Une cuvée sans surprise pour ceux qui ne s’arrêtent qu’à la lecture brute du palmarès d’une compétition qui sacre et consacre depuis plus d’une décennie le même héros. Un grand cru pour ceux qui ont suivi journée après journée les folles tribulations de ces formations de Bundesliga engagées dans des quêtes aussi diverses que celle du Meisterschale, des qualifications aux Coupes d’Europe ou bien plus modestement celle du maintien.
Avec comme au théâtre, un dénouement joué dans la scène finale où les derniers rebondissements offrent aux intrigues de cette saison passionnante des issues heureuses ou malheureuses. Et des acteurs qui basculent alors soit dans la joie et le bonheur (registre de la comédie) ou dans la tristesse et la cruauté (registre de la tragédie). Voir pour ce fameux héros dans une tragi-comédie de haute volée puisque l’on apprendra quelques minutes après le coup de sifflet final que le duo Kahn-Salihamidzic avait été démis de ses fonctions avant même le verdict de la dernière journée par le Conseil de Surveillance. Sacré Bayern !
Car, c’est donc à la différence de buts que le FC Bayern remporte à nouveau la Bundesliga version 2022-2023, soit son onzième titre consécutif. Aux dépens d’un Borussia Dortmund qui une nouvelle fois n’a pas su conclure l’opportunité réelle qu’il avait de rafler la mise.
Le football se joue à onze et à la fin, c’est le Bayern qui gagne, plus Rekordmeister que jamais. Dortmund ne peut s’en prendre qu’à lui-même, tant ce titre lui tendait les bras car, au final, et sans vouloir offenser le champion, ce sont surtout les Schwargelben qui l’ont perdu.
A domicile, dans un stade du Westfalenstadion bouillant, Terzic et ses hommes n’ont pas su résister à l’énorme pression qui pesait sur leurs épaules en étant incapables de vaincre une dernière fois. Rapidement mené au score dès la 15e par un Mayence qui n’avait plus rien à jouer mais qui est toujours aussi adroit sur corner (0-1), Dortmund a vu des évènements contraires s’enchaîner. A la 19e, Haller tire le pénalty de l’égalisation immédiate, son tir est repoussé par un Finn Dahmen en feu. Ce gardien remplaçant commence le show qui fera de lui le meilleur joueur du match. La suite n’est pas mieux. Au contraire, un second but des Mainzers à la 24e (tête d’Onisiwo étrangement esseulé à 7-8 mètres du but au beau milieu d’une défense apathique) et la sortie sur blessure d’Adeyemi à la 40e finissent de plomber un Borussia qui rentre au vestiaire dans la peau du loser qui lui colle tant à la peau. Car dans le même temps à quelques 80 kilomètres de là au RheinEnergieStadion, Kingsley Coman a nettoyé la lucarne de Cologne en début de match (8e) et placé le Bayern dans des conditions optimales pour reprendre sa place de leader.
De retour sur la pelouse, les Borussen attaquent, mettent de la volonté, de l’envie mais n’y arrivent pas. C’est le retour de ce jeu si peu inspiré, trop prévisible, dénué de folie créatrice. Car pour renverser ce bloc compact et physique proposé par les hommes de Bo Svensson, il faudrait créer du désordre pour enfin déséquilibrer l’organisation défensive de Mayence qui a déjà réussi des prouesses cette saison comme lors de sa série historique de 10 matchs sans défaite. A l’issue d’un double une-deux avec Reyna qui vient d’entrer en jeu quelques minutes plus tôt, Raphael Guerreiro ramène l’espoir d’une frappe pied droit peu académique qui rebondira sur le poteau avant de finir au fond des filets (69e). Dortmund est toujours mené (1-2), il reste 20 minutes.
Indécis jusqu’au bout
Au RheinEnergieStadion, Cologne égalise par l’entremise de Ljubicic qui transforme un pénalty à la 81e. A ce moment précis, Dortmund redevient leader de Buli et est donc virtuellement champion.
