Le bilan ad hoc de la première partie de saison

Depuis quelques jours 2025 a pris place, mais dès ce 3 janvier notre championnat reprend du service avec Nice qui reçoit Rennes. Une fois n’est pas coutume, l’année s’est terminée alors que la moitié des matchs n’a pas encore été joué (seulement 15 matchs joués). Comme chaque année sur P2F, nous vous proposons un retour sur la première partie de la saison. Cette fois-ci, nous avons décidé de procéder en deux temps. Aujourd’hui, nous adopterons une perspective globale pour partager ce qui nous a séduits et déçus. Demain, nous analyserons club par club les enjeux et perspectives de la deuxième partie de saison.

L’an dernier, les critiques visaient les supporters et les incidents dans les stades. Cette année, c’est la gestion toujours aussi déplorable de la Ligue de Football Professionnel (LFP) qui est sous le feu des projecteurs. En avril dernier le Sénat lançait une commission d’enquête sur la financiarisation du football. Si la chambre haute a choisi de se pencher sur le sujet, c’est parce que le foot français traverse une période difficile. Depuis la fermeture des stades pendant la crise du Covid, la faillite de Mediapro – qui avait racheté la majorité des droits de diffusion des matchs – et l’effondrement du prix de vente des droits TV, les finances de la plupart des clubs sont au plus bas. En 2022, pour renflouer les caisses, la Ligue de football professionnel (LFP) a décidé de céder 13 % des parts de sa société commerciale, chargée de vendre les droits TV des championnats français, au fonds d’investissement luxembourgeois CVC. Un deal qui a rapporté 1,5 milliard d’euros à la LFP. Mais qui s’avérait être un pansement sur une jambe de bois, et un pansement qui coûtait très cher !

Olibrius ! Pirates !

Acculés par tous ses enjeux, Vincent Labrune se devait de trouver un contrat juteux pour renflouer les caisses des clubs français. Mais une fois de plus, la gestion des droits télévisés aura été désastreuse. À moins d’un mois du début de la saison, aucun diffuseur n’avait encore été désigné. Finalement le 1er août, pour un montant bien inférieur au milliard promis par Vincent Labrune, DAZN a raflé l’essentiel des droits, tandis que beIN Sports se contente d’un match par semaine. Au-delà du timing catastrophique, deux points montrent l’amateurisme de la ligue. DAZN paye 400 millions, soit 100 millions de moins que la précédente offre refusée par la ligue quelques mois plus tôt. Et enfin Nasser al-Khelaïfi, président du PSG, membre du conseil d’administration de cette même ligue est également président du deuxième diffuseur – beIN Sports – qui demande aux clubs de faire en contrepartie de la publicité pour le Qatar. Pour conclure le tout, la chaîne qatarie ne payera sa première échéance deux mois après la date prévue.

Selon le principe de Peter, « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence », avec pour corollaire que « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité ».

Ce manque total d’anticipation voire de compétence va être aggravé par la stratégie du diffuseur anglais. En effet celle-ci s’est révélée catastrophique : proposer la Ligue 1 à un tarif prohibitif de 40 euros par mois (incluant d’autres sports peu attractifs pour la majorité des abonnés potentiels) va décourager les amateurs, surtout qu’il manquait une affiche par semaine pour ce prix.Le résultat ? Un fiasco. Avec moins de 500 000 abonnés – un chiffre déjà jugé optimiste – et une explosion du piratage, DAZN peine à rentabiliser son investissement. Dans une tentative désespérée, l’opérateur a proposé des offres promotionnelles, mais le mal était fait : l’audience est en chute libre, et la plupart des téléspectateurs ont appris à vivre sans L1 ou avec le piratage. Pire, ceux qui ont finalement payé le prix fort dénoncent une qualité de retransmission en net recul par rapport à Amazon. L’exposition de la L1 est ainsi plus faible que jamais, fragilisant les clubs à court terme suite à la baisse des droits, mais aussi le foot français à long terme, car cette perte inédite de téléspectateurs ne peut qu’éloigner le public français de son foot de club.

A force de n’avoir aucun téléspectateur, les journalistes de DAZN commentent même dans des stades vides.

