Sir Bobby Charlton, dernier souvenir d’un Manchester tragique

Robert Charlton nous a quitté ce 21 octobre 2023, alors âgé de 86 ans. Mais pourtant, il aurait pu trépasser bien plus tôt, il y a presque 66 ans, lors du tragique accident aérien de Munich.

En 1958, Manchester United est une équipe émergeante en Angleterre, Matt Busby a construit une équipe de jeunes cracks qui ont gagnés le titre deux années de suite, en 1956 puis 1957. Parmi cette jeune génération prometteuse, nommées Busby babes, les étoiles les plus attendues se nomment David Pegg, Duncan Edwards et Bobby Charlton.

Mais, le 6 février 1958, l’avion qui doit ramener les joueurs Mancuniens depuis Belgrade (où ils viennent d’éliminer l’Étoile rouge) jusqu’à Manchester fait un arrêt à Munich. Dans des conditions enneigées, l’avion s’écrase au bout de la piste de l’aéroport de Munich. 23 personnes y perdent la vie, dont huit Busby babes.

De cette catastrophe, le gardien Harry Gregg devient « le héros de Munich », après que l’on a appris qu’il avait extirpé de nombreuses personnes de la carcasse de l’avion. Mais malgré ce sauveur, Manchester United est un club détruit. Treize ans après la fin de la Guerre, l’Angleterre est à nouveau meurtrie.

Dans ce marasme, deux joueurs deviennent les symboles du renouveau des Red Devils, le défenseur Bill Foulkes et le milieu offensif Bobby Charlton.

Ce dernier sera, avec Matt Busby, le grand artisan des 10 prochaines années de Manchester United. Busby et Charlton vont reconstruire le club, l’entraîneur écossais depuis son banc et le joueur anglais sur le terrain. De nouveaux babes arriveront à éclore, Shay Brennan, Nobby Stiles, Brian Kidd et surtout un feu follet nord-irlandais nommé George Best.

L’équipe de Busby se renforce petit à petit et Charlton est le joueur qui lie le renouveau du club avec son passé tragique. Qu’il joue milieu offensif, ailier gauche, buteur ou milieu central, il est un incroyable meneur de jeu à la frappe surpuissante.

En 1965, les Red Devils reviennent au sommet du football anglais avec leur sixième titre de champion, le premier depuis Munich. Charlton et Best soutiennent alors un buteur génial nommé Denis Law, le trio commence à se connaître à la perfection et ne sortent qu’en demi-finales de la Coupe des Clubs champions l’année suivante qu’à la faveur d’une solide équipe du Partizan Belgrade. Le titre est regagné de nouveau en 1967 et cela ouvre les portes du paradis aux Mancuniens.

Pendant ce temps, Charlton, devenu international anglais deux mois après l’accident de Munich, s’impose comme l’un des meilleurs joueurs au monde au début des années 60.

Éliminé par les futurs champions brésiliens en 1962, les Three Lions arrivent en pleine forme lors de leur Coupe du monde à la maison. Dans un effectif très bien huilé, Charlton sort du lot lors du match face au Portugal d’Eusébio. Face à celui qui est le meilleur joueur du monde, Charlton joue l’un des plus grands matchs de sa carrière, défensivement important et offensivement indispensable, il marque un doublé permettant à l’Angleterre de participer à la première finale de Coupe du Monde de son histoire. Geoff Hurst devient une légende dans le Royaume en marquant un triplé face à la RFA et Bobby Charlton est élu Ballon d’Or à la fin de l’année. Au sommet avec sa nation, il ne lui reste plus qu’à faire de même avec son club.

Après avoir éliminé les Hibernians, le FK Sarajevo, le Górnik Zabrze et le Real Madrid, Manchester United est face à son destin le 29 mai 1968. Dix ans plus tôt, les espoirs mancuniens avaient été brisés par un accident et pour Bobby Charlton, c’est la chance d’une vie de gagner ce que les Busby babes auraient dû gagner une décennie plus tôt. Face à eux, Benfica et Eusébio, l’une des meilleures associations que le football ait connu. A Wembley, le même stade qui l’avait vu remporter la Coupe du monde, Charlton ouvre le score d’une superbe tête peu avant l’heure de jeu. Les portugais égalisent et le match part en prolongations.

