L’Arabie saoudite était elle vraiment la pire sélection a s’être présentée au premier mondial asiatique de l’histoire ? Chaque Coupe du monde a ses équipes surprises, ses équipes éblouissantes de talent. Mais chaque Coupe du monde a aussi ses cancres, ses équipes qui laissent aux supporters des souvenirs impérissables par leur faiblesse ou leurs résultats décevants. Qu’en est-il de ce Mondial 2002 ? Quelle sélection pourrait considérer comme la plus mauvaise de cette édition asiatique ?
Arabie saoudite
C’est la première option à laquelle on pense. La plus évidente. La plus logique à la vue des simples résultats. Ou même d’un seul résultat. Un seul match aura suffi pour ancrer dans l’imaginaire collectif que l’Arabie saoudite version 2002 était une équipe de bras cassés qui n’avait rien à faire dans ce Mondial asiatique. Bien sûr, les hommes de Nasser al-Johar ne pensaient pas battre l’Allemagne, le Cameroun et l’Irlande. Et étaient parfaitement conscients que rééditer la performance de 1994, où les Faucons verts avaient atteint les huitièmes de finales, serait un énorme exploit. Mais 8-0 ? Quelle équipe est donc à ce point inférieure à une autre pour perdre 8-0 ? Surtout en Coupe du monde ? Le score parle de lui-même. La prestation saoudienne à Sapporo contre la Mannschaft d’Oliver Kahn et de Michael Ballack a été désastreuse en tout point. Pas le moindre tir cadré, pas la moindre occasion, pas la moindre opportunité de mettre le gardien du Bayern en difficulté. Les Allemands n’ont rien laissé et se sont baladés au sein d’une défense à la rue, surdominée dans le jeu aérien (à l’image d’un Miroslav Klose inscrivant un triplé uniquement de la tête) et ayant une conception du marquage pour le moins étonnante…
C’est dire si l’on ne donnait pas cher de la peau des Saoudiens au moment d’affronter le Cameroun, champion d’Afrique en titre, et dans un besoin impératif de victoire après un nul décevant contre l’Irlande. Pourtant, rien ne va se passer comme attendu. Ce qui s’est passé au Dôme de Sapporo a sûrement fait oublier, aux Camerounais en tête probablement, que l’Arabie saoudite est depuis le début des années 1980 un poids lourd du football asiatique. Une valeur sûre systématiquement en finale de la Coupe d’Asie depuis 1984 (trois victoires et deux défaites) avec certains joueurs de qualités. Si Saeed al-Owairan, dont le but « maradonesque » en 1994 avait épaté la planète football, n’est plus de la partie, les stars de l’effectif méritent malgré tout le coup d’œil : le gardien Mohammed al-Deayea ou l’attaquant Sami al-Jabber.
Mais face au Cameroun, un joueur va particulièrement crever l’écran : Nawaf al-Themyat. Meneur de jeu de poche, transparent (comme le reste de son équipe) face à l’Allemagne, le numéro 18 saoudien va pendant 90 minutes donner des sueurs froides à la défense camerounaise. Très mobile et disponible pour ses partenaires, il mène avec brio le jeu offensif de son équipe et amène le danger à de nombreuses reprises. Si sa qualité technique demeure encore limitée pour le très haut niveau, il apparaît très vite qu’al-Themyat est un vrai bon joueur de foot, intelligent et inspiré. Insuffisant toutefois pour les Saoudiens, qui malgré une bonne partie, ne parviendront pas à inscrire un but qui sans doute aurait été mérité, et qui vont même se faire piéger par le premier but en Coupe du monde pour Samuel Eto’o Fils. Une nouvelle défaite synonyme d’élimination pour les Faucons verts, mais qui, contrairement à leur premier match, repartent de Saitama avec les honneurs.
Le troisième match contre l’Irlande sera à peu près du même acabit. Si Robbie Keane ouvre rapidement le score, les Saoudiens, bien qu’inférieur dans la plupart des compartiments du jeu, ne se laissent pas abattre et continuent de pratiquer un jeu collectif plutôt séduisant et arrivent même à obtenir des occasions. La deuxième période sera en revanche plus difficile. Dominés physiquement, les Saoudiens auront de plus en plus de mal à s’approcher des buts de Shay Given et encaisseront logiquement un deuxième but. Le troisième, arrivant en fin de match sera plus anecdotique qu’autre chose. L’Arabie saoudite quitte donc le Japon avec trois défaites en trois matches, 12 buts encaissés pour aucun marqué. Un bilan comptable horrible, mais qui ne reflète malheureusement pas les performances plutôt honorables des Faucons verts lors des deuxième et troisième matches. Sans doute que cette équipe méritait au moins d’inscrire un but. Ou du moins, qu’elle ne mérite pas sa réputation de pire équipe de ce Mondial 2002.
