Marcelin Chamoin, Garrincha, Editions Lucarne Opposée, 2020, 20€
Jeune journaliste spécialisé dans le football brésilien, le Français Marcelin Chamoin a publié en 2020 son premier livre : une hagiographie de Garrincha. L’occasion, pour nous, d’en parler.
« Il habitait ici, à Pau Grande. C’était une personne merveilleuse, il était très simple, il s’entendait bien avec tout le monde. Il était généreux avec tout le monde, quand il pouvait aider quelqu’un, il le faisait. Il était simple, blagueur. Jusqu’à la fin de sa vie, il a toujours été comme ça. »
L’extrait ci-dessus ne provient pas de quelque évangile apocryphe. Il n’est pas non plus un passage issu de La légende dorée de Jacques de Voragine. Il se trouve page 77 du livre de Marcelin Chamoin. C’est le témoignage édifiant d’un ami d’enfance de Garrincha.
D’autres témoignages parsèment le livre. Ainsi page 58 : « Il rigolait avec tout le monde, il lançait de l’eau sur les autres. Il ne vivait que pour rigoler. Il aimait jouer au lance-pierre, il était bon pour ça, il savait jouer à la toupie aussi, sur le sol. Avec lui, j’ai souvent joué à la toupie. »
On l’aura compris : c’est bien dans un récit de sainteté que s’est lancé Marcelin Chamoin. C’est un missel qu’il a écrit, un livre de messe, un bréviaire à destination des adorateurs du Maître. Dans un style fade, il écrit donc une biographie lénifiante ne proposant aucun questionnement historique, sociologique, moral, ou autre, seulement la célébration béate du « génie aux jambes arquées », de celui qui « sait si bien donner du plaisir aux femmes », qui « est le peuple. »
Evidemment supérieur à Pelé, Garrincha est donc le « génie le plus imparfait qui soit », le « plus imparfait des héros brésiliens. » Son alcoolisme est son martyre et « le héros devient alors un zéro. » Mais, malgré la jalousie des incroyants, malgré les vicissitudes de son existence terrestre, l’enseignement du Maître reste vivace, comme le résume parfaitement son coéquipier Nilton Santos : « Mané est venu pour nous enseigner la simplicité, la beauté et l’humilité. »
Nouveau Christ, Garrincha est irremplaçable, inimitable, unique : « Garrincha est unique, il n’y en a eu qu’un et il n’y en aura jamais plus. […] Mais si Garrincha est unique, c’est peut-être avant tout pour sa personnalité. Garrincha est authentique et vit sa vie comme il l’entend. Garrincha chasse et pêche, baise et boit, ne se préoccupe pas du lendemain. Sur le terrain, il divertit le peuple, il est la Joie du peuple et le peuple peut s’identifier à lui, à ses qualités mais aussi à ses défauts. Garrincha est imparfait, ce qui le rend parfait aux yeux de ses fans, parfait à sa manière. Avec Garrincha, on peut rire et on accepte de pleurer, on vibre et on vit, loin d’un Pelé à l’image lisse et contrôlée. »
Alors, que faire de toutes ces niaiseries – répétées ad nauseam depuis des décennies à propos de Garrincha ? S’en contenter et admettre que c’est joliment poétique, que Garrincha fut une sorte de Robinson Crusoé brésilien ? Pourquoi pas ? Après tout, le livre de Marcelin Chamoin se lit vite et facilement – et s’oublie tout aussi vite et tout aussi facilement. Et puis, il faut bien admettre que les pages 196 à 201 valent à elles seules l’achat du livre. Marcelin Chamoin y propose une traduction de l’article de Jacinto de Thormes dans Ultima Hora en 1963, « Et les Russes sont devenus encore plus rouges. » Cet article raconte avec brio les trois premières minutes de Brésil-URSS 1958 où Garrincha met au supplice la défense soviétique. Jacinto de Thormes y touche au sublime.
Note : 3/5
Marcelin Chamoin, Primeira bola (la naissance du football brésilien, 1894-1933), Editions Lucarne Opposée, 2022, 20€
Du même Marcelin Chamoin, les éditions Lucarne Opposée ont aussi proposé, en 2022, des chroniques du premier football brésilien. Qu’est-ce que cela vaut ?
