Le vainqueur de l’Italie
« S’il n’était mort il ferait encore envie »
Epitaphe de Jacques II de Chabannes, seigneur de La Palice, vers 1530.
17 mars 1912, à Turin. Sur la Piazza d’Armi, plus de 6000 spectateurs se pressent dans le stade du Torino FC. Le « public, non point hostile, mais certainement chauvin », est venu en nombre pour assister au match opposant l’Italie à la France. Les tensions internationales récentes expliquent sans doute cette ambiance : depuis l’automne dernier, les armées italiennes ont envahi la Libye sous autorité turque et, en janvier 1912, la marine de guerre italienne a arraisonné coup sur coup trois navires battant pavillon français – le Manouba, le Carthage et le Tavignano – car elle les soupçonnait de contrebande de guerre avec les armées turques en Libye.
Pour ce troisième France-Italie de l’histoire, l’équipe de France dispose de quelques certitudes puisqu’elle reste sur une série inédite de trois matchs sans défaite (victoires contre le Luxembourg et la Suisse, match nul contre la Belgique). De ce fait, le Comité français interfédéral (CFI) aligne presque la même équipe que celle qui a triomphé de la Suisse à Saint-Ouen un mois plus tôt (4-1) : dans les buts, le jeune Pierre Chayriguès (19 ans) ; au milieu, le demi-centre (et futur sélectionneur de l’équipe de France) Gaston Barreau est assisté de Jean Ducret et Maurice Bigué ; les avants Henri Viallemonteil et Louis Mesnier sont reconduits ; les ailes sont occupées par Etienne Jourde et le puceau Fernand Faroux.
Deux incertitudes planent cependant. La première concerne la défense où le « formidable tandem » formé par Charles Bilot et Alfred Gindrat ne peut être reconduit ; ils sont remplacés par Emile Fiévet et Paul Romano. La deuxième incertitude porte sur la présence du dernier attaquant : l’avant-centre Eugène Maës, vedette offensive du Red Star et de l’équipe de France (six buts en sept sélections, dont un doublé contre l’Italie à Saint-Ouen en 1911), est alors requis à Caen par ses obligations militaires. Pour le libérer et lui obtenir une permission de trois jours, il a fallu que le CFI intervienne directement auprès du ministère de la Guerre. Mais il est alors trop tard pour que le jeune homme (21 ans) prenne le train du vendredi 15 mars 1912 partant à 10 h 20 de la gare de Lyon. Il ne pourra prendre que celui du lendemain, 14 heures. Ce qui le fera arriver (si tout va bien !) à Turin à 5 heures du matin le dimanche 17 mars, jour du match.
Lorsque les 22 acteurs pénètrent sur la pelouse du Torino, à 15 heures, l’incertitude concernant la présence de Maës est levée. Peut-on croire à une victoire des Français ? Robert Desmarets, journaliste à L’Auto, est sceptique : « Cela m’est pénible à dire, mais je crains que le palmarès international 1911-1912, vierge de toute défaite, ne soit souillé demain. Il n’y aura pas, je crois, un grand écart de buts, et si Maës joue, je crois au match nul » (16 mars 1912).
Les Français, et surtout Maës, vont lui donner tort. Si, dans L’Auto du 18 mars 1912, Robert Desmarets écrit que « notre excellent petit Chayriguès fut le héros du match », il n’oublie pas Maës et proclame même qu’il « a fait hier une des plus grandes parties de sa carrière. » L’attaquant français a effectivement marqué trois buts, permettant aux Français de l’emporter 4 à 3.