Puis, à la 89e, toujours à Cologne, Jamal Musiala fait parler son talent et surtout la poudre en envoyant aux 16,50 mètres une frappe téléguidée dans les cages gardées par Schwäbe après un contrôle orienté de toute beauté. Le championnat vient de basculer.
L’égalisation sur une volée de Süle après un jongle aérien aux accents brésiliens dans la surface de réparation adverse (!) arrive trop tard (96e). Fin des matchs, Dortmund a laissé passer sa chance et nouveau triomphe du Bayern. Müller et sa bande peuvent laisser éclater leur joie, ils sont de nouveau champions. Sans être un beau champion.
Dortmund est un beau perdant avec un stade et des supporteurs emprunts d’une vraie dignité. Sans compter les fans de Mayence qui applaudissent Dortmund en étant presque désolé d’avoir fait match nul.
De l’émotion pure, jusqu’au bout.
Après une dernière journée qui aura vu toutes les équipes jouer le jeu jusqu’au bout, petit tour d’horizon sur le dénouement du climax.
Et sur les autres pelouses…
Petite victoire sur Brême (1-0) et grand bonheur pour le FC Union Berlin qui jouera la Ligue des Champions alors que Fribourg devra se contenter de la Ligue Europa. Profitant de l’échec surprise d’un Wolfsbourg lamentablement défait à domicile par la classe biberon d’un Hertha Berlin déjà relégué (1-2), et grâce à sa différence de buts favorable sur l’Eintracht Francfort pourtant vainqueur de Fribourg (2-1), le Bayer Leverkusen sauve son billet européen malgré une défaite cuisante face à Bochum (3-0) qui se sauve donc avec la manière. Pas le cas de Schalke, qui malgré une résistance acharnée, a dû s’incliner en fin de match à Leipzig (4-2), finit avant-dernier du classement général et jouera donc la saison prochaine en 2.Bundesliga.
Le barrage s’annonçait plutôt exceptionnel avec un duel entre les deux clubs historiques que sont le VfB Stuttgart et Hambourg SV. Il n’en sera rien avec une double victoire sans appel du VfB porté par un Enzo Millot de gala (2 buts, une passe décisive) : un match aller (3-0) effaçant quasiment d’entrée tout suspens puis un match retour géré par des Souabes affirmant définitivement leur supériorité (1-3). Stuttgart reste donc en Bundesliga et Hambourg devra encore batailler une nouvelle saison à l’étage inférieur pour espérer retrouver l’élite du football professionnel allemand.
La 2.Bundesliga pas en reste
Parce qu’au niveau du football allemand de club cette saison était celle des émotions, la Zweite Bundesliga s’est elle aussi mise au diapason de sa grande sœur et nous a offert une fin de championnat tout aussi mémorable qu’indécise avec un titre attribué à la différence de buts alors que les trois premiers du classement finissent en un point.
Ainsi à la lecture de son tableau d’honneur tant convoité, la deuxième division allemande nous envoie pour la prochaine saison la surprise Heidenheim, champion grâce à une différence de buts favorable (+31) et promu pour la première fois en Buli après une fin de match complètement dantesque, et Darmstadt, beau second qui a lâché sa première place sur un dernier match alors que sa différence de but était défavorable (+17). Ces deux équipes finissant avec le même nombre de points (67) alors que Hambourg échoue à la troisième place du podium du haut de ses 66 points et gagne le droit de disputer le barrage.
Petite ville de 50 000 habitants (à ramener à l’échelle allemande), Heidenheim est montée en Bundesliga au bout du bout d’un scénario complètement fou pour cette dernière journée de championnat : si Darmstadt a eu la bonne idée de valider mathématiquement son billet d’accession directe lors de l’avant-dernière journée, le dernier sésame octroyé est lui l’objet d’une lutte à distance entre Hambourg et Heidenheim, tous deux en déplacement pour cette ultime rencontre.
