Colombes 1924 : conférence de Monsieur Pierre Arrighi (2/2)

Monsieur Pierre Arrighi a bien voulu nous transmettre le contenu de sa conférence (textes et diapos) tenue au siège de la FFF, à Paris, le 4 juin 2024. La première partie a été publiée hier, jour du centenaire du titre mondial uruguayen. Aujourd’hui, donc, la deuxième partie.

Quatre ans plus tard, aux Jeux de Stockholm, le tournoi olympique se renforce sans aucun doute. 11 sélections. Un Corps arbitral international. 25 mille spectateurs le jour de la finale Grande Bretagne – Danemark.

Mais le double retard demeure. Les équipes sont toutes européennes.

Et surtout, le règlement suédois, sous contrôle de la présidence de la FIFA, se durcit. Même l’employé d’un magasin de sport est exclu, suspecté de bénéficier d’un emploi fictif.

Deux ans plus tard, la Guerre éclate. Les Jeux olympiques prévus en 1916 à Berlin, sont annulés. En Amérique du Sud, la Copa América démarre, en Europe, le football international s’éteint.

En 1917, à l’initiative d’officiers américains, le sport se développe sur le front militaire français. Il s’agit de soutenir le moral des soldats. Avec un projet en vue : organiser à court terme des olympiades entre soldats alliés, à Paris.

Lorsque la paix arrive, le projet est sur le bureau du commandement français.

Le stade Pershing est bâti en quelques mois. Il accueille les Jeux Interalliés du 22 juin au 6 juillet 1919. 13 disciplines sont au programme. Le tournoi de football attire une partie des meilleurs joueurs d’Europe.

En finale, la France est battue 3-2 par la Tchécoslovaquie qui aligne, comme le souligne le Rapport officiel, les meilleurs professionnels du Sparta de Prague.

Le tournoi de football Interallié n’est pas mondial puisqu’il exclut les pays neutres et les pays ennemis, soit les deux tiers du monde. Mais il marque une double avancée.

D’abord, la rencontre entre Vieux et Nouveau Monde est amorcée. À côté des six équipes européennes, il y a les Etats-Unis et le Canada.

Mais aussi et surtout, comme le décrète l’article 4 du règlement, et ce pour tous les sports, « la question de l’amateur et du professionnel est ignorée ».

Le tournoi interallié est donc limité aux alliés et dans un cadre militaire. Mais Il y a l’Amérique et il y a les professionnels. C’est ce qui génère une très forte attente que les experts français expriment ainsi : « Le véritable championnat du monde est désormais à portée de main »

Il devra préserver les acquis interalliés, se faire avec l’Amérique, se faire avec les professionnels. Mais il devra aussi inviter le monde entier et assurer un cadre purement sportif.

Malheureusement le tournoi olympique de football de 1920, à Anvers, déçoit. Il y a 13 équipes européennes plus l’Egypte. Mais l’Amérique ne vient pas.

Et surtout, alors que les Anglais ont quitté la FIFA, les organisateurs belges persistent : « Seuls les amateurs sont autorisés à prendre part au concours ».

Le contre-sens est désormais flagrant. Partout en Europe, mais aussi en Amérique, les premières divisions sont constituées de joueurs légalement employés par leur club, professionnels et non-amateurs. Et aux USA, puissance sportive qu’il convient d’attirer, il n’y a désormais qu’un seul championnat national de football totalement professionnel.

C’est en 1921 que tout va se jouer. Coubertin impose Paris pour accueillir les JO de 1924. Il veut finir son œuvre en beauté. Il demande aux associations françaises de football et d’athlétisme que les Jeux soient pleinement universels.

De son côté, le Français Jules Rimet cumule tous les pouvoirs du football. Président de la fédération française depuis 1919, président de la FIFA en 1921, mais aussi Vice Président du Comité exécutif du Comité Olympique Français, qui l’embauche, et chef de l’ensemble des pouvoirs sportifs olympiques du football.

En application de la jurisprudence instaurée par les Anglais en 1908 au sein de la FIFA, il a les mains libres pour réglementer le tournoi olympique à sa façon.

En mai 1923, au Congrès de la FIFA qui se tient à Genève, le diplomate uruguayen Enrique Buero, confirme: « L’Uruguay viendra à Paris». Le premier championnat mondial pointe à l’horizon.

Fort de cette promesse, en août 1923, en première page du premier numéro de son hebdomadaire officiel, France Football, le bureau de la fédération française lance un vibrant appel : « Nations du globe ! préparez-vous ! la saison qui va commencer constituera une vaste préparation à ce championnat du monde. »

Ce championnat du monde, bien évidemment, c’est le championnat olympique.

