Oskar et Gernot Rohr, le football et la France dans la peau

Gernot Rohr a profondément marqué l’histoire du Parc Lescure de Bordeaux pour avoir participé à des matchs mythiques, que ce soit en tant que joueur avec les Girondins contre la Juventus en 1985, ou en tant qu’entraîneur face au Milan AC en 1996.
Mais, bien avant lui, un autre membre de la famille Rohr en avait déjà foulé la pelouse : son grand-oncle Oskar ! Et pour un événement : le premier match des Girondins dans le tout nouveau stade municipal de Bordeaux, le dimanche 28 août 1938, alors qu’il évoluait à Strasbourg.

Né le 24 mars 1912 à Mannheim, Oskar Rohr découvre le football au Phénix Mannheim, comme ses quatre frères aînés ! A 20 ans à peine, en 1932, celui que l’on surnomme « Ossi » décroche son premier titre de champion d’Allemagne avec le Bayern de Munich. Gernot le sera aussi en 1973 et 1974 avec le club bavarois.
Après une saison aux Grasshoppers de Zurich, Oskar Rohr rejoint le Racing Club de Strasbourg en 1934 pour lequel il inscrit 118 buts en 136 matchs ! Avant-centre de grande classe, il est une des idoles d’avant-guerre du club strasbourgeois. Sa prime à la signature en Alsace ? Une Citroën cabriolet. Gernot, roulera, lui, bien plus tard en Citroën traction avant de 1952 !

En ce 28 août 1938, les Bordelais rencontrent donc, en match de préparation, les Strasbourgeois, finalistes de la Coupe de France 1937 et s’imposent 2-0. On ne reverra jamais Ossi Rohr sur la pelouse de Lescure. Engagé dans la légion étrangère en 1939 pour combattre les Nazis (« Voici un fait qui va causer une bien désagréable surprise dans les milieux sportifs allemands », relate L’Intransigeant en février 1940), Oskar est fait prisonnier par les Allemands. Enfermé au camp de concentration de Kislau, près de Karlsruhe, il sera ensuite expédié sur le front russe. A la fin de la guerre, il rejouera notamment… à Mannheim jusqu’en 1949.
Gernot est né, lui aussi, à Mannheim, le 28 juin 1953. Comme Ossi, il est le cadet de la fratrie. Il joue avec le club de son quartier, le VfL Neckarau, lui aussi avec ses quatre frères… et entraîné par son père Philipp, lequel a brillé au VfR Mannheim entre 1938 et 1948. Le football est vraiment une histoire de famille chez les Rohr !

International allemand, Ossi avait inscrit un doublé face à l’équipe de France le 19 mars 1933 à Berlin. Gernot, sélectionné chez les scolaires allemands (il jouera notamment à Wembley face à l’Angleterre le 27 avril 1968) puis chez les juniors (avec Manfred Kaltz), les amateurs, les olympiques et les espoirs d’Outre-Rhin, rejoint le Bayern Munich de Franz Beckenbauer puis les Kickers Offenbach.

Gernot Rohr connait bien la Gironde puisqu’il vient en vacances au Cap Ferret pour la première fois en 1970 avec son frère Volker. Il adore la région. Mais il n’aurait jamais dû signer aux Girondins durant l’été 1977. Suite au départ du stoppeur José Lopez, le club bordelais avait, en effet, enrôlé le défenseur allemand Horst Blankenburg, qui s’était révélé avec l’Ajax de Cruyff, mais celui-ci avait aussi signé un contrat avec le PSG deux jours plus tôt. Les deux contrats seront finalement invalidés par le Groupement et Gernot sera appelé à la rescousse par les Girondins en juillet 1977.

Sur le terrain, Aimé Jacquet aimait s’appuyer sur son défenseur allemand, loyal, homme de devoir et de sacrifice, à qui l’on réservait souvent les tâches ingrates. On se souvient de ses interventions musclées sur Alain Giresse en 1987 et de son expulsion alors que c’est la seule de sa carrière !

