par Hier soir, l’équipe d’Espagne Espoirs a perdu la finale de l’Euro face à l’Angleterre. Une compétition qui lui a régulièrement souri depuis plus d’une trentaine d’années. Aujourd’hui disparaissait Luis Suárez, l’Arquitecto, un des plus formidables milieux que l’Espagne et l’Inter aient jamais connu. Technique, meneur d’hommes, passeur de génie, chaînon manquant de l’escadron d’Helenio Herrera qui domina l’Europe dans les années 1960. Un Herrera qui le connaissait si bien depuis Barcelone et qui en fit sa priorité lors de sa prise de fonction à Milan. Gallego de naissance, Milanais de vie jusqu’à son dernier souffle, Suárez était le cerveau qui offrit à la Roja son premier titre continental en 1964, il sera celui qui la remit sur les rails du succès 22 ans plus tard…
Un apprentissage laborieux
Suárez a terminé sa prestigieuse carrière à la Sampdoria mais c’est chez les rivaux du Genoa qu’il débuta sa carrière d’entraîneur, en prenant en charge la primavera. Dès 1974, il remplace son ancien coéquipier Enea Masiero à la tête de son Inter chéri, pour un résultat qui se révélera bien décevant, une neuvième place en championnat mais qui inaugure plusieurs intérims milanais… Suivront SPAL, Côme ou Cagliari avant de porter secours à son club formateur, le Deportivo La Corogne qui végète depuis des années en deuxième division. Des résultats mitigés dans sa nouvelle profession qui n’empêchent pas la Fédération espagnole de lui confier le poste de sélectionneur des Espoirs en 1980.
Suárez retrouve une vielle connaissance dans l’organigramme de la Fédération, en la personne de Txus Pereda. Pereda et Suárez n’ont fait que se croiser à Barcelone, Txus débarquant sur les Ramblas au moment où Luis cédait aux avances italiennes. Ils ont néanmoins une histoire commune forte puisque c’est Suárez qui centre pour Pereda pour ouvir le score face à l’URSS de Yachine lors de la finale de l’Euro 1964! Pereda est un excellent formateur, qui va occuper tous les postes au sein des sélections jeunes, des Cadets aux Espoirs, pendant une longue période de 16 ans, conduisant l’Espagne à sa première finale mondiale lors du Mondial Junior 1985. C’est le temps des Nayim, Fernando Gómez Colomer de Valence, Andoni Goikoetxea ou Marcelino, le nouveau coach marseillais. De son côté, Suárez n’est pas en reste puisque ses Espoirs, les Emilio Butragueño, Manuel Sanchís, Míchel et Andoni Zubizarreta s’inclinent face aux Anglais de Mark Hateley lors de la finale de l’Euro 1984.
Un nouveau souffle
De l’épopée 1984 ne reste plus que Manolo Sanchís quand débutent les qualifications pour l’Euro Espoir suivant. Suárez et son bras droit Pereda souhaitent un football dynamique et vont ratisser large, dont le franco-espagnol Miguel Pineda qui, après avoir été formé par Guy Roux, fait désormais le bonheur de l’Espanyol. Un groupe sans genie mais solidaire où le rugueux défenseur de l’Athletic, Genar Andrinúa, colle les tampons en défense tandis qu’Eusebio Sacristán s’époumone aux quatre coins du terrain. Eusebio Sacristán se souvient avec nostalgie d’un groupe jovial et ambitieux : « Nous jouions dans un 4-3-3 audacieux. Les centraux cherchaient à relancer proprement tandis que nous assurions l’équilibre au milieu avec Roberto. Il y avait énormément de vitesse en attaque. »
Sanchís est la pierre angulaire d’une sélection qui n’encaisse aucun but au premier tour, dominant aisément l’Écosse 2 à 0 à Dundee ou bien plus difficilement l’Islande à Huelva, avant de donner une leçon au Coq français à Auxerre en quart de finale, au grand désarroi des Papin, Paille ou Boli. Begiristain réalisant pour l’occasion un festival face au pauvre Casoni. Les demi-finales n’auront rien d’une partie de plaisir. La Hongrie gagne 3 à 1 l’aller à domicile et il faudra une très grande performance dans la ville de naissance de Suárez, La Corogne, pour que le sportinguista Eloy n’offre la qualification à la 102ème minute!
