Dans un sport qui encense prioritairement les talents offensifs, petit coup de projecteur sur les destructeurs, brutaux ou aériens. Sur leurs réussites et parfois leurs cagades. Car oui, bien défendre est un art qui mérite une plus belle exposition. Aujourd’hui, Milan AC-OM à San Siro en quart de finale aller de la C1 1990-91. La parole est à la défense !
Presque un an après la main de Vata, l’Ohème de Bernard Tapie se retrouve en face de son plus grand défi, son modèle, le Milan AC de Sacchi. Si il ne domine pas la scène nationale cette saison-là, qui verra le sacre mérité de la Samp de Roberto Mancini, le double tenant du titre espère toujours conserver sa couronne continentale. La belle mécanique semble pourtant méchamment grippée. Le tour précédent face à Bruges a été laborieux et Marseille, bien que tourmentée par l’état de santé de Piksi et la fausse bonne idee Beckenbauer, se présente en Italie sûr de sa force. Il flotte comme un air de révolution. Des têtes vont tomber. A savoir désormais si elles appartiendront à l’ancien ou au nouveau monde.
Premier acte
Si l’attaque milanaise a un peu perdu de sa superbe (Marco Van Basten est d’ailleurs absent pour ce match), ce n’est nullement le cas de la défense : 13 buts encaissés jusqu’à cette date en Serie A, malgré le turnover incessant dans les cages entre Giovanni Galli et Andrea Pazzagli dont les prestations ne rassurent en rien le Mister. S’extirpant des fumigènes, Marco Tassoti, brassard au bras, sort le premier du tunnel – Franco Baresi, blessé à l’épaule, est dans les tribunes. On peut souligner que l’arrière droit italien adoptera une attitude noble toute la rencontre, à l’instar des autres belligérants. Le match sera physique mais sans tacle assassin ni contestation permanente, ce qui était loin d’être gagné au regard des CV en présence.
Raymond la Science a misé sur un bloc défensif fourni. Cinq défenseurs de métier pour épauler Olmeta, auxquels s’ajoutent les travailleurs de l’ombre au milieu, Bernard Pardo et Bruno Germain. Une véritable forteresse. Néanmoins, passée l’entame fougueuse des Milanais, ce sont les Marseillais qui dominent clairement les débats. Abedi Pelé est dans un grand soir, son cerbère attitré, Carlo Ancelotti, se retrouve constamment en retard. Basile Boli et Ruud Gullit entament un paso doble viril qui verra la soumission finale du Néerlandais, tandis Di Meco souffre le martyre face à un Rijkaard affûté.
C’est à ce moment précis, alors que l’OM est bien en place, que Bernard Casoni entre en court-circuit… Carlos Mozer vient de réaliser une superbe intervention et s’apprête à dégager. De manière incompréhensible, Casoni anticipe le geste du Brésilien et remet bien malgré lui le ballon dans la surface à Gullit qui ne se fait pas prier pour fusiller Olmeta. 1-0 pour le Milan contre le cours du jeu ! L’OM ne désarme pas et repart illico à l’attaque. Le contesté Pazzagli détourne une belle frappe de Waddle en corner. Pelé, décidément intenable, se défait à nouveau d’Ancelotti, passe à Waddle qui joue dans le dos d’un Maldini aux fraises pour l’égalisation au combien méritée de Jean-Pierre Papin ! Coup de froid à San Siro que l’arrêt sur la ligne extrêmement limite d’Olmeta, sur une tête vicieuse de Massaro, ne réveille pas totalement. A la pause, Goethals mène aux points tactiquement. On ne compte plus les hors-jeux milanais.
Deuxième acte
A la sortie des vestiaires, Manu Amoros, très discret offensivement en première période, tente de déborder Maldini, sans grand succès. Aux commentaires, Jean-Michel Larqué s’extasie sur un « café-crème » d’école de Pelé sur Tassotti tandis que Thierry Roland nous offre sa plus pitoyable imitation de l’accent belge. Si la patrie des Sforza souffre, la France est de bonne humeur… Mozer est majestueux de puissance et de sérénité. Le Brésilien, loin de son image de chien fou cultivée la saison précédente, délivre une prestation subtile, faite de placements judicieux et de coups de casque au-dessus de la mêlée. Sacchi met fin aux souffrances d’Ancelotti en le sortant dès la 60e minute mais le Milan n’a ni jus, ni idée. Les initiatives italiennes sont timides et se fracassent inexorablement sur un Olmeta magnifique de sobriété.
