Début de saison oblige, étape finale du tour d’horizon 2022-2023 de la ligue la plus divertissante d’Europe et de ses 19 protagonistes.
Avertissement : statistiques et données mises à jour le 15/09/2022
Kayserispor
Un autre poids lourd anatolien situé aux portes de la Cappadoce et du Mont Erciyes (l’Argaeus antique) honteusement réputé pour ses impayés depuis plusieurs années, ces derniers ayant logiquement débouché sur une interdiction de transfert.
Pensionnaire régulier de la Süper Lig, le club est habitué au bas de tableau, et n’a échappé à la relégation en 2020 Qu’en raison de la suspension des descentes à cause du COVID. Perdant régulièrement des joueurs étrangers en cours de saison pour impayés, tentant de les remplacer de façon boulimique à la trêve hivernale, et consommant les coachs comme du petit lait, le club n’a pour récents faits d’armes que les transferts vers l’Europe de Doğan Alemdar (Rennes) et Emre Demir (Barcelona B), et l’originalité d’avoir une femme en présidente, Berna Gözbaşı.
Cette dernière a réussi à attirer Çağdaş Atan, un coach qui a un potentiel à confirmer, après avoir emmené Alanyaspor à la septième place en 2021. Sans club durant un an, Ç. Atan devra retrouver ses sensations, et perfectionner ce qu’il avait montré sur la côte méditerranéenne, lui qui avait été un temps leader, avant de plafonner et d’atteindre des limites.
Sans recrue possible, Kayserispor peut malgré tout compter sur un effectif largement capable de viser le maintien, avec un beau carré défensif constitué de l’ex de L1 Lionel Carole, le capitaine grec Kolovetsios, l’excellent Iranien Hosseini et le super Onur Bulut.
Au milieu, Ali Karimi (pas aussi talentueux que son homonyme), Gustavo Campanharo et Bernard Mensah imposent une récupération, tandis que Miguel Cardoso, Mame Thiam, Emrah Başsan et Gavranović sont tout à fait capables de marquer.
Jusqu’ici, Ç. Atan semble être sur la bonne voie en ayant obtenue trois victoires : un exploit compte tenu de l’interdiction de transfert du club. L’ancien défenseur a effectivement su créer un bloc décent dans le contrôle du ballon, même si offensivement c’est extrêmement stérile (seconde équipe à tirer le moins au but).
Alors que l’équipe semblait condamnée avant même le début de la saison, Ç. Atan vient de montrer que le maintien de Kayserispor était un objectif réalisable.
Gaziantep FK
Une déception que cette quinzième place pour un club ambitieux, qui a remplacé l’autre club historique de Gaziantep, capitale gastronomique du pays, le bien nommé Gaziantepspor. Reprenant Erol Bulut en échec à Fenerbahçe, faisant confiance à son succès à Alanya, celui-ci a pu revenir tranquillement à un 4-2-3-1, en partant du 3-5-2 traditionnellement instauré par le coach qui a marqué le club, le Roumain Marius Șumudică.
Reprenant l’ossature de la saison précédente avec l’honnête gardien Günay Güvenç derrière les solides mais lents Djibolodji et Ertuğrul Ersoy, encadré par le bon Kistsiou (encore un super Grec !) et le nouvel arrivant, l’insipide Hanousek. La sentinelle Jevtović remplace le départ de Doğan Erdoğan parti en Europe, accompagné de la dynamo Abdülkadir Parmak, avec l’option Furkan Soyalp à l’aise balle au pied. Les clés du jeu reposent sur Alexandru Maxim, le talisman roumain de cette équipe, redoutable artificier !
Offensivement, Mustafa Eskihellaç est une excellente recrue, le seul à surnager chez le relégué Yeni Malatyaspor, alors que le fougueux Chilien Ángel Sagal devrait occuper le côté gauche, étant donné que l’espoir déchu Lazar Marković n’a pas montré grand-chose. En pointe, le buteur fétiche Muhammet Demir parti, c’est le technique João Figueiredo qui devra porter l’attaque, secondé par le vétéran Pekhart.