Chine
C’est une première pour l’Empire du Milieu ! Des années et des années que le football chinois attendait ce moment : être qualifié pour la phase finale d’un Mondial. Bien des hypothèses ont été avancées pour expliquer pourquoi le pays le plus peuplé de la planète avait autant de mal à aligner une équipe de football performante. Las des humiliations répétées en phase de qualification, et soucieux d’être présents pour une Coupe du monde organisée dans deux pays voisins, la fédération chinoise décide de nommer en 2000 Bora Milutinović au poste de sélectionneur. Le Serbe de naissance, naturalisé mexicain après avoir terminé dans ce pays sa carrière de joueur, est réputé pour être un véritable faiseur de miracles. Sur les quatre dernières Coupes du monde, il a guidé et qualifié la sélection dont il était en charge pour les huitièmes de finale du tournoi : le Mexique en 1986, le Costa Rica en 1990, les Etats-Unis en 1994 et le Nigeria en 1998. Sous sa houlette, l’équipe de Chine effectue des progrès stupéfiants et réalise une campagne de qualification très aboutie avec une première place du Groupe B des qualifications de l’AFC avec six victoires et une seule défaite en huit matches, lui offrant un billet pour son premier tournoi mondial. Tout le pays de prend alors à rêver d’un exploit sous les ordres de son entraîneur magicien, bien que l’équipe de la République populaire soit placée dans un groupe C à priori compliqué, en compagnie du Costa Rica, de la Turquie, et surtout du Brésil.
C’est contre les Ticos du Costa Rica que la compétition commence. Près de 20 000 supporters ont fait le court déplacement à Gwangju pour assister cette entrée en lice historique. Tous, supporters et observateurs du football, s’imaginent grâce à l’aura de Bora, la Chine peut jouer les troubles fêtes face à une équipe américaine largement méconnue et sous-estimée. La désillusion va vite apparaître aux yeux de tous. Bien que relativement bien organisés dans leurs 30 derniers mètres, les Chinois se montrent très vite incapables de mettre le pied sur le ballon, et encore moins de porter le danger sur le but adverse. Il devient rapidement très clair que le petit Costa Rica est assez largement supérieur dans tous les domaines. Les Asiatiques résistent tant bien que mal, mais leur condition physique se dégrade rapidement dès le début de la deuxième période. Ils encaissent donc logiquement deux buts coup sur coup, dont un deuxième conséquent d’un marquage très discutable sur corner. Une défaite 2-0 et les espoirs d’un éventuel exploit qui s’envolent déjà.
La Chine a rapidement montré ses limites contre l’adversaire qui semblait pourtant le plus abordable pour elle. Et le pire pourrait être à venir avec la rencontre contre le Brésil. Les hommes de Bora Milutinović espéraient tenir le plus longtemps possible, ils vont céder dès la 14e minute suite à un coup franc surpuissant de Roberto Carlos. Le reste du match va être un long supplice pour les Chinois qui ne vont jamais voir le ballon et être dépassé à la moindre accélération brésilienne. La Seleção ne force pas son talent et vit un match beaucoup trop facile, à l’image du deuxième but de Rivaldo où la naïveté dans le marquage se voit encore côté rouge. Juste avant la mi-temps, un tirage de maillot grossier du défenseur Li Weifeng sur Ronaldo provoque un pénalty. L’arbitre M. Anders Frisk a pité des hommes de Bora et ne sort pas un carton rouge qui aurait pourtant été largement mérité. Le pénalty est transformé par Ronaldinho. Ronaldo ajoutera un nouveau but en tout début de seconde mi-temps. Ca va beaucoup trop vite. Un tir sur le poteau à la 60e minute de Zhao Junzhe sera le seul frisson pour les nombreux chinois présent dans le stade de Seogwipo.