Les 78 000 spectateurs de San Siro commencent à siffler leur équipe. Filippo Galli, le remplaçant de Baresi, hésite à donner le ballon en retrait à son gardien. Abedi s’engouffre dans la brèche et voit sa frappe taclée mourir sur le poteau droit milanais ! Entré en jeu, Marco Simone est aussi invisible que Massaro ; Boli en fait son quatre heures. Dans la léthargie générale, Costacurta est le seul à tenter de secouer le cocotier. Mais ses montées sont maladroites, ses interventions foireuses. On se demande où est passé le beau Paolo Maldini… Les hors-jeux milanais s’accumulent et quand Mozer est piégé pour l’unique fois de la rencontre, Marco Simone déclenche une frappe digne de Veratti qu’Olmeta n’a aucun mal à bloquer. Résultat final : uno a uno. Tout reste à faire à Marseille mais l’OM a profondément marqué les esprits.
Bilan
Un match nul, certes, mais une prestation d’ensemble bien supérieure du côté marseillais. Olmeta s’est fait une très grosse frayeur sur la tête de Massaro mal appréhendée en première période, qui aurait fait les joies des anti ou pro-VAR de nos jours. Mais il s’est splendidement ressaisi, présent dans les airs et efficace dans ses prises de balle. Un bon match pour le portier corse. Amoros est apparu timoré offensivement mais a limité la casse face à Donadoni. Di Meco, quant à lui, a pris le bouillon face à Rijkaard en première mi-temps, avant de mieux le contenir par la suite. Preuve qu’il n’était pas dans son assiette, il n’a contesté aucune décision arbitrale. Basile Boli, pourtant néophyte à ce stade de la compétition, a fait plier un Gullit sans moustache avant d’avaler tout cru Marco Simone. Quand le gamin de Romainville était à ce niveau, il était bonnement infranchissable. La seule note foncièrement négative ira à Bernard Casoni. Unique défenseur à avoir la capacité à relancer proprement en profondeur, il s’est régulièrement trompé de cible et sa grossière erreur sur le but milanais aurait pu coûter très cher à son club. Reste donc Carlos Mozer. Critiqué avant le match par la presse et les fans, le colosse brésilien a réalisé une rencontre de très haute facture. Dans les airs, au sol, dans le contrôle de ses émotions, Mozer était partout. Une légende marseillaise, tout simplement.
Du côté milanais, difficile de ressortir un nom de lot. S’il ne peut rien sur l’égalisation de JPP, Pazzagli n’était pas taillé pour une rencontre de cette dimension. Impression semble-t-il partagée par ses propres défenseurs, preuve en étant cette hésitation avec Galli qui faillit être fatale au Milan AC. Tassoti a paru dépassé par ses fonctions et un costume trop lourd à porter. Aucune initiative offensive, absent des débats avec l’arbitre. San Siro, morne plaine… On peut être légitiment déçu par la prestation de Maldini. Paolo n’a rien tenté, certainement échaudé par quelques feintes bien senties de la part de Waddle. Il l’ignore à l’époque, mais le retour à Marseille sera encore plus compliqué. Filippo Galli, le suppléant de Baresi, s’est appliqué dans ses relances. Il n’a pas voulu trop en faire, mais on ne peut s’inventer un don. Enfin, Alessandro Costacurta aura tenté de réveiller la belle endormie. En vain….
C’est marrant , j’ai pourtant une excellente mémoire, mais ce match ne me dit rien du tout.^^
Je plaisante, je me rappelle exactement où j’étais et où je l’ai vu ^^
Je n’avais pas revu le match depuis l’époque. Abedi est superbe de crochets et vitesse.
Je me demande si Abedi n’aura été le joueur préféré parmi ceux éprouvés par Goethals.
Je sais qu’il le cita sans hésitation aucune dans le 11 éternel de son aventureuse carrière..mais sa voix prenait des intonations particulières au moment d’évoquer Abedi Pelé, dès lors..??
Autres offensifs qu’il mettait les yeux fermés dans l’équipe de sa carrière : Tahamata, Rensenbrink et Waddle – je crois n’oublier personne.
En défense, j’ai souvenir qu’il y avait des Piot, Mozer, Boli, Gerets…….. Les autres joueurs m’échappent, Haan peut-être. Ah si : Polleunis et Van Moer en étaient bien sûr.
Masterclass de Goethals à destination de Sacchi, ce jour-là. Un modèle d’utilisation du hors-jeu tel que Raymond le préconisait depuis longtemps, cf. articles d’Alex sur Saint-Trond.
Pris à son propre jeu de la zone, contré physiquement, le Milan s’en était bien sorti avec ce 1-1.
Milan doit se faire prendre 10 fois en H.J. Et n’arrive que rarement à casser les lignes. Et physiquement, ils se font bouffer.
Goethals a constamment bouffé Sacchi sur le plan tactique, comme avant lui il avait fait de même avec Michels. La différence qu’il y a entre un penseur du football-jeu, analyste fin et esprit adaptable, joueur d’échecs subtil..et des créatures de l’ingénérie-football.
