Schtroumpf promise, schtroumpf due, comme aurait pu dire Jean-Michel Godart(1). Nous voici à la fin des matchs aller de la Regionalliga Nordost, le groupe de D4 allemande qui couvre au mètre carré près le territoire de l’ex-RDA. Comme annoncé lors de la présentation de la saison, Pinte de Foot vient faire le point sur un championnat aux noms qui n’ont pas tout à fait chassé la délicieuse odeur de mélange deux temps des ineffables Trabant ou autres Wartburg des grandes heures de l’ère Honecker. Lecteurs de tous les pays, unissez-vous, et en avant !
Petit guide pratique
La Regionalliga Nordost compte 18 clubs et est ouverte aux amateurs comme aux pros, réserves des D3 exceptées. Cette saison, le champion sera directement promu en 3. Liga(2) tandis que ses suivants n’auront que leurs yeux pour pleurer en l’absence de tout barrage. Le nombre de descentes de la Regionalliga vers l’Oberliga Nordost, la D5, sera d’un à quatre en fonction de la répartition géographique des relégués de 3. Liga.
Contrairement à la Bundesliga ou à la 2. Bundesliga (et bientôt la 3. Liga), tous les stades ne sont pas obligatoirement équipés d’un chauffage de la pelouse. Les reports de matchs ne sont donc pas rares sous la pluie et la neige des rudes hivers du nord-est de l’Allemagne, à tel point qu’une seule équipe (Meuselwitz) a joué tous ses 17 matchs aller, six équipes ont un match en moins, et le reste en compte deux.
Ils ont fait mieux que prévu
On l’attendait en haut du tableau, mais quand même… Invaincu à mi-parcours (une rareté dans cette ligue toujours très serrée), meilleure attaque, meilleure défense, et solide leader, le Greifswalder FC surprend tout son monde pour sa deuxième saison seulement en D4. Cette petite ville hanséatique, à l’extrême nord-est du pays, pourrait donc bien entrer pour la première fois dans le monde pro l’an prochain. On ne pensait pas non plus voir le Viktoria Berlin à la troisième place après sa mauvaise saison l’an passé et une présaison qui n’avait pas chassé les doutes. À cinq points de la montée, l’ex-sociétaire de la 3. Liga en 2021-22 conserve une chance réelle de retrouver l’étage supérieur. Cinquième à un point du Viktoria, le SV Babelsberg réalise lui aussi une saison de rêve vu son budget limité qui le condamne en général au ventre mou du classement.
Plus bas dans la hiérarchie, le ZFC Meuselwitz, qui lutte en général pour le maintien jusqu’au bout, pointe à une dixième place qu’il n’a que rarement occupée à ce moment de la saison. Il n’est pas jusqu’au FC Eilenburg, pur club amateur nouvellement promu que l’on pressentait largué d’avance, qui conserve (quinzième) toutes ses chances pour le maintien. Attention toutefois à ne pas s’endormir pour tout ce beau monde. Dans une ligue où n’importe qui ou presque peut battre n’importe qui, trois défaites d’affilée peuvent suffire à dire adieu à la D3 ou voir le trou noir de la D5 se rapprocher dangereusement.
Ils sont là où on les attendait
Deuxième à deux points de Greifswald, le BFC Dynamo confirme jusqu’ici son statut de prétendant légitime. Il a bien digéré son échec en barrage de promotion en 2022, et les nombreux joueurs recrutés à l’intersaison ont apporté le saut qualitatif que l’on attendait. La Stasi n’est plus là pour fausser la donne dans le sprint final, mais ce Dynamo-là semble capable d’obtenir tout seul un accès au monde pro qui ferait chauffer les claviers et mettrait la larme à l’œil des Ostalgiques. Quatrième à un point des Berlinois, le champion sortant, l’Energie Cottbus, est lui aussi dans les temps de la montée comme il l’espérait après son échec en barrage au printemps dernier.
Le Rot-Weiß Erfurt, longtemps en course pour le titre la saison passée, a déjà décroché cette fois-ci et confirme ainsi le pronostic des spécialistes. Ceux-ci voyaient aussi le VSG Altglienicke en fin de cycle et ne se sont pas trompés : quatrièmes en 2022, cinquièmes en 2023, septièmes actuellement, les proches voisins de l’Union dans le sud-est de Berlin semblent rentrés dans le rang pour de bon. Le FSV Luckenwalde, tapi dans sa campagne un peu au sud de la capitale, tient sa place habituelle en milieu de tableau sans faire de vagues. Il en va de même pour le Chemie Leipzig, pas armé lui non plus pour viser mieux et dont l’objectif numéro 1 est la suprématie en ville sur le rival détesté, le Lok.
Contrairement à l’équipe première, où les phrases sonores sont souvent de mise avec les résultats que l’on sait, le Hertha Berlin II, c’est-à-dire l’équipe U23 du club comme d’usage en Allemagne, n’affiche aucune ambition et occupe en conséquence le classement que l’on lui prédisait. Le Berliner AK 07, promis à de gros soucis après la démission de toute son équipe dirigeante et le départ de 20 joueurs à l’intersaison, a effectivement plongé loin dans la zone rouge, mais des progrès récents ramènent une lueur d’espoir. Le Hansa Rostock II, donné l’été dernier comme candidat probable à la relégation, est lui aussi au rendez-vous des bas-fonds et ne semble pas bien parti pour redresser la barre.