Battue largement 4-0, la Chine est donc déjà éliminée mais cherchera malgré tout à sauver l’honneur face à une Turquie qui doit absolument s’imposer largement pour se qualifier. L’affaire sera pliée encore plus rapidement que contre le Brésil. Une grosse erreur combinée à la passivité de la défense permet à Hasan Şaş d’ouvrir le score dès la 5e minute. Bülent Korkmaz ajoutera un nouveau but deux minutes plus tard sur corner. Pas très en jambes, les Turcs laissent malgré tout plus d’espaces aux Chinois, qui toucheront à nouveau le poteau par Yang Chen. Mais ce sera à nouveau la seule action dangereuse pour les Asiatiques qui boiront le calice jusqu’à la lie en deuxième période avec l’expulsion de Shai Jiayi et un nouveau but en fin de match par Ümit Davala. Trois défaites en trois matches, neuf buts encaissés et aucun inscrit. La mission était cette fois trop dure pour Bora Milutinović qui n’aura cette fois pas fait de miracle. La Chine était bien trop limitée physiquement, techniquement et tactiquement pour pouvoir être à la hauteur d’une Coupe du monde. Et si l’on espère alors qu’il s’agisse d’un apprentissage en vue d’un éveil du football chinois, il n’en sera malheureusement rien. En dehors d’une finale de Coupe d’Asie disputée à domicile deux ans plus tard, la Chine attend toujours une performance un tant soit peu notable de la part de son équipe de football.
Slovénie
Lorsque l’on pense au football des Balkans, c’est d’abord la Serbie ou la Croatie qui nous viennent à l’esprit. La Slovénie est n’est certainement pas le premier pays que l’on a en tête. Il faut dire que la petite république est bien plus réputée pour être une terre de basket et de sports d’hiver que de ballon rond. En 2002, la fédération slovène compte tout juste 24 000 licenciés, pour un pays d’environ 2 millions d’habitants. Un nombre famélique qui n’a pas aidé à la progression du football dans ce petit pays, qui quatre ans auparavant était au fond du trou avec des éliminatoires pour le mondial 98 catastrophiques, ponctués par une dernière place dans son groupe, sept défaites en huit matches et un seul petit point au compteur. Mais suite à ce fiasco, la fédération slovène décide de confier les rennes de sa sélection à un ancien international yougoslave tout juste retraité, Srečko Katanec. L’homme âgé de 35 ans au moment de sa nomination va accomplir miracle sur miracle, en qualifiant d’abord la Slovénie pour l’Euro 2000, puis pour la Coupe du monde 2002 après avoir notamment éliminé la RF de Yougoslavie et au terme d’un barrage face à la redoutable Roumanie. Désormais âgé de 38 ans au moment de poser le pied en Asie, Katanec ne cache pas sa fierté de mettre sur la carte du football son pays d’origine. « Notre Coupe du monde, nous l’avons déjà gagnée, en obtenant d’être présents ici. » Si l’Espagne semble largement favorite du groupe B, les Slovènes se voient bien réussir à faire jeu égal avec le Paraguay et l’Afrique du Sud.
C’est face aux Ibériques que les Dragons slovènes disputent donc le premier match de Coupe du monde de leur histoire. Un baptême du feu ponctué par une défaite 3-1, mais après néanmoins une prestation tout à fait honorable où les hommes de Katanec auront à plusieurs reprises réussi à faire jeu égal avec la Roja. Avec en plus un certain manque de réussite puisque les Slovènes se verront refuser un pénalty pourtant évident, et qu’au contraire les Espagnols en bénéficieront d’un particulièrement généreux. Cela dit, cette défaite encourageante permet aux supporters d’entretenir un espoir pour une qualification, ce qui serait un exploit. Mais des problèmes en interne vont ruiner plusieurs années de travail. La star du football slovène, Zlatko Zahovič est sortie dès l’heure de jeu lors de la rencontre face à l’Espagne, son entraîneur ne le trouvant pas assez travailleur. Le joueur de Benfica va très mal prendre la chose et s’adonner à des propos insultants à l’encontre de son sélectionneur et de ses coéquipiers. Certaines sources proches de l’équipe énoncent même que des coups auraient été échangés. Malgré les excuses de Zahovič, l’affaire est trop grave et la fédération, en accord avec son sélectionneur, décide d’exclure du groupe son joueur star, n’hésitant pas à parler « d’attitude nuisible ».
