec ma première expérience de la relégation depuis que j’ai choisi ce terrible métier d’entraîneur. C’est une issue encore incroyable aujourd’hui, un verdict absurde que je ne peux pas accepter, tout comme les joueurs auxquels je reste lié par une affection et une amitié fraternelles.
S’il y a un point positif à tirer de cette aventure, je ne peux que la trouver dans la loyauté sportive, exemplaire de la ville de Foggia, de son public et de ses dirigeants. Foggia est une ville de Serie A, et pas seulement en football, elle ne peut pas être reléguée parce qu’un championnat s’est terminé avec une tristesse qui ne fait certainement pas honneur au sport italien. Foggia est encore debout, ce n’est pas une défaite qui peut nous anéantir : ce sont les mots que j’ai entendu prononcer le président Fesce quelques instants après l’inoubliable après-midi à Varèse. Je suis sûr que c’est le cas, j’aimerais avoir la même force d’âme et le même courage, mais je suis convaincu qu’il dit vrai et que bientôt nous recommencerons à parler et à écrire sur Foggia avec les mêmes éloges qui l’ont accompagnée lors du dernier championnat, bien qu’incroyablement tragique.
Je reste lié à Foggia et surtout au Foggia Calcio par les liens de l’affection et de l’amitié plus que par de froids contrats. Et je reste lié à vous parce qu’en trois ans, je me suis toujours senti entouré d’affection. Merci à tous, mes amis de la presse, les tifosi, les managers. Bonne chance à mon collègue Ettore Puricelli, qui me succède.
Croyez-moi, j’ai Foggia dans mon cœur et le cœur ne sait pas mentir. »
Merci !
Elle est belle cette lettre effectivement. Il l avait aussi publiée sur son instagram? Son community manager a fait du bon boulot en tout cas!
Rien à envier aux correspondances d’Abélard et Héloïse, il y a là style, sincérité et profondeur d’âme.. Ca a décidément bien merdé quelque part entre-temps.
La lecture du vendredi pour finir la semaine ouvrée sur une sucrerie de Verano, grazie mille !
Super site bravo à tout le monde!!!
Je vous lis avant le coucher… c’est parfait…
Un reproche tout de même… J’ai pas pu m’inscrire avec pâté en croûte… quel est l’enfoiré qui a interdit ces mots????
Soutien à la piraterie
Libérez bison
Il est encore ban IP?
Oui, surtout que Lucien Favre.
Je n’ai quoi que ce soit à apporter, pas même de questions car il y en aurait trop (découverte à 99%)!..mais bien aimé, lecture qui donne envie de découvrir la côte ionienne, « immerge »..
Qu’on pût finir électrocuté lors de tests physiques, wow..
Allez, une question : pourquoi ce sujet?
Parce que cette Lazio 1974 a quelque chose de fascinant. Et puisque tout a été dit et écrit sur Maestrelli à la Lazio, je me suis intéressé à la partie méconnue de sa vie.
Bon..parfois, il suffit de (se) trouver le bon fil, par lequel dévider une énigme..
Cette Lazio des Chinaglia & Co, et ce que je vais dire n’est qu’intuitif (faute de mieux) : je me suis toujours un peu défié de son image d’Epinal de cercle bordélique, sulfureux.. Pas usurpé, donc?
Et des clans?
Je ne sais pas dire ce qui relève de la romance mais une certitude : le fractionnement de la société italienne se retrouve dans le vestiaire. Même si leur conscience politique n’est probablement pas très poussée, Chinaglia et Wilson sont proches des thèses néo-fascistes quand Luigi Martini est ouvertement de gauche, ayant même été élu par la suite au parlement.
Je pense que c’était un vrai bordel, probablement pré-existant avec les approches ésotériques (pour être poli) d’El Toto Lorenzo.
Merci!