Ils ont déjà raté leur saison
On pensait voir le Chemnitzer FC naviguer en milieu de tableau comme la saison passée, mais le club de l’ex-Karl-Marx-Stadt flirte dangereusement avec la zone rouge depuis les premières journées. Il n’en faudrait pas beaucoup pour le faire plonger vers une relégation qui pourrait bien signifier son arrêt de mort vu sa situation financière précaire. Vice-champion la saison passée, candidat déclaré à la montée, le Carl Zeiss Iéna a quant à lui déjà tiré un trait sur ses ambitions après un début de saison catastrophique. Relégable jusqu’à la 9e journée, il a depuis trouvé la bonne carburation et tourne au rythme des cinq premiers, mais il est trop tard.
Fraîchement descendu de la 3. Liga, en proie à de fortes turbulences financières lui aussi, le FSV Zwickau s’attendait à une saison mouvementée, mais pas à ce point. Longtemps lanterne rouge après un chapelet de prestations fantomatiques, le club de Jürgen Croy redresse un peu la tête et pourrait bien s’en sortir sur le terrain – en vain si le gendarme financier abat le couperet sur tapis vert, ce qui est fort possible. Mais la plus grosse déception de la saison est sans conteste le Lok Leipzig. Quatrième en 2022-2023, le club à l’histoire la plus mouvementée de l’ex-RDA était donné comme l’outsider numéro 1 pour la montée après un mercato que les spécialistes considéraient comme réussi. Au lieu de cela, il flirte lui aussi avec la relégation sans montrer l’ombre d’un progrès. La greffe des nouveaux n’a-t-elle pas pris ? Les anciens sont-ils arrivés en fin de cycle plus vite que prévu ? Difficile à dire pour qui ne passe pas ses week-ends sur les gradins d’une brochette de stades souvent dans leur jus de l’époque DDR.
Et maintenant ?
Les cinq premiers se tiennent en six points et sont encore en course pour le précieux sésame. Les autres, à commencer par le sixième à 11 points, sont déjà trop loin pour espérer dans cette ligue hyper-compétitive. La question essentielle est de savoir comment les équipes qui n’ont pas encore connu l’inévitable coup de mou vont le surmonter quand il arrivera – on pense surtout ici à Greifswald et au Dynamo Berlin. Bien malin qui pourrait prédire si l’un de ces deux-là décrochera la timbale ou si l’un de leurs trois poursuivants viendra les coiffer.
Les nombreux reports qui émaillent les hivers de D4 auront aussi leur poids dans la balance. La Fédération réussit en général à caler les rattrapages pour qu’aucune équipe n’ait plus de trois matchs en retard et que la fin de saison se fasse à la loyale. Mais la vérité de mars ou d’avril n’est pas toujours celle de décembre et peut faire gagner (ou lâcher) des points décisifs là où on ne l’attendait pas.
Un autre facteur non négligeable est une spécialité allemande : la chasse à la licence pour la saison prochaine. Que ce soit en D3 ou en D4, il en faut une, renouvelable tous les ans auprès de la Fédération selon des critères parmi les plus sévères au monde. Entre la Regionalliga semi-pro et la 3. Liga pro, la marche est haute sur le plan des finances et des infrastructures. De nombreux clubs considèrent en conséquence la D4 comme un aboutissement et font d’avance l’impasse sur l’échelon supérieur. Une fois le maintien acquis, ceux d’entre eux qui pourraient encore jouer la montée ont tendance à lever le pied, même inconsciemment, ce qui a son influence. Réponse le 1er mars, date limite de candidature, pour savoir qui sera concerné.
En bas de tableau, il n’y aura pas plus de deux relégués sur le terrain, car il n’y a qu’un club de la région (le Hallescher FC) qui lutte cette saison pour le maintien en 3. Liga. Si celui-ci descend, Rostock II et le Berliner AK semblent déjà promis à la D5. À défaut, l’un des deux se verra offrir une planche de salut inespérée, tout comme les autres mal classés… à condition que les finances tiennent.
L’auteur de ces lignes suit la Regionalliga Nordost depuis une bonne dizaine d’années par sympathie pour le Lok Leipzig, lequel la mérite bien après des tribulations à nulles autres pareilles. Les jeux étant faits du côté du Bruno-Plache-Stadion, il ne serait pas indifférent au triomphe du BFC Dynamo, pour le caractère historique de la chose, ni à celui du Greifswalder FC pour la nouveauté qu’il représente. Dans ce dernier cas, promis juré, il reviendra sur Pinte de Foot présenter en profondeur ce nouvel arrivant, empreint des souvenirs lointains de la Hanse et des chevaliers Teutoniques !
Notes :
- https://www.ouest-france.fr/sport/football/stade-lavallois/retro-9-45-stade-lavallois-jean-michel-godart-le-dernier-rempart-7067265
- Selon les années, le champion est soit promu directement, soit qualifié pour un barrage d’accession, en fonction d’une rotation rendue nécessaire par la présence de cinq Regionalligen pour quatre montées et descentes.