Compilant des ouvrages brésiliens consacrés à l’histoire du football, Marcelin Chamoin retrace les premières années du football brésilien – des origines jusqu’à l’officialisation du professionnalisme en 1933. Chronologique et dépourvu de problématisation, son récit est peu palpitant mais facile à lire. On assiste en effet à la litanie des matchs, des buts, des titres, des championnats, etc.
Néanmoins, par moments, l’auteur réserve à ses lecteurs quelques bonnes surprises. Ainsi lorsqu’il raconte le championnat sud-américain de 1919, véritable morceau de bravoure. Ou lorsqu’il fait le portrait de Marcos de Mendoça, gardien de but international devenu un historien et un intellectuel reconnu. Des oasis au milieu de dizaines de pages arides.
Mais la fadeur générale du texte s’accompagne aussi, parfois, d’un certain manque de rigueur. Par exemple, le HAC se trouve-t-il affublé du titre usurpé de doyen des clubs de football français. Ou le bâton de Nasazzi se voit-il être une création de… 1930 !
Note : 3/5
Ludovic Lestrelin, Sociologie des supporters, Editions La Découverte, 2022, 11€
Maître de conférence en STAPS à l’université de Caen, Ludovic Lestrelin réalise en 2022, pour La Découverte, une petite synthèse au format poche sur les supporteurs de sport. L’occasion d’en apprendre plus sur eux ?
Centré sur la France et le football, ce petit livre (110 pages sans les annexes) a l’ambition de proposer une synthèse accessible et à jour sur un thème qui connaît aujourd’hui une efflorescence rapide. Bien entendu, il entend aller au-delà d’une anecdotique sociologie des supporteurs de sport et rendre compte – à travers elle – « de certaines logiques du monde social et saisir les transformations plus générales de nos sociétés. De fait, un enjeu pour les chercheurs travaillant sur les supporters est d’œuvrer à nourrir, contre la posture de la spécialisation, un dialogue avec les travaux portant sur d’autres objets. Des ponts et des comparaisons sont possibles avec les recherches sur la consommation et la réception culturelles, l’engagement et l’action collective, la politisation, la jeunesse, les masculinités, les politiques de maintien de l’ordre, la ville, etc. » Ainsi, « la perspective sociologique dévoile toute la complexité du monde des supporters de sport. Elle restitue les rapports que ces derniers entretiennent avec une diversité d’acteurs : sportifs bien sûr, mais aussi dirigeants et salariés de club, journalistes, forces de l’ordre, autorités publiques, élus… Elle offre in fine des clefs pour comprendre pourquoi tant d’individus consacrent une partie de leur temps à une activité souvent considérée comme futile. » L’ouvrage s’organise, dès lors, en six parties.
La première, historique, rappelle d’abord comment le sport a été mis en spectacle. Puis elle montre l’institutionnalisation du supportérisme, en France, dans l’entre-deux-guerres et son évolution, à partir des années 1960-1970, vers la passion affichée et l’exubérance. Enfin, à partir des années 1980, émerge la culture ultra – démonstrative, rebelle et acceptant la violence.
La deuxième partie offre une définition du supporteur reposant sur trois éléments caractéristiques : « être supporter, c’est d’abord être engagé, c’est-à-dire prendre parti, consacrer du temps et de l’argent, endosser un rôle. » Mais, être supporteur est aussi « une expérience fondamentalement collective. » Alors, qui sont les supporteurs de sport, et singulièrement ceux de football ? Contrairement à une idée reçue, ceux-ci ne se recrutent pas uniquement parmi les catégories les plus défavorisées de la population : « plus que l’appartenance sociale, c’est la jeunesse et la proportion d’hommes qui distinguent les groupes ultras des autres associations de supporters de football. »
La troisième partie examine l’inscription du supportérisme dans l’espace urbain, aussi bien le tissu que l’imaginaire urbains. A travers le stade et ses abords, mais aussi les déplacements, le supportérisme constitue une expérience urbaine à part entière.
La quatrième partie analyse l’impact de la télévision sur le supportérisme. D’une part, depuis les années 1980 et la hausse de la couverture télévisuelle des événements sportifs, les supporteurs offrent un spectacle en eux-mêmes, à côté du spectacle sportif proprement dit. Se sachant filmés, ils n’hésitent pas à se mettre en scène. D’autre part, Ludovic Lestrelin aborde aussi la question du supportérisme à distance qu’il avait déjà étudiée dans le cadre de sa thèse de doctorat soutenue en 2006 et consacrée aux supporteurs à distance de l’Olympique de Marseille.
