De Zwarte Meteoor – Partie 1

La sentence vient de tomber, elle est de 12 ans de réclusion criminelle. Nous sommes le 31 octobre 1978, Steve Mokone, un ancien joueur sud-africain, vient de plaider coupable devant la Cour supérieure du comté de Middlesex, dans le New Jersey, de la violente agression de Joyce Maaga Mokone, sa femme. Deux ans plus tard, il sera à nouveau jugé pour avoir orchestré l’attaque à l’acide de l’avocate de celle-ci, Ann Boylan Rogers. Rogers est défigurée et aveugle à un œil. Il prend trois années supplémentaires, purgera sa peine dans l’état du New Jersey mais ne cessera jamais de clamer son innocence…

Se plonger dans l’existence de Steve Mokone, est un voyage sans lumière. Où les mythes se font et se défont, où les preuves ne sont jamais d’acier, qu’elles soient sportives ou personnelles. Un chemin qui se détache irrémédiablement de la neutralité. Le destin d’une ordure pour certains, d’une vie de lutte contre l’injustice pour d’autres…

« Tu seras un homme noir, mon fils… »

Steve Mokone est né le 23 mars 1932 à Doornfontein, une banlieue du centre-ville de Johannesburg, mais a grandi dans le quartier voisin de Sophiatown. Dans les années 40, le gouvernement planifie un vaste plan de relocalisation des populations noires, en les éloignant des zones intérieures du pays et des grandes villes. L’apartheid est ainsi officiellement instauré, donnant une cohérence juridique à diverses pratiques déjà universellement répandues. La famille Mokone a été parmi les premières à déménager, quittant Sophiatown pour Kilnerton, dans la banlieue de Pretoria. Dès le départ, la résistance s’organise, donnant lieu à de nombreux affrontements. En février 1955, 2 000 policiers armés expulsent la population de Sophiatown vers la périphérie ouest de la ville, dans une zone appelée Soweto.

Mokone est un enfant de ce chaos. Ayant appris les subtilités du football en jonglant avec une balle de tennis, il attire rapidement le regard des fans du coin. Son père, chauffeur de taxi qui avait étudié pour devenir pasteur méthodiste, voit d’un mauvais œil la passion dévorante de son fils. Il insiste pour que les études passent au premier plan, Mokone est envoyé bachoter 600 kilomètres plus au sud, à Durban. 

Sophiatown dans les années 50

C’est là qu’il intègre l’équipe des Durban Bush Bucks et, par la suite, un combiné national d’hommes de couleur, à 16 ans à peine. Il marque un doublé pour ses débuts… Chaque week-end, Mokone régale les spectateurs de sa vitesse et sa créativité. Il ne peut plus se cacher, il est bien plus qu’une promesse locale… Des clubs anglais s’affairent en coulisses et lui font miroiter monts et merveilles. Son père, sceptique et soucieux de l’avenir de son fils, refuse néanmoins les avances des puissants Newcastle ou Wolverhampton Wanderers, tant que les études ne sont pas terminées. Bien obligé de reconnaître le talent de Steve, il finira par céder à l’été 1953. Mokone, 21 ans, que l’on surnomme désormais Kalamazoo, rejoindra finalement le modeste Coventry…

C’est ce que l’on croit puisque la bureaucratie de l’apartheid mettra trois ans pour lui délivrer un passeport. Trois années à ronger son frein jusqu’à ce voyage si désiré vers l’Angleterre, financé en grande partie par Charles Buchan, l’ancien capitaine d’Arsenal. Quelques jours avant son départ en 1956, Mokone, qui rejoignit la Ligue de la jeunesse de l’ANC dès ses 16 ans, reçoit la visite d’un ami de la famille, le docteur Willie Nkomo, membre du groupe clandestin. Celui-ci le met en face de ses responsabilités : « Rappelle-toi que chaque but que tu marqueras nous rapprochera de notre liberté et de notre indépendance. Ne bois pas et ne t’enivre pas dans la rue car cela aura un impact négatif sur tous. »

A special guest

La séance inaugurale d’entraînement de Mokone déclenche l’euphorie chez ses nouveaux partenaires, conscients d’avoir vu leur gardien, Roger Matthews, trimer comme rarement pour deviner les intentions du Sud-africain. L’impression est telle qu’un journaliste local écrit, avant ses débuts face à Millwall, « qu’il n’avait vu une clameur identique à Coventry depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. » Mokone, qui joue pour la première fois sur une pelouse, démontre jour après jour, après une courte période d’acclimatation, un toucher de balle et une ruse rarement vus en troisième division. Ses coéquipiers sont sous le charme : « Nous l’appelions Kal et c’était un homme adorable, toujours heureux avec un grand sourire et tous ceux qui le rencontraient l’aimaient. J’ai joué à ses débuts dans la réserve à St Andrews et il n’avait pas de protège-tibias. Nous lui avons dit qu’il était fou de jouer sans eux, mais il a insisté sur le fait qu’ils nuiraient à son style et voulait jouer avec ses chaussettes retroussées. » Le Coventry Telegraph renchérit et n’hésite pas à souligner que les coéquipiers de Mokone gaspillent lamentablement les offrandes de la nouvelle recrue et que son arrivée coïncide avec l’augmentation de l’affluence de 5 000 spectateurs !