Me suis fait une session foot est-allemand sur Footballia. Petit bilan en mettant de côté les monstres sacrés que sont Croy, Streich ou Dorner.
Eberhard Vogel était un superbe gaucher. Face aux Soviétiques, pour le Bronze aux J.O 72, il met une lucarne dantesque. Et puis, il est l’auteur du plus formidable corner direct que j’ai vu…
Corner sur la gauche, Vogel met un extérieur pied gauche!
https://youtu.be/dbl4wgqe9gQ?si=RAKDiiGsBM_8dyrj
Dynamo…Bien meilleur que ce que je pensais. Riediger ou Terletski sont bons au début des années 80. Des belles victoires face à Sainte de Platini, Aston Villa, dans l’antre du futur champion d’Europe. Ou face à la Roma de Falcao.
En fin de cycle, Ernst, que l’on verra avec Bordeaux en d2, était intéressant. Comme Andreas Thom, dont je me souviens au Celtic. Pour Thom, la Bundesliga arrive peut-être un peu tard, même si il a des sélections avec l’Allemagne réunifiée.
Il est sûr qu’ils n’étaient pas mauvais dans l’absolu. Il leur manquait toutefois un petit quelque chose pour figurer plus souvent en quarts d’une Coupe d’Europe. Avec une concurrence plus loyale en Oberliga, peut-être auraient-ils su élever leur niveau pour y parvenir.
La tristesse de la finale de c2 74 entre le Milan et Magdebourg. Le match est à Bruxelles, il me semble. Le Milan AC n’offre vraiment pas grand chose. Sparwasser, hyper complet.
Mais l’équipe qui m’a le plus enthousiasmé est le Carl Zeis Jena 81. Superbe parcours jusqu’à la finale de c2. Roma et Valence. Benfica donc je n’ai pas vu le match. Haut niveau. Avec un Vogel en fin de carrière.
Je me souviens vaguement de la finale de C2 perdue contre le Dinamo Tbilisi comme ayant été assez tristounette. Mieux que Liverpool-Real en C1 qui fut une purge, mais bien moins spectaculaires que les finales de C3 Ipswich-AZ qui n’étaient même pas retransmises… Ceci dit, le match retour du Carl Zeiss contre la Roma et surtout le quart contre les Gallois de Newport County méritent des articles, lesquels sont dans ma file de sujets 🙂
C’est une photo du Nurb en présentation ?
Affirmatif ! C’est le virage du Caroussel
Et pourquoi ce circuit qui n’est même pas en ex-RDA quand le superbe Sachsenring existe et qu’il t’offrait un lien avec le foot grâce à Zwickau et Croy ?
A quand un article sur Ernst Degner? Elle est géniale son histoire…
Parce que le Karussel (Carrousel, infâme piège orthographique si on pense de plus à « carousel » en anglais) est l’incarnation même du 180 très dangereux, et ce depuis bientôt 100 ans, n’est-ce pas, Rudolf Caracciola et Michel Vaillant ?
J’y étais encore pour une semaine il y a un mois et demi (pas sur le circuit, hein), ce n’est vraiment que du bonheur de parcourir toute cette région comprise entre frontière belge, Rhin et Moselle : châteaux, lacs, forêts et rivières à gogo, volcans éteints même….et les routes sont juste au top!
C’est étonnant ces clubs qui ne joueraient pas le coup à fond par crainte de l’écueil professionnaliste, je veux dire : ils ne peuvent pas jouer la gagne, gagner sur terrain la montée en D3..puis décliner poliment??
C’est une vraie question du candide, hein : leur serait-ce interdit?
NB : J’imagine bien que, quand bien même ils le pourraient, la pression du supportériat risquerait d’être telle derrière, que..?
Sacré travail de fond en tout cas, bravo.
Au crédit de ces clubs, beaucoup jouent le coup jusqu’au bout. La tendance est plutôt à demander une licence pour la 3. Liga même si l’espoir de montée est mince. L’an passé, par exemple, 7 des 8 premiers au classement l’ont demandée, à l’exception du Chemie Leipzig.
Refuser la montée malgré l’obtention de la licence ne se fait pas trop. Il y a peut-être une obligation là-dessous, il faudra que j’aille voir. J’ai commencé à potasser les conditions d’obtention de celles de 3. Liga (plus de 150 pages…) pour un article de fond que je finirai bien par écrire un jour, mais je n’ai pas exploré ce point précis.
Le point d’achoppement à la demande de licence est souvent la municipalité, en général propriétaire des installations. En passant de D4 en D3, le nombre de places assises et couvertes obligatoires augmente, la taille des vestiaires et des espaces médias aussi, les emplacements de caméras TV deviennent obligatoires (tous les matchs de D3 sont retransmis) et plus nombreux, le chauffage de la pelouse est obligatoire à partir de la saison prochaine, etc. Beaucoup de dépenses pour des communes qui ont souvent d’autres priorités dans la région la plus pauvre d’Allemagne.