Brésil, fermeture d’un 5 étoiles

Le dernier scintillement

« Cinq étoiles » ! « Cinq étoiles » ! « Ils sont trop forts, c’est les meilleurs »… me disait un de mes oncles en secouant sa main grande ouverte, les cinq doigts en éventail, comme pour ventiler l’habitacle de sa voiture dans laquelle je viens d’embarquer, en cette fin juin grenobloise déjà chaude. Nous sommes en milieu d’après-midi, quelques minutes seulement après le coup de sifflet final d’une Coupe du Monde 2002 qui a fraîchement vu le Brésil triompher de l’Allemagne grâce à un doublé d’ « El Fenomeno », un succès de la Seleção synonyme ici de cinquième étoile décrochée, soit deux de plus à ce moment là que son adversaire du jour ou encore que sa seconde dauphine italienne. Si nous concernant, la suite de la journée se déroulera à l’image de notre rôle de téléspectateur neutre, comprenez sans péripétie particulière (pas de trafic sur la route (en bon dimanche) et un trajet sans aucune secousse (« tout roule comme sur des roulettes » pourrait-on aisément glisser))… pour les supporters « Do Brazil » en revanche, le « fleuve de la vie footballistique » sera dès lors plus tumultueux, réservera ici de multiples tourbillons, là certains creux de vagues, mésaventures et autres mauvais présages… La pagaie « Auriverde » en effet, connaîtra bien des galères, naviguera à vue et voguera l’air hagard, comme égarée, au gré d’un vent provoqué et propagé par les pages vierges et agitées d’un palmarès avide de nouvelles lignes ! L’Amazone prend alors tristement des allures de Styx, atroce transformation et seule solution de transport pour un long voyage (trop long très certainement) où les personnages, ou plutôt ici les passagers… jusqu’à aujourd’hui encore et malgré toute la poésie et la philosophie que l’on prête volontiers à l’âme brésilienne : ne rêvent que d’arriver enfin à destination ! C’était la fin du Mondial 2002, l’été de mon dernier album « Panini »… véritable temple renfermant un précieux vestige de cet âge d’or, un trésor dont le souvenir demeure intacte et me colle encore et toujours à la peau : la vignette du fanion brésilien ! Avec ses étoiles vertes flottant au dessus de l’écusson, voie lactée couvrant nos merveilleux rêves d’avenir ou comète furtive, fugitive aussi… frivole, désinvolte ou volage peu importe… ayant le pouvoir d’exaucer nos vœux les plus sauvages ! Un fanion pour finir floqué, ou comme fortement greffé, sur un magnifique fond argentée… resplendissant au possible celui-ci, presque pétillant… étincelant à souhait et brillant de mille feux ! Un fond scintillant, à l’image de ce qui n’est hélas : plus que le passé de la Seleção. Une sélection se substituant pourtant facilement à la définition de suprématie, ne serait-ce que dans l’inconscient collectif… symbole indéboulonnable du football, modèle mondial de la balle ronde et solide emblème de ce sport indéniablement devenue aussi méconnaissable que désespérée… maladroite, boiteuse… et absolument bouleversante. « Football Samba » aux oubliettes, capoeira au placard et chorégraphie générale plus que bancale… Carnaval sans couleur, « Maracana » sans joueur ou carrément « Macarena » sans danseur… Pour conclure un sable de « Copacabana » changé en argile, comme pour tragiquement chausser les pieds nus de ce géant jaune jadis agile, jovial… ingénieux, génial… et aujourd’hui étrangement gauche ! Magie noire, malchance… désenchantement ou je ne sais quel charme de méchanceté s’acharnant sans rien lâcher sur notre char vedette, notre défilé de footballeurs festifs et instinctifs. Spécimens de pureté et de spontanéité ceux-ci… morceaux de soleil à eux seuls, acteurs phares et enfin : espèce rare sacrément chamboulée depuis maintenant plus de vingt ans et désormais dangereusement en voie d’extinction. Brésil, le dernier scintillement.