En cette belle fin d’après-midi ensoleillé, leurs protégés vainqueurs à l’extérieur (0-1), les supporters de Hambourg complètement euphoriques envahissent au coup de sifflet final la pelouse de Sandhausen dont le speaker a annoncé la montée directe du HSV. A tort, car, loin de là, Heidenheim joue encore à Ratisbonne et bien que mené par les locaux (2-1), le match n’est toujours pas terminé. Et l’improbable se produit : puisqu’au bout des 15 minutes de temps additionnel accordées par les arbitres, Heidenheim va marquer deux fois aux 93e et 99e minutes, gagner le match face au SSV Jahn Regensburg (2-3), devenir champion de 2.Buli grâce à une différence de buts favorable devant Darmstadt (renversé dans le même temps à Greuther Furth 4-0) et monter pour la première fois de son histoire à l’étage supérieur. Avec cet ascenseur émotionnel de folie entre pur bonheur et détresse incommensurable des protagonistes, ce finish entre dans le grand livre d’histoire du football allemand.
Enfin, la Pokal était la dernière compétition de la saison à rendre son verdict : le RB Leipzig conserve son titre et remporte sa seconde finale consécutive de Coupe d’Allemagne en dominant l’Eintracht Francfort (2-0) avec un Christopher Nkunku encore décisif et qui s’est offert une sortie par la grande porte (un but, une passe décisive). Leipzig déjà qualifié via le championnat en Ligue des Champions, la septième place de Bundesliga devient donc qualificative pour la Ligue Europa Conference et, comme parfois le football est bien fait, c’est l’Eintracht, malheureux finaliste, qui se consolera maigrement avec ce dernier ticket européen.
Si Dortmund n’est pas capable de profiter des faiblesses du Bayern…
Heidenheim, belle exploit cette montée pour une ville de cette taille. Y’a des cas similaires dans l’histoire de la Bundesliga?
Ce n’est pas si petit que ça, Heidenheim. En tout cas, bien plus peuplé que Hoffenheim. Des clubs de villes équivalentes à Heidenheim promus, il y a eu Homburg et Neunkirchen. Unteraching aussi, plus petit même, mais dans la banlieue Munichoise.
Contrairement à Hoffenheim, Heideneim n’a pas derrière lui un milliardaire comme Dietmar Hopp, l’un des fondateurs de SAP. Hoffenheim est d’ailleurs un quartier de la ville de Sinsheim où se situe le stade du club, à mi-chemin entre Hockenheim (tilt pour les fondus d’automobile) et Neckarsulm (re-tilt).
J’ai beau avoir perdu tout intérêt pour la Bundes (mais à dire vrai pour le foot contemporain de manière générale), il faut bien concéder que ces épilogues auront été pour le moins épiques. Et bravo et merci à l’auteur d’avoir si justement rapporté ces fins de saison : ça se lit tout seul, plaisant.
Merci
Merci Rwano. Hormis son rôle lors des barrages, qu’est ce qu’il vaut le petit Millot ? J’en avais entendu parler quand il jouait du côté de Chartres, gros espoir parti à Monaco comme la moitié des espoirs français (ou européens d’ailleurs !) et qui est refourgué vite fait au plus offrant. De mémoire, il n’est ni grand ni costaud, il a pris un peu d’épaisseur en Bundesliga ?
Merci à toi pour tes articles.
Millot a bien fini la saison (25 matchs, 2 buts, 2 passes). Voir très bien.
Le changement d’entraîneur lui a été bénéfique, Sebastian Hoeness lui a donné de la confiance. Et le jeune le lui a très bien rendu.
Son replacement en milieu plutôt axial et parfois assez haut derrière l’attaquant a été très bénéfique pour le VfB.
J’ai vu que Lens s’y intéressait fortement.
S’il reste en Buli, j’en fais un de mes joueurs favoris pour mes équipes fantasy.
Bref, j’y crois.
Autant sa première saison a été discrète (normal vu les 6 matchs disputés), autant là il a démontré qu’il possède les qualités pour y jouer. Pas dans un top club mais il peut y jouer.
Encore bon en Pokal ce we.
Merci, j’essaierai de jeter un œil sur ses prestations avec le VfB.