Hradec Králové, jamais sans ses « sucettes »

Elément iconique du stade de Hradec Králové, les projecteurs ont pourtant failli disparaître.

En 1972, tout semble aller pour le mieux à Hradec Králové. Le club local, fondé en 1905 sous l’appellation SK Hradec Králové et renommé en 1956 Spartak Hradec Králové, vient de remporter la deuxième division tchécoslovaque et de s’offrir un retour dans l’élite pour la première fois depuis 1967.

Cette année-là, la Ligue de football tchécoslovaque ordonne l’installation de projecteurs pour éclairer les stades de première et deuxième divisions et ainsi permettre l’organisation de matchs en nocturne. Les stades des plus grands clubs en sont déjà équipés. A Brno, par exemple, l’installation a eu lieu en 1970. Une équipe d’ingénieurs se réunit donc pour réaliser le projet d’éclairage artificiel du stade multifonctions de Hradec Králové. Celui-ci a été ouvert en 1960 après plusieurs années de construction, notamment à l’aide de la population locale lors des akce Z, ces heures pendant lesquelles l’ensemble des citoyens de Tchécoslovaquie devaient participer bénévolement aux chantiers que l’Etat ne parvenait pas à financer ou à conclure dans les délais.

Une architecture unique

L’architecte local Miloš Morávek travaille avec son équipe pour la réalisation du projet. « Je me suis inspiré du soleil », expliquera-t-il des années plus tard pour justifier la forme ronde qu’il a choisie. « J’ai voulu créer quelque chose d’unique. » Le résultat ? Des projecteurs ronds, installés sur des mâts de béton de 55 mètres de long et 10 mètres de diamètre, pesant chacun 45 tonnes. Ces projecteurs au style unique au monde ont par la suite été surnommés « sucettes » et ont donné au stade de Hradec Králové une renommée inespérée.

Il faudra toutefois attendre un peu pour que les projecteurs soient installés au-dessus des tribunes. Elles sont mises en place en 1975, alors que le Spartak, qui a quitté la première division après une seule saison, est en train de descendre en troisième division, où il restera pendant deux ans. Qu’à cela ne tienne. Les « sucettes » sont là et elles inspirent les architectes du stade de Trenčín, en Slovaquie, au grand dam de Miloš Morávek, qui aurait aimé voir son œuvre rester totalement unique. Mais le vrai combat de l’architecte a lieu bien plus tard, alors que le stade multifonctions de Hradec Králové doit être rénové.

Sauvez les sucettes !

De l’eau a coulé sous les ponts. Le régime communiste a disparu, la Tchécoslovaquie aussi. Le Spartak Hradec Králové a repris son nom du SK Hradec Králové en 1994 et, en 2005, les Votroci ont même renommé leur club en FC Hradec Králové. Mais en 2011, le stade est considéré comme vétuste et une décision de justice ordonne sa démolition intégrale, pour qu’une nouvelle enceinte puisse voir le jour. Les quatre tribunes doivent tomber, donc, et avec elles les quatre mâts géants qui supportent les projecteurs, et ce alors qu’ils sont indépendants des tribunes et situés quelques mètres en arrière par rapport au terrain de jeu.

L’ancien aspect du stade de Hradec Králové

En parallèle, un nouveau projet architectural voit le jour. Il comprend un nouveau stade, mais aussi la redynamisation du quartier, avec notamment un centre commercial aux abords de l’enceinte, qui doit voir le jour en 2016. La Ville lance un appel à projets pour son nouvel écrin et estime qu’il sera possible de le construire pour environ 300 millions de couronnes (un peu plus de 12 millions d’euros), mais la situation se complique. Les recours judiciaires pour la sauvegarde des « sucettes » se multiplient, mobilisant une large part de l’opinion publique locale qui, comme les supporters du club, estime que ces projecteurs font partie des joyaux architecturaux de la ville, au même titre que sa cathédrale, sa Tour Blanche et sa Vieille Ville.