Le premier but de Mokone survient lors d’une victoire 4-1 à domicile contre Gillingham mais l’idylle ne dure pas plus d’une dizaine de matchs. Décevant face à Swindon, Steve peine à enchaîner les efforts, se sentant démuni face à ce football de tranchées. « C’était un jeu de balle longue et j’étais habitué aux passes courtes. » L’accent mis sur la force et la forme physique plutôt que sur la vitesse l’éloigne peu à peu du onze titulaire. « Nous devions grimper sur des cordes comme si nous étions dans les marines. Nous ne pouvions nous entraîner avec des ballons qu’un jour par semaine. J’ai trouvé cela complètement déroutant. »

Perdu dans les consignes simplistes du coach, Mokone l’est également au quotidien. Profondément marqué par le sceau de l’apartheid, Mokone, qui est hébergé chez une famille anglaise, ne sait quelle attitude adopter. Doit-il utiliser les mêmes toilettes qu’eux ? Doit-il appeler ses coéquipiers « Baas », comme c’était la coutume chez lui ? Mokone cache ses chaussures chaque soir sous son lit, ne comprenant pas que l’on puisse venir lui cirer. Et quand il tente une escapade sur Piccadilly Circus, en compagnie du boxeur Jake N’tuli, il hésite longuement à demander son chemin à un policier de peur de représailles. D’ailleurs, la pression lui fit oublier le nom de l’hôtel… Le policier bienveillant l’aidera à le retrouver.

L’attitude du manager de Coventry, Harry Warren, n’arrange rien. Lui reprochant une adaptation délicate, Warren lui conseille de « trouver un emploi dans un cirque » après une séance de jongles inutile à son gout. N’hésitant pas à rappeler que les Anglais l’avaient sorti de son trou et que ses plaintes constantes et infondées étaient caractéristiques « des gens comme vous… » Mokone joue son dernier match face au All-Star Managers XI, la déception est immense. Elle ne l’empêche pas d’adresser un tendre adieu aux fans de Coventry : « Je vous suis profondément reconnaissant pour tout votre soutien et vos encouragements, qui comptent tant pour moi. J’emporterai avec moi de nombreux souvenirs heureux des habitants de Coventry. »

A suivre….

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25 réflexions sur « De Zwarte Meteoor – Partie 1 »

      1. Vu la fin de l’histoire sur le site de Coventry city en moins bien racontée (à cause de la traduction ?).

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    1. J’ai rien reconnu, j’ai cherché dans google images qui m’a renvoyé sur le site de Coventry city.
      Puisque je parle de danse, Harry Warren est l’homonyme du célèbre compositeur de chansons de nombre de comédies musicales, en particulier celles de Busby Berkeley. Lullaby of Broadway, Boulevard of Broken dreams, The more I see you et I’ve got a gal in Kalamazoo (!!!), c’est de lui.

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      1. Je viens de découvrir qu’il y une ville dans le Michigan qui s’appelle Kalamazoo! Le surnom de Mokone vient peut-être de ta chanson!

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      2. Oui, y a des toponymes rigolos comme ça là-bas, me rappelle de « Yazoo » par exemple.

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      3. Chattanooga, j’adore ce nom de ville du Tennessee. Elle a eu droit, elle aussi, à ses chansons: « Chattanooga choo choo » et « Chattanoogie shoe shine boy ».

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    1. Haha. Oui, me suis inspiré de sources anglaises mais pas que! Donc tu n’as pas tout lu sur le passage européen de Mokone avec le site de Coventry. Et en français, je crois bien qu’il n y a rien ou pas grand-chose…

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      1. Vérano et toi zêtes démasqués. Le premier invente des joueurs et des compétitions, le second recopie, mdr !

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      2. « Je vous jure, Sergent Garcia. Je ne suis pas Zorro mais bien Don Diego, votre ami… »

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  1. Merci Khiadia, un joueur que je ne connais guère que pour l’attrait du fromage hollandais…..et dont nous avions en d’autres lieux parlé je crois, non??

    Elémentaire bon sens : je réserve mes questions pour la seconde partie.

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