L’Italie s’impose à sa quatrième tentative grâce à Bologne, ville symbole du fascisme.
Juin 1932, la Serie A vient de s’achever sur la victoire de la Juventus, le second Scudetto du « Quinquennio d’oro », quand débute la Mitropa Cup. Chaque nation engagée ayant deux représentants, le dauphin Bologna accompagne les Bianconeri dans une quête bien plus que sportive puisque les succès italiens doivent accréditer les thèses fascistes, en particulier l’eugénisme latin, au moment où les tentations nationalistes prolifèrent en Europe, exacerbées par la crise de 1929 et la recherche de coupables. Les trois éditions précédentes sont des contre-publicités pour l’Italie puisque aucun club de la péninsule ne parvient à rallier la finale, soumise à la domination des mosaïques d’ethnies multiconfessionnelles peuplant Prague, Budapest et Vienne.
Soucieux de préserver une prétendue pureté latine, Leandro Arpinati, président de la Fédération et cacique fasciste bolognais, instaure en 1926 « La Carta di Viareggio », charte interdisant les recrues étrangères et privant les clubs italiens des filières autrichiennes et hongroises. Ils se tournent alors vers la diaspora d’Amérique du Sud, encouragés par la réussite de l’ancien international argentin Julio « El Matador » Libonnati avec le Torino. Puisque Mussolini accorde volontiers la double nationalité à ces fils d’immigrés, Libonnati étant le premier Oriundo sélectionné avec la Nazionale, des dizaines d’Argentins, Uruguayens et Brésiliens prennent le bateau pour la mère patrie, créant un saut qualitatif dont vont bénéficier la nouvelle Serie A et la sélection italienne.
Convaincue du potentiel sud-américain, la Juventus d’Edoardo Agnelli s’appuie sur les Italo-argentins Luisito Monti, Mumo Orsi (de futurs champions du monde en 1934), Renato Cesarini, Juan José Maglio et l’Italo-brésilien Pedro Sernagiotto (alias Ministrinho), des joueurs de premier plan, tous internationaux dans leur pays de naissance. De son côté, Bologna compte sur ses deux Uruguayens, le stratège Francisco Fedullo en soutien de Raffaele Sansone, tout en restant sous l’influence du football de l’Europe centrale puisque le coach hongrois József Nagy vient de remplacer Gyula Lelovics, lui-même successeur de l’icône autrichienne Hermann Felsner ayant mené les Rossoblú au titre 1925 avec la complicité d’Arpinati en coulisses.
Ferencváros et le Sparta s’inclinent face à la Juve et Bologna
Résolue à surpasser l’Ambrosiana et la Roma, demi-finalistes 1930 et 1931, la Juventus se donne toutes les chances de l’emporter en se renforçant le temps de la compétition via la venue d’Ezio Sclavi, gardien de la Lazio. Son premier adversaire en quart de finale est Ferencváros, a priori un épouvantail avec ses cracks György Sárosi, József Takács et Willy Kohut. Déjà titré en Mitropa en 1928, Fradi vient d’écraser son championnat : 22 victoires en autant de matches, 105 buts inscrits. Mais les Oriundi vont faire la différence : Orsi, Cesarini et le dribbleur aux pieds de géant Sernagiotto, dont ce sont les débuts, surclassent les Hongrois 4-0 devant le public du Stadio di Corso Marsiglia. Au retour, la Juve se qualifie en obtenant un score de parité, 3-3, malgré trois pénaltys transformés par Sárosi et déjà, l’étrange arbitrage de l’Autrichien Eugen Braun.
Pour Bologna, c’est le Sparta Prague, vainqueur de l’édition initiale de la Mitropa en 1927, finaliste 1930 et champion de Tchécoslovaquie, qui se présente au stadio Littoriale, l’actuel Renato Dall’Ara. Voulu par Arpinati, inauguré en grande pompe par le roi Vittorio Emanuele en 1927, le monument de briques rouges dominé par l’imposante Torre Maratona accueille 25 000 tifosi venus soutenir les leurs face à Oldřich Nejedlý, Josef Silný et Raymond Braine, buteur belge séduit par le professionnalisme en vigueur en Tchécoslovaquie. Les fers de lance du Sparta, ne pèsent pas lourd face aux froids défenseurs Felice Gasperi et Eraldo Monzeglio, intime des Mussolini lors de leurs vacances à Riccione. Hermétiques et flamboyants à la fois, les Rossoblú du capitaine Angelo Schiavo s’offrent un succès sans appel, 5–0, que ne compense pas la sèche défaite à Prague, 0-3.
