Vers libre
« Les chouettes couettes vertes de Taribo West », disais-je dans mon texte « Calcio, c’était le temps des fleurs »… Une rime également rapportée dans mon dernier papier « Colombie-Roumanie : les couleurs de l’été », conte dans lequel cette inimitable coupe de cheveux, rivalisant aisément avec l’incontournable crête de « Mister T »… croisera entre autres, au détour d’une quelconque parenthèse qualifiable pour l’occasion de capillaire : « la crinière d’un Balakov décoiffant » ! « Les chouettes couettes vertes de Taribo West » donc… Rime, allitération ou simple groupe de mots rythmé ? Après tout peu importe… Plus que la fréquence, la définition ou encore le fond de cette drôle de formule, ce qui prédominera ici sera surtout la forme, le style et l’image renvoyée : folle, fantaisiste… et formidablement colorée ! Phrase répétée ainsi pour la troisième fois, reléguant la notion d’insistance au rang de normalité et qui plus est, placée ici en ouverture de bal ! Étendard, tête de gondole, figure de proue… Une promotion au titre de « lancement de récit » quasiment comparable au décollage d’une fusée : sensible, incertain… audacieux ! On peut le dire : la couleur est annoncée, le ton est donné ! Vous l’avez évidemment deviné, la teinte qui dictera notre article sera la même que celle peignant les tenues de notre fil rouge du jour, que dis-je notre fil rouge… notre fil vert : Nigeria-Bulgarie !
Un bateau vert et blanc
Plus qu’une teinte, une accumulation de posters effaçant sans forcer le papier peint d’une chambre d’enfant ! Ici un ciel aux nuances crépusculaires claires et intenses… là le voile de l’espoir dans toute sa transparence ! C’est dans un dégradé alors ici facilement vertigineux, que nous dégringolerons ensemble aujourd’hui. Sorte de plongeon « tête la première » dans la piscine souvent non traitée de l’insouciance, du lâcher-prise, de la simplicité des choses… Une immersion aussi, dans la gueule d’un « Crocodile Nineties » aux larmes bouleversantes, celles de bonheur et d’ivresses comme celles de tristesses et de déceptions… ayant fait chavirer les cœurs jusqu’à nous inonder d’émotions ! « Je t’emmènerais en voyage, dans les plus beaux pays du monde », chante Diane Tell dans son transcendant « Si j’étais un homme ». Ode à l’amour, non dépourvue d’une certaine expression de regrets mais surtout : une odyssée fantasmée et fabuleuse… Nigeria-Bulgarie, c’est ce tumulte, cette évasion à travers les eaux acides de la nostalgie et ses vagues envoûtantes ! « Vert espérance », ai-je choisi comme titre pour cette histoire ? Comment pouvait-il en être autrement… L’espérance, c’est exactement ça ! Ici celle de deux servantes souhaitant devenir sultanes, peut-être même reines… impératrices, souveraines ou que sais-je encore… Deux équipes qui portent déjà à la perfection la couronne de l’imprévisibilité, délaissant ainsi délibérément le costume de l’outsider pour enfin enfiler : la cape de super-héroïnes ! Révélées celles-ci au grand jour et se présentant alors, aux yeux de tous… comme de réelles prétendantes au Mondial !
Green Card
Chevaleresques, romanesques presque et par conséquent romantiques… le Nigeria et la Bulgarie seront cette romance d’été, à la fois éphémère et inoubliable. Deux pays, comme pour le match Colombie-Roumanie rappelé tout à l’heure… que seul le football semble pouvoir réussir à réunir ! Deux sélections pour conclure, tout aussi saisissantes qu’insoupçonnées… stupéfiantes, surprenantes… impressionnantes et j’en passe… Nombreux sont les superlatifs susceptibles d’embrasser nos deux princesses afin de définir leurs différentes prouesses ! Entrons maintenant dans le vif du sujet : États-Unis, Mondial 94, « World Cup USA 94 » plus exactement, comme ils disent là-bas… Bulgares et nigérians se retrouvent dans le même groupe et s’affrontent directement pour leur entrée dans la compétition. Nous sommes le 21 juin, à Dallas… et si la Bulgarie participe déjà à sa sixième édition, le Nigeria lui, vit ici son initiation à la plus prestigieuse des scènes internationales. Grande inconnue du circuit, l’équipe nigériane ne va pas longtemps rester dans le rétroviseur des grosses écuries avant d’oser le dépassement. Un protocole aux étapes brûlées et des politesses enfin, qui se sont clairement vues griller la priorité… Une première course réalisée sans tourner autour du pot : 3-0, les présentations sont vite faites ! En effet, le monde entier découvre alors ce qui sera, plus qu’une simple révélation… l’une des meilleures équipes africaines de l’histoire ! Une « Planète Foot », déjà fissurée deux ans plus tôt par l’explosion de la « Danish Dynamite »… qui ici ne sera pas prête d’oublier l’invasion de ces petits hommes verts !