Mais cette histoire, celle de Manchester United et de celui qui est devenu Sir Bobby Charlton, n’est plus une tragédie. George Best mystifie le gardien lisboète puis c’est au tour de Brian Kidd de marquer. Ce dernier perce l’aile droite portugaise avant de centrer à ras de terre pour le capitaine Charlton. Le survivant de Munich marque un doublé qui entérine définitivement la victoire mancunienne.

Bubsy, Foulkes et Charlton ont connus l’enfer de Munich et le paradis de Londres, à 10 années d’intervalle.

Pour Sir Bobby Charlton, l’histoire d’amour avec Manchester durera encore cinq ans. Pour suivront des piges anecdotiques à Preston puis en Irlande et en Australie.

Cinquante ans après sa retraite, seul Ryan Giggs a plus joué pour les Red Devils et seul Wayne Rooney a plus marqué. Les deux records ont tenus jusqu’en 2008 et 2017, preuve de la longévité de celui qui partage une statue à Old Trafford aux côtés de ses deux compères de la Holy Trinity, la Sainté Trinité mancunienne, George Best et Denis Law.

Manchester United n’a plus rien du club qu’il était durant l’ère Charlton, le club pris le tournant du foot-business très rapidement et il est aujourd’hui une marque à part entière. Dans les temps troublés que vivent l’institution United, la mort de ce qui est peut-être sa plus grande icône marque la fin de celui qui rattachait encore le club à une tragédie fondatrice pour son histoire.

Reposez en paix Sir Charlton, les fans de Manchester United à travers le monde vous pleureront pendant encore longtemps.

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21 réflexions sur « Sir Bobby Charlton, dernier souvenir d’un Manchester tragique »

  1. J’aime beaucoup les changements de rythme de Charlton qui lui permettait de dégainer pied droit, pied gauche. D’ailleurs, mise à part Nedved, je ne vois personne qui était aussi efficace pour armer des deux pieds à longue distance.

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    1. Je vois Nilis, entraîné des années durant par son père Roger (dont l’on reparlera dans 2-3 mois) à jouer contre un mur comme suit : pied gauche..pied droit!…. pied gauche..pied droit!……..

      Ad nauseam, toujours plus fort, de toujours plus loin….. A force, Nilis pouvait enchaîner en un temps, et d’un pied à l’autre, des frappes surpuissantes des 20, 30 mètres, davantage même.. C’était devenu « naturel ».

      Aujourd’hui encore, il m’est impossible de dire s’il était gaucher ou droitier (je l’ai su mais je peinai longuement..et peine à nouveau à le dire), un faux quoique parfait ambidextre, bref.

      Charlton : pas ma tasse de thé mais très fort, le crack est incontestable. La personnalité semblait plus discutable.

      Il y a une photo que j’adore, où on le voit au duel aérien avec..sa mère! Laquelle devait être un fameux personnage, c’est manifeste!

      On dit qu’il y a souvent une grande femme derrière un grand homme.. Ben dans le cas des Charlton brothers, je crois qu’il ne faut pas chercher trop loin.

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      1. Il était fort du gauche Nilis? Je vois bien ses patates du droit mais j’ignorais pour l’autre jambe.

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      2. C’est étonnant mais, à ses débuts : il jouait (et marquait) même plus du gauche que du droit, cela ne dépendait en fait que de son positionnement sur le terrain.

        Moi, j’étais persuadé qu’il était gaucher à l’époque. Puis je n’ai plus rien compris, l’ambidextrie était absolument parfaite, déstabilisante…..et puis j’ai su, une lointaine interview..mais aujourd’hui je ne sais plus quel était son pied naturellement fort.

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      3. C’est quand même fou que Nilis n’ait jamais performé avec la sélection. Elle n’avait plus le niveau des années 80 mais c’était pas encore les horribles années 2000.