Au tour suivant, Bologna affronte le vice-champion d’Autriche et tenant de la Mitropa, le First Vienna. Au Littoriale, les Rossoblú s’imposent 2-0 malgré l’excellent jeu collectif de leurs adversaires dont Josef « Pepi » Blum est la figure tutélaire. Au retour, Bologna se qualifie pour la finale en ne s’inclinant que par un but d’écart, bien aidé par l’échec de « Pepi » sur pénalty.
Incidents entre la Juventus et le Slavia
Dans l’autre demi-finale, la Juventus se déplace d’abord à Prague où l’attendent le Slavia Prague et l’arbitre Eugen Braun. Les Sešívaní sont alors une constellation de stars portée par les attaquants Vlastimil Kopecky, Antonín Puč, Jiří Sobotka, František Svoboda et par le « Le Chat » František Plánicka. Les Tchécoslovaques mènent 3-0 quand l’arbitre leur accorde un pénalty en fin de rencontre. Une échauffourée entre joueurs éclate, une partie du public envahit le terrain, l’arbitre est frappé et il faut l’intervention de la police pour ramener le calme. Interrompu durant une dizaine de minutes, le match reprend à 11 contre 7 : outre l’expulsion de Cesarini jugé responsable des tensions, Caligaris, Varglien et Vecchina ne sont plus le terrain, plus ou moins blessés ou choqués. Le Slavia transforme le pénalty du 4-0 et le score en reste là. La Juventus pose évidemment réclamation à la suite des incidents, espérant une victoire sur tapis vert.
Il n’en est rien et quatre jours plus tard, le match retour se déroule dans une ambiance délétère malgré un impressionnant service d’ordre, exigence de la fédération tchécoslovaque auprès du gouvernement fasciste. Au complet, la Juve mène 2-0 à la pause grâce à Cesarini (seulement condamné à payer une amende après l’expulsion de l’aller) et Orsi. L’exploit semble possible mais en début de seconde mi-temps, Plánicka s’effondre alors que le jeu est loin de son but. Touché à la tête par un projectile, « Le Chat » et ses coéquipiers quittent la pelouse et refusent d’y revenir. Selon les sources, il est question d’une plaie profonde au cuir chevelu ou d’une simple crise de nerfs, conséquence de l’attitude menaçante des tifosi, excédés par l’antijeu du Slavia.
Bologna titrée sans gloire
Convaincus que les Tchécoslovaques seront sanctionnés, les Juventini s’accordent quelques jours de repos dans l’attente de la finale contre Bologna. Celle-ci ne viendra jamais. Après des semaines de tergiversations, le comité d’organisation de la Mitropa livre son verdict mi-août : la Juventus et le Slavia sont exclus de l’épreuve, la première pour l’excès de violence de ses tifosi, le second pour s’être retiré du terrain. Ces incidents ont une prolongation diplomatique puisque le régime parlementaire de Tomáš Masaryk menace d’interdire la rencontre Tchécoslovaquie – Italie prévue en octobre 1932 (le match a finalement lieu, 2-1 pour les locaux).
Sans jouer, Bologna est déclaré vainqueur, offrant un premier titre européen à l’Italie fasciste. Pour certains observateurs, le succès de Bologna ne relève que de la chance. C’est omettre la qualité de l’effectif rossoblú au sein duquel les Uruguayens, Monzeglio et Schiavo sont d’incontestables fuoriclasse. La Mitropa Cup 1932 constitue une des dernières satisfactions sportives de Leandro Arpinati, alors président du Comité olympique mais dont l’estime auprès du Duce s’étiole, victime du travail de sape d’Achille Starace, le secrétaire du Parti National Fasciste. En 1934, quand Bologna conquiert une seconde Mitropa Cup, Arpinati n’est plus là pour assister au triomphe de ses protégés, confiné sur l’île de Lipari depuis sa disgrâce auprès de Mussolini.
L’avantage d’habiter si loin à l’ouest, c’est de pouvoir lire la nouveauté du jour de p2f à 15 h heure locale… Question à Verano : pourquoi et comment Willy Kohut s’est-il retrouvé à l’OM où il a fait naître le mythe du « grantatakan » ?
