En ce premier avril 2025, Pinte 2 Foot est revenu presque 600 ans en arrière pour vous dénicher un manuscrit retrouvé lors des travaux de construction du Papara Park de Trabzoni, en Turquie. Georgios Gemistos, Pléthon de son surnom, philosophe à la cour du despote de Moréeii, évoquait alors l’organisation du football et plus encore au sein du monde romain, mais également chez les Turcs et les Latins avec son élève Bessarion.
Plethon : Thessaloníki est tombé aux mains du sultan Mourát, l’hellénisme est en grave danger. Que pourrait-il se passer si Kônstantinoúpolis et le basileús venaient à disparaître au profit des Turcs…
Mon bon Bessarion, de quel sujet veux-tu me parler ?
Bessarion : Maître Plethon, l’Hómīlos Mystrás Moréōs est impressionnante cette annéeiii. Vous qui êtes un éminent théoricien du pálapoúsiv, pouvez-vous me parler de ce sport dont je ne connais que très peu ?
Plethon : D’abord, je tiens à rétablir une vérité que certains Latinsv aiment à réécrire. Le pálapoús n’a pas été ramené dans l’Empire à la suite de la prise de la ville par les Latins (en 1204, NDLR) mais bien avant, par les Anglais. Ces derniers faisaient partie de la garde varangiennevi depuis le règne d’Aléxios I Komnēnós (empereur entre 1081 et 1118, NDLR). Ce furent eux qui firent découvrir au basileús, amateur de sportvii, ce qu’ils appelaient le fotbal.
Néanmoins, il fallut attendre le règne de Iōánnēs V Palaiológos, (de 1341 à 1391, NDLR) pour que le pálapoús explose dans l’Empire. Ce fut d’abord à Kônstantinoúpolis que se concentrèrent les matchs, mais très vite, on en vit à Kalávryta, Mystrás, ou Trapezounta.
Aujourd’hui, on peut jouer au pálapoús dans toutes les villes de l’Empire, que ce soit à Glaréntza, Kórinthos, Dóros ou Kotýora.
Bessarion : Comment est organisé le pálapoús au sein de l’Empire, quelles sont les équipes dominantes, y a t-il des rencontres face à des équipes étrangères, comme les Turcs ou les Latins ?
Plethon : Tu es encore jeune, mais les ecclésiastiques ne t’ont donc jamais informé sur ces sujets-là ?viii Sache déjà que les oppositions entre Rhōmaïoi et Latins ou Turcs sont courants. Malgré les conflits, militaires ou religieux, nos équipes affrontent celles des Turcs régulièrement. Il nous est plus difficile de retrouver des équipes latines, mais cela arrive néanmoins parfois.
Chez nous, le pálapoús se joue entre les huit équipes de l’Empire, se faisant chacune face quatre fois, entre janvier et novembre. En plus des 28 rencontres du championnat, le vainqueur affronte ensuite son équivalent chez les Turcs… Enfin, ce dernier est toujours le même, donc l’adversaire n’est pas une surprise.
Bessarion : Quelle est cette équipe turque dont vous parlez ?
Plethon : L’Ayaktopu Padişah Edirne, l’APE. C’est l’équipe officielle de la capitale turqueix et du sultan, qui la finance personnellement. Cela fait maintenant plusieurs années qu’ils battent tous leurs adversaires, au plus grand plaisir du sultan. La seule autre équipe turque de talent est l’Ayaktopu Amasya Sancağı Pašālık , l’équipe du pacha d’Amasya, fils du sultan (Mehmed II, NDLR).
Chez les Latins, les clubs dominants sont le Piésoule de La Rochelle, dans le Royaume de France, le Corcaigh Peil, au sein du Royaume d’Angleterre, l’Associazzone Calcio Fiorenza dans la République de Florence, et le Balompié Santa Leocadia de Toledo, au cœur du Royaume de Castille.
Bessarion : N’y a-t-il jamais eu d’initiative pour que les meilleures équipes turques, romaines et latines s’affrontent pour définir qui est le meilleur ?