Bien positionnée, Gaziantep FK est une équipe réaliste devant le but (quatrième meilleure attaque, cinquième la plus adroite devant le but), mais qui se présente peut-être plus comme une équipe enquiquinante plutôt qu’un réel outsider. Effectivement, encaissant peu de buts mais possédant la deuxième pire possession du championnat, Gaziantep FK réussit plus ses coups sur des actions de contres. Un danger, d’autant plus que les maladresses de Djibolodji ou Hanousek pourraient s’avérer désastreuse en cas de baisse de rendement de ses merveilleux et adroits artificiers, mais aussi de son gardien Günay Güvenç au sommet de sa baraka en ce moment.
Le défi pour Erol Bulut est de démontrer qu’il est un entraîneur d’un bon niveau : en ayant les mains plus libres qu’à Fenerbahçe et plus de moyens qu’à Alanyaspor, il doit pouvoir transformer ce Gaziantep FK en candidat à l’Europe, comme le vise le club.
Giresunspor
Autre club de la Mer noire, dans une région où les noisettes du Nutella sont cultivées (référencés dans le logo du club !), promu la saison dernière et passé à deux doigts de faire l’ascenseur… mais c’était sans compter la ressource de Hakan Keleş, au club depuis 2020, qu’il a fait monter en Süper Lig.
Avec un effectif étiqueté deuxième division agrémenté d’un attrait latin, H. Keleş a réussi à dégager un 4-2-3-1 net, bâti autour de la doublette sud-américaine Alexis Pérez (grand artisan du maintien)-Ramón Arias, devant le gardien Onurcan Piri, performant en seconde division. Le solide Alper Uludağet Hayrullah Bilazer cernent le dispositif.
Au milieu, la création est confiée au talentueux Savićević, entouré de Robert Mejía et Jorman Campuzan, suite au départ du cadre Hamidou Traoré qui devrait faire mal à l’équipe. Sur les ailes, le jeune Espagnol Borja Sainz est une superbe pioche tandis que le Brésilien Sergio devrait continuer à donner des frissons. L’attaque est confiée à Riad Bajić, de retour en Turquie après son séjour italien.
Giresunspor compte parmi les petits protagonistes, n’ayant pas les joueurs au milieu pour tenir le ballon (troisième pire possession) ou s’approcher du but, mais de bons tacleurs harassant l’adversaire (Mejía-Campuzano), et les envolées et le réalisme de ses techniciens sur qui compter (B. Sainz).
Objectif maintien donc pour Giresunspor, qui devrait vendre cher sa peau, à l’image de la saison dernière.
Ankaragücü
Champion de 1. Lig (la deuxième division turque), le club d’Ankara effectue l’ascenseur et va nous permettre de réentendre ces rugueux supporters.
Commandé à la base par Mustafa Dalcı, artisan de la remontée, le club a perdu plusieurs cadres de cette épopée mais a eu le mérite de rapidement boucler ses transferts. Les nouveaux arrivants Mujakić, Pedrinho, Macheda et surtout Chatzgigiovanis devaient se mixer avec les anciens A. Durak, Zahid et Ariyibi.
Malheureusement, M. Dalcı n’a pas fait long feu vu le niveau abyssal proposé, et à mesure que la réalisation de la pauvreté de l’effectif devenait évidente. C’est Ömer Erdoğan, pas mal à Hatayspor, qui vient donc tenter sa chance ; dans le même temps, le club a achevé dans les derniers instants du mercato de jolis coups pour injecter de la qualité, avec Gökhan Akkan, Kévin Malcuit, Tolga Ciğerci, Taylan Antalyalı et Emre Kılınç.
Ankaragücü, malgré son statut de promu, est une équipe qui aime avoir le ballon, grâce à son milieu désormais étoffé d’éléments à l’aise et justes balle au pied (T. Ciğerci, Beridze…). Le souci est que le club d’Ankara ne parvient pas à monter et se créer des occasions de buts (quatrième pire stat, deuxième pire en tirs cadrés) tandis que sa défense reste perméable (troisième pire défense), résultat d’une organisation certes bagarreuse mais trop regroupée.
Armé de nouveaux éléments, Ö. Erdoğan possède une équipe renforcée qui pourrait inverser ce début de saison atroce. Tout dépendra non seulement du succès mais également de la rapidité du coach à intégrer les nouvelles recrues.