25 ans plus tard, dans Ce soir du 4 décembre 1937, Maës revenait sur ce match mémorable. Et ses souvenirs, peut-être imprécis, valent mieux que tous les comptes rendus, même les plus fidèles : « Le match commence. Peu après le coup d’envoi, l’Italie marque un but, mais bientôt, j’égalise d’un ras de terre. Les Italiens marquent un deuxième but. A ce moment, le public envahit le terrain, les joueurs sont portés en triomphe, on embrasse l’auteur du but. Enfin les spectateurs regagnent leur place et le match reprend. Une superbe ouverture de Ducret, qui jouait demi centre me parvient. J’égalise de nouveau. Silence complet sur le stade. Puis la mi-temps survient. Pierrot Chayriguès s’en voulait de s’être laissé marquer deux buts et Fiévet eut une belle réponse qui nous donna à tous confiance : – Faroppa (le goal italien) ramassera plus souvent la balle dans ses filets que toi, car je crois que Maës a mangé du lion aujourd’hui. Les Italiens marquent un troisième but. Les coussins volent et le match est encore arrêté pour que le terrain soit déblayé. Vers la trentième minute, un long dégagement de Fiévet me parvint et malgré la surveillance étroite de Milano, le demi centre italien, je marque de la tête. Le public ne dit rien et quelques minutes avant la fin, après une ouverture de Ducret, sur l’ailier droit, celui-ci centre. Je réceptionne la balle, mais gêné dans mon choc, je passe en retrait à Mesnier qui des 20 mètres passe magnifiquement Faroppa. La fin survient, nous avions gagné. De joie, Bob Desmaret allait bientôt étouffer Chayriguès de ses embrassades. Mais, après le match, plus d’auto. On nous laisse seuls. Nous regagnons notre hôtel à pied, portant notre camarade Ducret, qui avait été blessé peu avant le coup de sifflet final. Et voilà la première victoire de l’équipe de France contre l’Italie. »
A Caen, la piscine porte le nom d’Eugène Maës
« Quand on s’promène au bord de l’eau
Jean Gabin, Quand on s’promène au bord de l’eau, 1936.
Comme tout est beau
Quel renouveau »
Faisons un nouveau saut dans le temps et dans l’espace. Quittons l’année 1912 et Turin, et transportons-nous de nos jours sur les bords de l’Orne. « En plein cœur du centre-ville de Caen », à quelques encablures de l’Abbaye-aux-Hommes et du château des ducs de Normandie, se trouve la principale piscine municipale de la ville. Créée en 1966, rénovée entre mai 2014 et janvier 2016, elle porte – depuis une décision du conseil municipal du 24 février 2014 – le nom de stade nautique Eugène-Maës. Qu’est-ce qui a pu conduire le conseil municipal à choisir, pour une piscine, le nom d’un ancien footballeur international ?
Pour comprendre, il faut remonter le temps jusqu’au 2 août 1914 : c’est le début de la mobilisation générale en France. Maës, 23 ans, rejoint alors son régiment stationné à Caen. Puis il connaît, comme des millions d’autres jeunes hommes, l’épreuve du feu. Ces premières semaines de combat sont particulièrement meurtrières : en deux mois (août et septembre 1914), près de 200 000 Français meurent sur le champ de bataille.
Maës est rapidement blessé. Dans l’hebdomadaire Sporting du 22 octobre 1914, il témoigne : « J’ai reçu la visite d’une balle qui m’a perforé de part en part et qui est ressortie plus vite qu’elle était entrée. Je mange et je fume comme si de rien n’était. » Le 8 mars 1916, on le retrouve en première page de Sporting, « photographié auprès de la mitrailleuse avec laquelle il fit de l’excellent travail lors de l’offensive de Champagne. »
De retour à Caen, toujours sous l’uniforme français, il se marie le 16 juillet 1918 avec Yvonne Berteaux. Maës devient ainsi le gendre de Marcel Berteaux, propriétaire d’une école de natation dans la ville. Démobilisé en 1919, l’ancien du Red Star se fixe alors dans l’Athènes normande où il multiplie les activités sportives : joueur et entraîneur du Stade Malherbe de Caen jusqu’en 1930, professeur de natation et directeur de l’école fondée par son beau-père. Encore en 1937, alors qu’il a 47 ans, il reste un sportif polyvalent. Il reçoit ainsi le journaliste de Ce soir « à son retour d’une partie de chasse, car notre compatriote n’a guère perdu de son activité et, si l’été il se donne tout à son établissement de bains, l’hiver, sa séance quotidienne d’escrime ne lui suffit pas. Il n’a d’autres ressources que d’arpenter la campagne de Caen à la recherche d’un « capicun », ce qui dans la langue du terroir est synonyme de lièvre » (4 décembre 1937).
Dans l’entre-deux-guerres, la grande occupation d’Eugène Maës est donc l’« établissement de bains » qu’il a hérité de son beau-père. C’est une piscine en pleine eau, un bassin dans l’Orne, quelques mètres en amont du pont de chemin de fer. Caen ne disposera d’une piscine en dur, couverte et chauffée, qu’en 1947 ; alors, à la belle saison, lorsque les Caennais veulent faire de la natation, ils se rendent « chez Maës ».