Plethon : C’est difficile. Le basileús Manouēl II Palaiológos essaya, il y a une quinzaine d’années de cela.
Il eut des discussions avec le sultan d’alors, Mehmed Güreşci (Mehmed Ier, NDLR), et ils s’accordèrent avec le pape d’alors, lui-même grand amoureux de pálapoús, Grēgórios XII.
Cela permit des rencontres entre l’APE et l’ASP, représentants turcs, l’ACF florentin, le BLT castillan, et le champion romain de l’époque, l’Énosis Athlētikós Rhômaíôn et son superbe attaquant Theodōros Bryennios. J’ai d’ailleurs connu son père, un homme plein de savoir et de sagesse, lorsque j’enseignais dans la capitale.
C’est grâce au pape que le lieu où tout se joua fut trouvé : le Colisée de Rome.
C’est un lieu à l’ambiance unique, on peut y faire se tenir des évènements à l’incroyable portée. Imagine une enceinte pouvant contenir l’intégralité des habitants de Kônstantinoúpolis, on entend les gens crier pour supporter leur équipe depuis l’autre bout de la ville. C’est absolument inimaginable quand on ne l’a pas vécu, toute la cité de Rome devient une ville folle et bruyante quand le Colisée entre en éruption.
Hélas, il s’était en partie effondré après un tremblement de terre, mais un bienfaiteur vénitien accepta d’aider au financement de la reconstruction de l’édifice et le tournoi mondial 6383 (1415 après J.-C., NDLR) s’y joua…
Bessarion : Y a t-il eu un incident pour que l’on s’arrête là ?
Plethon : Un incident, on peut dire ça. Le sultan n’apprécia pas le moins du monde d’être humilié par les autres équipes. Après une première défaite face aux Florentins, le cinglant 4-1 encaissé contre les Castillans fit mal.
Mais c’est le match face à l’Énosis qui fut celui de trop. Bryennios joua la plus grande partition de sa carrière ce jour-là… Si son oncle fut un grand moine malgré son opposition à l’union des Églisesx, Theodōros éclipsa son œuvre sur le terrain. Jamais son prénom ne sembla aussi approprié : il était véritablement un don de Dieu, semblant voler sur le terrain et marquant à quatre reprises, malgré un gardien turc de très haut niveau.
Alors même qu’il restait encore de nombreuses minutes à jouer, Mehmed Güreşci ordonna à ses joueurs de rentrer à Hadrianoúpolis. Ce fut le premier et le dernier tournoi mondial. L’Énosis ne termina que deuxième, perdant face au Santa Leocadia de Toledo lors du match pour le titre. Le pape ne put cependant pas célébrer la victoire de cette équipe, qui dépend d’ecclésiastiques, car il dut renoncer à sa charge.
Il n’y eut aucune tentative de recréer un tournoi mondial de pálapoús du vivant du sultan Mehmed, et à sa mort, son fils Mourát fit rapidement le siège de la capitale (en 1422, NDLR), empêchant une telle initiative de revoir le jour.
Bessarion : Aucune chance de revivre un tel événement, donc ?
Plethon : Cela semble peu probable. J’ai néanmoins entendu Georgios Kourtesios, un bon ami, dire que les despotes Kōnstantinos et Thōmás auraient parlé à leur père pour tenter d’organiser plusieurs tournois. Le premier pourrait avoir lieu en 6961 (1453, NDLR) et le dernier en 7000 (1492, NDLR), pour fêter le millénaire.