Rénover, mais pas à n’importe quel prix

Les investisseurs, de leur côté, ne se bousculent pas au portillon. Et quand ils le font, c’est en dépassant le budget de 605 millions de couronnes (environ 24,5 millions d’euros) prévu par la mairie. Au troisième appel à projets, un plan de construction de nouveau stade est adopté par le conseil municipal, malgré un coût prévisionnel de 740 millions de couronnes (près de 30 millions d’euros). Un dépassement budgétaire qui fait grincer des dents.

Pour la mairie, la situation devient complexe. Nous sommes déjà en 2019, l’ancien stade est plus que vétuste, le nouveau stade pas encore sorti des cartons, et la question des « sucettes » n’est pas vraiment réglée. Personne ne se satisfait des nouvelles propositions et le vieux stade semble parti pour durer encore longtemps, d’autant plus que le projet retenu comporte une faille de taille : outre des loges VIP démesurées pour la taille du stade et le niveau du club, les promoteurs du projet ont omis d’expliquer comment l’enceinte pourrait être utilisée hors football. Car le nouvel écrin doit être multifonctions et permettre l’organisation d’événements culturels, notamment des concerts. Tout doit donc être remis à plat. Nous sommes en 2019 et le stade aurait dû être modernisé depuis longtemps.

La lumière au bout du tunnel

Le projet est revu et presque entièrement corrigé. 2016 est loin dans le rétro. Pendant ce temps, les Votroci ont fait l’ascenseur entre la première et la deuxième division et peinent à se stabiliser. Le club milite depuis plusieurs années pour une rénovation du stade tribune par tribune afin de ne pas devoir déménager, sans succès. Et puis, en 2020, la nouvelle tombe enfin : un nouveau stade verra bien le jour. Il pourra être utilisé pour des concerts et sera équipé des incontournable « sucettes », dont le combat judiciaire avait fini par passer au second plan, écrasé par les problèmes budgétaires.

Les premiers coups de pioche de ce chantier de 763 millions de couronnes (30,8 millions d’euros) ont lieu en 2021, 10 après que les « sucettes » ont failli être rayées du cadastre. Elles sont finalement démontées, rénovées et rebâties, trônant au-dessus des 9300 places de la Malšovická aréna flambante neuve. Elles se sont même un peu rapprochées du terrain, comme pour mieux veiller les Votroci sur le pré.

12 réflexions sur « Hradec Králové, jamais sans ses « sucettes » »

  1. C’est vrai qu’ils sont beaux. Et ils apportent une vraie plus-value à cette nouvelle enceinte, ils ont bien fait de les conserver, le stade y gagne une signature certaine.

    C’est un chouette sujet, les pylônes d’éclairage. Perso, un faible pour ceux de Leeds, Elland Road. Avec leur forme en diamants.

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    1. Franchement je ne trouve pas les pylônes de Hradec Králové beaux. Mais ils sont uniques (enfin presque, puisque l’idée a été piquée en Slovaquie) et ça leur donne un cachet assez sympa. C’est chouette qu’ils aient été conservés, ils donnent au stade un caractère spécial et lui évitent d’être une énième enceinte moderne impersonnelle (surtout avec les sièges blancs et gris clair, il y a les mêmes à Amiens et Bordeaux…).

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    1. Y avait le plus grand stade du monde tout un temps, ou pas bien loin (a priori c’est à Pyong-Yang désormais)….. Sais même plus comment il s’appelait, curieux de savoir ce qu’il en est advenu.

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      1. Et à côté de ce stade gargantuesque, sur les hauteurs de la ville : il y en avait un autre, doté de pylônes là encore assez phénoménaux.