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      4. Culturellement pas en phase. Il était taillé pour le foot NL.

        En Belgique : le primat était au travail, à la cohésion et au jeu de rupture. Certains esprits chagrins aiment à moquer cela au pays : Van der Elst (et je parle ici du binaire Francky encore bien!, pas même de ce crack que fut le grand Swat des 70’s) a été Soulier d’Or, meilleur joueur officiel de la saison donc……….mais jamais Nilis??

        Moi ça ne me choque pas, c’est la psyché dominante au pays, un abord prudent des choses.. Les pays ont le droit de faire ce qu’ils veulent, privilégier l’apport collectif au talent pur et dur.. ==> Ca me paraît même formidable, qu’on puisse avoir plus d’égards pour un gregario qui ne ressemble à rien, que pour un surdoué ou un type plus bling-bling……… J’y vois même l’une des grandes vertus de la Belgique (pays qui m’insupporte sur bien des points, pourtant).

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      5. Nilis a tout de même fini par performer, en qualifs de WC98 il est pas mal.. C’est même le grand bonhomme des play-offs face à l’Irlande!, ce but à Dublin par exemple : https://youtu.be/4m7KHhmv_l4?t=37

        Mais ce ne fut qu’une parenthèse fructueuse dans un parcours en Diables Rouges pour le reste absolument raté (et pourtant pas faute, à l’instar d’un Lukaku, que TOUT fut entrepris pour le mettre autant que possible en valeur)!

        Et même humainement, on le dit bien peu mais il se fit fort de savonner la planche de Weber 4 ans plus tôt ; lui et son comparse Degryse furent bien peu glorieux durant le tournoi US..

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      6. @Khiadia, cette photo avec sa mère.. A vérifier mais, la brouille d’entre Bobby et Jack Charlton, ben il me semble qu’elle part de leur mère initialement.

        De tête : l’épouse de Bobby Charlton manqua de respect ou tint trop ostensiblement tête à la matriarche, une histoire de femmes en tout cas.. Comme plupart des membres de la tribu, Jack prit le parti de la mamma……..mais Bobby celui de son épouse, et ignora donc sa mère des décennies durant. Conséquemment, Jack prit alors le parti d’ignorer à son tour son frère. Tout un temps, c’est ce qu’on pouvait lire de cette brouille célèbre..dont je crois que les deux frères ne se remirent jamais?

        Cette histoire familiale mise de côté, j’ai souvent (pas seulement, certes) lu des choses peu amènes concernant Saint-Bobby.

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      7. Ah, je pensais qu’ils étaient proches les frangins Charlton… C’est Jackie le sympathique alors?

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      8. Moi, comme ça, d’instinct : un faible pour Jacky……….mais un faible aussi pour son Leeds, donc, bon.. 😉

        Des histoires de famille……… Comment savoir? 1958 avait de quoi rendre amer, aigri, distant..de garder un je ne sais quoi de brisé/fêlé? Voire tenir de certaine hygiène mentale? En gros, ce que je lisais lui être le plus souvent reproché : une forme de suffisance à force misanthropique envers les supporters, le public (fût-il très jeune, qu’il remballa çà et là sans ménagement)…………..mais c’est peut-être sain, parfois la seule chose à faire, que de prendre ses distances avec le star-system, l’iconographisme?

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      9. D’ailleurs, tu sais comment s’est passée l’intronisation de Jackie au sein de la sélection irlandaise? Ça a du causer quelques débats, non? Je connais rien de sa carrière de coach avant l’Irlande

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      10. Aucune idée!

        Il y est évidemment un dieu aujourd’hui..mais à l’époque, quand il débarqua???

        Tiens, toi qui aimes le Mexique : pour beaucoup d’Anglais, le but le plus important de leur tournoi 66 le fut face aux Ratones, à 0-0 et alors que les Anglais avaient déjà fait match nul au premier match………et surgit alors Zorro Charlton, une patate du droit en pleine lucarne.

        Dans l’espèce de récit national qu’ils s’en font : c’est ça.

