Gustau Biosca, séduction et désillusions

Retour sur la vie d’un des plus grands défenseurs du Barça

La scène se déroule une nuit de novembre 1970. Les bourrasques semblent vouloir tout arracher et les cieux se déversent en continu, traditionnel déluge automnal sur la Galice offerte aux tempêtes atlantiques. Un homme seul marche au hasard le long de routes désertes, indifférent aux éléments. Il vient des thermes de Cuntis, à proximité de Pontevedra. Qui sait depuis quand dure son errance ? Plusieurs heures sans doute, le temps que les joueurs du Pontevedra CF s’aperçoivent de la disparition de leur entraîneur. Deux d’entre eux le retrouvent, l’extraient à ce qui n’est rien d’autre que le début d’un repentir solitaire et le mènent jusqu’à l’hôtel de la station thermale où séjourne le petit club galicien après une triste défaite dominicale. Cette nuit sans rêve ni larme, une force intérieure vient d’intimer l’ordre à Gustavo Biosca de changer de vie.

Gustau et Lola

Gustau Biosca (Gustavo à l’époque, les prénoms catalans sont interdits par le pouvoir), faut-il le mentionner ? est l’immense défenseur du Barça des années 1950, un des premiers à privilégier l’anticipation aux traditionnels combats rapprochés qu’imposent alors les massifs gardes du corps. Quand on évoque le Barça de las cinco Copas, celui qui réalise la saison parfaite en 1952 sous les ordres de Ferdinand Daučik, on cite toujours César, Kubala et Biosca, parce que ces trois-là sont déjà inséparables.

Biosca est connu pour son esthétique qui plait aux aficionados et aux femmes, à Lola Flores en particulier, chanteuse andalouse et danseuse de flamenco immensément populaire surnommée la Faraona. Affranchie des carcans moraux de l’Espagne ultra catholique, Lola s’éprend de ce grand brun au regard clair rebaptisé Gitano par Kubala. Cachée derrière de grosses lunettes noires et de larges chapeaux, elle assiste discrètement aux rencontres du Barça ou de l’Espagne avant de retrouver son amant dans le cadre prosaïque d’une chambre d’hôtel ou dans la cellule de Biosca lors des rassemblements de la Roja, péché d’autant plus délectable qu’il exhale un parfum de transgression. Lola se rend-elle compte qu’il garde une forme de distance, quelque chose de vague au fond des yeux, un mélange de désir dévorant et de sincérité douteuse ? Effrayé par l’appétit de sa maîtresse, Biosca choisit sa fiancée de toujours et rompt avec Lola en 1953 à l’occasion d’une fête, comme s’il s’agissait d’une dernière danse avec l’interprète principale de « La danza de los deseos » (« la danse des désirs ») que l’on célèbre ce soir-là.

La Faraona

Biosca a 25 ans et sa carrière de footballeur est déjà derrière lui ou presque. Les blessures succèdent aux blessures et s’il intéresse encore les chroniqueurs, ce sont ceux des rubriques mondaines. Avec César et surtout Laszy Kubala, guide et protecteur, il écume les clubs à la mode, la Bodega Bohemia à Barcelone ou el Museo Chicote à Madrid, côtoyant toute la faune nocturne du moment dont des étoiles d’Hollywood fascinées par l’Espagne fière et miséreuse où se mêlent le profane et le sacré.

Ces nuits sans fin où il est question de paris, de défis et d’amitiés viriles servent d’exutoire à sa mélancolie. Avec Kubala, Gitano Biosca se sent fort, il oublie ses jambes douloureuses dans un monde artificiel et espère retrouver la grâce de ses débuts jusqu’à la blessure de trop au printemps 1958, celle qui l’oblige à quitter les blaugranas à 30 ans seulement.

Entraîneur par défaut

Il tente un dernier baroud avec Condal en Segunda División, en vain. En février 1962, quand tout est fini depuis longtemps déjà, le Barça entrainé par Kubala organise une rencontre en son honneur contre Peñarol, récent vainqueur de la Copa Intercontinental (hommage partagé avec Gonzalvo III, autre héros des cinco Copas) . Sur les photos immortalisant l’événement, Mariano Gonzalvo sourit alors que Gitano est ailleurs, gravure de mode sévère engoncée dans son luxueux manteau de laine et troublé par la présence de Sara Montiel, la nouvelle diva du cinéma espagnol conviée pour la sortie de « La bella Lola », comme si une Faraona rajeunie s’était invitée pour rappeler les jours heureux à son ancien amant.