Entre alors en action un troisième homme, Henri Delaunay, secrétaire général de la fédération française. Il rédige le règlement du tournoi olympique, que les Pouvoirs Sportifs approuvent en janvier 1924. Dans la rubrique « Qualifications des joueurs », qui fixe les règles d’admission, la question de l’amateur-professionnel est délibérément ignorée.

Le tournoi olympique de football sera donc, pour la première fois, ouvert aux professionnels.

Une semaine plus tard, Delaunay explique le règlement.

« Au plan international, les rencontres sont libres entre amateurs et professionnels ». « La FIFA ne se préoccupe pas de la qualité amateur ou professionnel du joueur ». « C’est ainsi que la Belgique, la France et de nombreux pays ont rencontré l’équipe d’Angleterre sans se préoccuper de sa composition. »

Avril 1924, les inscriptions sont closes. Les participations des USA et de l’Uruguay sont confirmées. Rimet dirige le premier tirage au sort. L’Uruguay jouera contre la Yougoslavie, les États-Unis contre l’Estonie.

Sûrs de leur fait, les dirigeants français baptisent alors leur tournoi olympique qui devient « Le Tournoi Mondial ». Et ils annoncent : « Nous entrons dans la période active du Tournoi fameux qui dans un mois réunira à Paris 23 nations pour le titre de Champion du Monde. »

La Fédération Française, pleinement consciente de se trouver face à un fait historique majeur, demande alors à ses hommes de faire de la pédagogie. Lucien Gamblin, bras droit de Rimet, ancien capitaine des Bleus, s’y colle. Dans le mensuel Tout Sport du mois de mai, il déroule l’argumentaire de l’avant-garde :

« Le football est le sport universel. Et les Jeux olympiques permettront de le prouver. Nous allons en effet assister à un véritable championnat du monde de football, le premier qui soit organisé. 23 nations représentent l’Europe, l’Asie, l’Amérique et l’Afrique ».

Pendant le tournoi, les unes de France Football propagent l’universalisme. Le 30 mai Delaunay écrit : « Nous avons le rare privilège de voir sur nos terrains parisiens, l’élite des footballeurs du monde entier ». Cette propagande française abreuve les journalistes venus des quatre coins de la planète.

Le 9 juin, en finale, l’Uruguay bat la Suisse 3-0. L’Auto titre : l’Uruguay est champion du monde. Tous les records de billetterie sont battus. Le football devient la première discipline olympique, deux fois plus importante que l’athlétisme.

Malgré la défaite, l’opinion sportive européenne est unanime. Gabriel Hanot, futur sélectionneur de l’équipe de France, écrit : « C’est bien la meilleure des 22 équipes qui a gagné le formidable championnat du monde de ballon rond. Les fins athlètes uruguayens sont aux professionnels anglais ce que les chevaux arabes sont aux percherons. »

Avec le même fair play, la presse suisse confirme : « Pour l’Amérique le championnat mondial de football ».

Les mêmes propos sont également diffusés en Amérique par les grandes agences de presse. En Argentine, au Chili, et bien sûr, en Uruguay.

Fait plus que remarquable, alors que la finale vient tout juste de se terminer, interviewé par L’Auto sur la pelouse de Colombes, Jules Rimet déclare ceci : « Il faut maintenant que nous travaillions à organiser des championnats de football par continent, préludes du championnat du monde ».

L’idée est géniale : il s’agit de magnifier le championnat du monde olympique en y ajoutant des éliminatoires « de la FIFA ».

Mais la suite est une autre histoire. Et moi je m’arrête ici pour conclure.

Et je conclus, documents à l’appui, que la formule de la valeur du tournoi de Colombes est bien la suivante : mondial + ouvert = maximum. Il est mondial et il est ouvert. Il a donc la valeur suprême.

Ainsi, en 1924, dans le cadre des JO de Paris, il y a tout juste 100 ans, grâce aux joueurs américains voyageurs et grâce aux dirigeants universalistes français, le football atteignait pour la première fois son sommet.

Merci à tous pour votre attention.

18 réflexions sur « Colombes 1924 : conférence de Monsieur Pierre Arrighi (2/2) »

  1. MERCI encore une fois d’avoir publié cette conférence et de l’avoir fait avec autant de soin. Félicitations au passage à tous les rédacteurs de ce site où règne une rare ouverture d’esprit et une soif de connaissances sans limites.