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      11. @Alexandre : je ne savais pas que Nilis avait subi ça de la part de Weber et Degryse en 1994. Et concernant la Belgique, j’ai vu qu’il avait inscrit son premier but avec les Diables rouges au bout de 24 sélections. Incroyable quand on sait que le Brésilien Ronaldo dira qu’il était l’un des tout meilleurs joueurs avec lequel il avait joué dans sa carrière ; pareil pour Van Nistelrooy. Ça devait être assez terrible pour les Belges d’avoir un joueur d’un tel calibre qui n’arrive pas à performer sous le maillot national…

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      12. @Pig Benis, c’est plutôt Weber qui a subi les avanies des autres. En sélection (trente ans plus tard Marc Wilmots en parle encore avec rancune) comme lors de son passage du Cercle Bruges à Anderlecht (Johan Boskamp, leur entraîneur, l’a lui aussi traité comme un étron, et des années après il considérait que Weber était en gros un abruti qui s’était pété le genou par sa seule faute etc.)

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      13. Oui, ce fut le binôme Degryse-Nilis Vs le pauvre Weber, super joueur et notoire chic type……..mais les places étaient chères, sa naturalisation gêna..

        Wilmots ne fut effectivement pas en reste mais eut alors le mérite d’être frontal et de n’en rien laisser paraître sur le terrain – le terrain fut toujours sacré pour le « Kampfschwein » Wilmots. Sa position toutefois était très claire, dès avant le tournoi : la Belgique n’avait pas besoin de joueurs naturalisés, ne manquait pas de talents offensifs (dont lui, ça va sans dire)………..et c’était vrai!, à ce détail près que Weber était d’un profil inexistant à ce niveau en Belgique.

        Wilmots se mit une telle pression que, quand il fut enfin titularisé pour le dernier match du 1er tour : il se loupa complètement face à l’Arabie saoudite, et de honte annonça sa retraite internationale dans la foulée (Dieu merci : il finira par changer d’avis)..

        Nilis et Degryse? Ils plumèrent Weber au poker – Van Himst dut les obliger à restituer au brave Weber la petite fortune qu’il avait perdue au jeu.. Histoire longtemps confirmée par toutes les parties……..mais qui, avec le temps, devint tabou ; officiellement ils vous diraient désormais qu’il ne s’est jamais rien passé de tel, foutaises mais je présume que la position publique du consultant-star Degryse (et la profonde gentillesse de Weber) n’aura pas été pour rien dans cet étrange révisionnisme.

        Plus grave, impardonnable même : non content de le saboter à l’entraînement (plusieurs journalistes le rapportèrent à l’époque), Degryse snoba ostensiblement Weber sur pelouse!!! Il y eut des phases sans ambigüité aucune, lors de la victoire face aux Pays-Bas par exemple……….. Une honte!, Degryse eût dû gicler de l’équipe, mais Van Himst était « un peu » mou, trop gentil.. C’avait déjà été son problème comme entraîneur à Anderlecht, 10 ans plus tôt..

        Après la WC94, ce fut à peine mieux pour Weber sous le maillot d’Anderlecht…… Pourquoi cet acharnement contre lui? Tout simplement car Degryse et Nilis s’entendaient bien, redoutaient d’être ringardisés par Weber.. ==> Ils convinrent donc de lui savonner la planche, même si ce fut surtout Degryse qui se mouilla, Nilis (le plus susceptible des deux de sauter au profit du Belgo-Croate) resta toujours en retrait dans la combine.

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      14. @BigPénis : oui, c’était terriblement frustrant, car pas faute qu’il montrât avoir la classe internationale en coupes d’Europe………mais avec les Diables ça ne matchait pas, c’était même franchement pathétique. Les entraîneurs avaient beau insister, adapter vaille que vaille le logiciel, dispositif, l’essayer avec Pierre Paul ou Jacques ou en retrait.. : que dalle, la cata.

        On peut dire que ça a foutu la merde aussi, un Wilmots était plus adapté par exemple, en conçut certaine amertume..dont Weber finirait par faire les frais..

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