Marié et père de quatre enfants, Biosca sombre peu à peu, incapable de s’inventer un avenir. Comme tant de joueurs avant lui, il embrasse la carrière d’entraîneur parce qu’il ne connaît rien d’autre que le football. Il se lance modestement avec Igualada, près de chez lui, en dilettante pourrait-on dire, avant de prendre en 1968 la responsabilité de Badalona en Tercera División. L’expérience ne dure que trois mois. Tout le monde sait que ce sont César, en échec au Betis, et Kubala, de retour des Falcons de Toronto, qui dirigent les séances d’entraînement. Sur quels critères le président Celso Mariño décide-t-il de lui confier le Pontevedra CF ? Cela demeure un mystère.

La rédemption

C’est là-bas, au cours d’une tempête du bout du monde, après son premier match et une défaite à domicile face à Sant Andreu, qu’il troque une foi jusqu’alors hésitante pour une religiosité profonde. Seul à plus de 1000 kilomètres de Barcelone, il prend conscience de son égoïsme, de la vacuité de son existence et de sa déchéance physique. Du jour au lendemain il renonce aux paradis artificiels, aux amitiés de circonstance et se consacre aux siens, sa famille, ses intimes et ses joueurs auxquels il donne sans compter ses maigres acquis.

Kubala et Biosca.

Pontevedra se maintient avec Biosca et malgré un talent tout relatif, il parvient à construire une carrière de coach en Segunda División. Et quand les propositions se font rares, Kubala devenu sélectionneur de la Roja lui tend encore une fois la main et en fait le responsable des Espoirs puis son second lors de la Coupe du monde 1978.

Lola Flores et César s’éteignent en 1995, puis c’est au tour de Kubala en 2002. À sa mort, Biosca se remémore ses propos et ce pari perdu par Laszy : « tu mourras le premier, Gitano, parce que je suis le plus fort ». Dernier survivant du Barça des cinco Copas, Gustau Biosca disparaît en 2014.

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50 réflexions sur « Gustau Biosca, séduction et désillusions »

  1. Fort bel article.
    A propos de Sara Montiel, on peut apprécier ses talents (modestes) d’actrice dans trois films américains:
    Vera Cruz de Robert Aldrich avec Cooper et Lancaster
    Le jugement des flêches de Samuel Fuller avec Rod Steiger
    et Serenade d’ Anthony Mann avec Mario Lanza et Joan Fontaine

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      1. Une bombe a(na)tomique (vous l’avez ? vous l’avez ?) ! Mais qu’a mal vieilli (comme une autre célèbre actrice hollywoodienne, m’objectera Fred…). Elle picolait ?

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  2. Ces articles qui surgissent au beau milieu de la nuit
    C’est n’importe quoi
    Tout le monde sait que le meilleur défenseur du Barça, All Time, est Gerard Piqué
    Parce que Waka waka, tout çà
    Joli effort @Verano, tout de même
    😉

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  3. Pour tous ceux qui s’inquiètent du devenir de la Faraona après que Biosca ait rompu, sachez qu’elle jette son dévolu sur le malheureux Gerardo Coque de l’Atlético dont elle ruine la carrière par son avidité sexuelle et sa tyrannie 🙂

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  4. quelle belle écriture toujours empreinte de mélancolie sieur Verano magnifique article remplis de tristitude (comme chante Oldelaf^^)une vie à la George Best quelque part mais avec la religion en plus qui semble le sauver des profondeurs !
    merci encore ce site devient un dictionnaire de la culture je dirais même que le foot n’est qu’un prétexte pour instruire son prochain^^

