La question revient de temps à autre. Tel pays a la cote malgré une histoire en demi-teinte, tandis que d’autres sont injustement oubliés. Mais comment distinguer les uns des autres ?
Lorsqu’il est question de citer les plus grandes nations du football, le début de l’énumération va de soi. Brésil, Argentine, Allemagne, Italie… Facile, il suffit de regarder les plus gros palmarès à la Coupe du monde. Mais quels autres pays peuvent être considérés comme faisant partie du gotha mondial ?
La question est plus ardue. Sur la seule base du palmarès, l’Uruguay, avec ses deux (non, quatre) titres mondiaux, fait le poids. Et tant pis si la Celeste n’a pas gagné de Coupe du monde depuis 1950, soit une éternité. Et l’Angleterre ? Son palmarès est famélique mais, tout de même, sans les Anglais, il n’y aurait pas de football. Mais s’ils font partie du gotha, cela ouvre la place à beaucoup de pays, non ?
Il faut donc choisir des critères. Le palmarès semble être un bon indicateur, mais comment comparer les pays de continents différents ? Si l’on prend en compte le palmarès de la Coupe du monde (a priori le tournoi qui met tout le monde d’accord), il faudrait limiter la liste des grandes nations du football aux huit pays vainqueurs de la plus grande compétition internationale. Un peu réducteur…
Exclure aussi bien les Pays-Bas, triple finalistes, la Tchécoslovaquie, double finaliste, la Suède, la Croatie, la Yougoslavie… est-ce bien raisonnable ? Faut-il alors prendre en compte les 25 pays ayant atteint les demi-finales au moins une fois ? La simple présence des Etats-Unis dans cette liste incite à un peu de retenue.
Les résultats des sélections ne semblent pas suffire pour départager les nations. Et quid de l’Afrique et de l’Asie ? La Coupe du monde étant la propriété privée de l’Europe et de l’Amérique du Sud, les autres nations du football n’auraient pas le droit de faire partie du gratin mondial ? L’Egypte, qui domine historiquement son continent mais se casse les dents sur les qualifications au Mondial, ou l’Iran, valeur sûre asiatique mais inexistant hors de son continent, feraient alors partie d’une sorte de club des nations de seconde zone. Sympa…
Pas de grande nation sans grands clubs
Les résultats des sélections semblent biaisés. Comment comparer un nombre de titres continentaux quand les compétitions n’ont pas lieu à la même fréquence ? Et puis, dominer la zone CONCACAF, ce n’est pas tout à fait comme gagner l’Euro, après tout. Non, pour savoir qui sont les plus grands pays de football, il faut se tourner vers les clubs.
Là, aucun doute. Au niveau européen, l’Allemagne est toujours là, l’Italie aussi, l’Espagne s’installe et l’Angleterre aussi. Et les autres… eh bien, les autres ont l’air à la traîne. La Hongrie, qui pouvait tenir la comparaison grâce aux exploits de l’Aranycsapat ? Deux finales de C2, une finale de C3. C’est mieux que la France (pas trop difficile), mais est-ce que cela suffit à placer la Hongrie dans le gotha mondial ?
Hors d’Europe, le calcul semble particulièrement compliqué. En Amérique du Sud, la Copa Libertadores est chasse gardée de l’Argentine et du Brésil (75% des titres). En Afrique, on retrouve l’Egypte (c’est déjà ça de gagné), suivi d’un trio Maroc, Tunisie, RD Congo, les deux derniers n’étant représentés que par un club chacun (l’ES Tunis et le TP Mazembe). Et en Asie ? Ce sont la Corée du Sud, le Japon et l’Arabie Saoudite qui dominent le palmarès de la Ligue des Champions. Voilà qui rebat les cartes continentales…
Les grands joueurs comme juges de paix
En réalité, un grand pays de football se résume à ses grands joueurs. Les pays qui en comptent le plus sont forcément les meilleurs, c’est mathématique. Bien que la définition d’un grand joueur soit parfois complexe, on peut facilement affirmer que le Brésil ou l’Argentine en ont sorti des pelletées au cours de leur histoire. L’Allemagne ou l’Italie, citées plus haut, ont toujours de quoi tirer leur fierté. D’autres nations tapent à la porte, sans que l’on en ait parlé jusque-là. Le Portugal peut difficilement être exclu, par exemple.
Mais un simple coup d’œil au palmarès du Ballon d’Or pose plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions. Outre le fait que la récompense a longtemps été réservée aux Européens et qu’elle est presque systématiquement attribuée à un joueur offensif, le palmarès des nations honorées au moins une fois complique la donne. Avec sept Ballons d’Or attribués à ses joueurs la France est deuxième à égalité avec les Pays-Bas, l’Allemagne ou encore le Portugal, à une unité de l’Argentine qui dépend totalement de Messi dans ce palmarès.
En creusant un peu, 19 pays sont représentés. Si l’on élimine l’Ecosse de Denis Law, la Bulgarie de Hristo Stoitchkov et le Danemark d’Allan Simonsen, qui font plutôt figure d’anomalies statistiques, et que l’on croise les nations restantes avec le palmarès de la Coupe du monde, on pourrait peut-être arriver à sortir une liste des meilleurs pays de football à peu près correcte. Reste que ce serait sûrement insuffisant.