Sacchi le révolutionnaire c’est bien joli, 99% du spectre-football a fini par y croire, un ami imaginaire parmi tant d’autres….si ce n’est que Goethals plaçait déjà sa ligne du hors-jeu à hauteur de la ligne médiane au mitan des 60’s, fut probablement même le premier à apprivoiser cette hérésie, et que rien de ce que fit Sacchi n’avait déjà été à l’oeuvre dans l’Anderlecht d’Ivic que Goethals..apprivoisa!, bref : il vient un moment où la machine à raconter/gagner des cruyffisme et/ou berlusconisme est rattrapée par le réel – chose qui arriva souvent, beaucoup plus souvent qu’on ne croit..mais contre quoi les cache-sexes du doping, du battage médiatique, de l’arbitrage et/ou, in fine, de l’aliénation/appropriation culturelles s’employèrent à faire illusion.
Dans le cas de l’OM, pas de bol : c’était compliqué de s’offrir la complicité +/- active de l’un ou l’autre acteurs institutionnels du jeu.. ==> Le bilan fut sans appel et dans les chiffres, et surtout dans la maîtrise affichée.
Sans aller jusqu’aux plus renommés Baresi (Franco bien sûr), Maldini (Paolo ici (les défenseurs italiens dessinants facilement une frise, une fresque… une photo de famille (voir pour les Maldini une dynastie), il faut alors parfois préciser le prénom pour savoir de qui l’on parle))… Outre donc les plus célèbres monuments tels que Baresi, Maldini… Scirea, Facchetti ou Gentile avant eux… Nesta, Cannavaro (Fabio), Chiellini et Bonucci (et pourquoi pas Barzagli pour rappeler la BBC turinoise) plus tard… l’Italie a souvent compté sur des guerriers, charcutiers… combattants ou encore spartiates (ou plutôt ici gladiateurs) de l’ombre plus méconnus mais tout autant difficile à bouger. Khia cite ici Tassotti, Costacurta, Galli… ce commentaire pour surenchèrir et faire honneur, ou à minima glisser un discret clin d’œil… aux autres Iuliano, Pessotto, Birindelli ou encore Ferrara, des fidèles et des vieux de la vieille de la Juve de Lippi fin Nineties début 2000… dans la même période Negro, Sartor, Fuser… Pancaro, Favalli chez d’autres filles « Sette Sorelle » de Serie A (Parme, Lazio, Roma)…
Il y en a à la pelle, je lâche quelques noms aussi rapidement que de mémoire mais la catégorie « défenseurs italiens ayant fait une carrière plus que respectable dans l’ombre des géants et autres monuments indeboulonnables » mériterait un article spécialement consacré au sujet
Un dans ce genre dont le nom m’est revenu pendant le récit des JO de 1984 est Pietro Vierchowod, révélé avec la belle Roma de Liedholm puis pilier de la Samp. 45 sélections, mais on ne s’en souvient plus beaucoup, sauf peut-être l’ami Alpha parce que l’intéressé est fils d’un soldat ukrainien de l’Armée rouge.
Très chouette article ! Et le match retour n’en fut pas moins incroyable: le but de Waddle, le presque-2ème but sur un raid solitaire, le projecteur qui s’éteint peu avant le coup de sifflet final, le cinéma qui s’en suit avec les milanais…
Vais essayer de vous retrouver ce que Goethals raconta de la préparation de ses matchs contre l’AC de Sacchi.
Ceci dit et dans l’absolu, pour ma part : sa masterclass contre l’AC, je trouve que c’est en finale de 93, match certes bien moins bandant, mais..
Le rapport des forces en présence s’était entre temps sacrément déséquilibré entre les deux clubs, avantage d’avant-match beaucoup plus prononcé qu’en 91 pour l’AC, lequel était plus encore engagé dans la course aux armements (Lentini, Papin..puis carrément du grand-guignol), le pillage des rivaux directs aussi..
Eh bien, que fait Goethals? Et qui fit hurler Tapie en voyant sa compo? Il décida d’opposer le seul Eydelie face au flanc gauche Maldini-Lentini, fallait oser!…………..avec tout de même, délibérément, Abedi Pelé menaçant en permanence de prendre Maldini de revers, à rôder dans sa zone.. ==> Conséquence? Maldini ne franchira guère le milieu, toujours le cul entre deux chaises.. Vu que Milan était naturellement moins entreprenant à droite, et que c’était cadenassé dans l’axe (où l’OM était en surnombre) : plus grand-chose à craindre dans cette finale.. Et Capello avait beau avoir un banc à tomber par terre : incapable de trouver la solution……..