Après 49 ans sans titre, le Slavia Prague a vécu la meilleure saison de son histoire en 1995-1996. Une performance rendue possible par son entraîneur, František Cipro.
A l’été 1995, le Slavia Prague décide de changer d’entraîneur. Exit Miroslav Beránek, qui a mené le club à la deuxième place du classement, derrière le Sparta. C’est František Cipro qui reprend les rênes des Sešívaní. Si sa carrière d’entraîneur n’a encore rien d’impressionnant (il a tout de même fait remonter Brno en première division tchécoslovaque), les fans du Slavia ont de quoi se réjouir car ils retrouvent une des légendes du club.
Milieu de terrain polyvalent (très, au point de jouer parfois en attaque ou en défense), František Cipro n’était pas une star mais il a disputé 234 matchs de championnat sous les couleurs du Slavia, où il a disputé l’essentiel de sa carrière professionnelle (après des débuts à Pardubice et un intermède d’une saison à Zlín, à l’époque où la ville se nommait Gottwaldov).
Cipro est aussi aimé des fans du Slavia que détesté par ceux du Sparta. À la rivalité habituelle entre les « S » praguois s’ajoute un vilain geste du Slavista, coupable d’un violent tacle sur Jan Bušek. Jambe cassée, le pauvre Bušek ne s’en remettra jamais vraiment et quittera le monde professionnel à seulement 23 ans.
Au Slavia, le temps presse. L’armoire à trophées prend désespérément la poussière. Le club doyen du football tchèque n’a plus remporté le moindre titre depuis 1947 ! Pendant cette période, les voisins du Sparta ont gagné 13 fois le championnat de Tchécoslovaquie et ont eu le temps de dominer les deux premières saisons de la toute jeune première division tchèque. Même la Coupe de Tchécoslovaquie a toujours échappé aux Sešívaní, qui n’ont atteint la finale qu’à deux reprises. Le Slavia peut tout juste se réjouir avec une victoire en Coupe de Tchéquie en 1974 face au Sparta, mais la compétition a autant de valeur qu’un tournoi amical de pré-saison.
Des débuts prometteurs
La saison commence par une défaite sur le terrain du Sigma Olomouc (2-1). Si les Rouges et Blancs se reprennent bien avec trois victoires en quatre matchs, ils débutent septembre avec une défaite à domicile le derby contre le Sparta (2-0), dans un match tendu : deux penalties sont refusés aux locaux et l’arbitre de la rencontre est finalement suspendu pour six matchs. Cela se passe à trois jours d’un déplacement chez le SC Fribourg pour le premier tour de la Coupe de l’UEFA… Le Slavia n’est pas en forme, lui qui a déjà connu un tour préliminaire compliqué face à un Sturm Graz pourtant largement prenable (victoire 1-0 à l’extérieur puis match nul 1-1).
Une victoire 2-1 en déplacement permet finalement aux Tchèques de prendre un avantage décisif. Le match nul du retour (0-0) est anecdotique, le Slavia jouera le deuxième tour face aux Suisses de Lugano. En championnat, les choses vont un peu mieux. La victoire 9 à 1 contre Uherské Hradiště (record du championnat) lors de la 10e journée permet aux Sešívaní de prendre la tête du classement. Les choses vont plutôt bien au tiers du championnat, mais le Sparta Prague, troisième, n’a qu’un petit point de retard.
Lugano est effacé (2-1 à l’extérieur, 1-0 à domicile) et la saison du Slavia commence à décoller peu à peu. Les Rouges et Blancs finissent fort l’automne sur la scène nationale, avec trois victoires lors des trois dernières journées avant la trêve. À mi-championnat, ils sont premiers avec quatre points d’avance sur leurs poursuivants. Ils viennent aussi de faire match nul à domicile contre le RC Lens à l’occasion du troisième tour de la Coupe de l’UEFA.
Le retour a lieu le 3 décembre 1995. Les débats sont équilibrés et aucun but n’est inscrit. Au début de la prolongation, Radek Bejbl (qui jouera pour Lens quelques années plus tard) lance Karel Poborský dans la profondeur, plein axe. L’attaquant international tchèque contourne Guillaume Warmuz et qualifie le Slavia pour les quarts de finale de la Coupe de l’UEFA. Vladimír Šmicer quitte Bollaert en vainqueur. Il reviendra dès l’été suivant pour évoluer avec les Sang et Or.