Face à la concurrence des piscines en pleine eau Jéhanne et Arion, Maës cherche à développer son commerce : il organise des compétitions, parfois spectaculaires (comme la traversée de Caen à la nage), il promeut les sports aquatiques à Caen et dans toute la Basse-Normandie, mais surtout il crée en 1928 une guinguette attenante à sa piscine. Désormais, on ne va plus « chez Maës » seulement pour nager, mais aussi pour s’amuser (toute l’année !).
Un homme sans sépulture
« Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel »
Jean Ferrat, Nuit et brouillard, 1963.
Délivrant en moyenne 300 brevets de natation par an, l’établissement d’Eugène Maës fonctionne pendant l’Occupation. Mais, le 21 juin 1943, Maës est arrêté pour « propos anti-Allemands et gaullistes ». Incarcéré à la prison de Caen, le sportif émérite est transféré à Compiègne le 15 août puis déporté à Buchenwald le 17 septembre. Transféré à Dora puis à Ellrich, il y décède « entre le 20 et le 30 mars 1945 » selon Maurice Aubert, rescapé de Dora. « Emmené par camion avec beaucoup d’autres camarades, il a été passé au four de Dora. »
Dès le 8 juin 1945, Ce soir dresse la nécrologie du footballeur : « Eugène Maës, celui qui fut considéré comme le meilleur avant-centre d’avant et d’après-guerre, onze fois international, « l’enfant chéri », avec Chayriguès, du public de Saint-Ouen, est mort à Buchenwald. C’est une grande figure du football français qui disparaît. Eugène n’avait pas son pareil pour placer de la tête une balle hors de portée des meilleurs portiers. Qui ne se souvient de cette sorte de déhanchement du centre avant du Red Star qui se permettait d’aller prendre, à cinquante centimètres du sol, un ballon qu’il vous envoyait en haut dans le coin des filets. Il possédait aussi un de ces shots « maison » qu’il n’employait qu’en de rares occasions, tant son adresse et sa précision lui permettaient de tromper le goal. Il fit une belle guerre en 14-18 et fut un exemple pour les jeunes par son cran et sa loyauté. »
Le docteur Jacques Récamier, ancien joueur du Patronage Olier, rend aussi un vibrant hommage à son ancien coéquipier. C’est en effet au Patronage Olier de l’abbé Simard de Pitray que Maës a débuté : « Eugène Maès [sic], du Patronage Olier puis du Red Star, déporté en Allemagne le 21 juin 1943, est mort de misère et d’épuisement à Ellrich-Buchenwald, après avoir été jusqu’au bout un exemple et un soutien moral pour ses compagnons. Maès ! Combien ont acclamé ce nom vers 1912 sur la touche des grands matches de football ! Souvenez-vous : un corner – devant les buts, les joueurs groupés – le coup de pied – le silence – puis brusquement, haut, très haut, surgissait une tête, des épaules, et la balle frappée du front avec autant de précision que de force, s’engouffrait dans un coin des filets ! Souplesse et puissance de l’effort, perfection élégante du geste, moment de pure beauté sportive ! Quelle volupté pour l’ailier que j’étais, de placer la balle à portée de la tête amie, d’attendre haletant, puis de crier victoire ! Que de buts, Maès, tu as marqué ainsi, pour le P.O., pour le Red Star, pour l’équipe de France ! Mais si Eugène Maès a été un des plus grands joueurs de football français, il est aussi un des types caractéristiques de nos patronages. Fils d’artisans du quartier, il a trouvé au P.O. ses premières chaussures de foot, ses premiers camarades de jeu, il y a trouvé aussi l’« Abbé », la Colonie, la Chapelle. A 18 ans devenu un grand joueur, il voulut la gloire sportive, quitta son patronage et pour un temps disparut de l’œuvre. Mais dix ans de vie au P.O. ne s’oublient pas ainsi ! La griserie passée, Eugène Maès, installé à Caen, marié, tous les vieux souvenirs se réveillèrent et passant par Paris, il revint au P.O., à la chapelle, s’agenouiller avec nous ; il se joignit au groupe d’anciens qui accompagna René du Roure jusqu’au Havre, quand notre premier capitaine partit pour l’Amérique ! Oh ! bien sûr, Maès, mon vieux camarade, tu n’as pas été un grand théologien, mais toute l’amitié que le P.O. t’avait donnée, toute la Charité que l’« Abbé » t’avait témoignée, tu l’avais conservée, mise de côté, malgré les hauts et les bas, pour te soutenir et réconforter les autres au moment voulu. Le P.O. t’aura mené à la dure épreuve, à l’épreuve dernière, dans l’Espérance et dans la Foi que nous nous retrouverons un jour dans la Maison du Père, autour de l’« Abbé » qui le représentait pour nous au patronage ! Et combien d’autres, comme toi, dans nos patros ! » (Les jeunes, 1er décembre 1945)
Un footballeur hors pair
« We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep »
William Shakespeare, The tempest, 1611.