La culture foot avant tout
Et si, au fond, la place d’une nation dans le gratin mondial du top des meilleurs de l’histoire ne pouvait pas se résumer à la place du football dans la société ? Après tout, enquiller les titres est une chose, mais les succès sur le terrain et la présence de grands joueurs dépend en grande partie du vivier à disposition. Les huit pays vainqueurs d’une Coupe du monde sont tous peuplés et/ou riches. Cela aide forcément.
Mais d’autres pays sortent leur épingle du jeu car ils ont le football dans le sang. Le ballon rond transpire par toutes les couches de la société et le pays entier vibre au rythme de deux fois 45 minutes. A ce petit jeu, il serait aisé de mettre toute l’Amérique du Sud ainsi que le Mexique dans la liste des meilleures nations de football, sans trop réfléchir. Le Maghreb et l’Europe du Sud aussi, ainsi que l’Angleterre, qui décidément sait se placer. Mais l’Arabie Saoudite et ses stades à moitié vides disparaîtrait, tandis que l’Indonésie ou la Thaïlande, au niveau abyssal mais à la population passionnée, pourraient postuler.
Il ne reste qu’un moyen de départager toutes ces nations : le ressenti. Le souvenir de telle ou telle compétition, avec une équipe favorite qui écrase tout sur son passage ou bien, à l’inverse, des perdants magnifiques comme la Croatie ou la Yougoslavie avant elle. Les grandes nations pratiquent du beau jeu et ont des bons résultats, c’est une évidence. Encore qu’il faudrait s’interroger un jour sur ce qu’est la plus belle façon de jouer au football…
La fameuse question du « pays de football »…
Elle nous touche particulièrement en France ou nos élites n’ont jamais réussi à accrocher à ce sport (si ce n’est Sarkozy, pour le meilleur et pour le pire) mais il est vrai que si on enlève les évidences (qui oserait dire que le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay ne sont pas des pays de foot ?) il devient difficile de faire une liste qui satisfasse tout le monde.
« Deux finales de C2, une finale de C3. C’est mieux que la France (pas trop difficile), mais est-ce que cela suffit à placer la Hongrie dans le gotha mondial ? »
Voyons voir… la France, c’est une C1, une C2, six finales de C1, deux finales de C2, et cinq finales de C3.
A force de répéter que la France est nulle, j’ai réussi à oublier bon nombre de nos exploits !
Honte à moi…
https://www.pinte2foot.com/article/la-cinquieme-roue-du-carrosse-europeen
Je vous rappelle cet excellent article 🙂
Et que fait-on de la temporalité ? Peut-on avoir été un grand pays de football et ne plus l’être ? Peut-on le devenir ? Voilà pour ma contribution eh eh.
Très bonne question, on pourrait en faire un autre article ! Avec une discussion de ce genre on remplit le calendrier de publications jusqu’à la fin de l’année.
Oui, le foot a un siècle et demi d’histoire, les choses évoluent, la Hongrie et la Tchécoslovaquie étaient des grandes nations de foot ; elles ne le sont plus.
Très difficile de comparer les pays de continents différents.
Mais en choisissant les critères de Modro on peut presque établir une hiérarchie factuelle.
Les sélections, l’Allemagne et l’Italie dominent suivi par la France et l’Espagne qui ont récemment progressées. Derrière ces 4 là on retrouve Pays-Bas, Portugal et Angleterre. Tchèques, Russes, Suèdois, Yougoslaves, Belgique suivent.
En club Espagne, Italie, Angleterre et Allemagne devant. Pays-Bas et Portugal derrière. Puis ensuite France, Belgique, Ecosse, Suède.
Pour les grands joueurs c’est plus subjectif. Mais Italie, Allemagne, Portugal, France, Pays-Bas ont produit les plus gros joueurs européens. Suivi par l’Angleterre, la Belgique, Yougoslaves, Russes, Tchèques, Hongrois…
Pour moi le critère prédominant reste les clubs, véritable quotidien du foot.
Ce qui me permet de dire qu’on a un top 4 « Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie »
Suivi d’un top 3 « Portugal, France, Pays-Bas »
Puis Yougoslavie, Suède, Belgique, Tchèques, Hongrie, Russie…
Une histoire de perception, de longévité dans les exploits. Difficile de ne pas considérer l’Étoile Rouge comme un grand club, bien qu’il n’ait plus de résultat européen depuis 30 ans.
Dans ces cas là est ce que Nottingham forest, Göteborg ou Aberdeen pour ne citer qu’eux sont des grands clubs ?
Succès sur un très court laps de temps …
Question intéressante Safet. Idem pour la notion de tradition. Un club comme le RB Leipzig a son lot des détracteurs mais s’ils continuent à avoir de bon résultats, auront-ils le droit d’être considéré comme un club de renom ?
Sondage : plus petit club à avoir gagné une coupe d’Europe ( avec nos yeux d’occidentaux de notre époque ) ?