Le récent Monaco-PSG a illustré, une fois encore, l’inefficacité de la gestion de la Ligue. Ce match, initialement prévu pour le Trophée des champions, s’est transformé en un véritable casse-tête organisationnel. Prévue en Chine, la rencontre a été annulée en raison de lourdeurs administratives. Une solution de repli proposait de jouer le 28 août à Monaco, mais le PSG a refusé l’horaire en journée qui était proposé par la LFP afin d’éviter un conflit avec la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques. Résultat : la Ligue a eu l’idée calamiteuse de programmer ce Trophée le week-end où Monaco et Paris devaient s’affronter en championnat (le 5 janvier), déplaçant la rencontre du championnat le 18 décembre. Ainsi, l’une des plus grosses affiches de Ligue 1 s’est jouée un mercredi soir sur beIN Sports, loin des projecteurs. Le match a été spectaculaire mais a été marqué par une grosse erreur d’arbitrage, un autre sujet sensible cette saison. Singo laissant traîner son pied sur le visage de Donnarumma qui finira la rencontre scarifié et donnera lieu à une photo qui rentre directement dans les annales de la L1. Vincent Labrune pourrait presque écrire un livre intitulé « Comment mal vendre son produit pour les nuls ».

Le comptable de DAZN recevant le premier relevé d’audience.

Tonnerre de Brest !

Nous pourrions disserter des heures sur les défauts de la ligue, le salaire de Labrune et plus encore, mais sur Pinte de Foot on préfère parler de foot ! Sur le plan sportif, les enseignements de cette première moitié de saison sont intéressants. Pour une fois, les principaux budgets de Ligue 1 sont présents en haut du classement, Rennes étant la seule exception notable. Les clubs restent comme d’habitude irréguliers mais les clubs attendus semblent mener une lutte qui risque d’être passionnante pour les places européennes. Coupes européennes qui cette année, une fois n’est pas coutume, sont la principale satisfaction du foot français.

Habituelle valeur sûre en coupe d’Europe, le PSG est à la peine. Une victoire poussive contre un faible Gérone, des défaites sans appel contre le Bayern ou Arsenal, un nul contre le PSV et une défaite frustrante contre l’Atlético ont mis le PSG dans une situation très périlleuse. Et malgré une victoire contre un Salzbourg à l’agonie, le PSG est actuellement le premier club éliminé. Ils leur restent deux matchs, à Stuttgart et contre City, deux concurrents directs au top 24, pour éviter l’humiliation d’une élimination prématurée. Si Lens, éliminé dès les barrages de la C4, ou Nice, qui frôle le ridicule en ligue Europa, ont fait honneur aux préjugés sur les clubs français rarement performants en coupe d’Europe, on ne peut pas en dire de même des quatre autres représentants.

En effet, cette année le foot français brille dans les compétitions européennes ! Brest est incroyable, magique, et est sûrement le rayon de soleil du foot français en ce début d’année. Qui aurait vu les Bretons, 33e budget de la C1, être septièmes à deux matchs de la fin ! Ils termineront avec une affiche de rêve face au Real à Guingamp, champions en titre, qui sont 13 places derrière eux ! Le parcours des Brestois est incroyable mais celui de Lille l’est presque autant : des victoires contre les deux clubs de Madrid, un nul contre la Juventus, le club nordiste (25e budget) est huitième juste derrière Brest. En Ligue Europa, le parcours de Lyon est tout aussi remarquable, certes face à une adversité moindre. Mais les Lyonnais sont fidèles à leur réputation européenne et trônent à une belle quatrième place. Enfin, Monaco patine un peu après un très bon début de compétition mais se dirige vers une qualification pour les barrages.

Le LOSC qui bat le Réal, une des nombreuses images marquantes de cette première partie de C1 des clubs français.