Titan condamné à n’être plus qu’une constellation

C’était la fin du Mondial 2002 donc… et le ciel bas, nuageux, ou pourquoi pas tout proche de s’abattre sur la tête de nos artistes… n’était encore pas du tout prévu au programme du bulletin météo brésilien ! Bien au contraire, même les « footballo-climatologues » les plus sceptiques envisageaient alors un ciel clair et dégagé au-dessus du « Cristo Redentor », l’actualité sportive était agréable dans chaque journal et l’allégresse générale faisait quant à elle, aussi joliment que légèrement : la « Une » de toute la presse ! Ronaldo renaissait de ses cendres tel le plus phénoménal (facile) des phénix… Ronaldinho naissait lui, tout simplement… jeune prodige, jongleur d’orange et égérie de l’idéologie « Joga Bonito », jaillissant de nulle part, comme par magie ai-je envie d’ajouter… pour venir nous jouer son formidable football sous le feu des projecteurs du monde entier, aube ici d’un talent éclatant s’étant marié à merveille avec la carte postale des deux pays l’ayant vu éclore : le « matin calme » et le « soleil levant »… Enfin Rivaldo, pour fignoler le tableau (ici un chef-d’œuvre forcément) et parfaitement finir de présenter le fastueux trio « fer de lance » de l’équipe victorieuse de ce tournoi. Rivaldo oui… le virtuose, le « rival de Ronaldo » ou encore la « version dark des idoles » façon « Mark Landers », dans ce dessin animé culte et ce générique sans fin qu’était ce Brésil aux folles allures de « Telenovela » ! Le numéro « 10 » de cette Seleção était sans aucun doute mon favori des trois « Rois Mages » peuplant le peloton de tête, le podium… presque le péplum présenté ici ! Parfois agaçant, révoltant aussi… souvent ravissant, toujours esthète techniquement mais surtout, l’ « ange poète du Barça » (qui pour l’anecdote passera chez le « Diavolo » du Milan AC cet été là) était vieillissant… Astre suprême qu’on pensait invulnérable, inévitablement suspendu ici au crépuscule de sa carrière mais, gravitant comme inaccessible autour de sa destinée ou, à l’inverse, inamovible et résistant aux pourtant incontournables lois du temps : Rivaldo restait au zénith ! « Satellite solaire » superbement connecté à la « Planète Foot », « extraterrestre des assists » en pleine tentative d’invasion… Ovni rayonnant par sa « Vista » ou encore « Soucoupe volante des ciseaux »… Rivaldo était l’« Icare de la surface » ! Aussi audacieux que candide, aliéné ou fou à lier autant qu’infernal et alors radieusement décollé, chaussé des sandales d’Hermès bien sûr… pour une nouvelle mission spatiale, voyage extraordinaire dans une galaxie encore inconnue ou aventure aveugle et exceptionnelle : la conquête d’une cinquième étoile ! « On a perdu le Brésil, Didier ? » « Ben, on l’a perdu depuis que Telê Santana a perdu en 1982 et en 1986. Les Brésiliens ont longtemps eu depuis ce complexe physique, alors ils ont mis en 1994 Parreira à la tête de l’équipe du Brésil, un prof de sport qui avait été le préparateur physique de la Seleção 1970 ! Le Brésil a perdu cette magie… Ça a été catastrophique que ce « Futebol Arte » de la sublime Seleção ne gagne pas le « Mundial » 1982 que j’ai couvert : ça nous a conduits à la Coupe du Monde 1990 chiante comme la mort ». Transition sèche et brutale qui fera à la perfection fonction de conclusion ! C’est effectivement sur ces mots sans mesure et ce constat glaçant, analyse alarmante mais cependant assez juste du doux et romanesque journaliste Didier Roustan… que nous bouclerons ce deuxième paragraphe. Le Brésil champion du monde en 2002 était en fait le bouquet final d’un feu d’artifice qui commençait déjà à battre de l’aile. Spectacle pyrotechnique autant pharaonique que parti en fumée, tragédie grecque et grand mythe qui s’éteint… des « Auriverde » calqués sur le destin d’Orion : Titan condamné à n’être plus qu’une constellation.

Étoiles filantes, pardon… fuyantes !