Les deux nécrologies s’accordent : Eugène Maës fut, avant tout, un grand joueur de tête. Sans doute un peu plus grand que la moyenne, mais surtout doté d’une détente impressionnante, il dominait le jeu aérien. « Virtuose du heading », il était « l’homme aux têtes-shoots » (L’Ouest-Eclair, 10 août 1938).
Une autre de ses spécialités était la charge sur le gardien. Depuis 1897, l’IFAB autorisait en effet les joueurs à effectuer une violente charge à l’épaule sur le gardien de but, dans l’objectif de lui faire relâcher le ballon ou de l’envoyer avec le ballon dans le but ! Costaud, Maës excellait aussi dans cette pratique.
Enfin, il disposait d’un tir puissant. Toutes ces qualités lui permirent de porter à 11 reprises le maillot de l’équipe de France entre 1911 et 1913, et de marquer… 15 fois ! Il ne le savait pas encore, mais sa carrière internationale prit fin à 22 ans, après un match contre le Luxembourg à Saint-Ouen.
L’année 1913 avait bien commencé pour Maës, unique buteur du France-Italie du 12 janvier. Il fut moins inspiré en Belgique au mois de février, où l’équipe de France fut balayée (0-3). Absent lors du match contre la Suisse en mars, en raison d’un désaccord financier avec le CFI, il est donc de retour contre le Luxembourg le 20 avril. Il va signer là une nouvelle performance remarquable.
Le onze français a fière allure. Parmi les plus connus, citons Chayriguès dans les buts, Gamblin et Hanot (deux futurs journalistes) en défense, Gaston Barreau au milieu, Maës en avant-centre et Raymond Dubly en ailier. Devant trois mille spectateurs, les Français l’emportèrent largement (8-0) bien qu’ils « ne donnèrent pas tout ce qu’ils auraient pu donner et en s’employant un peu plus il est fort probable que le match se serait terminé par une douzaine de buts en notre faveur » (Robert Desmarets dans L’Auto du 21 avril 1913). Sur les huit buts, Maës en marqua cinq. Parmi les autres buteurs, notons Félix Romano, frère cadet de Paul. Né en Argentine, il joue ensuite en Italie et porte à cinq reprises le maillot de la Nazionale dans les années 1920.
Littérature
– Emmanuel Auvray, « Retour sur le parcours d’Eugène Maës, promoteur de sports aquatiques à Caen », Annales de Normandie, 2017/2, pages 143-166.
En toute impartialité, je dois confesser que c’est le meilleur article que je lis sur ce site depuis fort longtemps…
Un grand merci à l’ôteur !
Ce Schanno écrit pas mal, en effet.
Je viens de regarder la compo de l’Italie : il y avait Ara, le crack de Pro Vercelli, et De Vecchi, celui du Genoa, des joueurs réputés pour leurs capacités défensives, ce qui donne du relief à la perf de Maës. Mais cette Italie n’était pas dans une bonne période, elle va ensuite s’incliner contre la Finlande et l’Autriche aux JO de Stockholm avec les débuts de Vittorio Pozzo en tant que commissaire technique.
De toute façon, pour perdre contre la France à l’époque, fallait s’accrocher. La composition était minée par le besoin de satisfaire chaque fédé au sein du CFI. Le comité de sélection alla jusqu’à compter… 12 membres !
Mais Maës était un furieux joueur. Dont la carrière s’acheva beaucoup trop tôt.
Concernant la photo de garde, vous aurez (évidemment) reconnu le XI du Red Star dans son flambant neuf Stade de Saint-Ouen (actuel Stade Bauer).
Debout, de gauche à droite : la star Pierrot Chayriguès, Alfred Gindrat, Lulu « la Matraque » Gamblin (futur journaliste sportif), Emilien Devic, un certain Richer (dont je ne connais pas le prénom), Eugène Maës bien sûr.
Accroupi, de gauche à droite : René Fenouillère (ex de l’Español et du Barça), Bourgeno (je ne connais pas le prénom), Pol Morel, Antoine Rouchès, un certain Hanlon.