Pour conclure sur cette première partie et pour s’éloigner des réjouissances européennes, nous allons aborder les difficultés financières auxquelles font face de nombreux clubs français. Le déficit de la saison passée était déjà important, dépassant les 250 millions d’euros. Cette année, en plus de la baisse des droits TV, les clubs doivent assumer les conséquences de leur accord faustien signé avec CVC. Jean-Marc Mickeler, le patron de la DNCG, déclarait à L’Équipe en novembre : « Le système français est obsolète. » Les masses salariales sont trop élevées, les plus-values sur les transferts risquent de diminuer avec l’arrêt Diarra, qui pourrait inciter les joueurs à aller au bout de leur contrat, et certains clubs ont misé à tort sur un fantasme de droits TV à un milliard d’euros tout en étant incapables de générer d’autres revenus.

Cet été, de nombreux clubs ont vu leurs effectifs se dépeupler, perdant leurs joueurs à forte valeur marchande tout en conservant des salaires trop élevés, Montpellier étant l’exemple parfait. Un club comme Lens, par exemple, est contraint de vendre pour 50 millions d’euros lors du mercato hivernal. Ce qui risque de polariser notre championnat, l’un des plus homogènes d’Europe. D’un côté, les clubs disposant d’actionnaires capables de compenser les pertes, comme Marseille, Lyon, Rennes ou Monaco ; de l’autre, ceux qui peinent à survivre. Cette évolution pourrait enfin permettre l’émergence d’une élite capable de briller en coupe d’Europe, mais elle pourrait également constituer la première étape d’un effondrement du niveau de notre championnat. Nous ne pouvons que déplorer que cela soit le résultat d’un grave manque d’anticipation et d’ambition de la part des présidents des clubs français ainsi que de la Ligue de football. Lors de notre prochain bilan, en juin 2025 ou en janvier 2026, espérons que nous ne parlions pas d’effondrement mais de renouveau.

15 réflexions sur « Le bilan ad hoc de la première partie de saison »

  1. « cette perte inédite de téléspectateurs ne peut qu’éloigner le public français de son foot de club. »

    Allez, rêvons : ce sera peut-être l’occasion, pour ces téléspectateurs, de retrouver le chemin du stade??

    Facile à dire quand on ne vit pas dans un pays dont il faut 12 heures de bagnole pour aller d’un bout à l’autre, certes..mais il n’y a pas que les clubs télédiffusés dans la vie : il y a le football de province aussi, la base.

    Merci en tout cas pour le topo, je voyais çà et là passer ces infos mais sans y trouver d’agencement ==> Voilà qui est fait.

    Ces histoires de pognon dans le foot ne m’intéressent plus du tout depuis bon 20 ans, ceci dit : faut pas être grand clerc pour comprendre que vos droits ont effectivement été très mal vendus. 6 fois moins que les Anglais!!!

    Mais il y a les..NL aussi, qui en dépit d’un savoir-faire établi n’excellent du tout à vendre leur produit télévisuel ; de contrat en contrat c’est étonnant.

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    1. J’ai oublié d’en parler mais c’est vrai que l’on observe aussi une augmentation de la fréquentation des stades. L’an passé il me semble que le record d’affluence a été battu en France.

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    2. Pour les NL c’est aussi que c’est un pays moins peuplé, c’est comme au Portugal. Si tu as 6 fois moins d’habitants, normal d’avoir moins d’abonnés. Hormis la PL, le Real ou le Barça, il y a peu de choses qui marchent très bien hors d’Europe.

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      1. C’est en considération de leur population (et donc marché) moindre que je disais cela, pour te dire : tout un temps, les Belges parvenaient à négocier autant voire plus..alors que le marché NL pèse 1,6 fois plus de consommateurs potentiels, et que le marché belge est de surcroît fragmenté d’entre néerlandophones et francophones.

        Même à temps T+0, ce que leur football parvient à tirer en droits-tv est en-deçà de la taille de leur marché, tiens : les Portugais, rien qu’en droits domestiques c’est près du double de ce que les NL ont obtenu..alors que les NL sont 18 millions d’habitants!

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      2. Ah oui de ce point de vue là, je ne les pensais pas aussi bas en effet les NL. Surtout qu’ils ont un pouvoir d’achat bien plus grand que les portugais.

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  2. Très très bon article, simple mais efficace, agréable à parcourir (enfin si on fait abstraction du fond…)
    Merci pour ce fin résumé de la première partie de saison de notre beau championnat !