Vers l’infini et au-delà !
Et comment l’oublier ! Un souvenir qui perdure toujours en effet, stimulé entre autres, ou plutôt surtout… par un cliché connu de tous et qu’on ne présente plus nulle part, celui immortalisant bien sûr : la célèbre célébration de Yekini ! Encore aujourd’hui meilleur buteur de l’histoire de la sélection… Avant-centre au parcours atypique qui comptera quand même plus de 600 buts marqués au cours de sa carrière… Enfin « vrai numéro 9 », auteur ce jour-là de l’ouverture du score et, par définition, du premier but des « Super Eagles » en Coupe du Monde… Rashidi Yekini se voit sur cette photo : capturé dans les filets de l’émotion ! Pris, épris… perdu ou éperdu peu importe… la passion est palpable, la gratitude pieuse et le partage sans filtre ! Une photo… et peut-être un peu plus que ça… Un portrait pouvant parfaitement : représenter le sentiment de tout un pays ! « Immortalisant » disais-je juste au-dessus ? Absolument ! Un moment maintenant éternel, mémorable… Ici un instantané, inscrit désormais dans l’inconscient collectif… Là l’illustration idéale pour la couverture d’un livre d’or… Pour conclure une image collector, à coller immédiatement dans n’importe quel album de sport ! Avec cette joie contagieuse et à travers cette expression authentique, le « Taureau de Kaduna » (comme on appelait Yekini), attaquant attachant ignorant encore le caractère « Corridesque » que le destin lui réserve… marquera au fer vert la peau délicate de tous les amoureux de football !
Les aigles verts, facile…
3-0 donc… Au but de Yekini suivront les réalisations de Daniel Amokachi et d’Emmanuel Amunike… Un résultat qui paraîtrait facilement sans équivoque mais qui paradoxalement, ne reflète pas spécialement la physionomie du match. Effectivement, les occasions franches seront à mettre à l’actif des deux équipes, le changement de camp sera constant pour la boule de cuir et les cages de chaque côté seront quant à elles autant fréquentées l’une que l’autre… Les coéquipiers du charismatique Hristo Stoichkov, qui terminera pourtant meilleur buteur du tournoi et remportera même le « Ballon d’Or » cette année-là (rien que ça)… ont tout bonnement manqué d’efficacité lors de cette rencontre… Les deux aiglons d’alors seulement 21 ans : Victor Ikpeba et Jay-Jay Okocha, n’auront même pas besoin d’entrer en piste et resteront ainsi assis sur le banc… Mené par le « trio buteur » cité à l’instant (Yekini, Amunike et Amokachi), auquel George Finidi vient formidablement bien se greffer afin de former un quatuor offensif fascinant… l’orchestre des attaquants nigérians doit composer avec une quantité considérable d’artistes et de solistes ! Casse-tête et problèmes de riches pour le sélectionneur de l’époque, le néerlandais Clemens Westerhof… C’était le Nigeria des « Nineties », le Nigeria génial ! Champion d’Afrique quelques semaines seulement avant de débarquer en Amérique (après 14 ans d’attente)… et champion olympique deux ans plus tard, toujours sur la terre de l’ « Oncle Sam », lors des JO d’Atlanta en 96… C’était les « Green Eagles », des drôles d’oiseaux planant au-dessus de tout, imprudents, impertinents… et qui ont bien volé dans les plumes de chaque coq ayant commis l’erreur de leur bomber le torse !