Saison 1913-1914 : pour la plupart, ces jeunes hommes connaîtront, comme Maës, l’épreuve du feu dans les mois qui viennent. Fenouillère et Morel y mourront. Peut-être d’autres. Devic et Maës mourront en 1944 et 1945, victimes de la barbarie nazie. La grande histoire rencontre la petite.
Question moustache, il enterre tout le monde : Guy Lacombe, Fernando Chalana, Artur Jorge, Patrick Revelli, Rudi Völler, et Philippe Martinez.
quand j’ai vu le titre j’ai cru que c’était un article sur le vélo et un autre Maes un belge vainqueur de 2 tours et d’un Paris Roubaix dans l’entre 2 guerres..bon maintenant je m’attaque à l’article^^
super cet article sur la préhistoire de notre équipe nationale et une génération dont les carrières et les vies ont été marqué par les aléas de l’histoire! vraiment bien cet article et des photos géniales et des moustaches dignes des brigades du tigre!
vraiment un journée intelligente, aux archives municipales de sainté une expo sur la fameuse équipe du FLN et ensuite conférence au musée des verts de Stanislas Frenkiel sur le sujet et plus particulièrement sur notre héros Rachid Mekhloufi!
le Hanot futur journaliste c’est le journaliste de l’équipe parmi les créateurs de la coupe d’europe des clubs champions?
Gabriel Hanot, oui.
International avant la guerre de 14, il participa aux Jeux olympiques de Londres (la fameuse équipe qui récolta 17-1 contre le Danemark…).
Après la guerre de 14, il devint donc un journaliste sportif d’une intelligence remarquable et exerça une profonde influence sur le football français.
Enfin, après la guerre de 40, il devint si influent qu’il obtint même un poste officiel à la 3FA qui en fit le véritable sélectionneur de l’équipe de France pendant quelques années.
Stanislas Frenkiel, un nom que je connais : il a écrit quelques articles sur le sport et le colonialisme. Et commis un bouquin sur les footballeurs algériens en France (j’en parlerai dans un prochain Lectures 2 foot).
Les photos viennent, pour la plupart, du très excellent site du Red Star. La carte postale, je l’ai lamentablement volée à Emmanuel Auvray, dont l’article tout à fait remarquable est consultable gratuitement sur Cairn. Article auquel je dois beaucoup, et pas simplement une photo…
effectivement Bobby il est venu avec son bouquin, il a rencontré la plupart des 30 joueurs qui composaient cette équipe (il en reste 3), en fait il a fait sa thèse sur le sujet il enseigne en STAPS et une bonne partie de ses travaux sont sur cette période
Des « coussins » sur la pelouse.. parce qu’il fallait ménager les arrières-trains, pallier l’inconfort des (?) banquettes en bois? Sinon cela je ne pige pas leur présence dans un stade.
Les piscines en pleine eau, j’adore..
Coussins distribués aux spectateurs pour leur confort, tout à fait.
Superbe texte Bobby, merci. Une ambiance et des citations qui claquent!
« J’ai reçu la visite d’une balle qui m’a perforé de part en part et qui est ressortie plus vite qu’elle était entrée. Je mange et je fume comme si de rien n’était. ».
Une question sur les qualités des glorieux anciens. Qui parmi les attaquants français étaient reconnus pour etre excellents de la tête? Récemment, je pense à Trezeguet ou Giroud mais avant?
Pas un attaquant (quoique, de formation??), mais j’ai l’impression d’avoir très régulièrement vu Blanc marquer de la tête en EDF.
Sinon, le premier nom qui me vienne à l’esprit est celui de Lacombe, mais.. Quelqu’un confirme??
Oui, Blanc évidemment. Lacombe a une drôle de place je trouve dans l’histoire du foot français. Quand même le meilleur buteur français en championnat, une longévité mais rarement cité parmi les très grands attaquants. Lui a certainement manqué une grosse compétition internationale pour voir sa carrière valorisée.
Oui, c’est un peu l’impression que j’ai aussi.
En Belgique, c’est certain : il y avait de l’estime pour lui.
Le Franco-hongrois du FC Sète Désiré Koranyi était surnommé « Tête d’or »; ça se passe de commentaires. Robert Herbin avait un jeu de tête phénoménal aussi.
Comme Sándor Kocsis quoi!
Tiens une question pour les spécialistes. Si on devait choisir un onze français d’avant-guerre, vous prendriez qui?