El Toto Lorenzo, lol.. Je me suis dit, « ça y est, il me parle chinois »………..avant de réaliser qu’en fait je le « connaissais », coach du Boca quand je découvrais live mes premiers matchs du championnat argentin, ça me parle mais j’ignorais tout de son parcours (castard!). En googlant sa photo que ça a fait tilt.
Esotérique? J’allais te demander des compléments, mais Google trad fait parfois des miracles.. – Diego Simeone semble un tout petit joueur à côté de ce que je viens donc de lire.
J’ignorais de A à Z que le vestiaire laziale fût à ce point politico-polarisé. C’est peut-être fort italien? En tout cas, à l’aune des footballs du Nord des 70’s et à ce point : c’est vraiment très singulier..mais le climat politique italien l’était aussi.
Je pense que c’est vraiment lié aux années de plomb. Je ne constate rien de comparable avant les années 1970 et cela s’éteint avec les années 80.
Pour ce qui est de Lorenzo, on en reparlera dans de prochains articles qui te donneront l’occasion de nous parler du Celtic de Jock Stein car le coach de l’Atlético de la bataille de Glasgow 1974, c’est lui !
Oui, j’ai tout de suite pensé aux années de plomb aussi..
Atletico-Celtic? Oulah.. Pas vraiment le grand amour à l’époque, entre les footballs britanniques et les latins, lol..
Et il fallut en plus qu’ils mettent en place la coupe anglo-italienne, du masochisme..laquelle coupe A-I me semble avoir été globalement bien plus apaisée que leurs confrontations en coupes d’Europe.
En parlant de l’Italie 50 décimée, on peut dire que les lendemains de la guerre mondiale ont été tres décevants du côté italien. Au moins jusqu’au titre à l’Euro 68.
1er tour en 54, éliminée par une belle génération suisse. Absent en 58 après la déconvenue face à l’Ulster. Triste participation au Chili. Sans oublier la Coree du Nord.
Pour un foot de club déjà puissant depuis les années 50, les résultats de la sélection étaient clairement mauvais.
Le stadio della Vittoria m’intriguait.. Je vois qu’il existe toujours.
Assez curieusement, GoogleMaps est mon ami : j’observe à 3 encablures, comme gagné sur la mer, un autre stade doté d’une piste d’athlétisme?? Bizarre..
Bonsoir à tous, c’est par ici le so foot qui ne bugge pas, sans pub, avec de vrais beaux papiers sur le foot et des forumeurs en Or? C’est où qu’on signe? La bise. Content de vous retrouver!
Salut Ronnie. Heureux de te voir parmi nous.
Hello aux nouveaux venus, en effet, ici, c’est simple : on ne cherche pas la polémique 🙂
Hey Verano, ça fait plaisir de voir ici !
Ronnie ! Tu m’avais manqué ! Allez l’AJA ! 😉
Bonsoir à tous, il semblerait qu’ici il y ait des vrais sujets de foot et que je ne sois pas banni par un mec qui ne parle jamais de foot
Merci Verano.
Salut les gars.
merci encore pour cet article! c’est redondant mais vrai^^ on retrouve le so foot des origines et plein de signatures qu’on voyait moins ou plus et des échanges intelligents et courtois ça fait plaisir! et en plus vous me faites lire jusqu’au bout un article qui tourne autour de la Lazio et c’est un miracle, comme souvent les commentaires en font apprendre encore plus!
ça devait être dingue ce vestiaire à l’ époque, j’ai l’impression que les footeux italiens sont plus politisés et donnent plus souvent leur avis que dans d’autres pays Lucarelli qui se réclamait du PC (et les tribunes Livournaises aussi) comme exemple récent!
je parle même pas des tribunes (pas toutes) soit bien à gauche soit plutôt fascisantes
Gracias amigo.
PS : nous avons bien noté tes suggestions, l’autre jour, nous y travaillerons d’ici quelques temps.
ciao signor Verano! (c’est comme ça qu’on dit de l’autre côté des Alpes?^^)
j’ai vu la réponse de Lalbatros oui vraiment top! je suis patient ça devrait aller ha ha