Jeux Olympiques 1952 – L’Aranycsapat au sommet de son art

Qu’est-ce qui n’a pas déjà été dit sur l’Aranycsapat, le onze d’or hongrois comme on l’appelle en français ? Équipe précurseuse, dominante comme jamais vu dans l’histoire, brisée en plein rêve par la RFA dans un match que les Magyars n’auraient jamais du perdre et morte avec l’insurrection de Budapest.

Si le “Miracle de Berne” est extrêmement connu, le pinacle de cette équipe hongroise a pourtant eu lieu deux ans plus tôt, en Finlande, durant les Jeux olympiques 1952.

Une équipe arrivée à son meilleur niveau

Bien que le sélectionneur Gusztáv Sebes ait commencé à mettre en place son équipe en 1950, avec succès, ses hommes arrivèrent en Finlande avec deux succès en poche, une victoire 5-1 en Pologne suivie d’une autre 6-1 en Finlande.

Le Honvéd avait remporté le championnat quelques semaines auparavant, terminant invaincu, alors que son dauphin, le Budapesti Bástya, actuel MTK, n’avait fini qu’à deux petits points, n’ayant perdu qu’une seule rencontre cette saison-là. Est-il vraiment étonnant de découvrir que 11 des 13 joueurs de l’équipe jouaient dans l’un de ces deux mastodontes ?

Cette domination de deux clubs se ressent tout autant chez les buteurs. Dans un championnat de 26 matchs, Puskás marque 22 fois, Palotás 26 fois, Hidegkuti 28 fois et Kocsis 36 fois !

Une machine inarrêtable

Le 15 juillet 1952, 19h heure locale, la Hongrie s’avance contre le voisin roumain dans un match préliminaire.

Alors que la Yougoslavie étrille l’Inde 10 buts à 1, les favoris Magyars ne l’emportent que 2-1 contre les modestes Roumains, Czibor en première mi-temps et Kocsis en seconde assurant la victoire, les Tricolorii ne marquant qu’en fin de match, après un carton rouge de Czibor.

Le premier tour oppose la Hongrie à la Squadra Azzurra, nom clinquant déjà auréolé de deux titres mondiaux mais peinant encore à se remettre du drame de Superga trois ans plus tôt.

Cette fois-ci, pas de pitié, l’Italie est vaincue 3-0, un doublé de Palotás et un but de l’inévitable Kocsis permets aux Magyars de gagner le match sur le score de 3-0. Malgré cette belle victoire, c’est l’épique affrontement entre les favoris Yougoslaves et Soviétiques la veille, terminant sur le score de 5-5, qui attire toute l’attention.

L’Aranycsapat semble avancer presque masquée, elle va bientôt faire parler la poudre.

En quarts de finale, la Turquie, victorieuse contre les Antilles Néerlandaises au tour précédent, ne semble pas être un adversaire de poids, et cela se voit très vite.

Palotás et Kocsis marquent en première mi-temps avant que Lantos, Puskás à deux reprises, Boszik et même Kocsis à nouveau n’atomisent l’équipe turque. Sept buts à un, la machine est en marche et personne ne semble capable de la stopper.

La Suède, championne olympique en titre est strictement balayée par la Hongrie en demi-finale, 6-0. Puskás, Palotás, Kocsis, Hidegkuti, le quatuor offensif hongrois fait la loi et la différence de niveau est nette.

Il ne reste que la Yougoslavie comme opposition, probablement la seule équipe capable de rivaliser avec son propre arsenal : Beara, Zebec, Boškov, Mitić, Stanković, Bobek, Čajkovski, c’est la crème du football yougoslave contre la crème du football hongrois.

La légende est née

Pour la première fois dans la compétition, les coéquipiers de Ferenc Puskás se retrouvent contre une équipe presque aussi joueuse et aussi talentueuse qu’elle, et cela se ressent dans le déroulé du match, les deux équipes ayant des occasions, qui ne mettent cependant pas Beara et Grosics en grande difficulté.