Un printemps doré
La trêve hivernale n’enraye pas la dynamique du Slavia. Au contraire, les cinq premières journées du printemps sont une formalité (cinq victoires, un seul but encaissé). Le Sigma Olomouc est deuxième à neuf points, le Sparta troisième à 11 points. Mieux, Poborský et Vágner ont fait plier l’AS Rome en quart de finale aller de Coupe de l’UEFA. Une victoire 2-0 et une porte entrouverte vers les demi-finales. Le retour au stadio Olimpico est plus compliqué. Moriero puis Giannini permettent à la Roma de refaire son retard en deuxième mi-temps. Pire, Moriero aggrave la marque : 3-0 en début de prolongation. Le Slavia est au bord de l’élimination, mais Vávra réduit le score à la 113e minute. Les Praguois se qualifient pour les demi-finales grâce à ce but inscrit à l’extérieur.
Quatre jours plus tard, ils n’ont toutefois pas les ressources nécessaires pour remporter le derby retour contre le Sparta. La défaite (3-1) est logique mais reste anecdotique dans la course au titre. Avec huit victoires et une défaite lors des neuf journées restantes, les Sešívaní confirment facilement leur domination au niveau local. Leur collectif est performant et l’apport des stars Šmicer, Poborský ou encore Suchopárek leur permet de facilement prendre la mesure de leurs adversaires.
Le parcours européen des Rouges et Blancs prend fin en demi-finale. Les Tchèques sont battus à domicile par le Bordeaux de Zidane, Lizarazu, Huard et Dugarry, l’unique buteur de la soirée. Au retour, Tholot se charge d’assurer la qualification des Girondins pour la finale de C3 et le Slavia quitte la scène européenne la tête haute.
Un futur moins glorieux
Les Sešívaní remportent le championnat tchèque sans difficulté et redonnent vie à leur armoire à trophées pour la première fois depuis 49 ans. C’est également l’âge de leur entraîneur František Cipro, dont chacun s’accorde à dire qu’il a su trouver la recette pour mener le club au sommet. C’est lui qui a l’idée de recruter Karel Poborský et qui l’installe dans son onze titulaire. 11 buts en championnat plus tard, Poborský fait partie des cinq joueurs du Slavia qui iront briller quelques mois plus tard sous les couleurs tchèques lors de l’Euro 96.
La saison suivante est plus compliquée : sèchement éliminé au premier tour de la Ligue des Champions par le Grasshopper Zurich (6-0 sur l’ensemble des deux matchs), le Slavia échoue au deuxième tour de la Coupe de l’UEFA contre le Valence CF (0-1 puis 0-0). Les Rouges et Blancs voient aussi le Sparta reprendre les commandes du championnat. Ils se consoleront avec une victoire en Coupe de République tchèque.
František Cipro quitte le club en 1997 pour rejoindre Innsbruck. Il reviendra à Prague pour la saison 1999-2000, lors de laquelle le Slavia termine à nouveau deuxième. Mais l’entraîneur n’a pas perdu toute sa magie puisqu’il envoie de nouveau le club en quart de finale de Coupe de l’UEFA. La marche est trop haute et les Tchèques s’inclinent face à Leeds United.
Cipro poursuit sa carrière d’entraîneur dans des clubs moins huppés, permettant notamment à České Budějovice de monter dans l’élite. Il prend sa retraite en 2015 et se contente ensuite d’un rôle de consultant, regrettant la prépondérance du physique et de la tactique dans le football moderne au détriment du jeu. František Cipro s’est éteint hier à 75 ans des suites d’une longue maladie. Les fans du Slavia lui ont rendu un double hommage : l’un pour le joueur, l’autre pour l’entraîneur.
Modrobily, j’en déduis que le suffixe « ov » en tchèque marque le génitif, comme en russe ?
-ov marque bien le génitif, mais tu ne le trouveras sous cette forme que pour une ville ou un quartier (par exemple le quartier de Komárov à Brno rappelle qu’il avait des tas de moustiques là-bas, Havířov est la ville des mineurs…).