Au-delà des performances et de la forme donc… et plus que l’affreuse et effroyable philosophie de finalité souvent affrontée dans mes fables (le triomphe officiel, les trophées, les titres… les entrées en fanfare au « Hall of Fame » ou au Parthénon et pour finir le toit du monde atteint), c’est surtout le fond qui fera de plus en plus défaut à notre désormais si fade formation brésilienne. En effet, entre le changement de cap effectué par la fédération avec la nomination de Carlos Alberto Parreira en 91 (la seconde très exactement (le coach carioca ayant déjà réalisé un premier mandat (plutôt un intérim) en 83 après le traumatisant « Mundial » espagnol vécu sous le tant apprécié Telê Santana))… et le dernier festin bouffé par la Seleção en Asie (restes de saucisse de Francfort sur la moustache de Luis Felipe Scolari faisant foi)… la forme, via sa vitrine préférée « Monsieur Palmarès », restait formidablement fidèle à sa fonction favorite d’écran de fumée : deux sacres mondiaux en trois éditions (94 sous Parreira et 2002 avec Scolari) et une place de finaliste en France (98 (des sud-américains ici à la baguette de la fée, ou plus précisément de la « petite fourmi » (comme on l’appelait), bienfaitrice brésilienne qu’on pensait immortelle (il avait déjà dirigé son pays plus de vingt ans auparavant (70-74)) mais pourtant récemment défunte : Mário Zagallo)). Avec ça non moins de quatre « Copa America » sont à inscrire au compteur des « Pentacampeões » (comprenons ensemble « quintuple champions »), toutes sifflées pratiquement d’affilées : 97 (sous Zagallo (une finale perdue en 95 mérite aussi d’être soulignée)), 99 (avec Vanderlei Luxemburgo), 2004 (de nouveau avec Parreira (de retour alors pour un troisième règne à la tête de la sélection)) et pour conclure 2007 (pour l’inauguration de l’ère Dunga (à noter, toujours symbolique, que ces deux dernières « Copa » remportées l’ont été après des finales face à la grande et légendaire rivale Argentine))… Écran de fumée disions-nous ? Peut-être… Difficile à dire… Le Brésil bénéficiait-il (durant cette période (94-2002) prise ici comme référence pour représenter un changement et la fin d’une époque pour la Seleção) d’une certaine « poussière d’étoile », « magie dans l’air » héritée du passé et alors encore potentiellement résiduelle dans l’atmosphère ? Espèce ici d’ultime inspiration avant de soudainement manquer de souffle et d’idée ? Ou bien cet étouffement à petit feu est-il aussi (ou uniquement) le fruit d’un professionnalisme grandissant du football depuis les années 90 et, par conséquent, de la progression des « plus petites nations » souvent définies comme « secondaires » ? « Données modernes » et dernière mise à jour qui auraient du coup contribué à mettre un terme à la domination des « tout puissants » de ce sport (un sport finalement pas si avare que ça (malgré un élitisme  sans cesse croissant) en fourniture de « David contre Goliath » (Grèce, Porto ou Monaco en 2004… Montpellier 2012, Leicester 2016, Monaco (encore) 2017, Lille 2021… Croatie 2018, Naples 2023… jusqu’aux Girone ou autres Leverkusen aujourd’hui et j’en passe)). Me concernant, l’identité devant rester, dans l’idéal évidemment, indépendante de toutes influences et facteurs extérieurs : je ne dédouanerai pas le Brésil et le tiendrai tout de même pour principal (et peut-être même seul) responsable de sa chute aussi chaotique que cauchemardesque, son indéniable déchéance ! Écran de fumée c’est ça ? Absolument selon moi ! Effectivement, sauf quelques exceptions, éclair de génie fulgurant ou coup de foudre éphémère (je pense par exemple au retournement de situation contre l’Angleterre en quart de finale 2002)… et une fois retirées les lunettes d’embellissement habillant habituellement le pif novice et naïf de l’enfance, prisme magnifiquement déformé certes mais cependant faussé… force est de constater que les différents formats de la Seleção s’étant succédés au cour de cette période (94-2002) étaient hélas tous déjà poussifs et pourraient tout à fait être considérés aujourd’hui comme les premiers signes annonciateurs d’une sélection décadente, d’une équipe qui tomberait bientôt de Charybde en Scylla. Le dernier festival d’étoiles filantes, pardon… fuyantes!