Ümraniyespor
Première découverte de la Süper Lig pour le second club issu de la rive asiatique d’İstanbul (derrière Fenerbahçe donc). Depuis sa colline boisée (d’où le sapin sur son blason), Ümraniyespor est un solide club de D2 qui a longtemps frôlé les play-offs pour la montée : enfin récompensé grâce à Recep Uçar, au club depuis 2020 et reconduit.
La direction a décidé de s’appuyer sur l’effectif D2 du club en le complétant d’éléments issus de divisions inférieures comme Allyson, Avounou et Geraldo. En ce début de saison, le club démontre la recette qui a été sa marque de fabrique et lui a permis d’atteindre l’élite, à savoir un milieu bien aligné qui quadrille l’adversaire et tente d’intercepter le ballon en se dépensant beaucoup. Hélas son équipe reste trop attentiste et subie énormément (troisième équipe la plus arrosée), sans certes encaisser trop de buts grâce aux parades de Serkan Kırınıtılı.
Pour s’approcher du but adverse, R. Uçar compte sur ses deux virevoltants ailiers, Valentin Georghe et Geraldo, les centres et CPA à destination de son attaquant à l’aise dans les airs, Umut Nayir, ou les contributions de ses box-to-box, ce qui permet à Ümraniyespor d’être parmi les canonniers de la ligue (sixième en stats), artilleurs imprécis hélas en termes de buts.
Dommage car Ümraniyespor a tout de l’équipe poil à gratter, n’ayant subi que des défaites par un but d’écart. Si R. Uçar souhaite prolonger l’aventure en première division, il faut absolument apprendre à son milieu à attaquer davantage son adversaire et à construire devant.
İstanbulspor
Un autre club historique d’İstanbul, situé à l’écart du centre historique, le dense quartier d’Esenyurt, mais qui a été fondé par les étudiants du Lycée d’İstanbul, dans la vielle ville. Les Boğalar (Taureaux) ont connu de prestigieux moments dans les années 2000 avant de sombrer dans les dettes. Tentant de revenir rapidement au plus haut échelon une fois en D2, le club a longtemps misé sur une politique bling-bling, sans succès, avant de se raviser il y a deux ans et de miser sur des talents du centre de formation (Emrecan Uzunhan, Mehmet Yeşil, Muammer Sarıkaya) ou dénichés ailleurs (Duhan Aksu un temps pisté par le LOSC, Eslem Öztürk de Beşiktaş).
Sur le banc, il est refait confiance à Osman Zeki Korkmaz, coach de la remontée, et à l’effectif D2, faute de moyens. Ainsi, l’équipe alignée est le onze de l’an dernier, à l’exception du gardien David Jensen, reposant sur un 5-4-1 résolument défensif et travailleur, dont le nombre et l’agressivité (record de tacles) lui permet de ne pas essuyer autant que ses compères de la montée.
Malheureusement l’équipe ne s’en sort pas mieux que ses concurrents au maintien en étant absolument stérile devant : pire attaque avec Hatayspor, plus faible taux de tirs au but, les deux seuls éléments offensifs du onze, Et’hemiet Topalli ne peuvent pas à eux seuls mettre à mal les défenses de Süper Lig, laissant un İbrahim Yilmaz bien esseulé devant.
Si une solution à cette carence offensive totale n’est pas trouvée, la marche risque d’être trop élevé pour la courageuse et attachante Halk Takımı, l’Equipe du Peuple.
Armand-Kerem Marzin
Encore chapeau pour cette présentation! Pourquoi Ankara n’a jamais réussi à s’incruster dans la lutte pour le titre? C’est une ville densément peuplée, la capitale. J’imagine qu’il doit avoir des fortunes locales permettant de se constituer un bon groupe.
Excellente question Khia !
Probablement par ce qu’à l’inverse d’autres villes à la culture et à l’activité bouillonnantes, Ankara est une ville purement administrative et politique : rappelons que Mustafa Kemal Atatürk choisit ce petit village en plein centre de l’Anatolie pour en faire sa capitale en 1923, date à laquelle remonte son développement.