Le mal est alors profond. Suite à cette altercation, Srečko Katanec annonce le 5 juin, à quelques jours du match crucial contre l’Afrique du Sud, qu’il quittera son poste au terme de la compétition, ne pouvant plus supporter ce genre de choses et la pression qui en découle, avant de s’effondrer en larmes en pleine conférence de presse. Cette affaire va totalement miner le moral de l’équipe slovène qui, alors qu’elle avait encore toutes ses chances pour se qualifier, va livrer un match indigne d’un Mondial contre les Sud-africains. Malgré l’ouverture du score rapide de Nomvethe, la Slovénie va traverser l’intégralité de la rencontre dans une apathie effarante. Aucune occasion, aucune réaction, et des Bafana Bafana qui gèrent tranquillement la rencontre, auraient même pu corser d’avantage l’addition, et célèbrent leur première victoire en Coupe du monde. La Slovénie elle, est déjà éliminée. Dès le deuxième match. Symbole de cette prestation particulièrement piteuse, Srecko Katanec va trouver le moyen d’être expulsé du banc de touche par l’arbitre, et devra se contenter d’observer avec dépit la triste performance de son équipe et la ruine de quatre ans de travail.
Complètement abattus par cet enchaînement de circonstances défavorables et cet élimination précoce finalement assez décevante, les Slovènes espéraient malgré tout offrir à leur supporters une première victoire en Coupe du monde face à un Paraguay jusque alors décevant mais qui joue sa qualification (mais qui a besoin d’une défaite sud-africaine dans l’autre match). Mais ils vont encore une fois passer à côté. Tout semblait pourtant de leur côté dans un premier temps. Un joueur paraguayen est expulsé dès la 20e minute, et Milenko Ačimovič ouvre le score juste avant la pause grâce à une belle faute de main de Jose Luis Chilavert. Mais de façon assez inexplicable, les Slovènes vont totalement s’effondrer dans les 20 dernières minutes et s’incliner 3-1, offrant la qualification aux Guarani. L’aventure asiatique de la Slovénie s’arrête donc de façon assez pitoyable. L’équipe de Katanec avait indéniablement des qualités collectives et individuels, mais des problèmes en interne auront totalement fait exploser ce groupe et l’aura fait passer à côté de sa Coupe du monde. Une première très amère.
Pologne
Cela faisait 16 ans et l’année 1986 que l’on avait pas eu l’occasion de voir la Pologne participer à une Coupe du monde. Après cette participation mexicaine, la sélection polonaise avait sombré dans les années 1990 dans une anomie déprimante et un manque de résultat flagrant avec aucune qualification pour le moindre tournoi. Mais emmenée par son sélectionneur Jerzy Engel, les Biało-czerwoni ont réalisé une phase de qualification remarquable, ponctuée par une première place dans un groupe composée notamment de l’Ukraine et de la Norvège et avec aucune défaite au compteur. C’est pendant cette séquence de qualifications que la Pologne, et le monde, ont découvert le parcours singulier d’un jeune Nigérian arrivé en 1997 au Polonia Varsovie : Emmanuel Olisadebe. Attaquant rapide, puissant et très adroit devant le but, le natif de Warri impressionne tellement que les dirigeants de la fédération polonaise, en manque de buteur efficace pour leur équipe nationale, ont été jusqu’à contacter le président de la République afin d’accélérer sa naturalisation et de lui permettre de jouer avec le maillot blanc et rouge. Une inspiration bien sentie puisqu’Olisadebe va se révéler être un joueur majeur de cette campagne de qualification polonaise, au cours de laquelle il inscrira huit buts. Malgré deux défaites à domicile assez inquiétantes en préparation du Mondial 2-0 face au Japon et 2-1 face à la Roumanie, la sélection polonaise se présente donc en Asie avec une équipe en apparence assez solide, avec des joueurs évoluant en Grèce, en Allemagne ou en France, et donc habitués des joutes européennes. En ce sens, elle nourrit quelques ambitions et pourrait faire figure d’outsider potentiel du mondial. Tombée dans le Groupe D en compagnie des Etats-Unis, du Portugal et de la Corée du Sud, la Pologne fait dans un premier temps figure de favori aux yeux des observateurs pour la qualification avec les Lusitaniens.