… les vers de terre, en quelque sorte…
Bourreaux de la France quelques mois plus tôt en phase de qualification pour ce mondial, Emil Kostadinov et ses compagnons de route se remettront de cette douche froide. 4-0 refilé à la Grèce pour commencer, ou plutôt 0-4 tant ici, à Chicago… les grecs jouent à domicile, dans un stade « Soldier Field » qui pour l’occasion : est pratiquement uniquement peuplé de leurs compatriotes ! 4-0 donc, pas très orthodoxe tout ça… Constat assez incontestable mais presque anecdotique en comparaison de celui qui le suivra : 2-0 contre l’Argentine ! Score clairement plus symbolique vous en conviendrez. Héroïque, historique… Herculéenne ou que sais-je encore… La Bulgarie épate, cartonne et soigne ainsi son « goal average », lui aussi évoluant ici « à la maison » et qui pour le coup : sera plus que jamais de sortie ! Effectivement… Nigérians, bulgares et argentins termineront ce premier tour à égalité de points (6 chacun) et auront alors recours à la différence de buts pour se départager (l’Argentine accèdera aux huitièmes en tant qu’équipe repêchée parmi les « meilleurs troisièmes »)… « Qualifiée miracle » pour cette Coupe du Monde… Cueillie sèchement, arrachée pourrions-nous aisément insister, lors de son premier match… Ou encore poussive contre sa cousine hellène (malgré la netteté apparente du résultat, les deux premiers buts sont réalisés sur penalty, à non moins de 50 minutes d’écart (5ème et 55ème))… Et enfin rassurée après un troisième match faisant facilement office de référence… La Bulgarie se présente en phase finale accompagnée d’une conviction. Forte celle-ci, ancrée profondément… Comme une sorte de foi infaillible : celle d’être protégée par un ange gardien.
… et bien sûr : le ver à soie !
Cet ange gardien ? Vous l’aurez toutes et tous compris… porte un numéro 8 dans le dos, pourquoi pas ici entre ses ailes… et bien sûr n’est autre que Hristo Stoichkov ! Le « Gheorghe Hagi bulgare », au même titre qu’Hagi était le « Stoichkov roumain », « Maradona des Carpates » pour l’un, « Maradona des Balkans » pour l’autre… Pourquoi compliquer les choses quand on peut faire simple ? La Roumanie et la Bulgarie pourraient pratiquement adopter cette conclusion comme devise nationale, tant leurs meneurs de jeu respectifs leur ont facilité la vie ! Stoichkov, pour refermer ici le parallèle avec sa « version jaune » roumaine… « simplifie la life » effectivement ! Après donc ses trois buts inscrits durant le premier tour, « El Pistolero », comme on l’appelle en Catalogne… continuera d’enfiler les perles et de planter des buts sur les pelouses américaines. Une nouvelle praline, pourquoi pas ici un fameux et indémodable « Doubitchou »… dès la 6ème minute du huitième de finale face au Mexique, une lourde frappe offerte au public par son pied gauche magistral, magique même… et celui-ci tout aussi magnifique que le maillot multicolore d’un Jorge Campos qui pour le coup, aura été complètement cloué sur place ! 1-1 à l’issue du temps réglementaire, idem après les prolongations, la Bulgarie se qualifiera ici pour les quarts de finale après une expéditive séance de tirs-au-but (3 échecs lors des 3 premiers penalty mexicains)… Un ange gardien disions-nous tout à l’heure, ici peut-être aussi une bonne étoile… Enfin certainement un Saint puissant, protecteur… veillant sur cette équipe comme une vieille de village guetterait ses voisines… et sur qui on peut compter à la veille de disputer ce qui sera : le plus grand match de l’histoire de son pays !
Feu vert donné
De son côté, après une entrée en matière et une entame de tournoi rêvée, le Nigeria sera battu par l’ « Albiceleste » (2-1), avant de rectifier le tir face à la Grèce (victoire 2-0) et d’atteindre donc, les huitièmes de finale… En face d’elle : la belle « Squadra Azzurra » ! Enfin belle, pas tant que ça… exceptée bien sûr, à travers le physique apollonien des mannequins défilant dans son beau costume bleu… En effet, l’Italie de Sacchi, pourtant annoncée comme char d’assaut, char romain ou que sais-je encore… coachée ici par un maître des échecs et composée de champions, véritables chevaux de courses issus des meilleurs clubs de l’époque, accumulant les records et dominant chaque compétition européenne… Cette Italie là, qui restera d’ailleurs, comme pour les Pays-Bas des « Seventies » ou le « Brésil Samba » des années 80, une génération maudite, manquée ou sacrifiée, qualifiait cela comme vous le souhaitez… Cette « Squadra » donc, détonne, boîte indéniablement et étonne son public avant tout par sa fragilité. Passée en huitième via la plus petite des portes : repêchée comme sa sœur argentine parmi les « meilleurs troisièmes » après une phase de poule au mieux insolite, au pire pathétique (4 équipes à égalité parfaite avec 4 points (1 victoire, 1 nul et 1 défaite pour chacune)… Les « Azzurri » enfin, savent qu’ils ont a en face d’eux ce jour-là, un adversaire tout à fait en mesure de les renverser, pouvant parfaitement bousculer leurs plans les plus ambitieux et pour conclure : complètement capable de ponctuer leur épopée américaine d’un point final précoce !