Aussi, Ankara possède l’image d’une ville lisse qui se reflète sur ces clubs de football : Gençlerbirliği est par exemple réputé pour ses supporters gentlemen ! Reste l’exception Ankaragücü, qui a adopté la mouvance ultra, voire Ankara Demirspor, fondé par les cheminots.
Aujourd’hui, les 3 principaux clubs d’Ankara sont Gençlerbirliği, Ankaragücü et Ankaraspor. Entre 1974 et 2017, l’histoire de Gençlerbirliği se confond avec celle d’İlhan Cavcav, son président mythique, puis celle de son fils, Murat, entre 2017 et 2021. Une longévité dans la présidence caractérisée par des départements scouts et jeunes d’avant-garde, une consommation effrénée de coachs, et des moyens modestes.
Pour Ankaragücü et Ankaraspor, la seule fois qu’un investisseur est intervenu, avec le clan du sulfureux maire d’Ankara Melih Gökçek, cela s’est transformé en fiasco. Celui-ci avait eu l’idée saugrenue d’être à la tête des deux clubs en pleine saison, alors même que cela est interdit par la TFF, d’où de graves sanctions !
Si Ankaragücü a su se séparer de sa tutelle rapidement, Ankaraspor a été plus durement marqué. Refondé en Osmanlıspor entre 2014-2020, sur un modèle ultra kitsch croisant le révisionnisme des néo-séries ottomanes avec les biceps saillants d’un Musclor, le club a connu un certain succès en atteignant l’Europa League en 2017, sous Mustafa Reşit Akçay, avant de sombrer dans les dettes. Le club a quitté le giron Gökçek pour le plus grand plaisir de ses supporters, et est redevenu Ankaraspor en 2020, mais est aujourd’hui en 3e division.
Quelle réponse. Merci True. On s’est régalé avec cette serie.
Merci, j’allais te demander ce qu’il etait advenu d’Ankaraspor ! L’épisode « Osmanlı » est donc clos…
Je crois me souvenir d’une sorte de partenariat entre supporters de Bursapor et d’Ankaragücü. A une certaine minute de la 1ere mi-temps d’un latch, les crocos se mettaient à crier « Ankaragücüüü, Ankaragücüüüü »…
De sincères et chaleureuses félicitations pour cette trilogie d’articles tout à fait complète, instructive et agréable à lire !
Du coup, me suis un peu penché sur les résultats et j’ai vu qu’Istanbulspor avait réussi à se redresser et est classé en milieu de championnat. Y-a-t-il eu des arrivées sur le plan offensif ?
İstanbulspor est effectivement parvenu à enchaîner une série de 4 matchs sans défaites, avec un beau nul contre Beşiktaş !
Le collectif limité, mais soudé, semble faire des petits miracles, reste qu’offensivement, sans plan de jeu, les Taureaux peuvent compter sur les talents de ses joueurs balkaniques, en particulier Valon Et’hemi (3 buts et 1 assist)
Aussi, sans surprise, la totalité des buts marqués par İstanbulspor sont des têtes, des coups-francs, ou des actions de contres !
Merci pour cette présentation ultra détaillée
une question a mon tour – Bursaspor a disparu des radars: il me semble qu’il faisait partie des rares clubs hors isran
Istanbul a avoir décroché un titre, non?
Hello Gaston, effectivement Bursaspor est devenu le 5e club de Turquie à remporter le championnat en 2010, et donc le 2nd non-stambouliote après Trabzonspor !
Le club avait réussi à maintenir une position honorable jusqu’en 2015, alternant entre les 3e et 8e places. Or, après la fin du mandat Şenol Güneş cette même année, le club de la ville verte, comme est surnommée Bursa, va tenter des projets d’1 an tout au plus, qui vont tous décevoir : le retour du gagnant du titre Ertuğrul Sağlam, le champion avec Galatasaray Hamza Hamzaoğlu et même Paul Le Guen !
Mais surtout, dès 2015, Bursaspor va enchaîner les présidents qui vont être incapables de prendre les mesures nécessaires pour rectifier la trajectoire, jusqu’à la descente fatidique de 2019.