Cela dit, les supporters polonais sont peut-être les plus lucides sur le niveau de leur équipe et sont peu nombreux à la voir réaliser un grand parcours en Corée. Il faut dire que malgré les apparences, la Pologne est quand même loin de présenter une équipe aussi emballante que lors de l’âge d’or d’entre 1974 et 1982, où par deux fois elle avait terminé à la troisième place du Mondial. Et les plus optimistes des fans polonais vont vite déchanter à l’occasion de la première rencontre face à la Corée du Sud. Dans un stade de Busan survolté et totalement acquis à la cause des Coréens, les Polonais s’attendaient à souffrir, et Dieu sait qu’ils ont souffert ! Malgré 10 premières minutes plutôt prometteuses avec quelques situations dangereuses procurées, la Pologne va subir la furia des hommes de Guus Hiddink. Une erreur de marquage hallucinante à ce niveau permet à Hwang Sun-hong d’ouvrir le score d’une magnifique reprise de volée. Bien qu’il reste encore une heure à jouer, la rencontre est en réalité déjà pliée. Les Coréens sont déchaînés et la défense polonaise est totalement dépassée. Sur le front offensif, c’est encore pire ! Le néant total. Les Polonais abusent de longs ballons vers Kałużny et Olisadebe, mais cela se révèle plus inutile qu’autre chose puisque, pourtant bien plus avantagés physiquement pensait-t-on, ils sont systématiquement battus dans les duels au sol et aériens. Yoo Sang-chul double la mise au début de la deuxième mi-temps et les Polonais semblent toujours incapables d’opposer la moindre réaction. Olisadebe en particulier aura été transparent et sera très critiqué par la presse de son pays d’adoption. Un non-match dans lequel le score aurait pu être bien plus lourd que 2-0 sans le gardien de Liverpool Jerzy Dudek, seule satisfaction à retenir du côté des Biało-czerwoni.
Contraint à une réaction face à des Portugais eux aussi battus d’entrée, la deuxième rencontre s’annonce capitale puisque le perdant de cette confrontation entre Européens sera tout simplement éliminé. Mais cette perspective ne semble pas avoir provoqué de changement au sien de l’équipe polonaise. Sous un véritable déluge à Jeonju, la Pologne se retrouve rapidement menée au score suite à un but de Pauleta. Le défenseur Hajto reste dans les starting-blocks et se fait facilement éliminer par l’attaquant des Girondins de Bordeaux, symbole des difficultés et de la lenteur de la charnière des Biało-czerwoni. Une nouvelle fois menés au score, les Polonais vont encore une fois faire preuve d’une passivité, d’un manque d’entrain et d’une incapacité totale à réagir. Jamais les Portugais ne seront mis en danger par une attaque polonaise en panne d’imagination et au jeu beaucoup trop rudimentaire. Les attaques sont trop désordonnées et le bloc équipe beaucoup trop mal positionné, ce qui permet aux Lusitaniens de les prendre en contre très facilement. Pauleta inscrit un triplé et Rui Costa ajoute un nouveau but en fin de match. 4-0. Net et sans bavure. Au terme d’une prestation une nouvelle fois affligeante, la Pologne est éliminée dès le deuxième match et tombe de très haut.