J’ai jeté un oeil sur quelques sites : c’est manifestement Jozsef Eisenhoffer, déjà à l’OM depuis 1932 et la professionnalisation du championnat en une division nationale, qui incite Kohut à le rejoindre.
Giuseppe Signori – Roberto Baggio
Etait-ce vraiment du fascisme bolognais ?
Très intéressant, en tout cas
Complexe Italie
Et quel pays n’est pas complexe ?
https://incronaca.unibo.it/archivio/2020/baggio-e-signori-auguri-ai-re-del-gol/@@images/40bfb4b6-35e7-4f8b-9f23-592286083af2.png
Parmi les joueurs bolognais des années 1930, on peut en citer deux dont l’engagement fasciste est sans équivoque : Eraldo Monzeglio et Dino Fiorini. A l’inverse, Mario Pagotto s’est engagé dans les Brigades alpines opposées aux Allemands et à la République de Salo. Et puis il y a les autres, pour l’essentiel passifs sauf peut-être, l’oriundo uruguayen Puricelli qui semble avoir été proche des idées fascistes (avec quelle conscience ?) sans s’engager, ce qui l’oblige à quitter Bologne à la fin de la guerre.
Les Italiens ont bien retenu la leçon du « coup du projectile » de Planicka… Le 20 octobre 1971, Roberto Boninsegna de l’Inter (plus tard vu à… la Juve) l’a utilisé avec succès pour obtenir l’annulation d’une des plus grandes humiliations de l’histoire des Nerazzurri, une défaite 7-1 à Mönchengladbach des pieds de la grande équipe des « poulains » de Günter Netzer.
Mais quel relou, g-g-g
Netzer ?
Invoquons la carte Lindo, rien à faire ^^
En plus, le meilleur joueur issu de
Mönchengladbach, c’est Lothar Matthäus, un Bavaro-Interiste de Rhénanie-du-Nord-Westphalie
T’es toujours pas fatigué ?
On pollue l’article de Verano, je te signale
Méchant, non, évidemment que non
Je vois, le danois Simonsen à Mönchengladbach, en 1977
Keegan à Hambourg, en 1978 et 1979
(enfin, je vois …j’avais 1 mois, puis un an, puis deux)
Mais pas d’allemand pure souche ^^
Et puis, si Michael Laudrup n’a reçu aucun hommage, on peut tout se permettre
Aaah, je suis alcoolisé, je devrais dormir
Tellement fier d’être parmi vous, vraiment
Simonsen, je m’en souviens un peu. Le seul à surnager face à Liverpool en finale de C1 1976-77, une masterclass contre le Dynamo Kiev en demie. Meilleur joueur de l’histoire de Gladbach, je pense que Heynckes et Netzer demandent à voir. Dans le rôle d’ailier de Simonsen, il y avait avant lui Erwin Kremers (vainqueur de l’Euro 72) qui se posait un peu là. Matthäus, certes… mais Rainer Bonhof jeune, dix ans auparavant, était tout aussi lourd comme « box to box ».
Qui vise t-on exactement à travers ces sous-entendus sur l’arbitre Eugen braun, hein?!
Le First Vienna de l’époque était une belle équipe, qui se distinguait par sa maîtrise collective et sa solidité défensive. On n’ a malheureusement pas d’infos sur l’entraîneur Ferdinand Fritdhum.
Les joueurs les plus connus étaient probablement Josef Blum, Karl Rainer, Leopold Hofmann et Friedrich Gschweidl.
Gschweidl, « der lange Fritz », a eu une très longue carrière, jouant son dernier match à 45 piges. Il est aussi connu pour avoir fait partie de la Wunderteam. Un joueur quelque peu atypique, réputé comme l’un des meilleurs avant-centres autrichiens, alors qu’il marquait relativement peu (n’a guère du dépasser les 15 buts lors de ses meilleures années). Grand, puissant et très collectif. Il s’est avéré très complémentaire de Sindelar en équipe nationale au poste d’inter droit.
Outre Pepi Blum, d’autres joueurs de ce Vienna, eux aussi internationaux, ont fait un détour par la France. Josef Adelbrecht, au RC Paris, et Gustav Tögel, au FC Nancy.
Je présume que le First Vienna de l’époque devait être fort, oui – et pour le moins a priori, puisque vainqueur de l’édition précédente.
