En 1899, Le Havre AC devient champion de France sans vraiment mouiller le maillot. Retour sur un titre décroché sans se fouler.
A la fin du XIXe siècle, les Anglais développent le football à grande vitesse. Devenu professionnel outre-Manche en 1885, ce sport se démocratise peu à peu dans la région parisienne, en Normandie, ainsi que dans le Nord. Les premiers clubs de football sont peu à peu créés, à commencer par le Standard Athletic Club, qui remportera lors de la saison 1894-1895 le tout premier championnat de France, disputé entre clubs parisiens sous l’égide de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA).
Après quelques saisons, l’USFSA décide d’ouvrir le championnat de France à l’ensemble du territoire. C’est un bien grand mot, car il n’existe à l’époque qu’un autre championnat en dehors de celui de Paris : le championnat du Nord, qui est remporté par l’Iris Club Lillois (qui sera absorbé par l’Olympique Lillois à l’aube du XXe siècle). Huit victoires en autant de journées, 18 buts marqués pour seulement deux encaissés, le club de la capitale des Flandres domine totalement son sujet, y compris contre le terrible RC roubaisien, qui figurera quelques années plus tard parmi les places fortes du football français.
Un championnat au format étrange
Le tout récent champion du Nord gagne une place en demi-finale du championnat de France. Le vainqueur de cette rencontre obtiendra le droit d’affronter le champion de Paris. Face à l’Iris Club Lillois se dresse le HAC sur la route vers la capitale. Mais comment les Havrais se sont-ils retrouvés en demi-finale du championnat de France ? Contrairement aux Lillois, ils n’ont pas remporté le championnat de leur région.
Si Le Havre est choisi, c’est parce qu’il est, avec l’Iris Club Lillois, le seul à avoir répondu favorablement à l’invitation de l’USFSA. Mais son bon niveau, dû en partie à l’apport de joueurs anglais, lui permet aussi de faire régulièrement jeu égal avec les clubs parisiens. Le Havre AC atteint ainsi la finale de la Coupe Manier en 1897, une compétition où seuls trois étrangers au maximum peuvent être inscrits sur la feuille de match.
Une demi-finale tronquée
La demi-finale du championnat de France a lieu le 19 février 1899. L’Iris Club Lillois et Le Havre Athletic Club doivent s’affronter au Parc des Princes. Mais si l’affiche est prestigieuse, l’organisation de la rencontre n’est pas à la hauteur : aucune équipe n’est venue avec un ballon et l’USFSA n’en a pas prévu non plus ! Le temps d’en trouver un, le coup d’envoi du match, prévu initialement à 13h30, est repoussé. La rencontre débute avec un long retard, mais seules 45 minutes peuvent être jouées. Le journal du soir La Presse explique la situation à ses lecteurs : « on n’a pu jouer que la première partie. À la seconde partie, le terrain était occupé par un match de hockey. Les joueurs de hockey n’ont pas voulu céder leur tour de sorte que les équipes provinciales ont dû se retirer sans terminer la partie. Dans la première manche, l’équipe du HAC avait marqué un point. »
Ce fiasco montre à la fois le peu d’organisation et le manque de considération du football à l’époque, éclipsé par une rencontre de hockey sur gazon. La presse de l’époque fustige à la fois le manque de courtoisie des hockeyeurs et l’amateurisme de l’USFSA, qui n’aurait prévenu personne de la tenue du match.
Qu’à cela ne tienne, il suffit de rejouer ! La date du 25 mars est fixée, mais la rencontre, prévue à Amiens, n’a de nouveau pas lieu. Cette fois, pas de problème de ballon, mais d’absence de joueurs lillois. Certains parlent d’une épidémie de grippe, d’autres affirment que les Nordistes n’ont pas pu tous être libérés par leurs employeurs respectifs. Quoi qu’il en soit, le quotidien sportif Le Vélo indique que « l’Iris Club n’ayant pas une équipe complète se voit obligée de déclarer forfait ». Et voilà le HAC en finale du championnat de France, sans avoir joué.