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  5. Je viens de découvrir une chanson consacrée au Barça 1952 datant de 1980. Par Sarrat. Pas trop mon style…

    https://youtu.be/_KHvrJM1uJQ

    Temps era temps
    Que vam sortir de l’ou
    Amb l’or a Moscú
    La pau al coll, la flota al moll
    I la llengua al cul
    Amb els símbols arraconats
    L’aigua a la font
    Les restriccions
    I l’home del sac
    Temps era temps
    Que més que bons o dolents
    Eren els nostres i han estat els únics
    Temps d’estraperlo i tramvies
    Farinetes per sopar
    I comuna i galliner a la galeria
    Temps d’Una, Grande y Libre
    Metro Goldwyn Mayer
    Lo toma o lo deja
    Gomas y lavajes
    Quintero, León i Quiroga
    Panellets i penellons
    Basora, César, Kubala, Moreno i Manchón
    Temps era temps
    Que d’hora i malament
    Ho vam saber tot
    Qui eren els reis
    D’on vénen els nens
    I què menja el llop
    Tot barrejat amb el Palé
    I la Formación del Espíritu Nacional
    I els primers divendres de mes
    Senyora Francis, m’entén?
    Amb aquests coneixements
    Què es podia esperar de nosaltres?
    Si encara no saben, senyora
    Què serem quan siguem grans
    Els fills d’un temps
    Els fills d’un país orfe
    Fills d’Una, Grande y Libre
    Metro Goldwyn Mayer
    Lo toma o lo deja
    Gomas y lavajes
    Quintero, León i Quiroga
    Panellets i penellons
    Basora, César, Kubala, Moreno i Manchón
    Temps era temps
    Temps era temps
    Temps era temps

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      1. Oui, pas vraiment un rôle de composition. Elle a quand même eu son Oscar pour Ça , ce qui nous donne un indice sur la compétence et la légitimité des votants. Au moins dans « Le Ring » de Wagner il y a 15 heures de musique mais un seul…Wotan !

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      2. Liz n’a eu qu’un seul Oscar ? Quelle honte !
        Bien la preuve que c’est de la merde…
        Moi, je lui en aurais donné un pour chacun de ses films.
        Oh ! oui, oh ! oui, oh ! oui.

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  6. Vous savez quoi ?
    Vous donnez tellement envie de publier un article, et se mettre au diapason de ce site
    Je savais pas trop sur quoi me lancer, mais je pense avoir une idée

    Bon, maintenant que j’ai annoncé, va falloir que je me mette au niveau, en organisant bien mes idées, et en essayant de proposer une narration digne de vous …
    Laissez moi juste un peu de temps ^^

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      1. C’est toi Verano, qui m’a inspiré l’idée, en parlant de Koeman, en amont
        Mais cela n’aura rien à voir (un tout ptit peu quand même), j’espère proposer quelque chose d’insolite
        Merci pour les encouragements !

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      2. Plus on est de fous, plus on apprend.. Fais-toi et nous plaisir, le reste viendra tout seul.

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  7. J’ai une idée d’article démentiel. Il faut que je l’écrive dans ma tête pour pouvoir le recopier ensuite.
    En revanche, j’ai du mal à rédiger des notices biographiques d’un top 50 qui ne fassent pas wikipédiesques.

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    1. Top 10 Napoli, vite fait, en espérant ne pas avoir commis d’oubli grossier (Vojak, Mihalich, Jeppson, Sívori, Cavani, Hamsik pourrait prétendre à des places d’honneur)

      10- Careca
      9- Dino Zoff
      8- Ciro Ferrara
      7- Pietro Ferraris
      6- Antonio Juliano
      5- José Altafini
      4- Bruno Pesaola
      3- Luís Vinicío
      2- Attila Sallustro
      1- Diego, évidemment

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      1. Merci @ Verano mais je voulais dire à sindelar que par exemple Maradona ne mérite pas le top 10 du barca mais de napoli ce qui évidemment n’en élève rien à sa qualité de joueur ( un ses 5 plus grands) , pareil pour Simonszn top 10 m’glabach pas barca
        Mais je vais lire avec curiosité et attzntion ta liste

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      2. Oui, oui mais j’ai eu envie de faire mon top 10 Napoli 😉
        Me demande pas celui de M’Gladbach, j’en suis incapable (je mets Bonhof en 1).

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  8. Ai enfin lu !
    Sacrée intro mystique ! C’est quoi, les thermes de Cuntis ? Des vestiges romains ou un établissement à la mode ?
    En parlant d’établissement à la mode, Chicote c’était le rade d’Hemingway lorsqu’il traînait ses guêtres à Madrid (années 20-30). Portait-il d’ailleurs des guêtres, ce brave homme, tel un vulgaire Al Capone ? J’en doute !

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