La cinquième partie fait le bilan des violences et des désordres liés aux supporteurs, et singulièrement aux hooligans. Là encore, contrairement à une idée reçue, « c’est plutôt l’hétérogénéité sociale qui caractérise le hooliganisme contemporain. »
Enfin, la sixième partie montre comment le supportérisme est visé par des mesures sécuritaires visant à lutter contre le hooliganisme et à pacifier les tribunes, mais aussi par des stratégies commerciales tendant à convertir les supporteurs en fidèles consommateurs. En regard, néanmoins, se développe un supportérisme contestataire, dans lequel des associations de supporteurs portent des revendications dépassant parfois le cadre strict du sport.
En somme, l’ensemble est fort complet et constitue une bonne porte d’entrée à l’étude du supportérisme. Si l’ensemble apparaît assez superficiel, effleurant les questions et n’ayant pas la possibilité de les développer, les neuf pages de bibliographie en fin d’ouvrage constituent un bonus appréciable – et nécessaire ! On regrettera, néanmoins, le style poussif de Ludovic Lestrelin : il faut s’accrocher pour finir un livre dont les qualités littéraires sont inexistantes.
Note : 3/5
Merci Bobby.
Puisque que tu parles de l’édition 1919 de la Copa America au Bresil, je laisse un article en espagnol concernant le tournoi des chiliens. Il s’agit de déroute, de mort et de traversée des Andes. Une terrible épopée.
https://ludopedio.org.br/arquibancada/la-copa-america-de-1919-el-regreso-en-mula-de-la-seleccion-chilena/
Intéressante histoire. Et on ne rappellera jamais assez l’importance du mulet dans l’histoire de l’humanité. Et ce n’est pas un commentaire capillaire.
Oui, histoire assez incroyable. Ulises Poirier fait parti de l’expédition. Grand défenseur célébré à Valparaiso et Colo Colo, il est un des rares joueurs nés au XIXeme siècle à avoir joué la première coupe du Monde.
D’ailleurs le plus vieux en 1930 est le belge Jean de Bie. Alex nous en parlera peut-être s’il passe par là…
Je vous lis mais cloué dans un canapé depuis 3-4 jours – et je commence à peine à ré-émerger de mon traitement de choc, bbrrrr..
De Bie, oui bien sûr je le connais super bien, lol.. 😉 Mon camarade Peter Mariën l’avait adopté comme figure de proue de (feu) son site, il en parlerait mieux que moi.
Me concernant et fissa : je crois que De Bie compte toujours parmi les 5 joueurs les plus âgés ayant joué en championnat d’élite belge?? (le plus vieux doit être l’international yougo Svilar, avec sa bonne tête de gitan.. 45-50 ans??)
De Bie sinon, c’est une carrière sur le tard (car la guerre, pas de bol). Et remplaçant du titulaire Badjou, à près de 40 ans, pour la WC30. Ca me rappelle que l’une de mes grand-mères fut une amie d’enfance dudit Badjou..et qu’on a même bu un chocolat chaud ensemble à Ostende!, au tout début des 80’s..mais que ces vieilles histoires avec Badjou ne m’intéressaient évidemment pas à l’époque!, idem quand c’est le grand-père qui parlait en boucle de la Coupe Mitropa, de son WM, etc…….. Trop jeune, trop tôt.. C’est la vie!, mais avec le recul..
Allez hop : une photo de Jean De Bie sous le maillot national, face à l’Espagne (quoi d’autre pour toi, Khiadia?), à Bilbao.
https://scontent.flgg1-1.fna.fbcdn.net/v/t1.6435-9/67460415_10216929179853372_221304507823292416_n.jpg?_nc_cat=107&ccb=1-7&_nc_sid=dbeb18&_nc_ohc=qm77hbwzDkYAX_cQ3v4&_nc_ht=scontent.flgg1-1.fna&oh=00_AfDM5fhvqD8v4qJ52sPkNA7RDWBD6Gds2qiCUbdVOkk9iQ&oe=643E3DE4
Et à ce lien, très officiel : https://rbfalegendsclub.be/fr/legends-club?position=1
…je lis donc ceci, qui complètera plus qu’utilement ce que j’avais d’instinct à dire (NB : ne pas me demander de me prononcer sur la dernière phrase svp, déjà bien assez mal à la tête comme ça) :
Gardien au Racing de Bruxelles dans les années 1920. Une puissance de la nature qui était aussi boxeur amateur, ce qui était utile. À une époque où le gardien de but entrait dans une autre dimension – à partir de 1912, les gardiens de but ne pouvaient toucher le ballon qu’avec leurs mains dans leur surface de réparation – De Bie est devenu le gardien de but le plus populaire du pays. Son style était complet : flexible dans tous ses mouvements, fiable avec ses mains et fort avec ses poings. Il jouait aussi souvent au poste de troisième défenseur. Sous le maillot de la Belgique, De Bie a remporté le titre olympique en 1920 à Anvers. Le légendaire gardien espagnol Ricardo Zamora, meilleur gardien du monde en ce temps-là, estimait que De Bie était encore plus fort que lui.