Et enfin l’éclipse totale

On se quitte ici, avec encore une fois l’expression « écran de fumée », reprise aujourd’hui avec insistance certes mais qui prête (plus qu’à confusion) formidablement bien à notre prêche du jour son image comme sa définition :  subterfuge qui consiste à masquer ses intentions réelles en effectuant ou promettant de faire autre chose. Faux-semblant à l’efficacité sociétale aussi séculaire que fiable… poudre aux yeux rêvée, aux vertus miraculeusement soporifiques, pourquoi pas carrément qualifiable ici de « Morphéeique » et que jalouserait bien sûr n’importe quel marchand de sable… pour finir un fond de teint infaillible, un fard à paupières parfait afin de flatter et de satisfaire le reflet que renvoie, sans jamais fauter ni offenser la fière façade lui faisant face : l’incassable miroir aux alouettes ! La Seleção n’est plus qu’une chimère, un mirage… l’ombre d’elle-même en guise de spectre que plus personne ne craint… L’enjeu a vaincu le jeu ainsi que la joie d’animer ce dernier, là est la plus grande défaite du Brésil et de son football ! Adieu l’esprit de fête, au diable la folie dans les gestes… la danse folâtre jadis toujours offerte par cette sorte de sélection « Farfalla » (« papillon ») délicieusement « Al dente » ! Ce Brésil buissonnier, « évadé comme Pelé » et terriblement libre ! Des « Canarinho » hors cages, hors cases ! Des « Auriverde » détachés, avec un côté affranchi de toute notion de conséquence, ici funambule magnifiquement fêlé, sans filet forcément… là acrobate au goût du risque accru, ou encore cascadeur au caractère quasiment inconscient… Une Seleção enfin, surfeuse insouciante à souhait, multipliant les figures époustouflantes et semblant, aussi facilement qu’insolemment : marcher sur l’eau ! On y est : le Brésil, c’était Neptune avec un maillot jaune ! Après ça (pour rester concentré ici uniquement sur les prestations proposées en équipe nationale depuis la fin de cette période (94-2002) désignée aujourd’hui comme « trait d’union » (« changement » comme cité plus haut))… Maicon, Daniel Alves ou Marcelo (Maxwell, Luis Felipe, Danilo ou Alex Sandro peu importe) n’ont pas réussi à récupérer le flambeau flamboyant laissé par les iconiques Cafu et Roberto Carlos… Aldair et Dunga n’ont jamais trouvé chez « O Mostro » Thiago Silva ni chez Lucio plus tôt (oserai-je citer David Luiz, Dante… Alex et Marquinhos…) de dignes héritiers à leur (pourtant pas si solide ni inébranlable que ça) dynastie de défenseurs centraux… Au milieu de terrain (même s’il faut ici plutôt remonter à la période dorée du « triangle d’or » Socrates-Falcao-Zico pour réellement retrouver un respect de l’ « Adn Auriverde ») les plus costauds Casemiro ou Fabinho (idem pour Fernandinho, Fred… Anderson, Ramires ou qui sais-je) n’arrivent même pas aux chevilles des (et Dieu sait que ceux-ci n’étaient pas des mastodontes) Gilberto Silva, Vampeta… Emerson, Zé Roberto, César Sampaio et consorts… Au niveau des « numéro 10 », « Fantasista » comme on dit en Italie (un terme semblant taillé sur-mesure pour le message subliminal que transmettait la sélection brésilienne d’antan), il n’y a à tel point « pas photo » que je ne perdrai pas de temps à risquer de vexer nos deux soleils de tout à l’heure Rivaldo et Ronaldinho en présentant une pathétique comparaison avec leurs « successeurs » (ici seul Kakà pourrait (à la limite) tirer son épingle du jeu)… Les schémas ont changé ? Les chefs d’orchestres et autres feux follets fulminent maintenant sur les flancs du terrain et tenter alors de comparer le rôle de Raï aux tâches de Willian ou d’Oscar reviendrait à confondre des pommes et des poires ? Très bien, alors jouons sur le même terrain : même la version la plus décevante, «  éternel espoir », « promesse jamais tenue » ou « ange déchu », du plus triste des Denílson… redonnerait le sourire à n’importe quel spectateur ayant assisté aux nombreuses représentations proposées depuis sur les ailes de la Seleção (Firminio, Raphinha… Douglas Costa, Robinho, Antony, etc). Pour conclure le déclin le plus significatif, que dis-je le déclin… la déliquescence complète, la décrépitude absolue… perte d’altitude, crash aérien ou appelez ça comme vous voulez (ce ne sont pas les synonymes qui manquent (dégénérescence, dépérissement… dépression ou décomposition peuvent aussi s’inviter à « la table des restes ») : les attaquants ! Les buteurs ! « Pures 9 » ayant transmis le témoin aux « pires 9 », pour un tour de piste comme soudainement passé de la « vitesse grand V » au « mode ralenti » ! Alors Romario et Ronaldo deviennent un trop lent Adriano qui (curieusement) n’aura pas su peser autant que ses prédécesseurs dans les surfaces adverses. Gabriel Jesus, Richarlison ou Vinícius aujourd’hui… le « flop Pato » ou le presque trop fictif Hulk avant eux (ce dernier joueur symbolique (pratiquement symptomatique) ne serait-ce que par son surnom, du couronnement de la « musculation » du jeu brésilien au détriment du fantastique « Futebol Arte » croisé plus haut et regretté par Didier Roustan)… en passant immanquablement (quoique) par Neymar (« scoreur recordman » en sélection quand même)… aucun n’aura marqué plus les esprits que les buts, une entreprise (proche du dicton populaire « quand on aime, on ne compte pas ») si chère au romantique public brésilien (public par conséquent, au cœur pas si compliqué à conquérir) que même Mario Jardel était jadis parvenu à réaliser ! Une parenthèse « derniers remparts » avant de passer sur le banc et de parler des sélectionneurs… seulement chez les gardiens selon moi, la Seleção peut prétendre présenter (comment la régression de cette sélection pourrait-elle mieux s’exprimer que par la (logiquement liée) progression de ses portiers ?) des meilleurs profils que ceux proposés dans son glorieux passé (Julio César, Ederson ou Alison versus Rogerio Ceni, Marcos, Taffarel (constat un peu cruel pour Taffarel cela dit) et évidemment Dida (ce dernier détenteur cependant du « Totem d’immunité » et de l’indéboulonnable statut d’ « idole adoubée », deux titres dépourvus de toutes capacités de discernement ou d’objectivité et décernés par la maîtresse de cérémonie « Dame adolescence » l’incandescente)). Pour terminer, comme annoncé à l’instant, effectuons un minuscule crochet sur le banc de touche avant de nous quitter… ici l’aveu d’impuissance, l’abdication est incontestable : après avoir rameuter tout le quartier pour tenter de tenir du mieux possible les murs fragiles de la favela (« Scolari bis », « Parreira tris », Dunga (deux fois lui aussi), Maño Menezes et Tite), la fédération brésilienne fait incroyablement appel à l’aide internationale (Ancelotti, Mourinho ou Guardiola peu importe). Ouverture d’esprit ? Preuve de maturité et sage abandon de l’ego ? Ou à l’inverse funeste affront envers sa formation, pratiquement sa propre famille et enfin fatidique drapeau blanc fébrilement brandi ? « La célébration de Bebeto fait bel et bien balancer mon cœur entre fidélité, envers ma belle italienne… et craquage complet pour une danseuse de Samba ! » disais-je dans un de mes anciens papiers… c’était l’époque où le Brésil baladait ses adversaires comme sa réputation : balle aux pieds, tête levée et sans forcer ! Soleil totalement éclipsé, fin des vacances comme de l’été : Brésil, fermeture d’un cinq étoiles.

