Renaix, le football à l’ombre du vélo

Renaix, ou Ronse, ville des Flandres en bordure de la Wallonie, elle est la plus grande commune à facilité de Belgique. Ce terme vous est probablement étranger si vous n’êtes pas belge car c’est une particularité de mon petit mais complexe pays. Voici donc pour vous l’explication donnée par Wikipédia : « Les facilités linguistiques en Belgique sont les aménagements apportés au strict découpage géographique du pays induit par la Frontière linguistique ; concrètement, c’est la possibilité pour une population minoritaire de pouvoir échanger avec l’administration dans sa langue, n’étant pas la langue officielle de la région linguistique. Les communes où ces facilités s’appliquent sont donc appelées communes à facilités dans le langage courant. » Actuellement environ un quart de la population a le français comme langue maternelle.

Renaix c’est le textile. Lors de l’entre-deux guerres, on pouvait y compter plus de 500 usines et ateliers de tissage. Les somptueuses maisons de style Art déco d’Amsterdam, que l’on peut voir sur la place Mouroit, sont également un héritage de ces riches seigneurs du textile.

Renaix c’est la ville des fous, on y trouve la basilique de Saint-Hermès, qui depuis le Moyen Âge est un lieu de pèlerinage pour les malades mentaux. Les noms de tous ces pèlerins ont été soigneusement consignés dans le « Livre des fous », qui est toujours exposé sur place.

Renaix, ville de nature puisqu’elle fait partie de ce qu’on appelle les magnifiques Ardennes flamandes ou je ne compte plus les différentes possibilités de promenades dans les collines verdoyantes et les bois comme le Muziekbos (une magnifique randonnée le traverse et on dit que l’Empereur Charles et César seraient passés par ici, et on dit même que Wagner y a trouvé l’inspiration pour son Tannhauser) ainsi que l’Hotondbos, ce dernier avec son Hotondberg n’est autre que le point culminant de Flandre orientale et par temps clair on pourrait y voir plus de 100 clochers d’églises… C’est là que j’aime aller tester les dénivelés lors de mes sorties longues de traileur le weekend… Je me gare d’ailleurs toujours au même endroit, dans la bien nommée « Ronde van vlaanderenstraat ». Ce qui nous amène au point suivant, le plus connu sans doute, Renaix ville de vélo. Elle vibre tous les ans au passage du tour des Flandres au travers de sa région et encore plus quand les coureurs montent le célèbre Kruisberg. Mais il n’y a pas que le ronde, il y eu aussi les championnats du monde 63 et 88, tous deux « maudits » et sacrément polémiques.

Le premier connu sous le nom de « la trahison de Renaix » rien que ça… Cette année-là, Rik van Looy arrive en tant qu’ultra favori sur ses terres et espère bien décrocher une troisième couronne mondiale après 60 et 61. RIK II est en pleine forme et est le meilleur coureur du moment sur les courses d’un jour. Mais à force de trop gagner, on finit par avoir du monde sur le dos et même ses coéquipiers… L’histoire remonte à Milan San Remo 58, Rick l’emporte grâce au fantastique travail de ses équipiers mais il refuse de partager sa prime de victoire, ce qu’il avait pourtant promis… Plus tard, c’est Gilbert Desmet qui sera privé de victoire à Paris Roubaix et sur le tour des Flandres, sur ordre de son leader.  Dégouté le Roularien se fait une promesse, celle de rendre la vie difficile à Van Looy dès qu’il le pourra… et l’occasion lui en est donnée en 63. A l’approche du sprint final, Rick Van Looy exhorte ses troupes en vue de l’arrivée massive, Benoni Beheyt est cuit il ne sait plus l’aider et reste dans la roue de son leader pour le « protéger ». C’est donc Desmet qui emmène le sprint mais il piège Van Looy en attaquant trop fort, trop tôt. Le double champion du monde est surpris et se retrouve isolé trop loin de l’arrivée et c’est à ce moment que Beheyt, soit disant « cuit », le déborde. Rick essaie de lui fermer la porte mais Beheyt met sa main sur son leader pour se protéger et ainsi l’écarter et devenir champion du monde devant un Van Looy humilié. Ce dernier tentera bien de porter réclamation mais c’est peine perdue car c’est bien lui qui tente de fermer la route au Gantois. Van Looy ne pardonnera jamais cette trahison à son coéquipier et tentera par tous les moyens de dégouter Benoni Beheyt du cyclisme, ce qui finira par arriver, le champion du monde 63 mettra fin à sa carrière à 26 ans tout en ajoutant un Gand-Wevelgem et une étape du tour de France à son palmarès.