Vert Blanc Baggio
Foxborough, 5 juillet 1994, 13h. Encore un horaire ridicule, comme calqué sur un méridien européen et par conséquent dénaturé, clairement décalé et imposant ainsi aux joueurs celui qui sera l’acteur principal de cette Coupe du Monde, l’incontestable « Star américaine » de ce tournoi : le cagnard ! Canicule, touffeur… et enfin soleil de plomb, pour venir tracer ici un trait d’union parfait avec la propriété qui enveloppera ce huitième de finale : le plomb. L’aplomb des nigérians tout d’abord, jeu de mot idéal pour qualifier le caractère de cette sélection. L’aplomb, « prendre l’aplomb de… », se dit lorsque l’on mesure la verticalité d’une structure (dérivé de « fil à plomb », outil ancestral servant la même cause)… Pour revenir au soleil cité ci-dessus, au-delà de lui prêter la lourdeur du plomb, on le définit également « d’aplomb », quand celui-ci se situe justement au summum de sa verticalité, au zénith… L’aplomb pour finir, aussi synonyme d’équilibre dans certains contextes, ou encore d’assurance, dans sons sens figuré et pour se rapprocher ici un peu plus de notre sujet… Verticalité donc, équilibre, solidité… Audace et confiance : c’était le Nigeria 94 ! Une équipe colossale, qui avait ouvert la marque contre cette Italie aux pieds d’argile grâce à un Amunike gigantesque et qui, à quelques secondes du terme, menait toujours 1-0… Projection optimiste plus que permise et étoiles à la pelle dans les yeux des supporters nigérians, jusqu’à ce que le « Zorro rital » de ce mondial, avec sa queue de cheval « Tornadesque »… ne sorte de sa tanière pour venir sauver son peuple et, quelque part aussi… un petit peu plomber l’ambiance ! Chape de plomb chassée et plomb dans l’aile transformé en or pour cette « Nazionale » aux allures d’albatros disgracieux qui, à compter de cette rencontre, décollera enfin ! Une « Squadra » graciée par son rossignol bleu, quoique revêtu de plumes blanches pour l’occasion… refusant ici son chant du cygne et renaissant ainsi de ses cendres, à l’image de son numéro 10 enchanteur ! Pouvoir de Phoenix, propriétés de pierre philosophale ou encore roi de l’azur… Le Baggio « Made in US » était indéfinissable, « fantasista » bien sûr, comme on le soufflerait dans tous les « Little Italy »… fantastique aussi et enfin… presque fantasmatique ! Un songe, une promesse… Peut-être la véritable vitrine du « Rêve Américain » !
Vert de rage !
Égalisation sur le gong donc, alors que l’arbitre avait déjà le sifflet aux lèvres… et coup de grâce porté lors des prolongations, celles-ci jadis encore sujettes de la tétanique règle du « but en or » ! Le bateau coule pour des nigérians médusés, figés… glacés par cet iceberg imprévu, ce « Golden Boy » marchand sur l’eau, paraissant presque patiner sur ces terres de feu et se faufilant enfin, électron libre qu’il était… entre les doigts de ses détracteurs tel un vent impalpable… un élément indomptable ! Baggio, pour finir de bien expirer ici cette bouffée d’air, aura également été le bourreau des bulgares en demi-finale, auteur d’un doublé (en début de partie cette fois-ci et en cinq minutes chrono (20ème et 25ème))… privant ainsi notre autre hôte du jour d’une improbable finale de Coupe du Monde… L’autre hôte de ce texte oui, la Bulgarie… en demi-finale d’un Mondial ! Vous avez bien lu… Une équipe époustouflante, arrivée ici après, comme lancé tout à l’heure : « le plus grand match de l’histoire de son pays » ! Ce match, c’est celui contre l’Allemagne. Attention : pas n’importe quelle Allemagne ! Une « Mannschaft » championne du monde en titre (90), finaliste de l’Euro 92 deux ans plus tôt et qui sera sacrée championne d’Europe deux ans plus tard (96)… Bref, autrement dit : un gros morceau de bretzel ! La Bulgarie ouvrira les hostilités : beau crochet de Stoichkov dans la surface, défenseur effacé et ballon superbement glissé au point de penalty pour une « passe décisive » parfaite… « Assist » ? Hélas non, Balakov dévisse son tir et la balle termine sur le poteau… L’Allemagne réplique timidement, la paire offensive de notre bonne vieille D1 « Klinsmann-Völler », respectivement attaquants de Monaco et de l’OM, n’arrive pas vraiment à inquiéter le bon Mikhailov, dernier rempart bulgare et alors curieusement gardien quant à lui du FC Mulhouse, en deuxième division…
La pantoufle de verre !