41 réflexions sur « Brésil, fermeture d’un 5 étoiles »

  1. Le mage des allitérations est de retour : «  La pagaie « Auriverde » en effet, connaîtra bien des galères, naviguera à vue et voguera l’air hagard, comme égarée, au gré d’un vent provoqué et propagé par les pages vierges et agitées d’un palmarès avide de nouvelles lignes ! ». Difficile de mieux faire, superbe !

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  2. Texte magnifique, un de ceux que je préfère venant de toi.
    PS : Roustan a raison à propos de la seleção de Santana. Je me demande ce que tu aurais écrit si tu avais été contemporain de cette équipe !

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    1. Merci encore vraiment…
      Ouch… Bonne question… à l’époque je ne sais pas mais aujourd’hui je dirais que la Seleção, en bonne tête de gondole et avant-gardiste du football comme elle l’a souvent été… était peut-être, tout simplement, encore une fois en avance sur son temps, certes ici tristement mais en avance tout de même: nous annonçant ainsi, avec 30 ans d’avance, la fin de l’insouciance et des festivités dans le foot.

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    2. Tonnerre de Brest : je ne serai pas d’accord avec Verano……….. Une première, je crois?? 🙂

      Ce que dit Roustan, c’est en substance la fameuse « mort de certaine idée du football » (ce pour quoi est d’habitude coutumier de focaliser sur Sarria 82), ce thème sorti de je ne sais où et qui connut un succès certain? Mouais.. C’est même pas que je ne sois pas convaincu, plutôt que ça m’a toujours agacé.. Je trouve que ça ne relève guère que de la narrative, réduire l’Histoire du jeu à hauteur de 3-4 grandes figures totémiques, ici l’idée de quelque beau Brésil (qui n’avait pas toujours été beau, loin s’en faut..) foudroyé par son amour même du beau, et qui dans la foulée renonçât à lui-même, sanctionnant d’autant la mort clinique du foot-art mondial.. ==> C’est cette idée, digne d’un roman courtois, que rejoint Roustan. Une idée romantique, or, problème : l’on a dit beaucoup de bêtises au nom de ce prétendu romantisme.