25 ans plus tard lors de l’été 88, Renaix est de nouveau choisie pour accueillir les championnats du monde. Une édition qui encore une fois fera couler beaucoup d’encre. Ce jour-là, Claudy Criquielion est le plus fort et est échappé en tête de la course avec l’Italien Fondriest. La victoire semble lui tendre les bras jusqu’au retour du Canadien Steve Bauer sous la flemme rouge, et pas de bol, l’Ontarien est le meilleur au sprint. Voulant saisir sa chance, il attaque directement les deux échappés mais c’est trop tôt et il craque dans la derniere ligne droite. Alors que le « Crique » le déborde et que toute la Belgique et sa région (il est né à Deux-Acres à deux pas de Renaix) le voit champion du monde, le Canadien vient le coincer contre la balustrade et donne un coup de coude dans son guidon. Criquielion chute et l’Italien Marizio Fondriest pourtant distancé, profite de l’incident pour devenir champion du monde. Criquelion est à terre et passera la ligne en 11e place, à pied, le vélo inutilisable. Il tentera bien de trouver justice devant les instances du cyclisme et devant le tribunal mais sans succès… Il lui restera à vie un terrible sentiment d’injustice comme il le déclarait encore à la RTBF : « Cette route, je l’emprunte régulièrement. À chaque fois, il y a un choc. Le souvenir de quelque chose de particulièrement cruel… Même si cela commence à s’atténuer un peu avec le temps, je ne peux pas arriver à ne pas y penser. Il n’y a quand même pas beaucoup de coureurs qui ont été à deux reprises champions du monde…Ce qui, aujourd’hui, m’ennuie le plus, déclare l’Acrenois, c’est que l’on a parfois tendance à se souvenir plus de ma chute et de ma défaite à Renaix que du titre que j’ai conquis en 1984 à Barcelone. Ça, c’est frustrant ! »

Comme vous l’aurez lu dans cette longue introduction, le cyclisme fait partie de la légende à Renaix et ne laisse que peu de place au football. Cependant deux clubs rivaux ont été parmi les pionniers du foot en Flandre orientale et ont été présents en deuxième et troisième division jusque dans les années 50-60, l’ASSA Ronse et le Royal Football Club Renaisien.

Les débuts

La royale association sportive Renaisiene ou ASSA est fondée en 1906 par des collégiens et se voit attribuer le matricule 38, ce qui fait d’elle, après La gantoise et le Racing Gantois, le troisième plus vieux club de Flandre orientale. (Ils font partie pour moi des clubs pionniers du foot en Belgique quand on sait que le premier match de notre équipe nationale eut lieu le 14 avril 1907.) Le nom étant choisi, il faut maintenant choisir des couleurs qui seront le vert et le blanc, couleurs de la ville. C’est le 15 décembre 1907 que le club disputera son premier match qui se soldera par une victoire 5-2 face à La Gantoise à laquelle viendront assister 2000 curieux.

Cependant cette première victoire historique marquera, déjà, une scission au sein du club puisque lors des célébrations victorieuses en ville des échauffourées auront lieu entre des membres du club et une franche de personnes plus catholiques qui n’étaient pas d’accord avec toutes les règles en applications au sein de l’ASSA. C’est ainsi que lors des vacances de Noël 1907-1908, le Football Club Ronse a été créé et recevra le matricule 46, les premiers maillots sont blancs et comportent une large bande horizontale noire au milieu.