… En deuxième mi-temps idem : pas grand-chose à se mettre sous la dent, si ce n’est bien sûr l’ouverture du score des hommes de Berti Vogts grâce à un penalty du numéro 10 et capitaine Lothar Matthäus… À noter également, un montant touché par les allemands… Il reste alors un quart d’heure à jouer au « Giants Stadium » de New York quand, sans que cela ne perturbe plus que ça le ronronnement du stade… Stoichkov tombe ! Le « Chat Botté bulgare » cherche et trouve la faute, accroché ici à l’entrée de la surface, côté droit… L’arbitre siffle : coup franc. La position est parfaite pour un gaucher et le tableau tellement idéal que même l’immobilisme de ce match avait déjà placé le ballon ! C’était écrit c’est certain… On sentirait presque la présence d’une force qui aurait ici : soigné la mise en scène avec un souci prononcé pour le sens du détail ! Tout le monde est prêt pour la photo qui immortalisera le plus grand moment du foot bulgare ? Dites « Cheese » ! Un… Deux… Trois… Stoichkov s’élance, le ballon franchit le mur est fini au fond des filets d’un Bodo Illgner qui n’aura même pas bougé… Peut-être pour ne pas avoir à recommencer la photo qui sait ? Qu’il ne s’en inquiète pas, le cliché restera tel qu’il est, à l’image de celui de Yekini : unique, authentique… poétique ou que sais-je encore… Un instantané ici aussi, inscrit à la bibliothèque du sport et faisant formidablement office de nouvelle carte postale pour tout un pays ! 1-1 : le début de la fin pour les germains… Une fin qui ne se fera pas attendre longtemps, effectivement, 3 minutes seulement après l’égalisation, Yordan Letchkov, discret joueur de Hambourg qui ici sortira définitivement de l’anonymat… donne l’avantage à la Bulgarie d’une tête plongeante, crâne au vent, sur un service millimétré, un délice de « balle piquée » de la part de son capitaine Zlatko Yankov. L’Allemagne est au sol et ne se relèvera pas, le sélectionneur bulgare le sait, se permettant ainsi le luxe, six minutes après ce renversement soudain de situation… de sortir sa « Star Suprême » ! Le quatrième arbitre lève une petite pancarte au ciel sur laquelle est affiché un grand numéro 8, celui bien sûr de Hristo Stoichkov… un homme qui peut alors sortir tranquille, il vient ici d’entrer pour l’éternité au Panthéon de son pays.
L’herbe peut-être plus verte ailleurs ?
Nous sommes maintenant quatre ans plus tard, sur les terrains hexagonaux du mondial français où notre histoire finira. France 98, groupe « D », les routes de nos deux équipes se recroisent à nouveau… Contexte : c’est avec la couronne de championne olympique (comme cité plus haut) mais avec la casquette de grande absente des deux dernières « CAN » (retirée par son gouvernement en 96 et sanctionnée de cette décision pour l’édition 98)… que l’équipe nigériane débarque en France… La sélection bulgare quant à elle, n’a pas réussi à passer le premier tour de l’Euro 96, terminant toutefois sans démériter, à la troisième place d’une poule difficile, peut-être même la plus relevée de toutes et comprenant alors : la France, pour une affiche au parfum de revanche (les bleus exorciseront leur traumatisme de 93 en l’emportant cette fois-ci 3 buts à 1)… l’Espagne (face à qui les bulgares feront un bon 1-1)… et la Roumanie (sœur, tout aussi surprenante qu’elle aux USA, que la Bulgarie bâtera ici 1-0)… 3 buts en 3 matchs pour « Cristo » Stoichkov, 4 points au compteur tout de même mais insuffisant hélas pour faire perdurer le plaisir sur les belles pelouses anglaises… Concluons maintenant la présentation de cette seconde confrontation en observant les changements présents au sein des deux effectifs. Effectivement, en comparaison avec l’opposition de 94, quelques petites différences sont à noter des deux côtés… Sur les bancs de touche avant tout, où deux nouveaux coachs sont désormais installés : Bonev sous la guérite balkanique et « Bora » Milutinović dans le camp africain. Des nouvelles têtes aussi sur le champ, principalement pour les aigles verts où, malgré une ossature pratiquement inchangée (seul Amunike n’est plus là), beaucoup de jeunes talents se sont invités à la fête : Celestine Babayaro (19 ans et déjà latéral de Chelsea), Gabra Lawal et même Wilson Oruma… les petites pépites de l’Ajax bien sûr : Nwankwo Kanu et Tijjani (avec deux « j » oui) Babangida… et enfin notre tant apprécié Taribo West ! Chez les bulgares, pour résumer rapidement… pas de révolution particulière sur le terrain (ici c’est surtout Letchkov qui manquera à l’appel), le cadre reste grosso modo identique : on prend les mêmes et on recommence !