L’année suivante toutefois, les Crocodiles vont frôler la montée, grâce a un excitant projet mené par Yalçın Koşukavak, qui va s’appuyer sur les jeunes du réputé centre de formation du club.
Or, ce projet va être avorté par le manque de moyens du club, largement endetté suite aux multiples échecs des années précédentes, et le manque de patience des dirigeants, qui va obliger Y. Koşukavak à quitter le club en décembre. Pire, le club va sanctionner ses pépites, en particulier sa vedette Ali Akman, neveu de l’ancien international Ayhan Akman et cousin de son fils Hamza chez les Lions, qui avait choisi de s’engager à Frankfurt au début de la saison pour la prochaine session.
Apres le départ de Yalçın Koşukavak, la jeune équipe va être confiée à l’inexpérimenté local Mustafa Er en 2021, qui ne saura pas quoi en faire. La direction va prendre un tournant radical la saison suivante, en jouant le tout pour le tout et en recrutant à tour de bras, tout en placardisant ses jeunes pousses pourtant prometteuses décelées ces deux dernières années. Cela se soldera par un échec cuisant et une relégation en 3e division en 2022.
Aujourd’hui, Bursaspor lutte pour ne pas se trouver parmi les relégables de la D3, tout en souffrant de sérieux problèmes financiers : le club n’aurait plus les moyens de payer l’électricité de son stade, et vient d’être frappé d’une interdiction de transfert pour les 2 prochaines années par la FIFA !
Un beau gâchis, symbole du manque de vision des dirigeants, mais aussi des supporters turcs, qui n’ont pas fructifié leur géniale académie. Le buteur Enes Ünal de Getafe, Zeki Çelik de l’AS Roma Ozan Tufan à Hull City, ou encore Altay Bayındır et Serdar Aziz de Fenerbahçe, comptent effectivement parmi les chouettes talents issus de Bursa, et qui en outre font partie des rares Turcs a avoir eu du succès à l’étranger !
Bon ça y est je suis prêt pour la saison! Merci True Grit!
J’espère que l’historique Istanbuspor va faire une belle saison!
Merci True Grit pour cet ultime volet !
J’aurais d’autres observations / questions (si jamais tu les vois !).
J’étais totalement passé à côté d’Ümraniyespor, j’ignorais que c’était un club stambouliote. Peut-il compter sur une base de supporters solide – susceptible de faire un beau derby avec Fener ? Quels sont les rapports avec les autres clubs de la rive européenne ?
Une presidente de club (Kayseri), est-ce une première en Turquie ? Comment ça se passe pour elle jusque-là ?
A propos d’Istanbulspor, je me posais la question récemment : j’ai cru comprendre que le club avait été fondé par des élèves du Lycée allemand, de façon analogue à Galatasaray/Lycée français. Est-ce que les liens perdurent également avec cet établissement dans le cas d’Istanbulspor ? Y a t-il une mise en valeur de cette histoire par les fans actuels ?
J’ai l’impression que le centre de gravité de la Lig s’est pas mal déplacé à l’est (par opposition aux équipes de la façade égéenne et d’Istanbul). Mais peut-être est ce lié au fait que ton coup de projecteur rétablit la balance d’une certaine façon !
Heureux de trouver ici Adon Akos !
-Ümraniyespor, malgré sa fondation ancienne pour un club turc (1938) est tout nouveau sur la scène médiatique. Amateur jusqu’en 1984, il n’a commencé à gravir les échelons supérieurs qu’à partir de 2011. C’est donc un club un peu oublié, qui a toujours évolué à l’écart des autres clubs stambouliotes, étant en outre dans un quartier résidentiel situé derrière le centre asiatique de Kadıköy et de son Fenerbahçe. Seul İstanbulspor connaît bien Ümraniyespor, de leurs rencontres en D2.
Ümraniyespor reste un club à l’image lisse, fruit d’un projet méticuleux amorcé il y a 12 ans, qui a débouché sur une montée logique cette année. Ces supporters se sont ainsi constitués au cours de cette évolution, donc ne sont pas réputés pour faire de vagues, tandis que le quartier d’Ümraniye est un immense district résidentiel, avec notamment une partie populaire et conservatrice. Reste que dans les tribunes, un peu à l’image de Başakşehir, ce sont plutôt des étudiants, des badauds et des familles du coin qui viennent regarder l’équipe, qui par ailleurs n’est pas la pire moyenne en attendance (12/19).