« Et on ne rappellera jamais assez l’importance du mulet dans l’histoire de l’humanité. Et ce n’est pas un commentaire capillaire. » Quoique…
Merci Alex pour la photo du vieux Belgique Espagne. Sur la photo, l’espagnol est Paulino Alcantara. Philippino-espagnol qui est simplement le meilleur buteur du Barça jusqu’à l’arrivée de Messi. Phalangiste notoire pendant la guerre civile également.
Hola Khia, juste une question : quand tu dis meilleur buteur avant Messi, tu prends quelle référence ? Parce qu’Alcantara a joué avant que la Liga n’existe.
Verano
Pour Alcantara, on prend en compte les amicaux, la coupe, la Coupe de Catalogne… Il en a quand même 369 en 357 matchs! Un mec un peu sérieux. Hehe. Si on prend le début de la Liga et que l’on exclut les amicaux, Cesar était le recordman.
Gracias, j’ignorais cette stat concernant Alcantara. Intuitivement, j’aurais cité Samitier.
Verano
Samitier est vraiment proche puisqu’il en a 365! 4 de moins, c’est rien mais avec 150 matchs de plus qu’Alcantara
Un lien que j’ai trouvé qui prend en compte matchs officiels et amicaux pour Samitier
https://players.fcbarcelona.com/es/jugador/787-samitier-josep-samitier-vilalta
Verano
Le même site que Samitier. Eux, ils comptabilisent 408 buts pour Alcantara!
https://players.fcbarcelona.com/es/jugador/17-alcantara-paulino-alcantara-riestra
C’est peut-être un cliché de l’un des deux buts qu’il inscrivit durant cette rencontre?
Vous connaissez ce que fut son rôle comme dirigeant au sein du Barca? Et jusqu’à quand y officia-t-il vraiment?
Tu parles d’Alcantara ? Il est un des dirigeants du club dans les années 30 et s’il gravite encore autour du Barça après la guerre civile, il n’y joue aucun rôle majeur me semble-t-il. Je viens de lire qu’il a présidé l’asso des anciens joueurs blaugranas.
Non 413 buts en 408 matchs! Je m’y perds…
Eh eh, gracias.
« il faut s’accrocher pour finir un livre dont les qualités littéraires sont inexistantes. »
Hm, cette phrase m’inspire un commentaire déplaisant, mais nous sommes dimanche et, tel un Eric Liddell, je vais m’abstenir.
Étrange univers que celui des supporters ultras. Hier encore, une bande de de fans de l’Austria Lustenau a mis le foutoir-blessant des agents de sécu et un spectateur- à l’occasion d’un match opposant le FC Lustenau à la réserve de l’Austria. Un matche de D4…
Vas-y, crache ton venin.
La blanche colombe… tout ça, tout ça.
Pour suivre la Regionaliga Nordost (D4 allemande sur le territoire de l’ex-RDA) depuis bientôt dix ans (depuis que le Lok Leipzig, pour lequel j’ai un petit faible, y est remonté), je peux ajouter que ces histoires ne datent pas d’hier… J’essaierai de retrouver à l’occasion un article sur les ultras du BFC Dynamo juste après la réunification que j’avais trouvé sur vice.de, je crois, et dont j’ai égaré le lien. Ils étaient célèbres pour leur violence même à l’époque de la RDA (encouragés en sous-main par la Stasi, disait-on), et allaient dans les années 90 semer la terreur à Greifswald ou à Meuselwitz au son de chants du meilleur goût, par exemple : « Wer ist unserer Führer? Erich Mielke! »
Est-ce qu’il n’y avait pas aussi (la variante?) « Wer soll unser Führer sein? Erich Mielke! »?? Après la chute du Mur, c’est un truc comme ça que je garde à l’esprit.
