« Certainement appuyés sur des bancs
Il y aura des hommes qui se souviennent »Francis Cabrel, Octobre, 1994
Pierre Cazal (avec la collaboration de Bruno Colombari), Sélectionneurs des Bleus, Editions Mareuil, 19,90€
Octobre 2024 fut un mois particulièrement cruel puisqu’il emporta, dans son sillage, un des grands archivistes du football français : Pierre Cazal. Défricheur invétéré des premiers âges du football français, l’homme de 75 ans avait produit une série de livres dont Sélectionneurs des Bleus forme en quelque sorte le pinacle.
Il faut bien dire que cette somme de près de 300 pages est une formidable histoire de l’équipe de France de football. Vu à travers le prisme des sélectionneurs – depuis les temps reculés des comités de sélection parfois pléthoriques, jusqu’au sélectionneur unique et chargé de l’entraînement –, le voyage nous conduit à travers les époques avec un égal bonheur. L’ensemble est en effet équilibré, et ni les années 1900 ou 1950, ni les années 1980 ou 2010 n’écrasent le reste.
Bien sûr, c’est lorsqu’il évoque les périodes les plus anciennes que l’auteur est le plus passionnant et le plus surprenant. Il est en effet alors en quasi terra incognita et rétablit avec bonheur des faits – comme le caractère représentatif des équipes des Jeux de 1900 – ou dresse des portraits de personnalités plus ou moins mystérieuses – ainsi en est-il de Robert Guérin, créateur de la FIFA et éphémère sélectionneur des Bleus.
Si les préférences de Pierre Cazal peuvent s’afficher avec une certaine légèreté, celui-ci tirant ainsi à boulets rouges sur Gaston Barreau ou accordant une mansuétude certaine à Didier Deschamps, son récit ne souffre pas de parti pris et dévoile une honnêteté et une précision qui font honneur à celui auquel on aimerait accorder le qualificatif d’historien.
Voilà donc, au total, une histoire rigoureusement chronologique et absolument indispensable. Une mine d’informations et un texte agréable à lire.
Note : 4/5

Pierre Cazal, L’épopée des Bleus à l’Euro, Editions Mareuil, 19€
On peine à croire qu’il s’agisse d’une publication de Pierre Cazal ! Comment peut-on écrire un tel livre et s’en satisfaire au point d’en autoriser la publication ? Si l’on saisit bien l’opportunité du procédé, en 2021 et à quelques mois de l’Euro, on reste confondu devant la médiocrité de l’ensemble.
La moitié du livre est en fait consacré à l’Euro à venir et se veut rassurant sur les chances de la France… Pour cela, l’auteur convoque donc l’histoire et fait un usage excessif, et parfois maladroit, des statistiques. Il va jusqu’à écrire que « ce sont les chiffres qui comptent » ! On reste éberlué de lire une formule aussi stupide que péremptoire, qu’on croirait sortie toute armée de la tête de quelque zélote des odieusement nommées « ressources humaines ».
D’autant plus lorsque le texte dévoile des erreurs factuelles à peine croyables, surtout à une époque où ce genre d’informations peut se vérifier en deux temps et trois clics. Ainsi lit-on avec ébahissement, et un peu de honte il faut le dire, que l’Angleterre fut battue par Haïti lors de la Coupe du monde 1950 ! Ou encore que la Tchécoslovaquie fut demi-finaliste de la Coupe du monde 1990… « Ce sont les chiffres qui comptent » : à condition, déjà, d’utiliser des données correctes.
A cela s’ajoute un récit quelque peu insipide, chronique sans grand intérêt de l’équipe de France lors des Euros de 1960 à 2016. C’est un empilement de platitudes, de banalités et de niaiseries, une pure perte de temps !
Note : 1/5

François da Rocha Carneiro, Un peuple et son football (une histoire sociale), Editions du Détour, 19,90€
Souvent érigé en acmé du vulgaire par des élites méprisantes, le football semble néanmoins constitutif de ce qu’on pourrait appeler une culture populaire. Par petites touches impressionnistes, disparates, l’historien François da Rocha Carneiro entend présenter ici quelques-uns des éléments qui forment cette culture populaire : des clubs emblématiques (Sochaux, Lens, Marseille), des personnalités (Thierry Roland), des lieux (le café), des comportements (la masculinité), etc. Autant d’aspects qui composent « un éventail du football français en tant que culture. »
Facile et rapide à lire, la démarche est – il faut bien le dire – complètement vaine ! Où nous conduit donc cette défense et illustration de la culture populaire du football ? Nulle part. Certes, les contempteurs snobinards du football sont passés à la moulinette, Vincent Lindon en tête ainsi étrillé pendant quatre longues pages… Certes, les manœuvres de l’extrême droite autour des Bleus sont dénoncées… Tout cela pour finir par une conclusion béate nous invitant à tous célébrer dans le football.
Tout cela nécessite un effort de problématisation qui, il est vrai, nous emmènerait peut-être au-delà du cahier des charges d’une publication destinée à un large public. Mais cela nous tiendrait heureusement à distance du style pamphlétaire déployé ici et nous conduirait plus proche des attentes d’une étude historique ou sociologique. Maniant volontiers un vocabulaire d’inspiration marxiste et/ou bourdieusienne (« mépris de classe », « mépris de race », « comportement de classe », « prolétariat », « bourgeoisie », « héritiers »), s’attaquant au « libéralisme hors-sol », l’auteur se contente trop souvent de distribuer les bons et les mauvais points. C’est parfois amusant, mais une fois encore : quel est l’intérêt ?
Note : 2/5