Alors que les deux clubs n’en sont qu’à leur balbutiements, la division entre les bourgeois et les catholiques est profonde. Pour illustrer cela, le 5 novembre 1909 c’est un des meilleurs joueurs et fondateurs de l’ASSA, Georges Cambier, qui quitte le navire pour rejoindre les nouveaux venus du CLUB. Il explique sa décision à contrecœur dans une lettre à son président : « Mon Cher président, c’est malgré moi que je donne ma démission comme joueur de l’ASSA. Mes parents, sur le dire et l’instigation de plusieurs catholiques viennent de me défendre de rester plus longtemps dans la société que vous avez fondée il y a deux ans et qui était appelée à un si bel avenir. Avant de vous quitter je n’ai qu’un souhait à formuler : puisse l’association subsister encire bien des années et prolonger la série des victoires. »

C’est le dimanche 8 octobre 1911 que les équipes s’affronteront pour la première fois et elles se quitteront dos à dos 1-1 avant que le Club n’empoche la première victoire du derby un mois plus tard, 1 à 0. Quelques années plus tard, la première guerre mondiale mettra un frein au développement des clubs, nombre de leurs joueurs se portant volontaire sur le front. Les équipes disputeront bien quelques matchs mais principalement pour récolter de quoi envoyer des colis de vivres aux prisonniers et déportés.

L’âge d’or

C’est en 1923 que l’ASSA disputera sa première saison en division 2 nationale, avec de nouvelles couleurs, le rouge et le blanc jugées plus populaires. La promotion ayant été brillamment obtenue au détriment d’une finale face au SK Tongres jouée sur le terrain du Racing de Bruxelles devant de nombreux supporters ayant fait le déplacement. Alors que le football se développe de plus en plus et que l’ASSA vient de subir une descente en 3e division, le comité décide qu’il veut s’offrir les moyens de grandir et de se développer. C’est ainsi qu’il est décidé de faire venir le britannique Charles Griffiths, un des premiers grands coaches de notre pays. Il faut bien avouer que l’homme possède un sacré palmarès, il a fait partie du staff de l’équipe belge championne olympique en 1920, il a été l’entraîneur de l’Union saint Gilloise championne de Belgique 1923 et enfin sélectionneur de l’équipe de France olympique en 1924, excusez du peu! Le succès est immédiat avec une remontée immédiate en deuxième division. On notera également la présence dans l’équipe d’un certain Rik Larnoe, une des premières légendes du foot belge, avec le Beerschot d’Anvers il gagnera quatre titres de champion de Belgique et avec la sélection nationale il remportera les jeux olympiques 1920. A la fin de sa carrière en 1927, il vient ouvrir un café à Renaix et rejoint par la même occasion l’équipe. Après son passage à Renaix, Griffiths remportera une coupe de France avec Roubaix en 33 avant de retourner à l’union et de glaner trois titres consécutifs de 1933 à 1935.

Larnoe en bas 3e et au milieu – saison 1927-1928

L’ASSA, n’est malheureusement pas très régulière et tombera au début des années 30 dans les séries provinciales avant de revenir en division 2 de 1938 à 1948.S’ils sont moins réguliers sur le plan sportif, les rouges et blancs ne vont cesser de trouver des coaches de renoms pour se remettre en selle et ce par l’intermédiaire de leur président et ancien joueur, Maurice Vande Wiele, véritable légende du club.

C’est ainsi que pour quitter les séries provinciales, c’est le hongrois Hugo Fenichel qui est débauché à l’équipe nationale Luxembourgeoise pour la saison 1933-1934. Réussite directe avec un retour en D3. Ensuite le hongrois, juif de naissance, retournera dans son pays qu’il quittera définitivement en 1938 avec la montée en puissance du régime nazi. (Il reviendra en Belgique pour coacher le Cercle Bruges et enfin la gantoise en 1941 ou la guerre le rattrape et il sera fait prisonnier puis déporté au camp de concentration de Neuengamme où il sera gazé le 15 août 1942…).

Pour le retour en Séries nationales en 1936, c’est Rick Larnou déjà abordé plus haut et maintenant retraité qui reprendra l’équipe quelques temps. Enfin, pour la saison 1949-50 le français Jules Bigot (ancien international chez les bleus, champion de France 46 et vainqueur de la coupe de France 47 et 48 avec Lille), est annoncé comme entraineur joueur mais il ne restera pas longtemps préférant accepter la même offre au Havre.