Greifswald? Meuselwiltz?? La flemme de chercher (surtout que, toi, tu auras probablement des trucs à dire de plus par rapport à ce que je pourrais en lire).. 😉
Erratum, il ne s’agissait pas d’un match de championnat, mais de coupe régionale. Ça change tout. Vi, ce n’est pas nouveau, mais ce n’est pas le genre d’incidents que l’on voit souvent par ici.
C’est vrai que tu vas te faire des copains comme ça, lol. Ceci dit, tu as totalement raison de vouloir être exigeant.
Ce matin, je lisais de conserve ceci et le volet 3 de l’interview de Panenka. Organisme gorgé de médocs, et me soupçonnant de n’être vraiment dans mon assiette : j’ai dû relire deux fois ces passages distincts, qui alimentaient en moi un fort goût de déjà vu :
« Il habitait ici, à Pau Grande. C’était une personne merveilleuse, il était très simple, il s’entendait bien avec tout le monde. Il était généreux avec tout le monde, quand il pouvait aider quelqu’un, il le faisait. Il était simple, blagueur. Jusqu’à la fin de sa vie, il a toujours été comme ça. » (Garrincha, donc)
Et concernant cette fois ces stars mondiales (Beckenbauer, Cruyff, Pelé, Eusebio, Charlton, Carlos Alberto) dont parlait Panenka :
« Ils avaient tous un seul point commun : une grande humilité. Ils étaient tous modestes, pas arrogants du tout, n’avaient pas de demandes particulières. Quand quelqu’un voulait quelque chose, ils signaient volontiers un autographe, se laissaient volontiers prendre en photo… Quoi qu’il arrive, ils avaient beaucoup d’humilité. »
Moi, ce genre de propos : je trouve qu’ils disent toujours très peu (et conséquemment +/- faux) de l’objet visé..mais au fond énormément de celui qui qui les tient!
Panenka par exemple, joueur formidable (il fut bien plus qu’un penalty!) mais indécrottablement « périphérique » : un je ne sais quoi dans le parcours, le jeu, la dégaine même..qui relèvent du plus absolu provincialisme.
Panenka a beau glisser le possible fin mot de son propos (en substance : « ils me considéraient comme eux (alors que) j’étais sûrement le moins connu de tous »), il n’est pas moins complètement à côté de la plaque sur Cruyff (mais j’ai lu pire : héraut de la gauche et de la démocratie, « saint ».. y a eu pire!), sur Bobby Charlton aussi lequel, si l’on tient la narrative WC66 pour ce qu’elle est (à savoir : un élément du récit national) et se concentre alors sur du factuel, a plutôt réputation en UK d’un vieux connard détestable, hautain voire..inhumain (une quasi-constante quand y sont par exemple évoquées ses bisbilles familiales). Et même Carlos Alberto, j’ai déjà lu pas mal de trucs à redire sur le peï, bref : le propos de Panenka, c’est celui du type « moins connu » qui s’émerveille d’être accepté.
Ou donc, cas d’espèce : Garrincha, la joie du peuple..qui tabassait sa femme (ai-je appris il y a peu).. Tout cela me fait penser à ce que, gamin, la RTBF aimait à mettre en avant à chaque visite royale de Baudouin et de son Ibère : micros systémiquement tendus à des petites gens, simples, humbles..lesquelles racontaient mécaniquement, et avec émerveillement, combien le Roi et la Reine étaient..simples, humbles, gentils et bienveillants, ça ne ratait jamais!
Mais voilà peut-être ce que nous requérons surtout de lire ou d’entendre? De « belles » histoires? Avec des gens qui nous « ressemblent » (ou dont le comportement public nous autorise à croire que nous leur ressemblons!)? Je ne doute pas que ce Marcelin trouvera un public pour ses livres..
Ou, pour rebondir sur ce dernier livre que tu as lu : ce n’est peut-être pas tant d’une sociologie, mais plutôt d’une..psychanalyse (??) du supporter dont le football aurait surtout besoin?