      C’est que, il y eut encore de bien belles équipes ensuite, ouvertes aux sens souverains, passionnées..et ouvertes au beau, parfois même! La France d’Hidalgo, la Colombie de Maturana (10 ans plus tard !)……. C’est du poulet?? Quoique moins portée sur le beau, le Danemark aussi était une équipe fraîche, joueuse, guère voire du tout calculatrice.. Je crois qu’on prête trop de poids à ce psychodrame du Brésil de Tele Santana et que, moins que ses échecs : c’est par exemple (je doute que ce fût monocausal) et bien plutôt la pharmacopée qui aura tué le beau jeu en l’accélérant une fois de plus – une fois de trop, peut-être?

      Les « 10 », par exemple, ne disparaissent pas soudain des radars du football d’élite parce que le Brésil faillit à atteindre les demis en 82 et en 86..mais plus probablement parce que l’une ou l’autre dimensions du jeu ont décisivement changé. Il suffit parfois qu’une donnée de l’équation change..et c’est alors tout le jeu qui s’en trouve affecté. Dans la foulée immédiate de 86, il y a par exemple l’introduction……-tabou de l’EPO dans la chose footballlistique…………et voilà, je crois, qui aura plus vraisemblablement nui à la pérennité du « jeu pour le jeu », que les funestes contributions d’un Rossi, d’un Bats, d’un Serginho.. (..mais puisque le dopage dans le football n’existe pas….) Et puis, ces années-là sont celles aussi qui voient le football brésilien devenir un marché aux bestiaux, toujours plus destiné à alimenter les fort sérieux championnats d’Europe.. Sarria ou Guadalajara dans tout ça, bof..?

      Concernant 2002, j’ai souvenir que ce Brésil n’était avare de médiocrités. Ronaldinho surtout faisait office d’ovni et de caution artistique, mais Ronaldo avait tant déjà été « augmenté ».. ==> Cela faisait certain temps qu’il avait basculé du football des sens à celui des watts. Et en termes d’alchimie collective, l’on restait loin, très loin de ce qu’avaient abouti certains de leurs aînés.

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      1. Suis pas sûr qu’on soit en désaccord ! Ce que je reprends de Calcio et Roustan, c’est la sensation que le dernier « beau » Brésil est celui de 1986, avec Telê (et déjà, ce n’est plus celui de 1982 mais c’est Guadalajara, le jaune dans le stade etc…). Ça n’empêche d’avoir de belles équipes par ailleurs et par exemple, l’Argentine de Coco Basile post Bilardo est séduisante alors que le Brésil est devenu chiant.
        On parle de mort du foot romantique dès lors que ce jeu spectaculaire disparait avec Telê qui lui même n’était pas un romantique, hein, j’en avais fait un article ! Et évidemment ça sert le discours facile. Mais il y a malgré tout une réalité : Santana brille encore avec São Paulo avant de disparaître. Depuis, quel club et quelle sélection brésilienne ont proposé un tel football ? Diniz se prétend disciple de Telê, mais ca ne suffit pas à faire de Flu le São Paulo FC du début des 90es, il n’en a de toute manière plus les moyens.

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      2. Pour avoir vu récemment le fameux Bresil-Italie en entier, pour la première fois, j’ai trouvé l’équipe de Santana extrêmement febrile. Uniquement à réaction. L’Italie entre quant à elle immédiatement dans l’action. Avec des grands Conti et Cabrini.

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      3. Pas revu de Brésil de ce bord-là depuis lors non plus, bref : oui, là-dessus on est d’autant plus d’accord que tu (et Roustan aussi, a priori) connais bien mieux que moi..qui ne regarde jamais les Copas! 🙂

        Mais ce qui me déplaît dans les propos de Roustan, c’est la veine romantique (et pourquoi pas!..pourvu qu’elle reste à sa place) et les causalités qu’il suggère…….. « Catastrophique que le Brésil ne gagne pas en 82 ou 86 », tiens.. ==> La belle affaire, qu’est-ce que cela aurait changé? Cette époque fut un chant du cygne de la diversité voire de la note artistique (quand il y en avait) pour à peu près..tout qui comptât, et sous quelque latitude que ce fût dudit « haut-niveau » : soit les artistes disparurent bien vite, s’éteignirent, étouffés..soit ils furent bien vite relégués dans des structures périphériques (pour l’Europe : des Hagi, Baggio..).