Le dernier fait d’arme de l’association renaisienne sera un quart de finale de Coupe de Belgique 1955 alors qu’elle est déjà sur le déclin et en promotion (D4). Ils s’inclineront 2-1 face au Racing Mechelen de Rik De Saedeleer (icône du racing et du foot belge, il deviendra plus tard le meilleur commentateur sportif flamand de l’histoire et ce, de l’avis de tous). On peut remarquer la présence devant les cages de l’équipe renaisienne un certain… Raymond Goethals, surnommé là-bas, le « Jockey » en référence à sa casquette vissée sur la tête faisant penser au casque des cavaliers. A l’époque, le futur Raymond la science avait déjà son sacré caractère et d’après plusieurs témoignages il n’était pas spécialement apprécié par tout le vestiaire. Raymond finira sa carrière de joueur comme deuxième gardien à l’ASSA avant d’entamer son bien plus brillant parcours d’entraineur.

Raymond Goethals en haut 2e en partant de la gauche – 1955 ?

Bien que l’équipe n’ai jamais jouée en première division, ça ne l’a pas empêchée d’accueillir quelques cylindrées européennes lors d’un tournoi organisé en 1948 en l’honneur de son 40e anniversaire. C’est ainsi que l’Antwerp, les Grasshoppers Zurich, l’Admira Wien et le Kispjest Budapest qui deviendra un an plus tard le Budapest Honved débarquent en ville. L’équipe hongroise fera forte impression en remportant le tournoi en disputant des matchs d’une intensité rarement vue à l’époque en Belgique. D’ailleurs dans les rangs du Honved figurait un talentueux jeune joueur, un certain…Ferenc Puskas, qui aura donc foulé la pelouse du parc Lagache, stade du club.

De son côté, le club est bien plus stable que son rival, il disputera sa première saison dans les divisions nationales, en D3 lors de la saison 1926-1927. C’est le début d’une belle longévité pour les bleus et blancs qui resteront 38 saisons consécutives en nationale (dont 19 ans de suite en D2, de 1931 à 1952 !). Sur le terrain, les clubmans rateront même la montée en D1 d’un rien lors de la saison 1929-1930, ils ont même été virtuellement champion, jusqu’à ce qu’une sombre histoire ne vienne ajouter deux points de plus au CS Schaarbeek sur tapis vert, points qui leur permettront de passer devant le club et d’accéder à la division d’honneur. La raison est obscure, mais le club bruxellois aurait porté réclamation auprès de la fédération après une défaite sur un joueur non affilié et donc non en règle dans l’équipe adverse. Le pire c’est que c’est le joueur fautif en question (qui détestait Renaix) qui a aurait prévenu Schaarbeek… Le résultat est celui qu’on connait et jamais plus un club renaisien ne s’approchera si près de la première division…

En 1959, le club qui veut remonter en deuxième division tentera aussi l’aventure avec un entraineur étranger, le franco-hongrois, François Szego, ancien attaquant de Reims et des girondins avec qui il remportera la coupe de France 1941. Celui-ci fera venir 5 joueurs hongrois dans l’effectif et aussi deux congolais, qui avaient été repérés lors de la tournée de la sélection de Léopoldville en Belgique en 57.

Si vous demandez à un habitant de Renaix de vous citer un footballeur de renom originaire du coin, il va vous regarder avec des grands yeux ronds à moins de tenter de faire passer Louis Vervaeke pour un footballeur de l’équipe Quick-step. Mais si votre interlocuteur a plusieurs dizaines d’années au compteur, un seul et unique nom ressortira, Pierre Carteus. « Born and raised » in Renaix, il est l’illustre footballeur de la cité, passé par les équipes de jeunes du FC, il arrivera en équipe première fin 59 jusqu’en 64, ne connaissant que la troisième division avec le club. Assez pour convaincre Roulers de le recruter avant qu’il ne parte pour un autre Club, le Club de Bruges qui le recrute en 1966. Là-bas il deviendra international belge (il sera de la partie au mondial 1970 à Mexico, petit fiasco pour l’équipe belge entrainée alors par…Raymond Goethals), il sera sacré champion de Belgique 1973 sous Ernst Happel et gagnera deux coupes de Belgique. Personnage apprécié par sa gentillesse et son intelligence, il brillait d’une grâce rare sur le terrain, un artiste. Il est considéré comme un des joueurs les plus doués à avoir porter le maillot brugeois, Pierre Carteus symbolisait le raffinement et l’intelligence de jeu, le sens du geste juste mais aussi une forme d’acharnement permanent sur le terrain. Pierre Carteus, c’était aussi un bon vivant, jamais le dernier pour aller en boire une, au Club Ronse il était surnommé « Pierre Pale-Ale ». Une anecdote raconte que la veille d’un match européen du Club de Bruges, le sélectionneur Leo Canjels aurait menacé ses joueurs d’une sévère amande s’ils sortaient le soir, ce à quoi Carteus répondit en ouvrant son portefeuille « on peut passer à la caisse tout de suite ? ». Sa période chez les diables aurait pu être plus faste mais on raconte que c’est une mésentente avec Paul van Himst qui l’empêchera de s’installer durablement dans l’équipe.  A la fin de sa carrière professionnelle, il reviendra au Club Ronse avant de faire une pige d’un an chez le rival de l’ASSA en 82-83 et puis de raccrocher définitivement les crampons. Pierre mourra d’une longue maladie en février 2003 dans sa ville, à 59 ans.