Des rumeurs courent même que le premier tournoi pourrait avoir lieu ici, à Kônstantinoúpolis. Dans quelles conditions, mon cher et jeune ami, seul l’avenir nous le dira…

i Trabzon, alors connue sous le nom de Trapezounta en grec et de Trébizonde en français, fut la capitale de l’empire de Trébizonde, état successeur de l’Empire byzantin après la quatrième croisade, de 1204 à 1461.
ii Le despotat de Morée était une province de l’Empire byzantin dans le Péloponnèse. Au moment du manuscrit, la Morée était dirigée par trois des fils de l’Empereur Jean VIII Paléologue, Constantin, Thomas, et Théodore. Constantin sera finalement l’ultime empereur romain, mourant lors de la prise de Constantinople par Mehmet II le 29 mai 1453.
iii Le calendrier byzantin fait débuter le monde à la création du monde selon le Livre de la Genèse, en 5509 avant Jésus-Christ. La mention de la chute de Thessalonique semble indiquer que ce parchemin date de 1430, ou 6398 dans le calendrier byzantin. à la date de cet article, nous sommes en 7533 AM (Anno Mundi), et ce jusqu’au 31 août 2025.
iv Du vénitien “bala”, signifiant “balle”, et du grec ancien “poús”, signifiant “pied”.
v Chez les byzantins, le terme “Latin” englobe l’intégralité du monde occidental chrétien, fidèles à l’Église de Rome et la papauté.
vi La garde varangienne, aussi nommée garde varègue, était un corps d’élite de l’armée byzantine composée de mercenaires dont le rôle principal était la protection rapprochée de l’empereur.
vii Sa fille, Anna, décrit un match de tzykanion, une variante du polo, entre son père et son ami d’enfance Tatikios, dans l’Alexiade.
viii Le moine basilien Bessarion était alors âgé de 27 ans. Entré à 13 ans dans un monastère constantinopolitain, il étudiera sous Pléthon entre 1430 et 1436 et terminera sa vie à Ravenne, en tant que patriarche latin de Constantinople.
ix Édirne, ou Andrinople comme la ville était encore nommée en Occident, devint capitale de l’Empire ottoman en 1369, remplaçant alors Bursa. Cet état de fait dura jusqu’en 1453, quand le sultan Mehmet II prit Constantinople et en fit sa nouvelle capitale.
x Pléthon fut, de son vivant, probablement en faveur de l’union entre les Églises catholique et orthodoxe, convaincu que Constantinople avait besoin de l’aide des occidentaux pour survivre.
Ahahah, mais qu’est-ce que c’est que ce truc?
Istanbul, pardon : Constantinople, reconnaissable entre mille.
Pour le reste, je crois qu’il me faudra un bon Cognac pour digérer tout ça, je repasserai donc plus tard.
😅
Au pálapoús, y’a le pálapoús qui pousse et le pálapoús qui pousse pas. Y’a le pálapoús qui pousse les papas et le pálapoús qui pousse pas les papas. Y’a le pálapoús qui pousse les pas papas et le pálapoús qui pousse pas les pas papas. Y’a le pálapoús qui pousse les papas qui poussent et le pálapoús qui pousse les papas qui poussent pas. Y’a le pálapoús qui pousse pas les papas qui poussent et le pálapoús qui pousse pas les papas qui poussent pas. Y’a le pálapoús qui pousse les pas papas qui poussent et le pálapoús qui pousse les pas papas qui poussent pas. Y’a le pálapoús qui pousse pas les pas papas qui poussent et le pálapoús qui pousse pas les pas papas qui poussent pas.
Haha. Me rappelle cette histoire de Lagaffe.
https://ekladata.com/4KHl9MymfPExz0bQjMa41ygaHBM.jpg
Nous avons les mêmes sources d’inspiration !
L’image de « une » ressemble à une aquarelle de Jean-Claude Golvin, ou me trompè-je ?
Ça y ressemble, mais je crois que c’est une création de fan d’histoire.
Le mec est dingue !
Pour le 1er avril, il invente un ancêtre du football et le présente sous la forme d’un dialogue platonicien…
😁
Il fallait tenir la comparaison avec l’incroyable article du 1er avril de l’année dernière de Rui, c’est pour ça.
C’est marrant, viens de discuter avec un collègue qui envisageait d’aller bosser à Istanbul. Ville magique. Je crois que c’est ma préférée sur ce globe. Pour le peu que j’en ai vu en 2 fois.
Stamboul, oui, c’est une folie.