Une bonne volée de bois vert !
Le match Nigeria-Bulgarie version 98 donc, comme pour son « opposition parallèle », comprenez le Roumanie-Colombie de cette même édition… se terminera sur le plus petit des scores (1-0) mais avec une richesse d’implication et d’initiative bien présente, un bouquet d’occasion plus que garni et un certain style : fluide, détaché, enjoué… à souligner absolument ! Rien de plus certes, rien de spécial je vous le concède… juste un beau match de foot, très beau même, agréable à regarder et encore plus plaisant à remémorer. 1-0 pour la « Green Team » nigériane (légèrement plus dominatrice tout de même durant cette rencontre) et but de Victor Ikpeba dont le « crochet-feinte de corps » avant la finition, spontané et plein d’instinct… paraîtrait comme possédé par l’esprit de Pelé et les hanches de Romario ! Le tout bien sûr, accouché d’une action collective sensationnelle, elle aussi semblant issue de la plus belle des « Seleção » ! La Bulgarie répliquera techniquement avec entre autres : une sorte de « contrôle en porte-manteaux » combiné à un créatif « crochet-talonnade », torride comme un pas de tango et tout droit sorti des pieds diaboliques du terrible Kostadinov ! L’attaquant enchaînera ici dans la seconde, avec un projectile catapulté sur une barre transversale qui tremble encore… Barre transversale ? Le trait d’union idéal pour terminer notre tour de France ! En effet, les montants avaient déjà préservé le Nigeria d’une entame désastreuse lors de la première rencontre face à l’Espagne (deux lattes touchées pratiquement coup sur coup par les espagnols en début de match)… avant de pousser un peu le sort en orientant le ballon en direction des filets sur la puissante roquette propulsée par Sunday Oliseh : poteau rentrant, but du 3-2 final et 3 points plutôt chanceux il faut le dire (la Roja s’étant quasiment condamnée toute seule avec deux CSC, dont une belle « Arconada » de la part de Zubizarreta)… Le Nigeria s’inclinera lors du troisième match face au Paraguay (3-1), un résultat arrangeant les deux équipes qui passeront ensemble à l’étape suivante, éliminant ainsi l’Espagne… La Bulgarie quant à elle, bonne dernière du groupe, quitte ici la scène internationale… certainement sans se douter une seule seconde qu’elle n’y remettra presque plus jamais les pieds.
Petite touche « Auriverde »
Le vol des aigles verts prendra lui aussi rapidement fin, dès le tour suivant très exactement… Atterrissage risqué, retombée d’adrénaline inévitable et enfin une redescente sur Terre tout aussi secouée que tumultueuse ! Pour terminer, un retour à la réalité sans discussion aucune : à la vitesse de la chute libre et aux allures de « Crash » ! « Action » et… « Coupez » ! Clap de fin pour notre « Crush » de l’été, écrasé ici (4-1) par un Danemark indescriptible, plus fort certainement que celui champion d’Europe en 92, que sa sœur suédoise de 94 ou encore que sa version la plus récente : celle demi-finaliste du dernier Euro… Des « Rød-Hvide » (« Rouges et blancs ») qui, pour refermer cette parenthèse nordique, sortiront tête haute de la compétition après une lutte acharnée contre le Brésil (défaite danoise 3-2). Un char brésilien averti, déjà coulé par un drakkar dix jours plus tôt sur le Vieux-Port de Marseille, contre la Norvège exactement, lors du troisième match de poule (pour l’anecdote, même si celle-ci est assez connue, la Norvège est encore à ce jour la seule équipe au monde ayant joué le Brésil sans jamais perdre (2 victoires et 2 nuls))… Un beau Brésil-Danemark donc, qui verra des « Auriverde » délivrés ce jour-là par un duo « Bebeto-Rivaldo » disons… encore plus doué que d’ordinaire ! Ces derniers indéniablement au-dessus de la moyenne, décisifs fatalement, incisifs aussi… deux snipers précis, deux chirurgiens en blouse jaune ayant eu le scalp de l’un des grands chefs du clan ennemi : Peter Schmeichel ! Des Vikings qui pour conclure, dans leur classique tunique « Hummel » et à l’occasion de ce quart de finale autant rocambolesque que combatif… n’auront jamais aussi bien porté la couleur du sang ! Vous l’aurez compris, 1998 marquera la fin d’une époque : pour nos deux équipes du jour comme pour toutes autres sélections au caractère cavalier et épicurien.