-Berna Gözbaşı est la 1ere présidente d’un club de Süper Lig et de Turquie, en 2018. Depuis, Adıyaman 1954 en 3e division, et plusieurs autres clubs de la Ligue Amateur lui ont emboité le pas !
Cela se passe bien pour elle, car Berna Gözbaşı impose un certain respect et une distance, en n’étant pas aussi vociférante que ses collègues masculins entre autres, quoiqu’elle ait également hissé ses poils lors de la défaite houleuse contre Trabzonspor la semaine derniere. Sans que son mandat soit pour l’heure un succès éclatant, Berna Gözbaşı a le mérite d’avoir redoré le blason du club en réalisant de belles ventes pour son club (Emre Demir, Doğan Alemdar), honteusement réputé pour ses impayés, d’être allé en finale de la Coupe de Turquie l’an dernier, et d’avoir démarré un ambitieux projet avec Çağdaş Atan.
-Absolument, İstanbulspor a été créé par des étudiants et professeurs du Lycée d’İstanbul sous la houlette de Kemal Halim Gürgen, lycée ayant adopté le modèle allemand dès 1915, à l’image de celui de Galatasaray qui avait adopté celui français.
İstanbulspor a repris les mêmes couleurs et écusson que le Lycée, qui le gérait jusqu’en 1990. Cette année-ci, l’homme d’affaires Cem Uzan rachète le club à la fondation du Lycée, et c’est depuis qu’il n’y a plus de liens si ce n’est honorifique entre le club et le Lycée d’İstanbul, au contraire de Galatasaray dont le lycée et l’équipe font partie d’une structure commune.
-Alors je tirerais plutôt la conclusion contraire : cette année, il n’y a pas de réels clubs de l’Ouest anatolien, Yeni Malatyaspor ayant chu en D2 la saison passée. Mais c’est surtout une phagocytose de la Süper Lig par İstanbul, avec 8 clubs sur 19 représentés, à laquelle on assiste !
Les principales régions manquantes, au regard de leurs populations et dynamismes, sont la région Egéenne (4 clubs en D2) qui est aussi historiquement la deuxième porte d’entrée du football dans le pays, et le bassin de Marmara (3 en D2). On notera la persistance d’un front sur la Mer noire, avec Trabzonspor toujours accompagné par un voisin comme Giresunspor cette année ou Rizespor la saison passée. Mais aussi, plus intéressant, une nouvelle concentration au niveau du Sud-Sud-Est, autour d’Adana Demirspor, Hatayspor et Gaziantep FK.
Reste l’extrême Sud-Est, où il faut regarder en D3 pour les retrouver massivement : Şanlıurfaspor, Diyarbekirspor et Amed SK (même ville), Batman Petrolspor, Adıyaman 1954 et Vanspor. Mais c’est aussi là que se trouve l’unique représentant de la Thrace, qui ne peut plus compter que sur Kırklarelispor.
Il est fort ce mec… Aussi bon pour nous narrer les rouages du championnat que pour nous faire un peu voyager. Teşekkür ederim True!
Salut True ! Merci pour ta réponse et tous tes compléments d’information (pour info j’ai aussi commenté sous les parties 1 et 2).
Effectivement, c’est probablement l’absence des régions Egée / Marmara / Thrace qui m’a donné cette impression (et l’existence nouvelle de ce noyau Sud-Sud-Est, comme tu le dénommes).
Je dois dire que j’ai pris plus de plaisir à suivre les rencontres de championnat turc ce week-end avec tout le contexte que tu nous as donné.
Hors sujet mais puisqu’on parle de Turquie, je vous invite à découvrir le cinéma de Nuri Bilge Ceylan si vous ne connaissez pas. Il y a quelques pépites, notamment Les 3 singes, Il était une fois en Anatolie et Winter Sleep que j’ai beaucoup aimé.
Evidemment, il faut apprécier le cinéma d’auteur et le rythme « lent ».