OH ! PUTAIN, merci pour cette question.
Des mecs des origines à 1940 ?
Da
Déjà le dispositif tactique : faut un 2-3-5 classique, pas un WM.
A partir de là, il me faut deux ailiers dynamiques, un demi-centre organisateur et un avant-centre en retrait (pas un buteur). Deux armoires à glace derrière.
Evidemment, je mets Chayriguès dans les buts.
Mattler et Gamblin en arrières.
Pour les demis, je me tâte encore.
En ailiers, Dubly à gauche, Aston à droite. Imparable !
Paul Nicolas en avant-centre.
Allez, va pour Bonnardel en demi-centre. Pour l’appuyer, François Hugues (à gauche) et Edmond Delfour (à droite).
En intérieurs, je mets Boyer et Villaplane.
Chayriguès – Mattler, Gamblin – Bonnardel, Hugues, Delfour – Dubly, Villaplane, P. Nicolas, Boyer, Aston.
Banc (ça peut servir pour les amicaux) : Thépot, Anatol, Diagne, Barreau, Verriest, Devaquez, J. Nicolas.
J’en ai sûrement oublié.
Villaplane était inter ou milieu ? Je pensais qu’il jouait un peu plus bas que là où tu le positionnes.
PS : beaucoup de joueurs du Red Star…
Pour tout te dire, j’hésitais à le foutre demi-centre. Mais en inter gauche, il est bien.
Après, c’est interchangeable. Je te passe Boyer avant-centre sans problème, Bonnardel intérieur quand tu veux, Villaplane demi-centre.
Merci. Y’en a plusieurs que je ne connais pas. Bonnardel, Hugues, Anatol, Barreau…
Jean Nicolas n’est pas titulaire ?
Anatol fut champion d’Espagne sur 100 m, 200 m, 400 m et 4×400 m en 1923-24. Il joua au Real en 28/29. Naturalisé en 29. Joua au Racing.
Anatol n’est pas « naturalisé » en 29.
Ce n’est pas possible. Il vient à peine de débarquer au Racing et, à l’époque, la loi française exige 3 ans de résidence pour les étrangers.
En fait, au moins un des deux parents d’Anatol était Français. Simplement, jouant en Espagne jusqu’en 29, les clubs espagnols ou la RFEF ne l’autorisent pas à porter le maillot des Bleus. Une fois qu’il arrive en France, ça se débloque automatiquement.
Anatol était Français.
Philippe Bonnardel, demi-centre stratège du Red Star triple vainqueur de la Coupe de France. Il passe à Quevilly et le club atteint, tout soudain, la finale de la Coupe… Un hasard ! Participa aux Jeux d’Anvers et de Paris. Un monument !
François Hugues, excellent demi-centre ou demi-gauche. Deux Coupes de France avec le Red Star, époque Bonnardel. Débauché à prix d’or par Rennes.
Manuel Anatol, formidable athlète né en Espagne. Grand arrière du Racing. J’en parle dans mon texte sur Racing-Arsenal 1930 (11 novembre 2022).
Gaston Barreau, demi-centre des années 1900-1910. C’est lui qui conduit l’équipe de France lors de la Coupe du monde 1938. Très grand joueur et dirigeant.
Et je me rends compte que j’ai oublié René Petit qui, à lui tout seul, surclasse les 8 peintres que j’ai sélectionné pour le milieu et l’attaque. Je le mets avant-centre ou demi-centre, peu importe, au coeur du jeu.
Je privilégie Paul à Jean Nicolas, car le premier est le prototype de l’avant-centre en retrait (à la Sindelar), typique du 2-3-5 classique. Le WM ne s’imposa pas pleinement en France avant la guerre de 40 sinon, essentiellement, au Racing (de Kimpton).
Pas même une place sur le banc pour Lucien Laurent?
Non.
Villplane, piskon en parle, c’est un peu le Ben Arfa de l’époque. Une classe folle, du talent à revendre. Mais une feignasse, un dilettante.
Pis, finalement, une ordure pas possible. Bien sûr. Mais quel joueur c’était.
On rappelle qu’il fut le capitaine de l’équipe de France en Uruguay. Capitaine, à l’époque, c’est l’équivalent d’un entraîneur aujourd’hui. Il ne sélectionne pas les joueurs. Mais il assure leur préparation physique, en l’absence d’un préparateur physique anglais comme lors des Jeux de 20, 24, 28, et il gère la tactique sur le terrain.