Gernot Rohr est resté fidèle à ses valeurs à la fin de sa carrière et au service des Girondins, en remplaçant sur le banc Goethals, limogé, en 1990, Gili en 1991 puis Muslin, évincé en 1995, avec les succès que l’on connaît. Oskar Rohr se sentait si bien à Strasbourg qu’il voulait même définitivement s’y installer. A tel point qu’en septembre 1937, la rumeur de sa naturalisation française était relayée dans les journaux. Gernot a lui aussi déclaré depuis longtemps sa flamme à Bordeaux et à la Gironde, il obtiendra la nationalité française en 1982. La France, tout autant que le football, c’est une longue et belle histoire d’amour pour les Rohr, une famille de champions.

sebdelescure pour Pinte de Foot

28 réflexions sur « Oskar et Gernot Rohr, le football et la France dans la peau »

  1. excellent cet article so foot avait installé Oskar Rohr en 166 eme place de son top 1000

    la photo avec Cabrini (quel bel homme^^) est au match aller c’est une photo mythique! j’avais eu le droit de regarder le match (ça devait être pendant les vacances de pâques) 2 choses m’avaient marqué la masterclass devant entre platoche et Boniek et l’ambiance dans les tribunes (mon 1er match « Italien ») ça à marqué aussi les futurs créateurs des UB^^

    le match retour j’ai vu la 1ere mi-temps et le but de Dieter Muller (très « Mullerien » ce but), le lendemain j’ai vu le second but de Battiston quel missile!!
    c’est encore l’époque où je suis à fond Bordeaux (j’ai pas encore 10 piges hein, une erreur de jeunesse^^) avant que les oncles me remettent dans le droit chemin en Aout suivant! ha ha

    effectivement Khiadia le fameux retour de Giresse avec l’om à Lescure s’est fait dans une sale ambiance, évidemment monté en sauce par les 2 pyromanes Bez et Tapie, Rohr était dépêché au cassage d’artiste et ce fut violent, un peu incompréhensible vu qu’ils avaient joué une dizaine d’années ensemble et si je dis pas de bêtises Giresse ne revient pas à Lescure l’année suivante il refuse de revenir
    je pense aussi que c’est probablement Bijotat de dos vu que les numéros correspondaient au poste à l’époque (avant la libéralisation de la société^^)

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  2. Oskar Rohr est un peu un mystère.
    Néanmoins, je ne suis pas convaincu de son attachement à la France ou de son antinazisme.

    Si Rohr quitte l’Allemagne en 1933, c’est parce que le club de Zurich lui offrait de bien meilleures conditions financières. Comme rappelé dans le texte, l’installation de Hitler à la chancellerie ne l’indisposa pas plus que ça : il est l’avant-centre de l’équipe d’Allemagne lors du match disputé contre la France à Berlin le 19 mars 1933.

    Il quitte la Suisse, semble-t-il, car le fisc le poursuit. Il trouve alors refuge dans un championnat professionnel (ce que n’était pas le football allemand) : la France. Il débarque à Strasbourg en octobre 1934. La loi de l’époque lui permet donc de demander, et d’obtenir, la nationalité française à partir d’octobre 1937 (il suffisait alors de justifier de trois ans de résidence sur le territoire). D’où la rumeur en septembre 1937, dans la presse, de sa prochaine naturalisation. Vraisemblablement, il ne la demanda pas, car sinon il l’aurait eue, comme nombre d’autres joueurs étrangers à l’époque.

    Bref, il resta Allemand alors qu’il pouvait devenir Français. Son engagement dans la Légion étrangère me paraît, dès lors, plus un acte opportuniste qu’une opposition au nazisme (à moins qu’on ne trouve des documents tendant à prouver le contraire) : la déclaration de guerre à l’Allemagne imposa l’internement des résidents allemands dans des camps. En s’engageant dans la Légion, Rohr échappait certainement à l’internement.