Alors qu’est-ce qui a bien pu se passer entre ces deux premiers matches et cette troisième rencontre face aux Etats-Unis ? Est-ce l’absence de pression due à cette élimination précoce ? Est-ce les multiples changements opérés par le sélectionneur Jerzy Engel à sa composition de départ ? Est-ce le soutien apporté par tout le public du stade de Daejeon, enchaînant les chants « Polska ! Polska ! » et huant abondamment les Américains (dont une défaite permettrait automatiquement la qualification de la Corée du Sud, ce que souhaite bien sûr tout le public) ? Toujours est-il que les Polonais vont monter un visage radicalement différent des premiers jours. Alors que les Américains s’attendaient sans doute à rencontrer 11 joueurs démobilisés et abattus, c’est au contraire une équipe libérée et conquérante qui va leur rentrer dedans comme pas deux. Dès la 3e minute, Olisadebe profite d’un cafouillage à la suite d’un corner pour inscrire un but plein de détermination et faire taire les critiques. Sur le coup d’envoi, la Team USA tente de réagir mais voit son but égalisateur refusé pour une faute sur le gardien. Sur l’action qui suit, Paweł Kryszałowicz double la mise pour la plus grande joie des spectateurs coréens. La Pologne montre enfin un jeu plein d’enthousiasme et de générosité et continue d’enchainer les occasions franches face à une défense américaine qui a toutes les peines du monde à contenir leur adversaire. A la 66e, Marcin Żewłakow inscrit le troisième but et met fin au suspense. Les Polonais font le spectacle et se permettent même de manquer un pénalty. La réduction de l’écart de Donovan en fin de match de changera rien au sort de la rencontre et les Américains ne doivent finalement leur salut qu’à la victoire de la Corée du Sud sur le Portugal. La Pologne termine donc sur une bonne note, mais peut avoir pas mal de regrets quant à cette dernière prestation très aboutie si on la met en perspective des deux premières d’un niveau absolument affligeantes. Une compétition à l’image du football polonais de ce début des années 2000 : on sent un certain potentiel, mais systématiquement, la sélection se crashe de façon spectaculaire.
Tunisie
Pour sa troisième participation à la Coupe du monde, la deuxième consécutive, la Tunisie ne se présente pas dans les meilleures conditions. Pour être moins consensuel, pourrait carrément dire qu’elle s’est tirée une balle dans le pied avant même le début des hostilités. Malgré un survol complet de son groupe de qualification (composé notamment de la Côte d’Ivoire et de la RD Congo), c’est une véritable valse des entraîneurs qui va avoir lieu sur le banc des Aigles de Carthage : quatre différents en 13 mois ! D’abord, l’Italien Francesco Scoglio pose sa démission en mai 2001. Son successeur, l’Allemand Eckhart Krautzun a terminé avec brio la campagne de qualification, mais de gros différends avec sa fédération ont donné à cette dernière une raison pour le licencier. Henri Michel est alors nommé pour mener la Tunisie à la Coupe d’Afrique des Nations de 2002, puis à la Coupe du monde en Asie. Seulement, la première compétition va s’avérer être un désastre avec une élimination dès le premier tour avec aucun but inscrit (rien de prémonitoire !). Ainsi, le Français est logiquement licencié à son tour et à seulement quatre mois de la compétition que la Tunisie se dote d’un binôme à la tête de son banc de touche : deux locaux cette fois en la personne de Ammar Souayah, qui peut se prévaloir d’une longue carrière à la tête de différents clubs tunisiens, et de Khemaïs Labidi, ancien international ayant notamment participé à la première victoire d’une sélection africaine en Coupe du monde, lorsqu’en 1978, les Aigles avaient battu le Mexique 3-1.
Le tirage au sort a été plutôt clément avec la Tunisie, la plaçant dans le Groupe H, considéré comme le plus ouvert et indécis, avec la Russie, la Belgique, et le co-organisateur japonais. Seulement, la sélection tunisienne est une équipe en manque de repères et le premier match contre la Russie va en faire la démonstration. Pourtant très prolifique lors des phases de qualifications (23 buts en huit matches), l’attaque tunisienne va se montrer particulièrement stérile. La rencontre va se jouer tout au long sur un faux rythme, pendant lequel les Russes vont priver de ballon les Nord-africains. Toutefois relativement bien en place défensivement, la Tunisie concède très peu d’occasions, mais ne se montrent guère entreprenante lorsqu’elle a le ballon. Seul Selim Benachour, jeune parisien prêté à Martigues (en Division 2 française !), réussi à faire passer quelques frissons mais manque cruellement d’efficacité et de précision dans le dernier geste. Alors que la rencontre s’enlise toujours plus dans l’ennui, à l’heure de jeu, une relance à la main catastrophique du gardien de Bastia Ali Boumnijel permet aux Russes et à Titov d’ouvrir le score. Trois minutes plus tard, Jaidi provoque un pénalty tout à fait évitable que Karpin se fait une joie de transformer. 2-0 en quatre minutes sur deux grosses erreurs individuelles, voilà comment fortement compromettre ses chances de qualifications. Incapables de réagir et d’accélérer le jeu, les Tunisiens font même passer tout proche du 3-0 suite à une nouvelle boulette de Boumnijel. Sytchev rate et le score ne bougera plus. Battue sèchement 2-0, la Tunisie aura beaucoup déçu les observateurs qui n’attendaient pourtant pas grand-chose…