J’ai deux amours…
Comme un signe du destin, Suárez, le plus italien des Espagnols, affronte sa patrie d’adoption en finale de l’Euro. Une Italie clairement dans la peau de la favorite au regard des talents qui la composent. « Imagine : Zenga, Donadoni, Giannini, De Napoli, Matteoli, Vialli, Mancini… Quelle génération! Ils deviendront tous des stars, certains l’étaient déjà et avaient joué au Mondial mexicain » , aime à rappeler l’icône du Sporting Gijon, le gardien Ablanedo. Lors du match aller joué au stade Flaminio de Rome, la Roja souffre comme rarement. Calderé, le dopé invisible du mondial mexicain, ouvre la marque mais la seconde mi-temps n’est que domination transalpine. Vialli égalise à la 50ème minute avant que le petit prince Giannini n’offre une victoire au combien méritée. Comme le dira plus tard Roberto, « nous etions encore vivants par miracle et Ablanedo est revenu couvert d’éloges pour sa performance. »
14 jours plus tard, le stade Zorrilla de Valladolid est le théâtre d’un exploit qui fera date dans le foot espagnol. Un choix de stade étonnant car il était alors de bon ton de jouer les matchs couperets à Seville où était proverbiale la notion de 12ème homme selon Kubala… Néanmoins, comme le soulignera l’enfant du pays, Eusebio, la feutrée Valladolid se transformera en volcan, la population « se sentant profondément touchée dans son amour-propre par les doutes émis sur l’ambiance à venir... »
Ils étaient trois Pucelanos à etre alignés ce soir là, quatre en comptant Andrinúa qui avait joué pour le club, Zorrilla est devenu chaudron… Le match est un chassé-croisé, un plaisir pour les yeux. Eloy marque d’une frappe croisée du gauche, Francini réplique deux minutes plus tard, avant que le phare Roberto n’égalise sur l’ensemble des confrontations. Un gol cantado pour ce dernier, « dès que le ballon a quitté les pieds d’Eusebio, j’ai su que c’était un but. » Les prolongations ne donneront rien, si ce n’est une nouvelle démonstration des talents de Zenga et Ablanedo. Roberto prend ses responsabilités et tire le premier tir au but, avec succès. Entre alors en jeu el Gatu, comme on le surnomme en Asturies, Juan Carlos Ablanedo. Ablanedo, c’est un petit gabarit, un look de vendeur en assurances mais aux réflexes étonnants. Premièrement, il stoppe la tentative de Giannini, Desideri tire par la suite à côté avant que l’Asturien n’arrête la frappe de Baroni! Ramón marque le penalty du triomphe. Luis Suárez l’Italien est hissé sur les épaules de ses joueurs…
Luis Suárez prendra la suite de Miguel Muñoz en 1988 pour diriger la sélection A qu’il mènera au Mondial italien, ne cédant que face à la maestria de Piksi. D’un artiste à un autre… La fin de son règne sera particulièrement pénible, épousant la chute de la Quinta del Buitre et une défaite face à la France de Platini sur la route de l’Euro 1992. Pour ce qui demeure l’unique compétition finale ratée par la Roja depuis 1978… Il n’entraînera quasiment plus, si ce n’est pour aider son grand amour, l’Inter. A un des plus beaux talents de la péninsule, nous disons humblement « adeus Luis » et merci pour tout…
Haha. J’ai appuyé sur la bouton atomique!
Magnifique hommage, qui honore la légende autant que fascine son lecteur.
Merci!
Deux beaux articles sur « le vrai » Luis Suarez, écrits avec le cœur. Que dire de plus à part un petit merci pour la madeleine de Proust avec Ablanedo ? Je me souviens de lui à l’époque où le Sporting Xixon jouait l’Europe tous les ans. Il avait été le troisième gardien au Mundial 1986. Aux quelques interviews qui passaient dans L’Équipe, FF ou Kicker, on devinait la fierté et l’orgueil d’un chevalier de Charles Quint.
Ablanedo a réussi l’exploit de gagner plusieurs trophées Zamora sous les couleurs du Sporting, ce qui n’est une mince performance. J’espère que l’ami Xixon passera. Pour une fois que l’on parle de son club!
Tu ne trouve pas que le club du sporting fait un peu penser au Havre ici en France ?
Villes portuaires, régions superbes , gens chaleureux , clubs historiques , grands clubs formateurs ..
Berti. Y a un petit truc mais avec de meilleurs résultats quand même pour le Sporting. L’époque Quini, celle d’Ablanedo et le debut des années 90 avec Milan Luhovy.
J’en étais pas certain mais je viens de regarder. Le Hac n’a jamais joué l’Europe donc en Espagne, on peut peut-être le comparer au Racing Santander, qui n’a qu’une saison européenne, énormément de saisons à lutter pour le maintien, ville maritime…
Gracias amigo. En 1984 et 1986, Luisito aura pu s’appuyer sur le travail d’une autre légende gallega, celui d’Amancio avec la Castilla de laquelle émerge la Quinta del Buitre.
Une question Verano. Comment Suarez est passé de la Samp en tant que joueur à la primavera du Genoa quelques semaines après son arrêt?
Aucune idée (j’ignorais qu’il avait entraîné la Primavera du Genoa avant de te lire). Un indice toutefois : ça correspond à l’année où son ex-équipier Mario Corso quitte l’Inter pour le Grifone.
Je chercherai en soirée.