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      2. Le plus grand stade, situé sur la colline, c’est Strahov. Mais il n’a pas vraiment été utilisé pour du foot, il servait pour les spartakiades, des rassemblements de gymnastique.
        Il sert de terrain d’entraînement au Sparta. Il y a un projet de construction d’un nouveau stade à la place, avec une capacité de 30 000 places, qui servirait à la fois au Sparta (dont le stade est un peu vétuste, un peu petit (18 000 places), et impossible à agrandir/modifier) et pour la sélection nationale. Vu la vitesse à laquelle ce genre de choses se décident, on peut en reparler en 2030 pour voir si c’est toujours viable.

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    2. Malheureusement je n’ai pas pu en tester beaucoup pour le moment. J’aimais beaucoup Bazaly, l’ancien stade du Baník, avec sa tribune populaire littéralement creusée dans la colline.
      Les stades du Slavia et du Sparta sont bien conçus, celui des Bohemians est en plein cœur de la ville et a une atmosphère chaleureuse. Chez les Bohemians et le Vitkoria Žižkov tu peux voir le terrain depuis les immeubles alentour (à Žižkov ils ont récemment construit des nouveaux immeubles, certains ont le balcon qui donne au-dessus du terrain, même pas de rue à traverser, un tir mal ajusté et c’est le double vitrage qui prend). Le Sparta est lui aussi encastré dans la ville mais les immeubles alentour se tapent juste le bruit des supporters, sans rien voir car les tribunes sont trop hautes.
      Teplice a un super stade, bien visible depuis l’autoroute, mais comme ils ont une équipe pourrie, ça ne sert pas à grand-chose.
      Ce qui est sympa c’est que des clubs plus petits comme Hradec Králové ou Karviná ont rénové leurs stades (c’était moins douloureux à Karviná, ils ont juste donné un coup de frais mais laissé la structure en place) et ça donne un rendu moderne mais pas démesuré par rapport à la taille du club.
      Par contre Brno, Dukla Prague, Olomouc… des stades assez nuls, mal conçus, sans ambiance.

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    1. Le gros projet du moment c’est la réhabilitation potentiel de Strahov. A part ça, rien, mais ça va être un tel chantier qu’on va en entendre parler un moment.
      Le but derrière c’est que Prague puisse accueillir des finales européennes et pour ça il faut une capacité supérieure à ce qui est proposé dans les différents stades (18 000 au Sparta, 19 000 au Slavia). Le bon côté c’est qu’il n’y a pas de stade démesuré comme en Pologne, où les affluences en championnat sont faibles par rapport aux capacités.

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  2. Bon eh bien scoop ! Il y a 1 heure, le maire d’Ostrava a annoncé qu’un nouveau stade serait construit pour le Baník Ostrava sur le site de Bazaly, à la place du stade existant (qui est l’ancien stade du club mais a été rénové et sert de stade pour la réserve).
    Ils prévoient le budget utilisé à Hradec Králové pour construire un stade qui devrait avoir une capacité de 17 000 places. Reste à voir les projets concrets proposés par les promoteurs. J’ai du mal à avoir l’intérêt économique pour la ville, en revanche le stade d’athlétisme actuel n’est vraiment pas top. Outre la piste, sa buvette est constamment submergée car sous-dimensionnée.
    On verra si ce projet de stade va au bout. Je suis sceptique car il y a déjà eu des visualisations théoriques pour des rénovations du stade Bazaly, mais qui se heurtaient à des problèmes d’accès au stade en termes de sécurité.

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      1. C’est un stade d’athlétisme, donc ils ont pensé la buvette pour un public un peu différent, probablement une affluence moindre, et surtout des comportements différents. En athlé tu te lèves un peu n’importe quand pour aller boire un coup, tandis qu’au foot tu as 15 minutes de rush intersidéral.
        La buvette de ce stade est super mal conçue (j’ai jamais pu être servi pendant la mi-temps et je ne connais personne qui a réussi cet exploit) et la dernière fois que j’y étais, les employés étaient super mal organisés (pas de leur faute, mal préparés par le management), ils perdaient énormément de temps pour chaque chose.
        A une époque où on vend « l’expérience consommateur » avant tout, là c’est un rebutoir total.

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