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  3. Ce que je vois venir, grâce à la superbe gestion des droits TV par Labrune, c’est un changement de système avec les clubs qui voudront prendre la main. On s’approche petit à petit d’un système proche du NBA Pass, où le spectateur choisit ce qu’il regarde depuis une plateforme unique. C’est voulu par certains clubs, ça va finir par se faire et ça mettrait fin à l’éclatement des droits TV sur plusieurs chaînes.

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  4. On oublie un point important : ça joue plutôt pas dégueu ! On peut toujours faire mieux évidemment, mais j’ai l’impression qu’on assiste à une saison nettement moins frileuse que la saison dernière.

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    1. Oui c’est ce que j’ai voulu mettre en avant, l’an passé c’était horrible (je l’avais pointé dans mon bilan) mais cette année c’est franchement en progrès, l’année où la visibilité est la plus faible historiquement. C’est un peu le paradoxe que je voulais relever cette année (même si j’ai plus accentuer sur la coupe d’Europe).

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  5. Je vais aussi me faire l’avocat du diable : c’est un peu dur de parler de grosse erreur d’arbitrage sur la faute de Singo sur Donnarumma. Le contact est violent mais en voyant l’action en entier on remarque surtout que Singo était en train de perdre l’équilibre et qu’il cherche à rester debout avant tout.
    Il y a une erreur, certes, mais on a vu des décisions arbitrales beaucoup plus délirantes, parmi lesquelles le non-rouge pour Donnarumma contre Lyon (s’il avait pris son rouge, il aurait été suspendu et aurait évité de se prendre la semelle de Singo, d’ailleurs) ou le retrait du carton jaune de Dieng contre Lyon aussi alors que le tacle était totalement foiré. Désolé, je n’ai que des exemples avec Lyon car ce sont les matchs que j’ai vus, au moins sur ces 2 exemples le résultat n’a pas été faussé.

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    1. Tu ne parles pas du rouge de Balerdi contre Lyon par contre 🙂
      Après mettre rouge pour le geste de Harit contre Marquinhos et rien sur celui-ci ça n’a aucun sens. Toute les raisons de mettre rouge à l’ami de Van (danger potentiel même si il ne le voit pas) sont bien plus grandes dans le cas de Singo.
      Pour moi aucun des deux ne valent rouges mais Singo vaut au moins jaune, et sachant qu’il en avait déjà un il aurait du être exclu. Aucun carton pour ce geste c’est abusé quand même.
      D’ailleurs lors de OM Monaco, Singo ou Salisu fait une intervention ultra dangereuse au milieu du terrain et il n’y a même pas faute.
      C’est surtout le côté « géométrie variable » qui est insupportable avec l’arbitrage en L1. Surtout avec la VAR où l’on peut revoir les actions.

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      1. Le rouge de Balerdi c’est une erreur, mais pas aussi grave que les 2 exemples que je cite. Je n’ai pas vu le rouge de Harit contre Marquinhos.

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  6. 400 M€ pour un championnat sans suspense, avec des coureurs aux pieds carrés, c’est pas si mal.
    Bravo à Brest. Des clubs plus prestigieux se sont plantés dans ces circonstances par le passé. Lens par exemple n’avait pas été fichu de battre le PSV l’an dernier et sa victoire contre Arsenal n’avait pas servi à grand chose. Là, il y a une continuité de résultats contre des adversaires à leur portée.
    Le SB a bénéficié d’un tirage plutôt favorable et a su en profiter. Mais en comparaison, le parcours du LOSC est bien plus impressionnant.

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    1. Oui les 2 font un sacré parcours. Après Brest c’est un nain au niveau budget, tous mes clubs battus étaient plus riches!!
      Seul L’étoile rouge, le Sparta et le slovan ont moins qu’eux!
      C’est assez incroyable d’être 7eme avec un effectif rempli de joueur moyen de L1.
      Lille il y a eu de l’investissement, plusieurs joueurs avec une grosse valeur marchande. David a été acheté 27 millions par exemple.
      Brest le joueur le plus cher c’est Mama Baldé et ses 4,5 millions!

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