Le génitif est plutôt -ový (masculin), -ová (féminin) ou encore -ovo ou -ové (neutres).
Mais autant je parle tchèque couramment, autant en grammaire je suis aussi fort que Baroš après l’Euro 2004.
Quand Renault a failli racheter Skoda en 1991 (affaire torpillée par la CGT), j’étais partant pour l’expatriation à Mlada Boleslav… et je n’ai finalement pas eu l’occasion d’apprendre le tchèque.
« Nous avons trouvé un intreprète albanais, mais il ne parle que le roumain. Alors il nous a fallu trouver un Roumain, mais il ne parle que le russe. Le Russe, que le serbe. Le Serbe, que le tchèque. Heureusement moi, je parle tchèque. »
L’auteur aurait pu être Modrobily, mais ce n’est pas lui. D’où sort ce pope… euh, ce propos ?
Il faut vraiment créer ce forum cinéma !
Done.
Pas un titre à partir de 1947 pour le Slavia. Quelle disette pendant la période communiste. Tu sais pourquoi le Sparta s’en est mieux sorti?
Alors je me suis un peu renseigné :
– pendant la période communiste l’accent a été mis sur le Dukla, club de l’armée (d’ailleurs il faut que j’écrive un article sur ce club à l’occasion)
– le Sparta est historiquement le club des ouvriers, par opposition au Slavia qui est celui de l’élite. Il est possible (je n’ai pas d’éléments le confirmant) que le Sparta ait été soutenu par le régime, au moins en partie (moins que le Dukla, qui lui a été ouvertement soutenu) et que le Slavia ait au contraire été limité (ce n’est qu’une hypothèse, je vais essayer de creuser le sujet)
Merci Modro
Ça paraissait étrange qu’un club de ce standing passe autant de temps sans titre. En tout cas, ce Slavia était une belle équipe. Je me souviens bien de la qualif face au RC Lens. Et ce maillot…
Bon, je viens de tomber sur un article assez complet qui confirme que le Slavia s’est constamment fait lourder par les communistes.
Petit florilège :
– incendie (et destruction) du stade pendant la révolution communiste en 47-48, le Slavia construit son nouveau stade en 1953
– obligation de donner les meilleurs joueurs au Dukla (parmi lesquels Josef Bican)
– suppression du nom Slavia m, remplacé par Dynamo
– interdiction d’utiliser les couleurs trafitionnelles du club
Le club a failli disparaître dans les années 60, faute de moyens financiers, mais a été sauvé par ses fans.
«Done.»
* Fait
Ça y est, t’as validé le niveau A1 en anglais ?
Pas la peine, pour autant, de venir ici te la péter en faisant des traductions…
Il y a quelqu’un a l’éducnat qu’est en train de chercher à me contacter pour me filer un boulot, paraîtrait que j’ai -d’office- le niveau du concours, puis d’façon y’en a pas besoin.
Un taf de rêve avec des primes qui disent, possibilité d’aménager régulièrement des sorties en groupe de collègues le jeudi, voire le mardi, pendant les heures normalement dévolues à ces ingrats d’élèves. Je suis dubitatif.
Aujourd’hui, on forme des profs en deux jours. T’as donc le niveau, c’est certain.
Ils sont tellement en crise de recrutement que, plutôt que de continuer à galérer à trouver des profs de techno, ils suppriment la discipline en Sixième.
En revanche, cette semaine, la sortie entre collègues ne s’est pas faite au détriment des élèves. Ces petits enfoirés sont déjà en vacances. C’est pour ça qu’on était moins nombreux que la semaine dernière : beaucoup dépensaient leurs primes au ski.
C’est quand même bizarre qu’un travail aussi bien payé à pas fout’ grand-chose sauf sa destination pour les vacances à venir peine autant à recruter!
* se trouver
(C’est pas étalé sur plusieurs zones en février?)
(Si, mais on est les premiers cette année…)
Sur le manque d’attractivité, étonnant en effet qu’un métier dénigré depuis 50 ans ne fasse plus rêver personne.
C’est pas comme si depuis 50 ans sa pratique n’avait cessée de se dégrader…
Quand on a un chien qui a la rage! Ah non, c’est pas ça…
Merci pour ce morceau d’histoire du football tchèque !
Excellent modro…