J’aimerais la voir, même si l’un de ses plus beaux et historiques monuments n’est plus visitable à cause d’un débile…
C’est Sainte Sophie qui n’est plus visitable ? La lumière sur ce lieu, quand le soleil se couche et que la voix du Muezzin fait s’envoler les oiseaux…
Les monuments, les monuments… On s’en fout, des monuments !
Les selfs et les petits restos, les cafés, les chauffeurs de taxis, les marchands d’alcool, les mendiants, les pêcheurs sur ce point dingue, les petits vapur qui font la liaison entre les deux continents… Elle est là, la vraie Stamboul, pas dans les ruines et les musées qui puent l’orientalisme.
Plus de 15 ans que je dis qu’il faut que j’y retourne !
Le reste du pays est sublime également. Et encore, j’en ai fait que la partie ouest. Les villages de pêcheurs sur la Mer Noire. La beauté de Safranbulu et son accueil. La Cappadoce et des baignades géniales sur la côte. Sans compter la bouffe…
Eh beh, quelle histoire ! Je pense que j’ai pas capté la moitié des références eh eh. Je vais relire !
Quoiqu’on rigole, on rigole, mais les courses de chars à Byzance, c’était du sérieux. Les supporteurs des Verts et des Bleus formaient de véritables factions dans et hors de l’hippodrome, à tel point qu’ils firent plusieurs fois trembler le gouvernement impérial.
Alors on dit Constantinople ou Nouvelle Rome à la limite, pas « Byzance » ! 😡
Et parmi les mouvement populaires les plus célèbres, il y’a la sedition Nika qui faillit mettre fin au règne de Justinien bien avant qu’il n’entreprène ses plus fameuses conquêtes !
Et pour citer l’impératrice Theodora selon Procope de Césarée « Toi, autokrator, si tu veux fuir, tu as des trésors, le vaisseau est prêt et la mer est libre. Mais crains que l’amour de la vie ne t’expose à un exil misérable et à une mort honteuse. Moi, elle me plaît, cette antique parole : que la pourpre est un beau linceul ! »
Rien à foutre de la toponymie officielle ! Quand je veux, c’est Stamboul, parfois Constan, à d’autres Byzance.
Ma chérie, je l’appelle comme ça me plaît, peu importe son état civil.
Clap, clap Alpha !
Merci !
Une paella et un spanish coffee plus tard, je n’ai toujours rien de bien malin à dire.
Je ne connaissais pas ce plan/dessin. L’on y distingue très aisément les remparts de Théodose, l’hippodrome dont il ne reste plus rien, Sainte-Sophie (qui m’a bouleversé, quelle claque!) et le réseau hydrologique.
Ca me rappelle le premier texte de Toynbee que j’aie lu, son chapitre consacré aux « terres ingrates »..et ces barbares qui moquaient, à l’aube de Byzance, que ses fondateurs aient choisi le moins favorable des deux sites (celui sur la rive asiatique était le plus propice à l’agriculture……………mais, ces commentateurs l’ignoraient : ce meilleur des deux sites était déjà occupé!, ce pourquoi Byzance fut construite sur le site laissé libre, sur le plus..ingrat des deux..et fut ce-faisant contrainte d’avoir des idées à défaut de « pétrole », pour la plus grande de ses gloires……………… ==> Voilà une morale qui, même si elle n’est doute totalement vraie, fit longtemps merveille dans le petit monde du football).
Tu évoques Edirne, c’est pas mal aussi, souvenir d’une mosquée « fondatrice », une espèce d’archétype.. Y a plein de trucs à voir en Thrace turque.
A Istanbul, rayon architecture ottomane, y a évidemment de quoi faire aussi d’entre mosquées Suleymanyie (orthographe??) et bleue ; je n’étais pas mécontent que ce soit ouvert aux mécréants.
Mais Sainte-Sophie reste pour moi la merveille des merveilles, quel miracle..
Ahah c’est fou.
J ai du relire chaque ligne eheh.
Bravo alpha!