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    1. Le dualisme amateurisme / professionnalisme est encore au cœur des discussions des jeux de 1932 et conduisent au retrait du foot du programme des Jeux de L.A.
      La Celeste aurait-elle encore gagné l’épreuve ? Possiblement. Ce qui incite à le penser, c’est le succès en Copa 1935 net et sans bavure face à l’Argentine de Masantonio et Sastre, les vieux grognards Nasazzi et El Gallego Fernández glanant un ultime titre majeur.

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  2. A propos des Jeux interalliés, la finale avait opposé la Tchécoslovaquie à la France de Chayriguès (cf. article de Bobbyschanno) et Lucien Gamblin, dont Pierre parle dans son exposé puisqu’il s’était reconverti en journaliste à L’Auto. Sans les exploits de Chayriguès dans les buts, la France aurait probablement subi une rouste au lieu d’une honorable défaite 2-3.
    Côté tchécoslovaque, il y avait déjà Antonin Janda, un des grands protagonistes des Jeux d’Anvers, Antonin Hojer, très grand défenseur des années 1920 et vainqueur de la 1ère Mitropa avec le Sparta en 1927 et surtout Karel Pešek, lui aussi titré en Mitropa 1927 mais également international de hockey sur glace. Lors des JO d’Anvers en 1920, il avait été médaillé de bronze en hockey sur glace (compétition disputée en été, les JO d’hiver n’existant pas encore) et finaliste du tournoi de football gagné par la Belgique.

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  3. Très intéressant, merci.
    C’est quand même surprenant qu’à cette époque-là aux Etats-Unis il y a vait un championnat professionnel et qu’il a fallut attendre les années 90 (après la « parenthèse Cosmos », appelons-là comme ça) pour que ça reprenne et ça s’installe dans la durée.

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    1. J’ai été à fond sur JO1920 et football suédois ces 6 derniers mois, et à la conjonction des deux..et de ce que tu mets sur le tapis 😉 , tu as par exemple le buteur Karlsson, qui dans mes souvenirs quitte peu après la Suède pour pouvoir..vivre du football aux Etats-Unis.

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      1. Bella Gutmann est un bel exemple. Il part aux États-unis dès 1926 pour jouer professionnellement aux Giants et l’Hakoah.

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  4. Oui, la France perd contre la Tchécoslovaquie mais Chayriguès est cassé par Janda. Et la France finit à 10…. Elle menait au score.

    Les Allemands espéraient faire venir des Américains en 1916. Dans cet espoir, dès 1912, ils se révoltent contre les Anglais au sein de la FIFA les accusant d’affilier l’Argentine et les USA directement à la FA! L’Argentine et les USA entrent alors à la FIFA qui devient mondiale un peu par hasard…. ou plutôt, par « perspective olympique ».

    Concernant le professionnalisme américain, depuis 1908 cohabitent deux championnats semi-professionnels et professionnels. la plupart des équipes appartiennent à l’industrie (chantiers navals, métro, métallurgie, textile, électricité, etc). Mais en 1920, le championnat professionnel -qui durera une quinzaine d’années et attirera Britanniques et Centraux- comporte des clubs industriels et des clubs privés.

    Il faut comprendre qu’aux USA et aussi en Amsud, le professionnalisme industriel existe dès 1905. Une industrie a un club et embauche des footballeurs avec des contrats de technicien (voir les clubs ferroviaires argentins et uruguayens). C’est d’ailleurs comme en Angleterre dans les années 1880.

    Puis dès 1910 on entre dans la phase du professionnalisme d’employé de club. Vers 1915, toutes les grandes associations se copient une règle qui dit que le club peut employer ses joueurs sans limite de quantité. Des conditions plus ou moins claires sont ajoutées à cette règle et comprennent un embryon de système de transfert. Cette règle existe par ex en Uruguay dès 1915 et permet aux petits clubs de se protéger du pillage.

    Puis c’est plus tard que vient la phase finale du professionnalisme qui généralise le salaire en première division et établit le métier de footballeur dans le code du travail avec un système de transfert transparent. Mais cette phase, que la plupart considèrent comme le début du professionnalisme, n’est que la FIN du processus.

    En Angleterre c’est particulier car le professionnalisme n’est pas l’apanage de l’élite mais d’une moitié du football national, la partie ouvrière, tandis que l’amateurisme mélange véritables amateurs et gentlemen actionnaires (répartition des recettes entre dirigeants-joueurs). Il y a donc une connotation de classe.

    La scission qui se produit au sein de la FA en 1907 vise à préserver le système faussement amateur de partage des recettes en le libérant du pourcentage à verser à la FA. En Europe Centrale puis en Amsud et aux USA, ce n’est pas une moitié de l’élite qui est professionnelle mais la totalité. Il n’y a pas de connotation classiste.