    Ensuite, Rohr ne fut pas fait prisonnier par les Allemands en 1940. Et pour cause, puisqu’il semble qu’il ne participa pas aux combats, qu’il était Allemand et nullement antinazi. On le retrouve au FC de Sète en 1941. Ce n’est, apparemment, que vers 1942 que les Allemands lui mirent la main dessus : pourquoi ? Là, on manque de sources (sinon la version de Rohr lui-même).

    Faudra que je creuse un peu tout ça.

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  3. Petit débat. Quel est la plus belle performance bordelaise? La victoire insuffisante face à la Juve en 85 ou le 3 à 0 face au Milan en 96? Depuis que je suis dans la ville, on m’a plus souvent parlé du match face à la Juve que celui du Milan. Ça se joue à pas grand-chose et ça dépend évidemment de l’âge de l’interlocuteur.

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    1. pour avoir discuter avec des supporter bordelais (ultras ou non) je crois qu’ils sont plus marqués par la demie de 85 vu l’équipe monumentale de l’époque et surtout enfin une équipe capable de briller en Europe (ils feront demie en C2 2 ans plus tard)
      il y a aussi une différence de génération mais ils avaient un Zidane pré 98 pas encore éligible à la présidence de la république liza prendra son immense dimension une fois partis au Bayern mais l’équipe de 85 avait un Giresse mythique à Bordeaux et pas mal d’internationaux installés et Jacquet déjà bien respecté et ce match était sur tf1 le second sur canal

      côté UB ou devils beaucoup te diront que si les groupes existent (ou ont existé ) c’est grâce à cette demi et la claque prise en Italie sur l’animation active des tribunes

      petite anecdote à ce sujet j’ai vécu à Niort non loin de Bordeaux, des collégues de Bordeaux de taf étaient abonnés en virage sud et j’ai vécu la saison de ldc 2009/2010 avec eux au stade.
      au moment de recevoir la juve les anciens des UB (créateurs et capos) ont pris la parole en avant match pour chauffer la tribune (qui en avait guère besoin^^) en expliquant l’importance de ce fameux match de 85 et le stade c’est enflammé pas que le virage sud
      après c’est juste mon avis

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  4. Oskar Rohr, champion d’Allemagne sous les ordres de Richard Kohn a.k.a Richard Dombi a.k.a Little Dombi et j’en passe. Les deux étaient à Mannheim avant Minga.

    Rubrique nécrologique, le Viennois Hans « Buffy » Ettmayer s’en est allé. Un 1er avril, la Faucheuse a de l’humour. Joueur formé à l’Austria, mais qui a brillé en Autriche avec le Wacker Innsbruck, avant de faire carrière essentiellement en Allemagne, à Stuttgart puis Hamburg. Beau technicien, mais au surpoids légendaire (1m72pour 83 ou 85 kilos). D’où son surnom. Réputé aussi pour ses bons mots, il était souvent invité des plateaux télés. Un bon client comme Max Merkel. Bon, faut dire qu’à la téloche allemande, même un Viennois muet peut jouer les vedettes.

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      1. J’ai commencé un truc, mais j’avance à la vitesse d’un Bobby à bicyclette. Faut vraiment que je me botte les fesses.

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  5. Je ne connaissais rien de cet Oskar, merci!

    J’aime bien l’idée d’un mec qui aura surtout louvoyé. Vu l’époque qu’il s’est coltinée, ça donne vite des destins pas piqués des vers.

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  6. L’interjection a trahi le secret ! Ce sera le voyage à Krivoï-Rog (aujourd’hui Kryvyy Ryh) en 1985 pour affronter Dniepropetrovsk, péno du droit de Chalana et tout ! Que des bons souvenirs pour les supporters des Girondins, vas-y Sebdelescure !

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