Face à la Belgique, qui sort d’un match nul décevante pour elle face au Japon, la Tunisie doit absolument éviter la défaite sous peine d’élimination dès le deuxième match. Les choses commencent pourtant très mal avec le but de Marc Wilmots dès la 13e minute. Cette fois, les Aigles de Carthage parviennent à réagir quelques minutes plus tard grâce à un très beau coup-franc de Raouf Bouzaiene, Mais encore une fois, la rencontre va s’enfoncer dans un faux rythme où les deux équipes font se montrer excessivement prudentes et peu inspirées. Quand bien même les Tunisiens donnent l’impression de vouloir plus prendre le jeu à leur compte, cela reste extrêmement brouillon et mou. A nouveau, seul Benachour arrive à éclairer un peu cette triste rencontre, qui s’achève sur un match nul qui n’arrange pas grand monde, et surtout pas les Africains qui, avec un seul point en deux matches, devront terminer avec la redoutable tâche d’affronter le Japon sur ses terres. Et l’on n’a pas vraiment de raison d’être optimiste car si la Tunisie a semblé être un peu plus entreprenante qu’au premier match, cela reste quand même bien loin du niveau exigé pour une Coupe du monde.
Sur le papier, l’exploit s’annonce difficile à accomplir mais pas inatteignable non plus : une victoire par deux buts d’écart permettrait aux Tunisiens de passer devant les hôtes japonais, assurant de facto de finir dans les deux premières places du Groupe H. Mais plus que jamais, les Tunisiens vont faire preuve d’une passivité et d’un manque d’allant assez navrant. Quasiment aucune occasion à se mettre sous la dent et les Aigles de Carthage arrivent à peine à passer la ligne médiane. En somme, on a l’impression que les Tunisiens jouent le nul alors qu’ils sont dans l’obligation d’attaquer. Les Africains semblaient même perdre patience plus d’une fois, comme en témoignaient une prise de bec entre Riadh Bouazizi et Ziad Jaziri, ou la multiplication de fautes stupides. Bien que ne se procurant pas non plus beaucoup d’occasions, le Japon gère tranquillement la rencontre grâce à une conservation habile du ballon sans trop se découvrir. Au retour des vestiaires, les Nippons vont passer la seconde. Morishima ouvre le score et fait exploser le stade d’Ôsaka. Libérés, les Japonais enchaînent les vagues offensives et la Tunisie se montre incapable de réagir. Le deuxième but inscrit par Nakata est logique et enterre définitivement le peu d’espoir qu’il restait aux Africains. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de ce moment là que les Tunisiens commencent à produire un peu de jeu et à se créer quelques situations dangereuses, allant même jusqu’à toucher la barre à 10 minutes de la fin. Encore une fois, Benachour semble être le seul à pouvoir allumer une étincelle, mais avec tout le respect qu’on lui doit et malgré toute sa bonne volonté, il ne reste qu’un modeste joueur de Division 2 qui n’aura finalement jamais percé au très haut niveau. La Tunisie quitte donc le Japon sur cette défaite face au pays co-organisateur, après trois matches d’une grande médiocrité. L’avenir montrera qu’il y avait chez les Trabelsi, Ghodhbane, Bouazizi ou Jaziri certaines qualités. Mais en 2002, cette équipe était de toute évidence bien trop limitée et pas assez préparée pour espérer faire quoique ce soit d’intéressant dans ce mondial.
France
Et si, finalement, c’était dans les plus gros échecs, le plus gros écart entre les attentes et le résultat, qu’il fallait chercher la pire équipe de ce mondial asiatique ? Si l’on prend ce critère-là, aucun doute possible, l’équipe de France remporte la palme au haut la main. Favoris attendu à leur propre succession, c’est peu dire si les champions du monde ont déçu. Cela a déjà été rappelé à de nombreuses reprises, mais cela ne sera sans doute jamais suffisant pour mesurer avec justesse la nature du crash monumental des hommes de Roger Lemerre : trois matches, deux défaites et un nul, et surtout aucun but inscrit ! Un chiffre qui toutefois, permet à peine de comprendre l’ampleur de la catastrophe. Car au-delà de la performance comptable désastreuse, c’est bien sur le fond qu’il faut voir en l’équipe de France un potentiel cancre du tournoi.