Pierre Carteus en bas 3e en partant de la gauche – fin 70

Un autre joueur de renom est passé par le club renaisien, il s’agit de Jacques Stockman qui aura évolué dans l’équipe première un an, de 56 à 57. Ses débuts tonitruants en 3e division attireront l’œil du sporting club d’Anderlecht qui le recrutera en fin de saison. Maintenant, Stockman fait partie de l’histoire des mauves et est une icône du club pour lequel il aura marqué 142 buts, remporté 5 championnats et deux coupes de Belgique. Artificier en chef lors de sa période au sporting, il finira meilleur buteur du championnat de Belgique en 1962 et aura aussi une carrière longue de 9 ans au sein de l’équipe nationale belge ou il marquera 13 buts en 32 sélections.

Stockman en bas 3e et au milieu – saison 1956-1957

Le déclin

La fin de la deuxième guerre mondiale et le déclin de l’industrie textile dans la région auront un impact majeur sur la santé des deux clubs qui petit à petit vont décliner jusqu’au point de quitter pour de bon les séries nationales.

L’ASSA quittera définitivement les séries nationales après la saison 64-65 et le club, lui, en 68-69, 4 ans après son rival. Le derny derby aura lieu en 67 et se soldera par une victoire nette du club, 4-0. Les deux rivaux ne le savent évidemment pas mais l’âge d’or de leurs équipes est derrière, en coulisse on parle de plus en plus d’une fusion, improbable, impensable, irréalisable pour les supporters qui n’en veulent évidemment pas. Durant les années 60, l’ASSA tentera un rapprochement sans succès avec son voisin un peu plus fringant. Finalement il faudra atteindre une vingtaine d’années de plus et 1987 pour que la fusion chère au Bourgmestre de l’époque, Orphale Crucke, soit actée. Le matricule 38 de l’ASSA est gardé et le club devient, le SK Ronse.

Comme pour ajouter à l’élan dramatique, la fusion est annoncée après que soit jouée en ville une version locale et réadaptée de Bossemans et Coppenolle. Célèbre Vaudeville, cette pièce de théâtre belge date de 1938 et raconte l’histoire de deux familles qui doivent célébrer les fiançailles de leurs enfants alors que l’une est fervente supportrice du Daring de Bruxelles et l’autre de l’Union Saint Gilloise. Vous l’aurez vu venir, à Renaix les familles qui s’entredéchirent sont pour l’ASSA et le club. A la fin, tout se termine bien et les familles s’échangent chacune les blasons des deux clubs, c’était sans savoir que quelques instants plus tard, il n’y en aurait plus qu’un.

Ça y est c’est la fin d’une rivalité longue de 80 années, ou les deux clubs auront affrontées nombres d’équipes mythiques du championnat de Belgique de passage dans les divisions inférieures. Anderlecht, La gantoise, le thor Waterschei, le LYRA, Berchem sports, le Cercle Bruges, Ostende, le Sporting de Charleroi et bien d’autres. Le club renaisien aura même vu le sacre sur sa pelouse en 1959 du club de Bruges, qui n’a plus jamais chuté en deuxième division depuis.