A la fin de son contrat en 1973, la Samp ne propose rien à Suárez alors que celui-ci a exprimé le souhait d’entraîner et dispose des diplômes lui permettant d’exercer dans les catégories inférieures ou chez les jeunes. Il a d’ailleurs des appels du pied de clubs de Serie C, notamment Alessandria. Il choisit la Primavera du Genoa qui a l’avantage de lui permettre de rester vivre à Gênes, tout en préparant l’examen obligatoire pour coacher en Serie A. Et puis le Genoa lui offre la perspective de prendre la tête de l’équipe A à horizon deux ans en succédant à Sandokan Silvestri. La relégation du Genoa dès 1974 et l’appel de l’Inter changent les plans de Suárez qui ne sera resté qu’un an avec les jeunes du Grifone, le temps d’aider à l’émergence de Pruzzo.
Merci Verano! Appuyer Pruzzo, c’est déjà pas mal! Y a donc eu un autre Sandokan dans le football!
Arturo Sandokan Silvestri est celui qui sort le Genoa de Serie C. Une légende en tant que coach. Le genre de type qui mérite un article.
Oui. Amancio… Je parlais du travail de Pereda à la fédération mais le plus important est un autre homme du Real et contemporain de Suarez, Juan Santisteban.
Un palmarès en jeune dingue, pas loin de 12 titres avec les jeunes espagnols, des cadets aux espoirs, sur une vingtaine d’années.
Un long passage à la Castilla également.
Bravo les gars mais aucuns des deux articles ne précisent qu’il a été entraîneur du RC Lens en 1977! Comme même!
C’est vrai…Honte à nous! Enfin surtout à Verano parce que j’étais pas né en 1977…
Combien de temps est-il resté à Lens ? Beaucoup de sources ne mentionnent que Sowinski sur le banc ces années-là. Je serais aussi curieux de savoir si son passage était en 1976-77, année où Lens a fini deuxième, ou en 1977-78, quand le Racing a explosé en vol malgré une équipe taillée pour jouer l’Europe et est descendu.
Enfin le temps de lire pépère……. La photo des « Espoirs » anglais, je reconnais Steve Hodge (bof..), Paul Bracewell (très bon joueur!), Watson et Mark Hateley……….mais alors le dernier???
Quoi qu’il en soit : plus vraiment des espoirs au sens strict, ces quatre-là étaient déjà confirmés, bien installés dans le foot d’élite anglais : de tête Bracewell et Watson titulaires dans un Everton qui arrivait à pleine maturité, Hodge devait être titulaire dans un très bon Forest.. Hateley joue en 84 à l’AC Milan??? (juste après cet Euro, a priori)
Et les autres équipes n’étaient rétrospectivement pas en reste, beaucoup de beau monde!!!…….. ==> Est-ce toujours le cas aujourd’hui? Je ne suis plus du tout ces compétitions-là, refroidi par le comportement des Espoirs belges lors du tournoi olympique de Pékin……….. Ils avaient d’excellentes chances de l’emporter..mais firent pour d’aucuns défection à mesure qu’ils avançaient dans le tournoi, privilégiant (avaient-ils le choix?) les intérêts de leur club à celui de leur nation : Kompany, Fellaini.. Defour et Witsel avaient déjà (dû?) décliner la convocation avant le début du tournoi, d’autres aussi…… Pour la Belgique ce fut une renaissance..mais pour moi ce fut un basculement moral, la carrière en club primait soudain sur la sélection..
Mais peu importe!
Je n’avais jamais prêté attention à ce pan de vie de Suarez, je ne me rappelais même pas de lui en 90 (je ne me lasserai jamais de ce but de Stojkovic, où il feinte la volée sur une balle haute venant de la gauche).. Merci donc pour cet angle original et instructif.
Le dernier anglais qu’il te manquait est Nigel Callaghan que je ne connais absolument pas! C’est peut-être le cousin de Dirty Harry !
C’est un copain de Terry Butcher puisqu’il est né à Singapour également !
Je vois qu’il jouait à Watford?? Ce n’était certes vraiment pas l’équipe la plus glamour, jeu des plus binaires malgré la présence de Barnes, mais de ce Callaghan je n’ai vraiment aucun souvenir, merci.
Dans l’équipe de Suarez, tu dois te souvenir d’Eloy puisque c’est lui qui échoue face à Pfaff en 1986.
Je m’en rappelle aussi un peu avec Gijon en Coupes d’Europe. Un fort bon joueur.
Je file dans votre pays pour une petite dizaine de jours, bonnes vacances à tous.
Alors ? Équipe type du sporting ?
Ablanedo et quini indiscutables
Nikiforof maceda luis enrique négrete juanele ??
Joaquín et Enzo Ferrero paraissent indiscutables.
Joaquin plus grand nombre de matchs joués pour le sporting
Et voici qui colle davantage avec l’abord adopté par Khiadia : https://scontent.flgg1-1.fna.fbcdn.net/v/t39.30808-6/358555595_760274896107303_9114930657878598300_n.jpg?_nc_cat=107&cb=99be929b-3346023f&ccb=1-7&_nc_sid=730e14&_nc_ohc=UUpxTWl_rGwAX_VL2yl&_nc_ht=scontent.flgg1-1.fna&oh=00_AfC90ryCoeBl-KK2pBUdy-0YeUAXjfYK9ZUE2bhSS55xIQ&oe=64B09A7B