Tenez, ce que je tiens pour une belle histoire, car secrète et insoupçonnable parmi tous ces faux-semblants, ces hagiographies absurdes et +/- volontaires.. : le sud-africain Albert Johanneson, d’une part, et de l’autre son capitaine Billy Bremner – ennemi public numéro 1, pour l’éternité – de la bien-pensance footballistique brit des 70’s……
Johanesson ne fut pas le premier, loin s’en faut..mais tout de même l’un des tout premiers joueurs de couleur à avoir évolué à tel niveau en Angleterre, il était injouable..et le paya d’un racisme constant, sur l’à peu près moindre pelouse du Royaume..et au premier chef depuis les pelouses!, où bien des joueurs illustres semblent l’avoir constamment traité comme un sous-homme, de sorte de le perturber.
Bremner était donc son capitaine au sein du Grand Leeds. La réputation du teigneux Ecossais était horrible mais, il faut bien le dire, pas totalement injustifiée : vicelard, coups de pute à gogo quand l’arbitre avait le dos tourné………et cependant..
Et cependant, donc (on l’apprendrait après la mort de Bremner, des années plus tard) : ce n’est pas aveuglément, si Bremner s’employa des années durant à pourrir la vie à plus d’un joueurs du championnat anglais……….. Voici le fin mot de l’histoire :
Albert Johanneson d’abord :
« (Billy Bremner) helped me overcome many of the battles facing what was a rare commodity in the 1960s, a black footballer. In many games the players we faced would call me offensive names and some even asked me to clean and polish their boots. Billy would always come to my defence and tell me I was better than such people and to ignore all the comments. He would tell me that the best way to hurt them was with my skill and pace and goals. Many times I cried and it was Billy Bremner who would lift my spirits, even after we finished with the game. He is a fine man and he has helped and supported me through some difficult times in my life. »
Et voici la suite de l’histoire, par Bremner :
« When he joined Leeds United the rest of the team stood open-mouthed, drooling over his ball skills and trickery. He was a bloody excellent player and had so much pace and strength, he was a great athlete. Some of the racial abuse he would get from opposition players and fans was disgraceful. I would try to protect him from that, so would the rest of the lads. I confess I have, over the years, delivered physical hurt and retribution to many of those who so damaged Albert. If I told you some of the names you would be mortified. »
Ah, je donnerais cher pour savoir………. Un Best? Un Charlton? Alan Ball?? Je ne serais pas le moins du monde étonné..
Une photo des deux amis : https://scontent.flgg1-1.fna.fbcdn.net/v/t39.30808-6/336174803_1385979712241495_6060700607862589109_n.jpg?stp=dst-jpg_s960x960&_nc_cat=103&ccb=1-7&_nc_sid=5cd70e&_nc_ohc=Mow0n9Yj-WYAX_Dn5Vn&_nc_ht=scontent.flgg1-1.fna&oh=00_AfAI65Ndeamtq_cUUeb44XGenZe1RWFODnvQyirf1IX7fw&oe=641B42B8
Et bien je vois que Bobby s’est fait un ami… haha
par contre, deux critiques sévères et 3/5, ça va, tu ne dois pas être si terrible comme prof 🙂
J’étais initialement parti sur 2/5. Le type a eu le courage et le talent de publier un livre (ça vaut un point). C’est facile à lire (encore un point). Et puis il y a eu quelques beaux moments (un troisième point). Disons peut-être, plus sûrement, que 2,5/5 est plus approprié. La moyenne. A peine.
Et c’est bien dommage tant les sujets sont passionnants. Précisément questionner cette vulgate sur Garrincha. Proposer un récit dynamique et problématisé des premières années du football brésilien. Je m’attendais à tellement mieux.
Au niveau de ma notation dans mon milieu professionnel, on m’a plus souvent accusé de surnoter que de sous-noter, en effet.
Écrire sur Garrincha en 2023, faut oser. Que dire qui n’ait pas été dit ? Comment trouver un angle original ? Comment s’exprimer dans un style capable de concurrencer ceux qui ont magnifié son œuvre ? C’était perdu d’avance, non ?
C’est là où il faut fouiller dans les archives, problématiser, aller plus loin. Surtout que le gars vit ou a vécu au Brésil, parle et lit le portugais brésilien.
Effectivement, si c’est pour reprendre toujours la même chose, je ne vois pas l’intérêt. C’est bien ce qui me peine. Je n’ai pas appris grand-chose, et pourtant je ne connais presque rien à Garrincha… C’est dire !
Sur un Garrincha je ne vais pas trop me prononcer (barrière de la langue, blablabla..), mais il y a plein d’angles morts, partout!