        Ma lecture du truc, c’est que ce qui s’est produit au Brésil..et ailleurs, le fut à mesure que la tache d’huile d’un football toujours plus standardisé, et que l’inflation concomitante du rythme du jeu, rongeaient les expressions/sensibilités particulières (le futebol arte en est une) du jeu/art à 11. Un peu à l’instar du cyclisme qui, même époque, vit les grimpeurs (figures romantiques par excellence, magnifiques mais instables, « impulsives ») être progressivement étouffés par les trains-trains d’enfer que parvenaient désormais à imposer en montagne des routiers-sprinters.

        Du temps de Tele Santana, ce n’est pas comme si le Brésil n’avait jamais connu de sélection plaçant haut les vertus du créatif et de l’esthétique, ni n’avait jamais connu d’échecs cuisants (1950 me paraît même d’une autre trempe à ce registre)..et, pour autant : 82 et 86 étaient restés possibles, dont acte.. ==> Je crois moins l’échec en cause, que la radicalisation infligée au rythme et à l’essence du jeu.

        Tiens, question (du candide!) : les Brésiliens firent-ils un tel fromage de 82 voire 86? Je ne parle pas de ce qu’ils en disent aujourd’hui, qui serait significatif plutôt du matraquage du discours-marchand entre-temps surgi (et globalisé). Mais à l’époque : sur l’échelle du Maracanazo, quel fut chez eux le niveau de ramdam de Sarria?

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      4. « à réaction », tu as mon +1 (j’en mets jamais!).

        Y a un aspect dilettantes Vs ultra-pros dans ce match, un contraste qui ne fut sans doute pas pour rien dans l’idée de « mort de certaine idée du football » (sur quoi je ne reviens plus).

        J’évoquais le Danemark.. Un football déjà plus cadenassé!, mais eux aussi gardèrent parfois de pécher par là, des pertes d’influx, sautes d’humeur, des pics, absences.. Dieu merci Piontek n’avait pu tout ratatiner du caractère joyeusement bordélique de la sélection danoise, il subsistait un espace pour l’humain et tant mieux.

        On peut certes produire des trucs en faisant l’économie de l’humanité, de ses hauts et de ses bas, des humeurs en désordre………mais peut-on faire de l’art, ça..?? Un homme d’affaires comme Bueren peut-être, allez, lol..

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      5. Sur ce Mondial 82, celui que j’ai trouvé en retrait est Antognoni. Alors qu’il est très bon en 78. Sur le Bresil-Italie, les buts brésiliens sont beaux, ce qui travestit un peu la réalité du match. Les Brésiliens n’y sont pas techniquement et physiquement face à une Italie qui a tout simplement plus de cœur.

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      1. Oui, d’ailleurs les deux sont revenus mais n’auraient peut-être pas du… Pas du partir c’est sûr, pas du revenir très certainement aussi…

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    1. Redondo surtout… Rivaldo à la limite a fait une première saison convenable, marquée hélas par sa « non entrée » en jeu en finale de C1 face à la Juve mais il a fait sa saison (même en C1 justement), plus en second plan certes mais pas invisible non plus…
      Pour Redondo le Milan aura surtout été une sorte de grande porte par laquelle sortir après une carrière « mi-discrète/mi-classe », sorte de magnifique « Riquelme d’un cran en dessous sur le terrain »…

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    1. Est-ce parce que je suis blasé ? Je trouve formidable ce qu’est capable de faire Vinicius, il a atteint un niveau que je ne l’imaginais pas atteindre et il est clairement LA raison qui justifie de regarder les matchs du Real pour un non supporter. Mais il ne m’inspire rien, il manque une forme de « magie ». Neymar, avant qu’il change de métier, avait quelque chose que Vinicius n’a pas. Difficile à expliquer…

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    2. Neymar était génial à mater. Me suis demandé également si j’étais blasé parce que mes coups de cœur en foot sont devenus rare. Mais à la réflexion, je pense que c’est avant tout les footeux actuels qui manquent d’épaisseur pour ma part. Alors que je suis capable de m’enflammer pour les nouvelles générations en cyclisme, basket ou même tennis. Ça fait du bien de voir des Sinner ou des Alcaraz. De vrais talentueux.
      On ne peut nier que l’on est dans un creux générationnel en foot. Évidemment quils restent de très bons joueurs mais l’ensemble est moins bons que 15 ans auparavant. Ça se ressent au niveau des sélections.

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    3. Vinicius… j’aurai répondu exactement comme Verano vient de le faire, même ressenti… Mais je le considère tout de même bien en dessous encore des artistes que la Seleção a eu par le passé.