Si je ne dis pas trop de bêtises, c’est en Mitropa 1930 que la star belge Raymond Braine fit ses débuts avec le Sparta, précisément contre le First Vienna..et d’emblée, ça j’en suis certain : un but et un assist, porté en triomphe.. ==> Aussitôt adoubé.
C’est bien ça.
Le Vienna remporte le championnat à la fin de saison avec la meilleure défense (25 buts encaissés en 18 matchs). En regardant les compos contre le Sparta, il me semble qu’il leur manquait plusieurs importants, notamment à l’aller.
Merci Verano pour cette épopée! Bologne était connue pour etre un bastion communiste en Italie dans les années 70, non?
G.g.g parle de l’attentat d’extrême droite de 1980. On peut dire que ce n’est pas une ville tiede politiquement au cours de son histoire.
L’histoire sportive de Bologne ressemble un peu à celle de Shalke en Allemagne à la même époque. Mais pas au niveau des fondations mais sur cette periode de domination sportive du pays avant la 2ème Guerre Mondiale, que jamais plus ni Bologne ni Schalke ne connaîtront par la suite. Malgré le titre dans les années 60 avec Haller, Bulgarelli ou Nielsen.
Oui, j ai toujours entendu cette expression « Bologne, la rouge » a propos de la ville. La region de l’Emilie Romagne etait un bastion du PCI.
Autre point commun : avoir été équitablement instrumentalisés dans l’entre-deux-guerres.
Schalke, de loin le club le plus populaire d’Allemagne à l’époque (seul d’ailleurs à l’être aux quatre coins du pays, très régionaliste alors), le fut ainsi tour à tour par les socialistes, les communistes, le nazisme enfin.. Club tout bonnement victime, alors, de son inégalable succès populaire.
Puis l’après-guerre s’acharna singulièrement à épingler le « passé nazi » de Schalke (et de Munich 1860), sur d’autres aspects aussi Schalke ne serait guère épargné.. tandis que l’un ou l’autre clubs non moins « nazi » (« club nazi » est idiot..mais serait néanmoins longuement un leitmotiv de l’historiographie ouest-allemande du foot) sous le IIIème Reich gagnaient une aura de club-martyr.
Là où certains clubs furent officiellement discrédités, le Bayern surtout gagna symboliquement à ces jugements moraux à géométrie fort variable ; le cas Landauer, d’ailleurs moins visé alors par le régime que trahi par des pairs particulièrement zélés et opportunistes au sein du board du Bayern, fut (voire reste, parmi les zouaves de la Schickeria) un cache-sexe habilement exploité pour masquer les turpitudes passées, puis à l’oeuvre au sein du club à compter des 60’s.
De gauche avant de tomber dans les mains des fascistes et d’Arpinati, elle bascule de nouveau à gauche dans l’après-guerre avec un maire communiste charismatique, Giuseppe Dozza, sorte de Peppone opposé au « cul-béni » au passé trouble, Renato Dall’Ara, président de Bologna (on en reparlera dans un article à venir, teasing !).
Allez, une question sans réponse…
Qui était le plus fort entre Zamora et Planicka?
Planicka n’ayant jamais joué au RCD Español, c’est donc Zamora 😉
Imparable comme le coup franc de Baggio…
Merci verano.
Libonatti, grande star des annes 1920, le goleador de la premiere albiceleste victorieuse du Sudamericano (1921). Et pourtant un rosariño ! (Newell’s), alors que le foot argentin et les joueurs de la selection sont encore massivement porteños. En donc en Italie il a enchainé les buts à la pelle egalement.
Libonatti, Baloncieri et Rossetti forment une attaque de feu au Torino à la fin des années 1920 appelée il Trio delle meraviglie.
Bel article, belles photos, merci Verano !
putainnnnnn y’a de la poussière plein mon téléphone…
Vous avez pensé à mettre de l’antimite sur Verano?
Ton quoi ???
Toi quoi ton quoi?!?!
Ben oui, j’ai mis un petit chandail pour lutter contre le froid, il sent l’antimite.
Un téléphone ? Qu’est-ce donc que cette diablerie ?
C’est comme le pigeon voyageur mais au lieu de lui souffler dans le cul tu lui parles
Chandail…
…
…qui utilise encore ce mot?
…
Je suis sûr que Verano il est en noir et blanc
T’aimes bien mettre tout dans des cases, non ? Ça te rassure ? Eh eh 😉
Oh ça va !
C’est que de l’amour