Le premier moment chaud de la rencontre arrive à la 36e minute, quand Sándor Kocsis est touché dans la surface de réparation, Arthur Ellis siffle un pénalty. Le capitaine hongrois s’élance et frappe à droite mais sa tentative est trop molle et Vladimir Beara l’arrête.

Pour la première fois dans la compétition, Hongrois et Yougoslaves n’ont pas réussi à marquer un but avant la pause, preuve de la puissance offensive des deux équipes.

Néanmoins, si la première mi-temps avait permis aux Plavi de faire jeu égal avec la Hongrie, les 45 minutes suivantes feront basculer l’Aranycsapat d’immense équipe à légende du football.

Quatre minutes après la reprise, Puskás et Czibor réussissent un superbe une-deux qui aboutit à un centre de ce dernier sur Kocsis, qui marque. Hélas pour les hommes de Gusztáv Sebes, l’ailier du Csepel SC est hors-jeu et le but est donc refusé.

La domination hongroise ne fait que s’accentuer et à l’heure de jeu, Kocsis marque un nouveau but refusé, cette fois-ci pour une faute de Puskás sur Branko Stanković. C’est donc un coup-franc pour la Yougoslavie, dont le temps qu’il lui reste avant de définitivement devoir se soumettre à leurs opposants est sur les lèvres des 58 000 personnes présents dans le stade olympique d’Helsinki.

71e minute, Czibor réussit une merveille de centre pour son capitaine qui, malgré la défense d’Ivica Horvat, réussit à dribbler un Beara qui est sorti avant de marquer. La Hongrie a enfin réussie à ouvrir le score.

Il ne reste que deux minutes à jouer quand József Zakariás tire un corner. Puskas remets de la tête et le ballon finit dans les pieds de Czibor. L’ailier, intenable tout le match, ne voit personne à qui passer et tente sa chance à 16 mètres, trompant Beara d’une frappe puissante.

2-0 score final, la Hongrie a dominée de la tête et des épaules le tournoi olympique et grave son nom dans la grande histoire du football.

L’impression est si forte que la presse étrangère s’avère plus extatique que la presse locale. Selon un journal yougoslave, « les footballeurs hongrois ont fait preuve d’un niveau de jeu jamais atteint auparavant. En particulier, le jeu collectif et l’excellente technique des joueurs ont été frappants. Ils méritaient vraiment le titre de champion olympique. » Un journal allemand écrit lui : « Les joueurs hongrois sont des magiciens du football. Ils aiment le ballon comme des enfants dans une cour de récréation. Puskás est le point de convergence de tous les fils. Il dirige et guide l’équipe sur le chemin de la victoire avec une aisance que nous n’avons jamais vue auparavant. »

Pour l’ancien sélectionneur de la Squadra Azzurra, Vittorio Pozzo, c’est la meilleure équipe qu’il n’ait vu depuis la guerre. Stanley Rous, secrétaire général de la Football Association, déclare lui : « L’équipe hongroise est brillante. Je ne pense pas que l’équipe nationale anglaise puisse rivaliser avec elle. » Comme une prédiction des deux rencontres à venir, qui feront de l’Aranycsapat le nouveau maître du monde footballistique, humiliant les très sûrs d’eux inventeurs du football anglais.

L’invincibilité des joueurs de Gusztáv Sebes continuera pendant encore deux longues années après ça, ne faisant que trois matchs nuls et remportant quatorze matchs jusqu’au 4 juillet 1954, lors d’un terrible après-midi de finale de Coupe du monde.

La suite est connue, le Onze d’or continuera sa domination, sans jamais retrouver cette même aura presque surhumaine qui la caractérisait pendant la première partie de la décennie. Trois défaites sur l’année civile 1956, couplée à l’Insurrection de Budapest en fin d’année, mettent fin à l’âge d’or du football hongrois. János Kádár au pouvoir, jamais plus les Magyars ne seront une telle force dans le monde du football, 1952 restera à jamais le pinacle du football des Magyarok.