Longue vie au SK

Le SK ne fera pas de vieux os en séries provinciales sous l’impulsion du président Orphale Crucke, et le retour en nationale est acté en 1991. Un nouveau stade du nom du président est construit pour le saison 1993-1994 et le club enchainera même deux montées successives pour se retrouver en deuxième division lors de la saison 2001-2002. Le SK ne quittera jamais les séries nationales jusqu’à sa disparition en 2022. Le dernier match du matricule 38 sera une défaite 2-4 face au Racing Gent…125 ans après le premier match de foot à Renaix et une victoire face à La gantoise, ses deux ainés en Flandre orientale, la boucle est définitivement bouclée, au revoir l’artiste.

Si l’ASSA et le club étaient populaires, le SK ne le fut jamais, comme si les supporters n’avaient jamais pu se résoudre à la fusion, les performances du club n’étaient pas mauvaises mais le beau stade fraichement construit n’aura jamais attiré les foules. Comme un clin d’œil, peu de grands joueurs sont passés par le SK mais il y eut un grand entraineur dont je me dois de citer le nom, Francky Dury, coach de 88 à 92 celui qu’on surnomme le policier y fera ses gammes d’entraineurs, faisant passer le club de la deuxième provinciale à la D4. Six ans plus tard il construira sa légende à Zulte faisant passer le club de la promotion à la première division, remportant deux coupes de Belgique et passant même à un doigt du titre de champion en 2013. Il sera entraineur du club durant 22 ans.

Maintenant les matricules 38 et 46 n’existent plus, les installations du stade O.Crucke sont occupées par le KSK Vlaamse Ardenen et le FC Ronse (qui n’a rien avoir avec l’ancien) et qui évoluent respectivement en 2e et 4e provinciale.

Je vous ai parlé de Jeannette ?

Je vous parlais donc du manque d’enthousiasme qu’aura suscité le KSK tout au long de son existence. Ce qui n’était pas le cas de ses deux prédécesseurs, c’est pourquoi je ne peux pas faire cet article sans vous parler de la mascotte du club renaisien, une certaine jeannette qui n’est autre qu’une…chèvre empaillée montée au-dessus d’un ballon. Alors d’où vient-elle ? Personne ne sait vraiment mais j’ai bien trouvé deux anecdotes à son sujet.

On a raconté toutes sortes de choses sur cette Jeannette, notamment qu’elle portait le nom de la maîtresse d’un directeur du Club d’autrefois. L’homme passait de nombreuses heures avec sa maîtresse et le reste du temps au bar où il avait gagné une chèvre un samedi soir grâce à un billet gagnant de la tombola du Club. L’animal fut tué, empaillé et immortalisé à jamais comme le symbole par excellence du Club. La chèvre fut appelée jeannette comme la maitresse du président…

Et voici l’autre version de la naissance de Jeannette. Un dimanche de mai 1927, quelques supporters fanatiques du Club, dont un certain « Tavi », se sont promenés dans les rues de la ville. Ils virent un pré où se trouvaient quelques chèvres et on ne sait pourquoi mais la joyeuse bande est allée proposer à la propriétaire, une certaine Mme Stekkers, d’acheter la plus belle chèvre. La chèvre est ensuite emmenée au café du club, où elle dispose d’une étable improvisée dans un coin. Le lendemain, le bande toute désinhibée se demande ce qu’elle va bien pouvoir faire de l’animal et ils décident brutalement de l’abattre pour l’empailler. Fort heureusement le cafetier s’y opposera et Il fera même de la petite chèvre la mascotte de l’équipe la rendant ainsi intouchable. Malheureusement, l’animal ne vivra pas longtemps. Elle fut empaillée, vissée sur une balle et emportée à jamais par les supporters et la fanfare du club. Le nom est un hommage à la sœur du cafetier, Jeanne.

J’aime bien ces histoires qui font partie de la légende des clubs, je me demande bien si le coq des Spurs de Tottenham a une histoire similaire…

Epilogue

Voilà, j’arrive à la fin de mon récit. Vous vous demanderez peut-être pourquoi écrire sur des clubs finalement anodins au sein du paysage footballistique belge. Mais je trouve qu’il serait dommage d’oublier ses pionniers qui incarnent aussi de par leur histoire ce football d’avant qu’on ne voit plus. Ces matchs de divisions inférieures ou toute la ville était au stade avec la fanfare et qu’on se retrouvait autour du match par amour du sport et de son équipe. Maintenant, la TV nous offre des abonnements à des prix toujours plus exorbitants et pourtant on dirait que ça plait car au bord du terrain, les stades se vident.