Malines? Slovàn Bratislava ? Dynamo Tbilissi ?
Leipzig est l’exemple pour moi de la mutation réussie du football on va voir ce que va donner le PFC
J’ai une tendresse particulière pour le Dinamo. On avait fait un top sur la Géorgie et le Dinamo était évidemment largement représenté
Un critère qui me parait central: la contribution à l’évolution du jeu.
La contribution à l’évolution du jeu me paraît un critère trop restrictif. L’Allemagne, par exemple, n’a rien apporté sur le plan théorique mais a appliqué ses vertus culturelles au jeu existant pour devenir une référence.
Le critère des clubs me paraît excellent. J’y ajouterai (à l’infinitif, parce que sans conditions) le fait pour un petit pays (moins de 40 millions d’habitants) de briller plus souvent que la moyenne en Coupe d’Europe, Euro, ou Coupe du monde.
Le critère club comme incontournable, c’est parce qu’on aime se mettre plus bas que terre. Il faut quand même signaler qu’on a été présent à la création d’une bonne part des trophées majeurs. Rien que ça, c’est comme la création du jeu pour les Anglais, ça nous donne un sauf-conduit éternel pour cette question.
Peut-on aussi prendre en compte le nombre d’habitants du pays en question ? La Croatie par exemple, avec ses 3 podiums en 6 coupes du monde pour moins de 4 millions d’habitants ; l’Uruguay qui partage le nombre de victoires en Copa America avec l’Argentine et donc devant le Brésil, deux pays avec une population largement supérieure aux Uruguayens. Même si à côté de ça, Croates et Uruguayens ont des clubs de niveau moindre. On peut aussi parler du cas du Portugal, sélection absente pendant des décennies, devenu un sérieux client depuis le début des années 2000 mais qui possède à l’inverse des clubs d’excellent niveau depuis fort longtemps.
Question insolvable mais permettant des débats et échanges d’idées très intéressants 🙂
Une aporie.
@ g-g-g : « L’Allemagne n’a rien apporté apporté sur le plan théorique », tu en prends de la bonne, toi ? C’est quoi le nom de ton dealer, c’est pour un ami…
Helmut Schön, Hennes Weisweiler, Udo Lattek, Christoph Daum, Ottmar Hitzefd et pour la génération actuelle : Klopp, Nagelsmann, Tüchel…
Aucun pays en Europe ne peut se taguer d’avoir produit autant d’idées ou de conceptions du football. L’Italie a aussi sa place ici (avec H. Herrera, Sacchi, Trappatoni, Lippi, Allegri, Capello, Ancelotti, etc.).
En influence récente, c’est surtout Rangnick et le gegenpressing.
Être un grand entraineur, c’est pas nécessairement être un entraineur innovant.
Je suis d’accord avec g-g-g : des scenes parmi les plus conservatrices, tres voire extremement peu audacieuses, presque toujours « arrierees » sur le plan de l’evolution du jeu..
En Allemagne, Weisweiler fut probablement le seul qui fut à la pointe à temps T. Un drole de coco au milieu de ce logos-jeu anschlussisé sur les Danubiens, avant d’etre arrete/sanctuarisé par Herberger, l’ecole de Cologne.. Sinon Weisweiler, le reste c’est rester groupir.
En Italie, ils ne se sont guere demarques que dans une veine « management », tres intrusive, controler/corseter/inhiber le creatif pour maitriser d’autant le risque, logique pure et dure d’entreprise, mais pour ce qui fut de penser le jeu….
Illustratif : leur « revolutionnaire » (reecriture de l’histoire par le roman berlusconiste) Sacchi accusait en fait une generation de..retard sur ce qui avait (eu) cours en Europe du nord-ouest!, ce sont des pays où prevalent les gestionnaires, où la pensee du jeu ronronne. Terriblement conformistes.
Angleterre et..France ont ete bien plus aventureux! (..mais moins mis à l’honneur)
Rangnick s’est inspiré de Lobanovski et de Sacchi.
Dans l’autre sens, un entraîneur innovant n’est pas forcément un grand entraîneur. On en connaît des novateurs de pacotille qui reviennent à la base.
L’innovation ne concerne pas uniquement les éléments technico-tactiques. Tous ces entraîneurs allemands (et j’ai oublié Jupp Heynckes, grand buteur dans les années 1970) ont apporté une avancée sur le plan du jeu, de la mentalité et de la vision du football.
Daum par exemple, a été le plus novateur au milieu des années 1990. On s’extasie aujourd’hui devant le Leverkusen de X. Alonso mais regardez le matchs de folie du Bayer sous Daum.
Daum avait un truc, motivateur hors-pair notamment..et s’est fait massacrer pour xy raisons, parmi lesquelles ce rejet de l’alterite, du souffle nouveau.
Quand il emerge, la RFA 90 est championne du monde incontestee (cette finale, certes..)..mais avec un logos-jeu daté, suranné.. Sur le plan des idees, il n’y avait rien de neuf, c’etait plutot ringard meme.
Une véritable nation de football pour moi d’un point de vue international : argentine-bresil-france-allemagne-italie-angleterre-pays bas,espagne et portugal