Villaplane, c’était une star.
Il y a matière à écrire quelque chose le concernant, une histoire de truand, magnifique et pourri à la fois, dans la période troublée de la guerre dont Jacques Deray aurait aimé s’inspirer en confiant le rôle à Jacques Dutronc par exemple.
Y a eu plusieurs livres écrits sur Villaplane. J’avais parlé de l’un d’eux dans une de mes fameuses Lectures 2 foot. Mais il y a aussi des romans.
Oui mais à la Deray ? Avec un scénario co-écrit par Borniche ?
Et pour la période post 40/pré Kopa je vois pêle-mêle:
Darui dans les cages
Marche, Gianessi, Jonquet, Salva, Grillon en défense
Cuissard, Prouff, Jordan au milieu
Vaast, Flamion, Strappe, Ben Barek, Courtois, Baratte, Heisserer en attaque
La plus facile à établir, la team Kopa:
Vincent – Piantoni – Kopa – Fontaine – Wisnieski
Marcel – Penverne
Lerond – Jonquet – Kaelbel
Remetter
Banc: Ujlaki, Cisowski, Glovacki, Mekloufi, Mahjoub, Louis, Deladerrière, Douis, Foix, Bieganski.
A propos de Manuel Anatol, mon intuition est confirmée :
« Né en Espagne de parents français. Durant deux ans Anatol, qui jouait à Irun et à Bilbao, fut sélectionné dans l’équipe nationale française avec René Petit. Mais la fédération espagnole s’y opposa formellement, menaçant de les radier et d’en appeler à la FIFA. Depuis Anatol joue au Racing Club de France, à Paris. » (L’Auto, 16 février 1929)
Son portrait par Hanot dans Le Miroir des Sports du 6 mai 1930 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9796161w/f2.image.r=anatol?rk=21459;2
Extrait : « Le capitaine du Racing Club de France va fêter ses vingt-sept ans dans deux jours, puisqu’il est né le 8 mai 1903, à Irun, sur la frontière espagnole, d’un père français et d’une mère espagnole. L’orthographe du nom Anatol s’explique par l’origine basque de la famille. La langue natale d’Anatol est le basque ; l’espagnol et le français ne viennent qu’ensuite. »
Sa photo (en haut) n’est pas très avantageuse.
Je prefere Portbou à Irun. La ville Basque paraît triste par rapport à son homologue catalane. Manque de lumière. En tout cas lors des mes passages.
Glané dans L’Athlège (https://fr.shopping.rakuten.com/photo/1055361109_L.jpg) :
« Jean Boyer, qui avait été appelé à renforcer le meilleur club de Barcelone, mais ne resta que quelques semaines en Espagne, avait gardé de ce court voyage une rancune – à coup sûr irraisonnée puisqu’il jouait dans le même club – contre Zamora. Il n’aimait pas le goal n°1 de toutes les Espagnes, qu’il appelait le « toréador raté ». »
Boyer aurait donc effectué un essai au FC Barcelone ou à l’Español. Quand ?
Ah bon ? Ça alors… en quelle année ?
C’est bien la question.
L’anecdote illustre le match France-Espagne de 1927 où Boyer envoie Zamora avec le ballon dans les cages.
Donc peut-être en 1927, après sa troisième victoire en Coupe de France avec l’OM ?
Ou alors en 1922, lorsque Boyer quitte Bordeaux pour retourner à Paris. Bordeaux, c’est pas (trop) loin de l’Espagne. Les Espagnols auraient pu avoir vent de son talent à l’occasion de sa saison à la Vie au Grand Air du Médoc.
De toute façon, on est d’accord que « le meilleur club de Barcelone », ce ne peut être que l’Español ?
Quel article mazette! Masterclass!
Propos anti-allemands et gaullistes…. On n’en sait pas plus, quels furent exactement ces propos? J’eusse imaginé que, issus de l’icône Maes, ils auraient au moins traversé les décennies.. sous une forme authentique, magnifiée, apocryphe.. peu importe!, mais qu’une trace a minima en fût restée.
Et puis j’aime bien savoir, à temps T et sous latitude L, quel était le type de limites à ne pas dépasser.
Ah ! ah ! tu imagines bien, et justifie là ta remarquable érudition et ta prodigieuse intelligence.
Les documents de son arrestation, documents allemands officiels de 1943, affirment : « propos anti-allemands et gaullistes ». Ça, ce sont les faits. Et je m’y suis tenu.