Une finale annulée
Entre-temps, le championnat de Paris a pris fin et a été remporté par le Club Français. La finale du championnat de France, fixée au 30 avril, sera la première de l’histoire. Mais la grande affiche tant attendue… n’aura pas lieu. Les joueurs parisiens reprochent en effet aux Normands de s’être qualifiés sans jouer, tandis qu’eux-mêmes ont dû se défaire de leurs adversaires de la capitale pour se hisser jusqu’en finale. Le Havre, seul club normand inscrit dans la compétition, ne doit sa place qu’à sa réputation et non ses résultats sportifs. Et tant pis si Caen et d’autres clubs normands n’ont pas répondu favorablement à l’invitation de l’USFSA.
L’Union, de son côté, insiste pour que la rencontre soit jouée malgré tout. Elle rejette les critiques des Parisiens et les met face à leurs responsabilités : soit le Club Français affronte Le Havre AC à la régulière, soit les Havrais seront automatiquement désignés champions de France. Le club de la capitale campe sur ses positions, estimant avoir plus à perdre qu’à gagner en termes de prestige en affrontant les Normands.
Et c’est ainsi que le HAC est devenu le premier club champion de France, sans avoir disputé la moindre rencontre. La saison suivante, la compétition est organisée avec le même format. Le Havre bat le nouveau champion du Nord, l’US tourquennoise, et affronte en finale… le Club Français, qui accepte de jouer cette fois-ci. La colonie britannique des Normands, qui constitue la majorité du onze havrais, offre au HAC le deuxième titre de son histoire, sur le terrain.
Merci Modro.
Un peu dans le même esprit, la grande politique s’en mêlant, l’histoire du parcours israélien dans les qualifications à la CM 1958.
Au 1er tour de la zone Asie-Afrique, la Turquie déclare forfait, Israël est qualifié. Au 2nd your, l’Indonésie exige de disputer le match prévu en Israël sur terrain neutre. Requête refusée, l’Indonésie est disqualifiée.
Au même moment, l’Egypte déclare forfait contre le Soudan pour éviter d’affronter Israël au tour suivant (la crise du canal de Suez et le conflit associé datent de 1956). Le Soudan refuse à son tour de jouer contre Israël et ce dernier est de fait qualifié pour la CM. 3 tours, 3 qualifications, aucun match disputé.
Mais la FIFA ne se satisfait pas de cela et organise un match d’appui entre un second de poules européennes, en l’occurrence le Pays de Galles. Les Gallois de John Charles s’impose 2-0 à l’aller et au retour et se qualifient pour la Suède.
Permettant aux quatre nations britanniques d’être représentées lors de cette CdM.
16 participants, 4 du Royaume-Uni !
Et les Anglais avaient surement la moins bonne des 4.
En 66, c’est pas mal également. Une place à se partager entre l’Asie et l’Afrique. Cette dernière boycotte les qualifs. Finalement, de la phase finale asiatique à 4, l’Afrque du Sud est exclue. La Corée du Sud ne vient pas. Ne restent plus que la Coree du Nord et l’Australie. On connaît la suite pour l’Italie…
Désolé pour les fautes !
On jurerait du Bobbyschano, c’est troublant!
Ladite USFSA eut bien du mérite à surmonter pareil fiasco, quel discrédit..
Le hasard veut que j’aie enfin découvert à quoi ressemblait Le Havre, ça a son charme.
L’USFSA est alors une très puissante fédération. Elle fédère des centaines de clubs et des dizaines de milliers d’adhérents. Elle organise le championnat de France de football depuis 1894 (réservé aux clubs parisiens jusqu’en 1899). L’USFSA, c’est le Baron qui vient de restaurer les Jeux. L’USFSA, c’est Robert Guérin qui fondera la FIFA en 1904. Bref, c’est du (très) sérieux et du (très) lourd. C’est d’ailleurs elle qui prend la responsabilité de sanctionner le Club Français, qui refuse de jouer, en proclamant le HAC champion de France. Elle ne cède pas au chantage du Club.
Ahah j me suis dit la même chose!
Bobby fait des petits.