Si la malchance a été présente, il faut bien le reconnaitre (cinq poteaux touchés et un but refusé pour un hors-jeu très discutable), cela serait bien excessif de limiter à cela l’élimination au premier tour. Car tout au long de cette phase de groupe en Corée du Sud, l’équipe de France a bien semblé être l’une des équipes les moins bien en place de tout le tournoi. Minée par une mauvaise préparation à tous les niveaux, plombée par une forme physique déclinante ou trop faible pour les exigences d’un tel événement chez beaucoup de joueurs, subissant les choix tactiques douteux de son sélectionneur, meurtrie par les absences de trois cadres majeurs des dernières années (Deschamps, Blanc, Zidane), l’équipe de France aura rapidement explosé sur le plan physique et tactique. Le résultat est sans appel : bien qu’ayant fait illusion par moments contre l’Uruguay, les Bleus auront globalement été dominés dans la plupart des secteurs contre le Sénégal, et surclassés dans tous les compartiments du jeu par le Danemark. Bien trop peu pour pouvoir aller plus loin dans une telle compétition, qu’importe les statuts.
Merci Xixon, sujet super sympa! Je me souviens très bien du gardien Al-Deayea, sorte de « Chokri El-Ouaer du golfe » (grand portier tunisien, ce dernier est élu, si je me rappelle bien, meilleur gardien du premier tour au mondial français… ici, en 2002, il a déjà raccroché les gants, laissant ainsi place au bastiais Boumnijel…).
En restant sur les gardiens, cette première édition asiatique aura été le théâtre de nombreuses révélations et autres coups de projecteurs pour beaucoup de « numéro 1 », au mieux encore méconnus, au pire carrément anonymes…
De mémoire: le sud-africain Arendse, le nigérian Shoruwnmu (qui était quant à lui sans club au moment du mondial, si je ne dis pas de bêtises)… Si Chilavert, qui a fait rêver toute une génération de gamins quatre ans plus tôt, est toujours dans les buts paraguayens… Oscar Pérez remplace lui l’arlequin Jorge Campos dans la cage mexicaine, avec une certaine réussite tout de même à souligner… À moindre mesure car on l’avait déjà découvert en finale de C1, Iker Casillas débarque avec la Roja, bénéficiant de la blessure en dernière minute du titulaire de l’époque Canizares… Sorensen et Hedman chez les voisins Vikings, Lee Yun Pyo pour la Corée du Sud… Tony Silva au Sénégal bien sûr et enfin, surtout, le meilleur pour la fin: Rustu !
2002 et le retour de la Pologne dans les grandes compétitions. Elle qui avait complètement disparu de la circulation depuis 86. Mais j’avoue que depuis 20 ans, je n’ai pas énormément de souvenirs forts de cette sélection. Il manque un grain de folie. J’imagine que le quart en 2006 a quand même été célébré là-bas.
Je ne me souviens pas d’une Pologne en 1/4 en 2006 Khia (de tête j’ai Italie-Ukraine, Allemagne-Argentine, France-Brésil et Portugal-Angleterre).
2016 et l’euro, je voulais dire!
Les flops c’est aussi les favoris qui se sont craqués, l’Argentine mériterait d’y être.
Je suis d’accord avec toi. Ils avaient survolé les qualifications en ne perdant qu’une fois en dix-huit matchs et avaient marqué but sur but, pour finalement sortir au premier tour avec seulement deux buts marqués alors qu’ils avaient un effectif sensationnel.
Hormis la France, évidemment plus gros flop, la Slovénie m’avait énormément déçu, surtout après leur Euro 2000 très correct pour un petit pays novice en la matière.
Merci Xixon pour cet article ! Et bravo à l’Argentine au passage (pour hier je veux dire, pas pour 2002).
Je lirai les articles à mon aise, la semaine prochaine..mais apparemment j’ai raté hier la finale du siècle?
A croire ma collègue qui n’en a rien à foutre et qui s’attendait à devoir subir du football : ce fut extraordinaire, lol 🙂
Je n’ai pas vu la première mi-temps.
La deuxième fut soporifique pendant 35 minutes, avant que les Français ne claquent un doublé en 2 minutes. Alors, ce fut un feu d’artifice, oui. Au total, 45 minutes de folie.