Cet article, c’est pour tous les petits clubs qui ont une histoire souvent méconnue jamais loin de la légende et dont le temps nous offre encore, pour l’instant, quelques bouts de mémoire.

Le stade Maurice Vandewiele de l’ASSA a encore une tribune debout, une vieille buvette ou l’on voit trônant quelques trophées d’une histoire presque centenaire. On voit encore les goals sur ce terrain devenu vague et je me plais à y imaginer le fantôme du ket avec sa cigarette devant la cage.

Au parc Lagache, il y a maintenant un terrain de padel, mais les gradins de pierre font encore le tour de l’ancienne pelouse, même si la grande tribune a été détruite l’endroit parait plus grand que chez le rival. Encore une fois, seule la nostalgie subsiste, au travers des vieux panneaux publicitaires, de vieux gradins de pierre et de cette arche, heureusement encore debout, dont une fois, dans la plus totale discrétion, Ferenc Puskas descendit les marches pour jouer au football.

Merci à Christian Lejeune pour les photos d’archives

Source principale : 100 jaar sport in Ronse

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14 réflexions sur « Renaix, le football à l’ombre du vélo »

  1. Je trouve plus d’interet à ce genre de club jamais abordé..qu’à l’énième couillonnade qu’on lirait une fois de plus sur je ne sais quel grand club xy.

    Une erreur toutefois : le titre 73 d’un FC Bruges en mode dream team (Lambert, Geels, Carteus, Axelsson, Bastyns.. que du lourd!), ce n’est pas sous Happel mais sous Canjels, NL qui, à l’instar d’un Hulshoff, s’etait fait un nom comme joueur au pays avant de voyager avec un certain bonheur sur les bancs belges de d1 et de d2.

    Carteus, formidable technicien. Et doté d’un jeu de tete remarquable. Mais pour la Belgique premier joueur majeur, aussi, dont la carriere finira en eau de boudin sur un controle anti-doping positif.

    Larnoe j’ignorais. Goethals c’est etonnant, car sa vie professionnelle etait à Bruxelles et les deplacements n’etaient pas simples.

    Je me rappelle de la crypte de l’eglise saint-Hermes, tres belle.

    Bauer, c’est non! 😉 Vu live, quel salopard celui-là..et Criquielion qui se ruina dans la foulee, cette action en justice aussi vaine qu’interminable..

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    1. Oh oups, je pensais tellement que le titre de 73 était sous Happel que je n’ai même pas vérifier.
      J’ignorais pour le contrôle positif de Carteus ! Surpris aussi pour Goethals , je me demande comment il est arrivé là bas !

      Une anecdote que j’aime bien sûr Saint hermès mais que je n’ai pas jointe à l’article : on dit du Saint  » celui qui guérit les fous des environs, et laisse ceux de Renaix tels qu’ils sont ». En effet, il faut avoir parcouru au moins 25 km à pied pour bénéficier de ses faveurs, ce qui est impossible pour ceux qui habitent Renaix. Depuis, se tient chaque année après la Pentecôte la légendaire procession du Fiertel (Grand Tour de Saint Hermès). Un tour de Renaix ou une procession de 32,6 km le long des limites de la ville.

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  2. Il y a une petite coquille , c’est bien pour les 40 ans de club renaisien qu’il y eu un tournoi avec des équipes européennes dont Budapest en 48 au parc Lagache, pas l’Assa.

    Concernant la photo de l’article, il s’agit du derby de 1957 pour célébrer les 50 ans de l’ASSA.
    Et en termes de joueurs passés ensuite en première division il y eu aussi Guy Lammens et Norbert Deviaene , tous deux du club et qui sont passés par Waregem et le KV malines notamment. Ils ont été les premiers coach, en duo, du nouveau SK ronse après la fusion, ça n’a duré qu’un an , avant l’arrivée de Dury.

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  3. Pauvre petite chevre, quand meme, brrr..

    Tu evoques aussi Stockman, pas un surdoué mais phenomene!

