El Cholo du Barça

Pour les amoureux du Pérou 1970 et ceux du Barça champion d’Espagne en 1974, un hommage à Hugo Sotil.

Le président Agustín Montal avait présenté Hugo Sotil à la presse catalane le 15 juin 1973 et cette dernière avait conçu ce recrutement comme un choix par défaut. Dans Mundo Deportivo, Juan Antonio Calvo rappelait cruellement que le Barça s’était fait souffler Günter Netzer par le Real Madrid pour des raisons financières et que Cruyff n’était encore qu’un projet fumeux. De son voyage au Pérou, le président blaugrana n’avait même pas réussi à ramener El Nene Cubillas, devancé par… le FC Bâle ! Était-ce pour ne pas rentrer bredouille et en raison de la modicité de son prix qu’il avait jeté son dévolu sur Sotil ?

Serviteur zélé du Barça, Mundo Deportivo avait malgré tout fait la promotion de Cholo Sotil sans trop y croire. Ne sachant que dire du Péruvien, le journal catalan s’était surtout attaché à modérer la crainte que pouvait susciter l’arrivée de Netzer au Real en rapportant les propos d’Alan Ball, « Günter Netzer ? On devrait l’appeler mademoiselle Netzer. Il est aussi fragile qu’une dame. Ce n’est pas un footballeur de classe ». En parallèle, des chroniqueurs péruviens avaient été appelés à la rescousse pour témoigner en faveur de Sotil mais ce dernier avait réduit à néant leurs efforts en affirmant spontanément qu’il n’était que le numéro 2 dans son pays, derrière l’intouchable Cubillas.

Cholo Sotil avait repris un vol pour Lima dès le lendemain afin de préparer un match contre le Chili, décisif pour la qualification à la Coupe du monde en RFA. Un échec au cours duquel il n’avait pas su rééditer quelques-unes de ses performances passées avec la Blanquirroja – notamment en sortie de banc lors du Mundial 1970 – et qui avait ravivé les doutes le concernant[1].

Sotil, Leon et Cubillas en 1970.

Son premier véritable test sous le maillot du Barça avait eu lieu lors du Trophée Gamper, fin août 1973, alors que la ville entière ne parlait que de la probable signature de Cruyff. Le Camp Nou avait découvert un attaquant habile balle au pied, combatif et dribbleur, que Rinus Michels pouvait utiliser à tous les postes de l’attaque. Contre le Borussia Mönchengladbach, il avait préservé le Barça de la défaite en inscrivant le but égalisateur (2-2, victoire aux tirs au but) et la presse l’avait qualifié de « grande attraction du tournoi ».

Aussi prometteur fût-il, Cholo avait plongé avec ses équipiers quand les compétitions officielles avaient débuté : trois défaites en cinq matchs de Liga et une élimination inattendue par l’OGC Nice en Coupe de l’UEFA.

Tout avait changé en octobre avec les débuts de Johan Cruyff dont la lettre de sortie avait fini par être fournie par les instances néerlandaises. Michels avait composé une attaque particulièrement élastique, au sein de laquelle le Batave, avant-centre théorique, décrochait fréquemment et ouvrait des brèches dans lesquelles s’engouffraient Rexach et Sotil depuis son côté gauche. Cela avait nécessité une grande dépense d’énergie, une aptitude à multiplier les courses rendue possible par l’intense travail physique auquel s’était soumise la Blanquirroja sous les ordres de Cláudio Coutinho, le préparateur du Brésil 1970[2].

Cela n’avait pas été vain. Après 14 années d’attente, le FC Barcelone avait été sacré en Liga[3]. Quique Costas, le compagnon de chambre de Sotil, avait rapporté ses mots quand il avait appelé sa mère à Lima : « Mamita, campeonamos! », créant de fait le verbe campeonar (« championner »). Si Johan Cruyff captait toute l’admiration de la hinchada, pour sa simplicité et sa spontanéité, Cholo Sotil était probablement le plus aimé.

L’arrivée de Neeskens l’été suivant avait brutalement interrompu l’ascension du petit Péruvien. Troisième étranger à une époque où la réglementation n’en autorisait que deux sur le terrain, il avait été la victime de la diaspora néerlandaise. On lui avait promis une procédure accélérée afin qu’il obtienne la nationalité espagnole, mais il n’avait pas pu disputer une seule rencontre de toute la saison. Cholo ne s’en était jamais remis. Comme son contemporain argentin René Houseman, Sotil avait toujours une bonne raison pour boire un verre. Désœuvré, sans objectif sportif, il s’était enivré dans les lieux à la mode, passant de bar en boîte de nuit au volant de sa Ferrari Dino jaune.

Quand Cholo avait enfin reçu un passeport espagnol, Rinus Michels lui avait imposé une sévère cure d’amaigrissement et lui avait interdit de participer à la Copa América 1975[4]. Il avait d’abord obéi aux injonctions de son club mais quand il s’était agi du match d’appui contre la Colombie, décisif dans l’attribution du titre, il avait pris un vol pour Caracas. Accueilli comme le messie, il avait inscrit le but du sacre péruvien et offert un titre attendu depuis 1939 et la génération de Lolo Fernández.

A 26 ans, Sotil avait déjà tout donné et avait fini par être écarté par Michels. De retour au Pérou au printemps 1977, il avait contribué sans éclat à la conquête de deux championnats nationaux avec l’Alianza et avait obtenu de participer à la Coupe du monde 1978. Le dernier match de la Blanquirroja en Argentine, il l’avait vécu en tant que remplaçant et avait assisté au désastre de Rosario face à l’Albiceleste, 0-6. Depuis le banc, il avait perdu son duel d’ailiers alcooliques contre El Loco Houseman, auteur d’un but ce soir-là.


[1] Défaite 2-1 contre le Chili à Montevideo.

[2] Coutinho est le sélectionneur du Brésil de 1977 à 1979.

[3] Sotil avait été titularisé lors des 34 matchs de championnat et avait inscrit 11 buts.

[4] La Copa 1975 s’était disputée en format matchs aller-retour. En demi-finale, le Pérou avait éliminé le Brésil au tirage au sort après une stricte égalité à l’issue des deux matchs.

9 réflexions sur « El Cholo du Barça »

    1. Je trouve qu’il y a toujours des joueurs faiblards dans les effectifs du Barça des 70es. Clares comme avant-centre par exemple, ça vaut pas Santillana.
      Au milieu de la décennie, le Real avait le choix au milieu entre Pirri, Netzer, Del Bosque, Breitner ou Velásquez. En face, le Barça avait certes Neeskens et Asensi voire Marcial mais après c’était pas folichon. Quique Costas, bof. Amarillo, mouais…

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