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  5. Et là on ne parle que de football (20 sur 22 joueurs français inscrits en 1924 vivent du football).
    D’autres sports plus bourgeois ou d’origine militaire sont professionnels depuis bien avant la création des Jeux olympiques: l’escrime, l’équitation, la voile, le tir, les jeux de boules, le cyclisme, le jeu de paume, le golf, le baseball… C’est ces sports qui fondent des JO libéraux en 1884, sans prescription d’amateurisme. D’ailleurs, quand les pays monarchiques d’Europe imposent le soi-disant amateurisme olympique en 1930, ils n’interdisent que le professionnalisme salarié des classes populaires et non la forme type du professionnalisme bourgeois: le prix.

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    1. Bonjour Pierre.

      Je repasserai en soirée, mais peut-être pourrais-tu déjà expliciter ceci : « la forme type du professionnalisme bourgeois: le prix »?

      Et pour ce qui fut (je vais te citer car c’est mieux formulé que je ne pourrais) de l’interdiction du « professionnalisme salarié des classes populaires », retrouva-t-on un peu partout de cette dimension de contrôle social? (patente en Belgique par exemple, éviter que le prolo ne s’affranchît de la sorte de sa condition, ce qui pût causer de dangereux/contagieux précédents)

      Encore une question avant de retourner travailler, pour toi qui es d’entre deux : ces controverses professionnels/amateuristes furent-elles si vives en Amérique latine?

      A tantôt!

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      1. Ah, tu vais répondu en partie – pressé, désolé -, au temps pour moi.

        Je serai plus à l’aise pour te lire avec soin ce soir.

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  6. Bonjour Alexandre !

    Le prix oui, comme à Rolland-Garros ou lors des concours de tir ou de boules ou de cyclisme. Les gagnants (premier, deuxième, etc) gagnent un prix à la fin et ne sont pas « salariés ». Mais de fait, ces prix impliquent des salariats autour, par exemple les entraîneurs de chevaux ou les équipes des voiliers. Cet amateurisme de professionnels est bien défendu par des structures telles que le Jockey Club ou le Yacht Club. Les escrimeurs et les joueurs de paume eux aussi ont des prix. mais en escrime comme en natation ou gymnastique, dès 1800 et quelques il y a un autre système qui s’y ajoute, celui de « professeur ». On est professeur de natation, donc on a un salaire et on peut s’entraîner tous les jours. Le golf c’est bien connu. On joue pour de l’argent et les règlements des concours interdisent souvent que s’inscrivent les caddies ou les vendeurs de matériel: c’est la même distinction de classe. Comme en voile ou aviron, où on exclut les ouvriers des chantiers navals…. C’est bien anglais. L’amateurisme comme système de séparation des classes, pour fermer les salons des clubs aux prolos.

    Au niveau du football, tu le sais, la Belgique, et surtout les Pays-Bas, tentent de s’opposer au professionnalisme, pour les derniers, avec l’interdiction de jouer en sélection jusqu’à la deuxième Guerre. Ils en paient le prix encore aujourd’hui faute d’autocritique. Pour l’Angleterre, une des causes de la décadence de son football est la réduction progressive des salaires imposée par la FA aux professionnels. Se professionnaliser n’est plus motivant vers 1920, alors un amateurisme marron se développe, pur ou en complément.

    Le classisme est plus fort là où il y a noblesse, aristocratie, et plus tard, dans des pays comme les USA, où certains sports sont dirigés par des militaires et le racisme sévit. Voir les cas de racisme anti-amérindien lors des JO de 1908 et 1912.

    En Europe Centrale, où se développe un football juif autogéré avec partage des recettes entre les joueurs, qui sont aussi entrepreneurs et tacticiens, le problème ne se pose pas de la même façon. Quant à l’Amérique du sud, les Argentins jouent beaucoup avec ça, parce que les crises au sein de leur football suivent au pied de la lettre celles que les Anglais fabriquent au niveau mondial. Il y a donc entre 1910 et 1940 des divisions internes permanentes, qui prétextent l’amateurisme, mais qui en réalité ont peu à voir avec ça, sauf le fait que les dissidents (« amateurs » ou pas) ne veulent plus verser leur argent aux dirigeants de tel ou tel autre bord politique.

    Le football argentin et brésilien incarnent par leurs divisions les méthodes politiques qui vont suivre: le coup d’état, la manie du conflit, le goût de la crise et de la division. Tandis qu’en Uruguay le football est la matrice qui préfigure la démocratie politique: toujours trouver un consensus où chaque option a sa place sans exclusion, sans exclusives.