    Fraichement sanctionne pour 3 semaines par la fede belge, il repond qu’il s’en fout et qu’il inscrira 3 buts pour son retour, face au grand Bresil….dont acte : homme du match lors de la victoire 5-1 contre une equipe où ne manquait que Pele, et alors que la Belgique etait à un plus bas qualitatif, il fallait etre un sacré coco pour faire une prophetie pareille..

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  4. Et j’aime beaucoup l’idee de stades improbables, où toutefois evoluerent improbablement des stars, ici Puskas..

    Enfants, on pratiquait parfois entre copains la pelouse dudit et tres obscur FC Queue-du-Bois..là meme où le mythique Roger Claessen avait mis un terme à sa carriere – ce dont je me foutais comme de l’an 40. C’est sûr que c’est pas Puskas 😉 mais il y a là de certaine idee du football qui me plait bien.

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  5. Le championnat du monde 88, un des mes premiers souvenirs de lecture du cyclisme. Criquelion qui hurle sur Bauer. Et la victoire surprise de Fondriest. Qui eut une belle carrière en fin de compte.

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    1. Van Looy aucune idee. Mon grand-pere preferait, de tres loin, l’acteur porno (il ne fut evidemment pas que ca, mais bon 😉 ) van Steenberghe et, surtout, Schotte (idole unanime de la Flandre) et Ockers. Van Looy le laissait froid. Qu’est-ce que ca vaut : je sais pas.

      Stockman – Van Himst, je sais pas non plus. Pas concurrents directs, Stockman etait un joueur tres binaire, aux antipodes du style raffiné voire alambiqué, precieux, de van Himst ; sur pelouse ils se completaient bien mais le remplacement de Stockman par le formidable (mais malheureux) NL Mulder le fit vite « oublier », un autre niveau.

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    1. Van Looy était quand même apprécié par tout le pays par son palmares et son style, jamais avare pour les fans il me semble. Par contre gros caractère en course et je pense que au sein du peloton il ne devait pas être le plus apprécié (CF le championnat du monde). Cela dit très humble et il n’a pas cherché la lumière après son immense carrière.

      Pour la relation Stockman – Himst je ne sais pas dire , je pense qu’il s’est bien fondu dans l’effectif avec Jurion et Van himst, puis quand Mulder est arrivé il a senti qu’il était moins fort et il est parti au RFC Liège avant de refaire une pige d’un an au sporting.

      Deux anecdotes sympa sur ce joueur. La première , on le surnommait « Zorro », « c’est un jour d’octobre 1964 à Bologne au Stadio Comunale qu’il a gagné ce sobriquet de sauveur. En effet, vainqueur 1 but à 0 à l’aller dans un Heysel archi-comble, grâce à un magnifique but de Paul Van Himst, Anderlecht, mené 2 buts à 0 au retour, est sur le point d’être éliminé dès les seizièmes de finale de la Coupe d’Europe des clubs champions. C’est alors que comme dans la chanson d’Henri Salvador surgit à point un dénommé… Zorro, pardon, Jacky Stockman, qui marque un but incroyable et surtout importantissime, qui permet de disputer un barrage décisif au Camp Nou de Barcelone »

      La deuxième, « Le 24 avril 1963, il a notamment inscrit un fabuleux triplé face au champion du Monde en titre, le Brésil de Mario Zagallo et d’Amarildo mais privé de Pelé, pour une victoire historique 5 buts à 1. Au Brésil pour le match retour, il fut accueilli tel un héros, mais la revanche avait un goût amer: victoire 5-0 des Brésiliens. Pele, absent au match aller, se trouvait cette fois sur la pelouse. « 

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      1. En parlant de Van Looy, pour rester dans le sujet velo-foot : il a presidé un « solide » (historiquement de niveau d2-d3) club de foot pendant pres de 20 ans, avec deux gros coups dès ses debuts : avoir transferé lesdits Guillaume Raskin et Lucien Olieslaghers, deux valeurs sures de la d1 belge des 60’s.

        Je ne sais vraiment pas ce qui aura refroidi mon aieul dans le cas van Looy, peut-etre le concept de « garde rouge »? Ca n’a pas cree des cris d’orfraie à l’epoque, comme approche tactique?

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