Et enfin forcément : la ligne verte…
On se sépare ici, avec un sentiment de regret à l’égard de ses « David » faisant souvent mettre une rotule à terre aux « Goliath », ceux-ci sans cesse moins nombreux mais en revanche : toujours de plus en plus gonflés à bloc ! Le Nigeria, poissarde à souhait, collectionnera les « groupes de la mort »… Tirages incroyables qui lui feront encore croiser le fer avec l’Argentine : non moins de quatre fois depuis leur première confrontation en 94 (2002, 2010, 2014 et 2018)… De son côté (excepté lors de l’Euro portugais de 2004, où elle finira dernière de sa poule sans pouvoir profiter d’une seule miette de la « biscotte scandinave »)… la bulle bulgare éclatera ! Énième étoile de l’Est ici, où peut-être « satellite rouge » peu importe… qui ne répond plus aux appels de la « Planète Foot ». Une station spatiale désertée tout d’abord, désintégrée ensuite, entre détresse sportive et « SOS » lancés désespérément tel des bouteilles à la mer… Signal extraterrestre tristement perdu et une certaine dimension du football totalement disparue des radars ! Une équipe qui pour finir n’aura pas réussi, ne serait-ce que l’espace de quelques instants… à graviter autour d’une deuxième belle génération comptant pourtant dans ses rangs de grandioses astronautes expérimentés : Stiliyan Petrov par exemple (encore aujourd’hui joueur le plus capé de l’équipe)… Dimitar Berbatov évidemment (toujours détenteur du record de but en sélection)… mais aussi l’autre Petrov (Martin), Vladimir Manchev ou encore Valeri Bojinov… Alors ? Vert espérance c’est bien ça ? Si sur les côtes du Golfe de Guinée, l’espoir reste permis, avec notamment l’avènement de deux excellents attaquants : Victor Osimhen et Ademola Lookman (le premier, aigle déjà connu, est actuellement en tête du classement des buteurs dans le Calcio alors que le second, encore aiglon au stade de l’éclosion, le suit de seulement deux petits but)… Sur les bords du Danube par contre, les champs cramés d’un Mars sans scrupule peinent à retrouver des couleurs, laissant par conséquent le pessimisme prendre incontestablement racine… C’était le temps où le plaisir se rependait comme une traînée de poudre et où chaque affiche se ponctuait uniquement d’un point d’interrogation… Le temps de tous les possibles, où personne ne pouvait présager ce qui allait se passer… C’était le règne des inconnues, posées ici et là sur la grande équation que constituait encore chaque compétition… Une opération facile, claire… loin des problèmes mathématiques et des chiffres infinis éparpillés sur les pages chiffonnées du football d’aujourd’hui ! Une leçon au contraire légère, écrite pourquoi pas ici à la craie sur un bon vieux tableau noir. Un tableau noir duquel la poussière s’échappe, tel une étoile filante, stimulant ainsi les souhaits d’enfants rêveurs dont le simple souvenir… procure encore des frissons ! Un tableau noir… Un tableau vert en réalité… Vert comme un terrain de foot, vert comme l’espérance ! La couleur de l’immaturité, de la naïveté, de l’innocence… et des deux grosses tâches d’herbe qui maquillaient nos jeans au niveau des genoux quand on rentrait de l’école ! C’était la cour de récré, les carreaux cassés et la colère des profs… C’était l’époque du quartier, la Coupe du Monde recréée et Jay-Jay Okocha contre Hristo Stoichkov !
Balakov, adoré au Sporting comme à Stuttgart. Super technique.
Au quartier on avait une phrase (devenue culte depuis) pour qualifier ceux qui n’étaient pas allé chez le coiffeur depuis un petit bout de temps: « une coffe à la Balakov »!
Ah les anecdotes…
C’est mieux qu’une coupe à la Letchkov!
Yekini avait une sacrée carrure. Drôle de parcours en Europe. Olympiakos, Suisse et surtout Setubal. Il était déjà un membre important du Nigeria quand il perdait tout le temps en finale. 84, 88 et 90.
Isolé en sélection (comme en dehors d’ailleurs), un côté « seul au monde » (rejeté plus que « chambre à part » par choix)… Quelqu’un pour expliquer pourquoi cette exclusion ? Son caractère ? Des casseroles du passé et autres cadavres dans le placard ? Ou tout simplement une étiquette collée sur sa nuque mais quelque peu exagérée ?
Le passage de Finidi, avec Jarni et Alfonso, a vraiment marqué une époque au Betis.