Mais la légende locale certifie que Maës fut dénoncé par une salope locale, dont j’ai oublié le nom, sorte de Violette Morris normande. Une méchante collabo. Qu’elle fut une méchante collabo, je ne sais pas, sans doute est-ce vrai. Que cela en fit le bouc émissaire désigné de toutes les sales affaires du coin à ladite époque, c’est aussi une certitude (comme la Morris). C’était aussi, je crois, une « collaboratrice horizontale ».
Bref, les on-dit veulent que Maës fut dénoncé par elle. Là, la documentation manque. Et moi, quand la documentation manque, je sors le scalpel…
« Dénoncé pour propos anti-Allemands en juin 1943 par Marie-Clotilde de Combiens, maîtresse du responsable de la Gestapo à Caen, Eugène Maes est déporté au camp de Dora-Mittelbau, à Ellrich, et y meurt en mars 1945, à 51 ans. Une rue porte son nom à Caen dans le quartier du stade de Venoix depuis 1952. »
Pourquoi me flatter tel un passionnel Pilo Arrighi? 🙂
Mon intelligence/culture/gnagnagna : elle est sous baxter, pour l’heure je ne suis que le docile objet des infirmières!
Et donc, on est d’accord que l’histoire de Maes dut raisonnablement prendre (ou avoir!, car pourquoi pas) une dimension plus « romanesque ».
Il était toujours dans les mémoires, quand il fut déporté en Allemagne? Il y a ce bel hommage que tu relaies, daté de décembre 45.. Y en eut-il beaucoup d’autres?
« Pourquoi me flatter tel un passionnel Pilo Arrighi? 🙂 »
Hihi !
Témoignage sur Maës post-45 ? Aucune idée. Je m’étais arrêté à 45, mais je peux essayer de creuser un petit peu après.
Post-45… après l’année en question ou après passage par le Colt du même calibre que les Américains fournissaient abondamment à la Résistance ?
Toi qui t’y connais, dans le dernier Guerre et Histoire, ils affirment que le Mauser C96 fut l’arme de poing la plus puissante jusqu’à l’invention du magnum..
Moi j’avais plutôt le..colt 45 à l’esprit, mais??
Je suis allé vérifier et la réponse est bien celle que j’aurais donnée sans le faire : ça dépend.
En termes d’énergie pure, la proposition est vraie. Le 7,63 du Mauser dispose d’environ 550 joules à sa sortie du canon. Vu l’excellente balistique de la balle, l’arme a une portée efficace d’un peu plus de 100 mètres, ce qui est exceptionnel pour une arme de poing. C’est en gros la portée efficace d’une carabine 22 long rifle ou d’un fusil de chasse de calibre 12. Le .45 ACP du Colt (11,43 mm) fournissait un peu moins de 500 joules à ses débuts, même si on trouve maintenant dans le commerce des munitions qui montent jusqu’à 1100. La balle étant moins aérodynamique, le Colt n’est guère utilisable au-delà de 50 mètres. Le .357 Magnum, avec 800 à 1100 joules suivant les munitions, met effectivement tout le monde d’accord.
En terme de « puissance d’arrêt », c’est autre chose. Même avec des balles chemisées (« full metal jacket »–eh oui, comme le film, obligatoires chez les militaires selon la convention de Genève), le .45 ACP dissipe bien mieux son énergie dans la cible que le 7,63 qui a tendance à traverser proprement (si j’ose dire). Aujourd’hui encore, et .357 Magnum ou calibres de fous furieux genre .454 Casull exceptés, c’est l’étalon-or contre une cible non munie d’un gilet. (La vitesse médiocre du .45 diminue fortement les chances de pénétration, ce qui a poussé militaires et policiers à passer au 9 mm Parabellum dans les années 1980.) Avec des balles non chemisées (autrefois dites « dum-dum », qu’on recommande paradoxalement dans le civil car elles traversent moins bien les murs en cas de balle perdue), l’avantage du .45 est encore plus net.
Je n’ai jamais essayé ni l’un, ni l’autre, mais à vrai dire, ça me tenterait bien. Au pays du Deuxième Amendement, je suis allé une veille d’Halloween avec un copain bien équipé tirer sur une citrouille au pas de tir du coin. Il a fallu 39 balles de 9 mm full metal jacket pour la casser, la bougresse !
Oui, c’est castard une citrouille.
Les dum-dum, tu m’apprends un truc que je n’aurais jamais soupçonné!