    La Copa América est créée comme un championnat ouvert, de type British Home. Mais en 1923, les soi-disant amateurs d’Amérique créent une confédération « amateur » dissidente. Pour la première et unique fois, des clubs uruguayens adhèrent à ce mouvement qui sent très fort la manipulation anti-FIFA des Anglais à la veille du tournoi de Colombes. En effet, Peñarol, le club britannique de Montevideo, est dans le coup, contre la Celeste et contre la Confédération Sudam.

    Cependant Peñarol est le premier club professionnel de l’Uruguay et n’a rien d’amateur. Dès 1905 les joueurs du CURCC, sont embauchés par la compagnie ferroviaire pour jouer au football. Puis, quand le CURCC devient Club Atlético Peñarol, en 1913, comme cela arrive en Angleterre ou à Buenos Aires avec les grandes équipes issues de l’industrie, le système de salariat perdure sous la forme de contrat d’employé du club. C’est alors que Nacional « se démocratise », c’est-à-dire, achète les joueurs pauvres mais prodigieux de clubs comme le River Plate portuaire. En réaction, les « petits clubs » protestent. C’est la crise. Pour calmer le jeu, la AUF adopte donc le dispositif de 1915 qui autorise les clubs à embaucher les joueurs et le joueur qui veut changer de club doit attendre deux ans ! C’est le début du professionnalisme généralisé, car avant, le professionnalisme était plutôt individualisé, réservé aux cracks.

    Le système de prix ou de primes a aussi existé dans le football. Mais peu. Les professionnels français de 1897 touchaient des primes ou prix par match ou par série de matches. Des extras. En Angleterre, ce système est interdit avant 1900 pour pousser au salariat. Le Congrès olympique fondateur, en 1884, condamne le partage des recettes et préconise le partage indirect par système de salaire qui, bien évidemment, transforme le club en entreprise capitaliste, avec ses patrons, son usine (le terrain), ses salariés et sa production (les matches).

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  7. Les Anglais obtiennent d’ailleurs la non participation argentine en 1924… par division…

    Mais malgré la propagande de Peñarol contre la tournée olympique, et malgré la division du football montévidéen en deux, la AUF ne cède pas aux Anglais. Ainsi, la Celeste qui gagne à Colombes ne représente que la moitié du football uruguayen, ou les deux tiers pour être plus précis. Privé de certains cracks, elle gagne quand même. Pourtant, la presse acquise à Peñarol tente de dénigrer. Petrone, par exemple, est accusé de rater……. 99% de ces shoots !!!!!!! Il sera le meilleur buteur.

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  8. Aussi, faut-il le rappeler, en France mais aussi en Italie, vers 1922, sont définies différentes catégories de footballeurs. Ceux qui valent beaucoup et ceux qui valent moins. Les premiers sont salariés et peuvent être transférés avec bénéfices pour le club. On assiste alors à un fort nomadisme des joueurs professionnels, malgré le régime général dit « amateur ». Ce nomadisme, avec changement de club tous les ans, rapporte au joueur, mais aussi au club vendeur. On appelle ces joueurs des « non-amateurs » car ils ne sont ni amateurs ni professionnels de statut. Les mauvaises langues du capital et les envieux de la presse inventent alors la qualification d' »amateur marron » qui est fausse puisque le règlement des associations concernées encadre le système.

    L’amateur marron est celui qui viole une règle d’amateurisme strict.
    Ainsi en 1920 aux JO de football les amateurs marrons sont légion même si l’association belge n’a pas le droit moral de règlementer le football mondial et donc, l’illégalité est en quelque sorte souhaitable et de droit fondamental. En 1924 par contre, avec un règlement ouvert, ce phénomène « marron » n’est plus possible, de fait, puisque tous les footballeurs sont admis.

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  9. Il faut savoir qu’en Uruguay, et ça dure jusqu’à l’après deuxième guerre mondiale, les grands partis (Rouge et Blanc) sont des partis accordéon. Les Blancs, nationaux et agraires, les Rouges, industriels et portuaires, intègrent en leur sein et une gauche et une droite, et même parfois une extrême gauche et une extrême droite. Et c’est la composante la plus importante du parti le plus voté qui dirige le gouvernement, mais elle le fait en y intégrant les autres composantes du parti, et parfois même en partageant le pouvoir avec le parti opposé. Tout est négocié. Comme les résultats des matches sont négociés après-coup par les capitaines.

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