Meilleurs ennemis : Mohun Bagan – East Bengal

Ils se détestent et, pourtant, l’un ne pourrait pas vivre sans l’autre. Deux clubs rivaux depuis toujours ou presque, des affrontements qui sont bien plus qu’un match de foot… il est temps de choisir son camp. Aujourd’hui, le derby de Kolkata.

Un peu d’histoire

C’est souvent l’ancienneté qui sert de critère initial pour légitimiser un club par rapport à son rival. Le Mohun Bagan Super Giant, plus ancien club indien encore en activité, a vu le jour en 1889. L’East Bengal FC fait pâle figure avec sa création en 1920. Au-delà de ce fossé générationnel, il existe une différence ethnique importante entre les deux clubs.

L’East Bengal FC, comme son nom l’indique, représente les habitants de la partie est du Bengal pré-indépendance, autrement dit les Bengalis. Cette population s’est installée dans la région après les Ghotis, qui viennent de l’ouest du Bengal et qui sont associés au Mohun Bagan. Cette différence se prolonge jusque dans l’assiette des uns et des autres. Lorsque l’East Bengal remporte le derby, ses fans cuisinent un poisson nommé Hilsa. Quant aux aficionados du Mohun Bagan, ils célèbrent leurs victoires avec un plat de crevette géante d’eau douce.

L’heure de gloire

Avec une histoire longue comme le bras et grâce à la multitude de compétitions disputées en Inde, les palmarès des deux clubs sont bien remplis. Et c’est l’East Bengal qui a le dessus. La Red and Gold Brigade a glané 110 titres au cours de son histoire, cinq de plus que les Mariners. Si le Mohun Bagan a plus brillé que son rival dans le championnat national (six titres contre trois en National Football League/I-League/Indian Super League selon les époques) et remporté plus de Durand Cup (17 contre 16), l’East Bengal peut se vanter d’avoir dominé plus souvent la Calcutta Football League (39 fois contre 30), et surtout d’avoir remporté un titre continental.

En 2003, la Red and Gold Brigade est en effet invitée à participer à l’ASEAN Club Championship, compétition qui rassemble les champions des pays d’Asie du sud-est. Battu en ouverture par les Thaïlandais du Tero Sasana, l’East Bengal se ressaisit en dominant la Philippine Army pour se qualifier en quart de finale. Les Indiens éliminent tour à tour deux clubs indonésiens, le Persita Tangerand et le Petrokimia Putra, avant de prendre leur revanche sur le Tero Sasana en finale (victoire 3-1) pour célébrer leur premier titre international. Depuis 2003, la compétition a eu lieu une seule fois, en 2005, et le champion d’Inde n’a pas été invité. Impossible, donc, pour le Mohun Bagan d’égaler la performance de son rival.

Mais même dans les autres compétitions continentales, les Mariners sont à la traîne. Leur meilleure performance ? Une qualification en 2016 pour les huitièmes de finale de la Coupe de l’AFC (deuxième compétition asiatique en termes d’importance), avec deux défaites à la clé face à un club des Maldives, le Maziya S&RC.

L’East Bengal brille un peu plus sur la scène asiatique. Dans cette même Coupe de l’AFC, il s’est hissé jusqu’en demi-finale en 2013. Invaincus à l’issue de la phase de poules, les Indiens ont fait plier les Birmans de Yangon United puis les Indonésiens du Semen Padang, avant de s’incliner face à Al-Kuwait, futur vainqueur de la compétition.

C’est qui le plus fort ?

Le premier derby de Kolkata de l’histoire, en 1921, a accouché d’un match nul (0-0). Mais le premier match officiel entre les deux clubs a eu lieu en 1925 et a vu l’East Bengal s’imposer (1-0). Depuis, près de 400 rencontres ont été disputées et le duel a tourné à l’avantage de la Red and Gold Brigade. Avec 141 victoires contre 129 (pour 127 matchs nuls), l’East Bengal a le temps de voir venir son rival. Mais le décompte exact des matchs et des résultats est souvent l’objet de débats houleux et certains ne reconnaissent pas les statistiques officielles.

Vu des tribunes

Avec ses couleurs rouge et or, difficile de rater l’East Bengal. Il est considéré comme le club le plus populaire du pays et peut aussi compter sur le soutien de la communauté bangladaise. La Red and Gold Brigade est soutenue par les East Bengal Ultras, le premier groupe ultra enregistré en Inde. Le Mohun Bagan, qui évolue en vert et marron, s’appuie lui aussi sur des fidèles particulièrement dévoués. L’un d’entre eux a par exemple mit sa maison en hypothèque pour aider le club à financer le recrutement du Brésilien José Ramirez Barreto. Un sens du dévouement hors du commun.

Les derbies entre les deux clubs représentent les meilleures affluences du football indien. En 1997, la demi-finale de Federation Cup a accueilli 134 000 spectateurs au Salt Lake Stadium, que partagent les deux clubs. L’East Bengal a remporté (4-1) ce derby, qui figure parmi les plus grosses affluences enregistrées dans le monde.

Malheureusement, la passion des supporters a aussi engendré un drame. Le 16 août 1980, les deux clubs s’affrontaient dans le cadre de la Calcutta Football League. Contrairement aux habitudes, les 70 000 spectateurs présents se sont retrouvés mélangés en tribunes. La tension était déjà forte avant la rencontre car les deux clubs n’avaient pu, quelques mois plus tôt, se départager en finale de la Federation Cup et avaient été déclarés vainqueurs conjointement. Pendant le match, plusieurs fautes grossières du latéral droit d’East Bengal Dilip Palit n’ont pas été sanctionnée, ce qui a attisé les frictions.

La tension a dégénéré en émeute et 16 personnes sont décédées à la suite de mouvements de foule en tribunes. Le match est allé à son terme sans que l’arbitre ou les joueurs n’aient connaissance de la situation. La saison de Calcutta Football League a par la suite été suspendue et le 16 août est aujourd’hui un jour de commémoration, baptisé Football Lovers’ Day. Il faudra ensuite attendre plusieurs années avant que les supporters reviennent en masse dans les tribunes lors des derbies, qui sont désormais bien plus cadrés pour éviter tout débordement.

Alors, quel camp choisir ?

5 réflexions sur « Meilleurs ennemis : Mohun Bagan – East Bengal »

    1. Calcutta était la capitale de l’Inde britannique et le foot y a été introduit par les soldats de sa majesté.

      Goa est aussi une terre de foot, influence portugaise oblige.

      Merci pour ce texte.

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