25 réflexions sur « Jeux Olympiques 1952 – L’Aranycsapat au sommet de son art »

  1. Mon équipe préférée, avec mon joueur préféré… Quand tu mates les finales de c1 1962 et 64, tu remarques que Puskas a mieux vieilli que Di Stefano. Alors qu’ils ont le même âge.
    Poste et activité différente evidemment mais Alfredo n’a plus ce coup de rein qui lui permettait d’éliminer. Ferenc conserve lui l’aisance technique et cette frappe de balle exceptionnelle. J’ose pas imaginer avec un ballon moins lourd..
    En 64, à 37 ans, il chiffre 21 buts en 24 matchs de Liga. Et même en 66, pour sa dernière saison à Madrid, c’est 10 buts en 14 rencontres. A presque 40 ans. Je vois pas de meilleur avant-centre en Europe.

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    1. Dernière mafia mémorielle d’autorité en date : https://www.iffhs.com/posts/1121

      Je vous laisse deviner quel est le joueur européen du siècle désigné par cette association d’imbéciles 2.0.. 😉 (NB : à juger de l’exclusif argument +/- objectivable avancé pour en justifier le choix, c’est alors..Arie Haan qui eût dû être consacré)

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    2. Le chouchou de Kopa également.
      Pichichi à 36 et 37 ans aussi, excusez du peu.
      23 anneés de carrière, c’est insensé.
      Peut-être que ses 18 mois de suspensions lui ont permis d’acquérir un second souffle, une nouvelle jeunesse, qui sait ?
      « Il avait une main à la place du pied gauche », disait de lui Di Stéfano
      et Pelé a dit un jour de Puskas: «Aucun attaquant n’est venu au monde avec une jambe gauche aussi merveilleuse que la sienne».
      Après 59 ans, son record du plus vieux joueur à avoir disputé un match avec le Real, va tomber courant octobre, quand Luka Modric va faire son entrée. Espèrons que l’évènement mondial se produira au Bernabéu pour avoir droit à une standing ovation. Pour peu qu’il marque ce jour-là, je vous raconte pas le délire !
      PdF pourra-t-il envoyer (tous frais payés) un grand témoin pour « couvrir » la chose ?

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      1. Je fus longtemps très sportif, sec à en faire peur même, pas un gramme de graisse..puis monté abruptement à 100 kilos, du gras du bide à ne savoir qu’en faire……. ==> Je peux te dire que perdre 5 kilos, désormais : c’est une victoire en CE pour moi!………..alors, ré-émarger à la crème de la crème mondiale comme ce type fit, à plus de 30 ans, de surcroît en devant digérer l’exil, la langue aussi, la culture…..?? Je ne puis voir cela que comme quelque chose d’absolument phénoménal, hors-normes, titanesque……….et à dire vrai c’est unique, même le retour en forme de Diego..

        Même sans ces contingences le gaillard me paraîtrait au-dessus de la mêlée en Europe, mais à considérer de surcroît cela..

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      2. Tu écris l’article d’abord et le comité des fêtes se réunira pour décider si tu peux être notre envoyé spécial.

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      3. Je tiens à ce qu’on le filme pendant qu’il l’écrit!, pour les beaux yeux de son Real, il est capable de recourir à un nègre ou à Chatgpt.

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  2. Italiens pas remis de Superga, sais pas.. L’idéal serait d’en avoir vu les matchs et ce n’est pas mon cas (quelqu’un ici??), cependant, les chiffres et les line-ups sont là : la Squadra pré-Superga se prend de sacrées roustes des oeuvres de l’Autriche (away) et de l’Angleterre (home), reçoit plus qu’elle ne se déplace (à une époque où est capital de jouer à domicile), d’une part…….et, d’autre part, celle immédiatement post-Superga sort encore des résultats remarquables (mais de complaisance?? qui sait) face à des cadors au complet (Hongrie et Autriche), bref?

    Cette défaite 3-0 en 52, je croirais intuitivement plus volontiers qu’elle dit beaucoup de la supériorité du modèle hongrois, et plutôt moins voire rien de quelque contrecoup-Superga. Et puis surtout, ce que la Hongrie réalisa dans la première moitié des 50’s, plupart du temps d’ailleurs en déplacement, me paraît sans commune mesure avec ce que la Squadra avait obtenu la décennie d’avant.