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  3. J’ai relu eh eh !
    Depuis Ronaldo, qui était un OVNI, les avant-centres musculeux sont en effet la norme brésilienne. J’ai imaginé que Gabriel Jesus allait s’imposer et rompre avec cette nouvelle espèce de 9 brésilien, espoir déçu. Mais quand on revient en arrière, on ne peut que constater que l’avant-centre de 1958 et 1962, Vavà, n’était pas un virtuose. En 1970, la sublime Seleção joue sans pur avant-centre. Le buteur le plus prolifique des années 1970-80, Roberto Dinamite était un piquet. Alors bien sûr, Careca en 1986 et surtout Romario, que je place parmi mon Panthéon des numéros 9, ont offert une image qu’on aurait aimé reproduite à l’infini. Avant eux, il y avait eu Reinaldo, talent aussi fragile que le verre qui aurait sans doute eu une autre image aujourd’hui si Coutinho n’avait pas été le coach de 1978 et s’il n’avait pas été en désaccord avec Santana en 1982. Santana avait préféré prendre Serginho, un « bestiau » qui faisait tâche dans cette constellation.

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    1. Khia et Verano, vous saurez certainement mieux parler que moi de Tostao
      Génération Pelé il me semble non ? Tout ce que je sais de lui c’est qu’il faisait parti des joueurs « classic » à débloquer sur PES sur PlayStation 2 et qu’il était au dessus du lot !

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      1. Tostão n’était pas un pur 9, un joueur capable de faire plein de choses. Il me semble que le 9 de Cruzeiro était Evaldo, soutenu par Tostão, Dirceu Lopes un peu plus en retrait.

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      2. Tostao, mon joueur brésililen préféré en 70.

        Y a des gestes, aujourd’hui encore, je ne comprends toujours pas comment c’est possible, cette faculté par exemple à aller chercher le cuir derrière lui. Le centre de gravité, spectaculairement bas, n’explique pas tout.

        Parfaitement contemporain de l’un ou l’autre joueurs européens statufiés aux forceps, divinisés..alors qu’ils n’approchèrent jamais les capacités d’un Tostao..

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  4. Il y en a des infos dans cet article !
    Êtes-vous prêts pour des questions :
    – Le phénomène a brillé en 2002 l’année de ses 26 ans. Pouvez-vous nommer au moins trois autres joueurs qui ont aussi brillé en coupe du monde (et gagné la coupe du monde) l’année de leurs 26 ans ?

    Parler du Brésil peut faire penser à des France-Bresil. Comme indiqué précédemment, Zimako a connu sa deuxième sélection en équipe de France lors du match légendaire Bresil-France au maracana le 30 Juin 1977, lors de son dernier jour de contrat avec le Sporting.

    Mais quel joueur corse a connu sa première sélection lors d’un France-Bresil ? Un indice : peut-être que seulement les anciens s’en rappelleront.

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    1. Zidane en 98 et Iniesta en 2010 ? Mais ont-ils vraiment brillé ? Zidane, c’est surtout 2006. Malgré les deux buts en 98. Iniesta, on se rappelle du but face aux Pays Bas. Sa demi-finale est belle également dans mes souvenirs. Mais on ne peut pas considérer qu’il ait survolé la compétition. D’ailleurs, son ballon d’or soi-disant perdu en 2010 m’a toujours paru excessif. C’est Wesley Sneijder qui peut se sentir floué cette année là.

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      1. J’avais en effet pensé à Zidane pour 1998 pour ses deux buts en finale et son ballon d’or. Un autre a aussi reçu le ballon d’or et gagné la coupe du monde l’année de ses 26 ans mais avait connu un premier tour de coupe du monde exécrable. Pour le dernier, est-ce le plus grand ?

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      1. Ni le divin chauve, ni l’un des basques de l’équipe de 1978. En fait, il ne jouait pas en Corse quand il a été sélectionné.

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      2. Je suis malheureusement dans l’obligation de ne PAS décerner le prix corsica d’oru. Il s’agissait de Philippe Anziani lors du match France-Brésil de 1981. Et que veut dire « Anziani » en corse ? Et comment ne pas citer un certain Diego Armando Maradona en 1986, l’année de ses 26 ans ?

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      1. Oui j’allais justement dire Paolo Rossi
        J’avais le maillot avec ce numéro 20 mythique

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      1. Merci Khia, je savais que t’allais avoir un retour sur le bonhomme

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      2. Tostao doit ferrailler sévère avec les défenses adverses. Ce que j’adore avec ce Bresil 70, c’est l’incertitude du tireur de coup franc. Entre Tostao, qui lache l’affaire rapidement en général, Pelé, Rivelino et Gerson, t’es souvent étonné par leurs choix.

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