Quel beau et bon joueur…… Par contre sa carrière est illisible pour moi, elle m’égare.. : typiquement le genre de parcours qui m’embrouille au point d’avoir parfois fantasmé sa présence dans certains matchs, exemple : longtemps été persuadé que c’était lui qui faisait le pré-assist sur ce but merveilleux de Stojkovic face à l’Espagne 90, abordé par Alphabet……..mais en fait non, lol, et pourtant pas faute d’avoir vu et rerevu ce match..???
Jarni était un super latéral. Bon en défense, offensif, avec une frappe du gauche letale. Le meilleur arrière gauche du Betis de l’histoire. Il aurait pu s’imposer au Real mais ils avaient Roberto Carlos.
Hagi, une qualité de frappe exceptionnelle. Et sans avoir besoin d’énormément de prise d’élan.
La Colombie peut en témoigner lors du premier tour de cette coupe du monde! Un des plus beaux buts de cette édition.
La Bulgarie, complètement disparue depuis 98, mise à part l’Euro 2004. C’est là que tu vois la qualité de la formation dans les pays du bloc de l’est à l’époque.
La Roumanie n’existent plus depuis 2000 où les mecs étaient encore largement formés pendant Ceausescu.
Idem pour la génération Stoichkov.
Les Serbes-Yougoslaves n’ont plus de belles équipes depuis 98-2000 où on trouvait Sinisa, Jugovic, Piksi, Dejan ou Mijatovic.
Les Tchèques en 96, autre exemple de continuation de la formation.
Les Russes, malgré 2008, ne font plus partis de l’élite depuis plus de 30 ans. Les Ukrainiens, c’est encore pire.
La Pologne a passé des décennies sans avoir une équipe valable.
Finalement, il n’y a que la Croatie qui arrive à renouveler efficacement ses générations.
Oui, c’est assez désolant.
Peut-être en partie une question de pognon? La question des investissements initiés par Orban dans le foot hongrois a fait jaser pour de bonnes et de mauvaises (que de mensonges et de tartufferies..) raisons, toutes politiques donc parasitaires, mais il faudrait être de mauvaise foi pour dénier que ça a quand même produit des effets.
Ceci dit, au-delà des ex-« pays de l’Est » : la déglingue qualitative me paraît générale. L’on pourrait poser la question autrement : quels pays semblent avoir joué mieux ces 10 dernières années qu’au cours des 20 années qui avaient précédé? Autriche, Luxembourg, Islande, Albanie, Galles, Finlande peut-être..?? Vous en voyez beaucoup d’autres?
Inversément : c’est la bouteille à encre………..et on ne parle pas de nations historiquement à la marge..
Pas faute pourtant que le football n’ait jamais été à ce point libéralisé………ce qui, au passage, est susceptible de mettre à mal certaines des vertus prêtées à cette doctrine.
Difficile de pouvoir objectiver parfaitement une situation aussi disparate (quoique.. désormais grosso merdo les mêmes modèles partout) que celle du spectre eurofootballistique contemporain, bref, instinctivement, sensoriellement : j’ai l’impression d’une euroscène qui se fait bouffer de l’intérieur, Cronos dévorant ses enfants…?? Parvenu à un tel degré de marchandisation (car ce n’est plus que cela), c’est peut-être une fin logique en fait, une fatalité.
C’est une chute globale du niveau des sélections .depuis 10 ans. Mise à part la France et à son niveau l’Angleterre, tout le monde est en retrait. Même les derniers champions du monde argentins. Mise à part Di Maria, et evidemment Messi, qui pourrait prétendre à un top 100 historique? Personne… Même si ce top est dense…
J’étais au Parc en 1998 pour ce Nigeria-Bulgarie. Belle ambiance et un public acquis au Nigeria, reliquat de traumatisme « kostadinovien ». Il avait d’ailleurs failli marquer, la barre ayant sauvé les Green Eagles quand elle n’avait été d’aucun secours pour Lama.
Quelle tristesse de voir les pays de l’Est dépérir depuis les années 90, quand les affronter était un traquenard par excellence. Le niveau actuel de la Bulgarie est affligeant. La Roumanie depuis 1998, c’est juste 3 championnats d’Europe (2008, 2016 et 2024) ; la Russie c’est quelconque, la Serbie est inconstante, l’Ukraine également ; les Tchèques sont fans de l’Euro et beaucoup moins de la coupe du monde (l’opposé des Serbes en gros)…
Comme dit plus haut, seule la Croatie est régulière et ne connaît pas de trop gros trou d’air, ce qui est une belle performance, compte-tenu du faible réservoirs de joueurs dont elle dispose.