S’il y a bien un truc qui me ménage encore un peu d’optimisme : c’est que, ce qui dans les étals fait office d’histoire du foot, éh bien cela a quasi-exclusivement été écrit par des larbins, des comptables ou des Stéphan Bern.
Je dois avoir chez moi pas loin de tout ce qui a été publié sur le Bayern, et qui dit-on fait autorité (souvent ces ouvrages-là qui sont les plus vains d’ailleurs..)……….et, 1) : à peu près rien n’y considère la question de l’argent, d’où vint le fric qui alimenta les transferts ou campagnes de presse somptuaires des 60’s.. et, 2) : absolument aucun ne fait état de sa décisive (et tout de même assez notoire) consanguinité politique avec la CSU, comment/pourquoi/qui/quand..???………..dont l’on trouve par contre très facilement trace si l’on attaque le sujet indirectement depuis des archives ou des biographies..politiques! (et là ça devient croustillant..car ils balancent, eux!)
Le truc : c’est que ce sont toujours les mêmes ficelles et angles usés jusqu’à la corde qui sont réexploités.
Tu évoques le Bayern, un club, qui plus est éminemment politique, ce n’est pas comparable. Garrincha, ben c’est Garrincha,… un type génial sur un terrain mais en dehors ? À mon petit niveau, j’ai mis des années à trouver un angle pour écrire quelques lignes le concernant. J’ai essayé, je n’avais rien à dire jusqu’à ce que je voie cette photo avec Elza Soares. Mais de là à en faire un bouquin… A la limite, toi qui travaille le sujet, sa sexualité débridée est peut être encore à documenter. Mais pour le reste, je crains malheureusement que tout ait été dit, ce n’était pas un personnage complexe.
Ah ah ah ah ah 🙂
Mon premier fou rire depuis 6 jours, merci! Mais il est douloureux, faut que ça cicatrise.
Le sujet travaillé, euh.. Pas encore écrit une ligne, je fonctionne comme un digestif dans tout ce que je fais : compulser tout ce que je peux, sans filtres, j’avale, j’avale (sans mauvais jeu de mots, hein)..et puis à un moment il y a un film qui se fait dans ma tête, une trame, Fiat Lux.. sauf que là, le film est encore un peu répétitif (j’en suis à une bonne centaine d’heures de documentation compulsée pourtant, c’est plus riche que je n’aurais cru!).
Sinon, quand le sujet n’est pas complexe : interroger le méta-sujet, c’est parfois la seule chose à faire.
Que t’est-il arrivé ?
Une erreur de diagnostic..et alors ça a dégénéré faute des soins appropriés.
Sur la couverture de ce « Primeira Bola », c’est le stade de Laranjeiras, c’est bien ça? Mais alors : dans une très prime mouture?
Solide coup d’oeil ! C’est celui-là même, à l’occasion de Brésil-Exeter 1914, premier match de l’équipe nationale brésilienne. Agrandi par la suite, le stade accueillera aussi le championnat sud-américain 1919 dont Marcelin Chamoin offre un récit palpitant. Quand il veut, ce chameau…
Bah il est cultissime, ce stade. Et assez facile à identifier : ces palmiers +, surtout, cette espèce de palais sur la droite.. Je n’ai pas bien grand mérite : sans problème l’un des 5 stades les plus mythiques qui soient? Il a tout pour lui : âge, tradition, jalons historiques, esthétique…….
Ce qui est rigolo, c’est que ce sont les maillots avec des bandes verticales qui ont emporté mon adhésion : je les trouvais certes un peu bizarres pour Fluminense mais..mais ça devait décidément être leur antre historique du Laranjeiras. Sauf que, maintenant que tu me parles d’Exeter, lol.. : Exeter aussi joue avec des bandes verticales!, et en l’espèce, ben.. ben ce sont là les bandes verticales d’Exeter.
Flu, c’est le plus beau maillot brésilien !
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, cette vidéo est pas mal : https://youtu.be/PpVphBZUWzg
Et si un lusitophone pouvait avoir l’excellente idée de nous proposer un article sur/autour de ce joyau………
Celle-ci par drone est top : https://www.youtube.com/watch?v=eeAGs35c7Tg
Je présume que les bassins de natation qu’on y voit sont ceux-là même où Joao Havelange forgea son parcours d’athlète olympique?
J’adore ce genre de complexes sportifs.. Il y avait eu les mêmes « juste en face », au Congo belge..quoique terriblement décrépits, laissés à l’abandon, quel charme tout cela avait..