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    1. Oui, on a déjà eu l’occasion de l’évoquer ici, même avec les joueurs du Toro, l’Italie ne domine plus comme dans les années 1930. Les résultats sont irréguliers, Pozzo a perdu la main et finit par être évincé après l’échec cuisant aux JO 1948.

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    2. Je viens de jeter un œil à la sélection italienne, ce ne sont que des espoirs, des étudiants n’ayant pas encore pleinement embrassé le professionnalisme. Boniperti est blessé et ne joue pas, Pandolfini est le seul joueur confirmé déjà présent en 1950 au Brésil et le gardien Bugatti fait une honnête carrière à Naples.Cette Nazionale ne jouait pas dans la même cour que la Hongrie.

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      1. Les Européens de l’Ouest n’alignaient pas leurs meilleurs joueurs lors des Jeux. Au contraire des équipes de l’Est…

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      2. Le foot était surtout réservé aux amateurs aux JO jusqu’à Los Angeles 1984 (de mémoire c’est l’argument que sort l’URSS pour justifier son boycott d’ailleurs). Ce que les joueurs de l’Est étaient officiellement (la blague).
        Les suédois eux même champions olympiques en 48 exigeaient l’amateurisme (de façade évidemment) pour jouer en sélection. D’ailleurs les stars du calcio (les Gre-No-Li du Milan, Hamrin) ont été évincé un temps avant d’être réintégrés pour le mondial 58 où la fédé a abandonné ces principes pour faire bonne figure à domicile.

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      3. Oui.
        Conséquence : les uns alignaient leurs meilleurs joueurs, les autres non.

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      4. On a longuement évoqué cet été les Bleus médaillés d’or de 1984, l’année où le foot olympique s’est ouvert aux pros. Sans le boycott de l’Est, que serait-il advenu ? La Yougoslavie, qui n’a pas suivi l’ordre de Moscou, était la favorite avec son équipe de l’Euro, ou presque, mais les Bleus l’ont battue à la régulière. L’URSS, pas mauvaise à la CM 1982, aurait eu son mot à dire. La RDA aussi, peut-être, et la Bulgarie sans aucun doute (on en reparlera dans les « grands duels » au mois de novembre). Mais c’est sans doute la Pologne qui était le meilleur des boycotteurs, les Bleus auraient eu du mal avec.

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  3. Tiens, Khiadia : dans les années d’émergence de cette Aranycsapat, y eut-il l’un ou l’autre matchs de référence, où principaux intéressés et/ou observateurs se dirent « là, il se passe un truc »? Et si oui, le(s)quel(s)?

    Ton article suggère la finale face aux Yougos, mais? Ou serait-ce peut-être à compter de l’intronisation de Hidegkuti (en lieu et place de Palotas, il me semble)?

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      1. J’aurais effectivement du mal à placer cette bascule.

        Je pense que la victoire en 52 (alors que les favoris sont les Yougos et les Soviets) est déjà un premier palier passé mais c’est réellement la victoire à Wembley qui impose la Hongrie comme la nation toute-puissante du football mondial, l’aura anglaise étant brisée, fracassée par cette humiliation.

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      1. Si Palotas et Hidegkuti sont bien rivaux pour le poste d’attaquant en retrait avec la sélection, ça me semble différent en club où les deux cohabitent et je vois plutôt Palotas être le buteur « principal » avec Hidegkuti plus en retrait, puisque c’est Marton Bukovi, ancien de Sète d’ailleurs, qui est alors coach du MTK et qui impose le 4-2-4 dans lequel la paire Hidegkuti/Palotas servent de pointes alors que Karoly Sandor sur l’aile droite est le dynamiteur et le passeur clé de l’équipe.

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    1. Palotas et Hidegkuti sont coéquipiers au MTK et rivaux pour le poste d’avant-centre en sélection. Je ne sais pas exactement comment Bukovi les faisait joueur en club, car il semble avoir été tous les deux des avants-centres en retrait. En sélection, Hidegkuti ne devient incontournable qu’après son triplé à Wembley. Comment se passer d’un mec qui marque 3 buts dans le Temple du Football ?

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