Second intermède dans ce top 50. On fait une nouvelle pause, hors de ce classement, pour évoquer un autre entraîneur qui aura considérablement marqué l’histoire des Xeneizes : Carlos Bianchi. Le grand buteur argentin, qui a martyrisé les pelouses françaises dans les années 1970-1980, est devenu une idole à Boca en étant l’entraîneur le plus titré et le plus respecté. Une avalanche de titres et de succès des plus prestigieux. Comme Toto Lorenzo, on peut leur trouver des points communs : c’est un gagneur, qui a construit en peu de temps une équipe solide, efficace, dévastatrice. Dans son sillage, s’est formé un groupe qui était comme possédé par la quête de la victoire, mentalement fort et à qui, il ne pouvait presque rien arriver. Comme si l’issue des rencontres était d’une logique implacable : à la fin, c’est Boca qui gagne. Mais si le parallèle entre les deux légendes se fait, ils ont aussi des trajectoires différentes, surtout dans leur style et leur personnalité bien opposés. Bianchi, c’est la sagesse, la tranquillité. Derrière son sourire apaisant, un compétiteur hors-pair et un obsédé de la victoire, qui a emmené Boca Juniors tout en haut, lequel pouvait se prévaloir d’être au tournant du millénaire : la meilleure équipe du monde.
De Liniers à La Boca
Carlos Bianchi était déjà au sommet dans les années 1990 avant de débarquer à Boca. L’idole de Vélez Sarsfield était revenu au « Fort » pour prendre en main l’équipe fanion au début de la décennie. En quelques mois, métamorphosé par sa main, Vélez fait une irruption fracassante dans le cercle des grands. Le club devient l’une des deux meilleures équipes argentines sur cette période, avec River Plate, et surtout, il amène El Fortín sur le toit des Amériques. Ce Vélez, sans grands noms, est une équipe solide et compacte, un rouleau compresseur terriblement efficace. Après un parcours sans éclats et à la force des séances des tirs aux buts, le club se défait, à la surprise générale, du São Paulo de Telê Santana, qui était en quête d’un triplé continental. Vélez Sarsfield remporte la première Libertadores de son histoire. Gagner et basta, devient très vite la marque de Bianchi. Le Virrey devient même le roi du monde, après que Vélez remporte la Coupe Intercontinentale en disposant du Milan AC, sans bavures 2-0.

C’est avec ce CV, déjà conséquent et plus rien à prouver, que Bianchi vient à Boca Juniors à l’intersaison 1998. Pour le club, c’est simple : Bianchi est là pour (re)gagner des titres. Car le club était dans une mauvaise passe. Une quinzaine d’années avec un seul titre, l’Apertura 1992, et plusieurs échecs en Copa Libertadores. Une équipe qui était divisée, avec des problèmes et conflits internes, minant l’ambiance du vestiaire. Boca n’était pas à son aise dans la majeure partie des années 1990, avec de nombreuses désillusions pour les hinchas. D’ailleurs, l’ambitieux homme d’affaires Mauricio Macri, qui était devenu président depuis 1995, commençait à s’impatienter et entendait redorer l’image du club, autant que de s’en servir comme tremplin politico-médiatique. Après un Bilardo dépassé, un Veira qui avait perdu son vestiaire, l’affable Macri voulait un grand nom, un gagneur pour augmenter ses chances de réélection, car les élections à la présidence du club étaient prévues l’année suivante et il avait besoin de résultats. Il aurait voulu Daniel Passarella, mais les hinchas refusèrent, logiquement, la venue du général de River Plate. Son choix se porta sur Bianchi.
C’est donc Bianchi, après un passage à l’AS Roma, écourté et sans réussite, qui est embauché comme le troisième entraîneur de la présidence Macri. Bianchi fait d’abord le ménage et renouvelle une bonne partie de l’effectif. Exit les Latorrre, Caniggia, Fabbri… Il promeut ses nouveaux « cadres » : donne les clés du jeu à Riquelme, confie définitivement l’attaque à Palermo et Barros Schelotto, arrivés la saison précédente, fait revenir Basualdo, un de ses hommes de confiance à Vélez, recrute Ibarra, installe Samuel en titulaire indiscutable… Avec Bianchi, c’est une page blanche pour écrire sa propre histoire, les bases des succès futurs sont posées. Il réarme l’équipe, donne confiance à son groupe et tient rapidement son onze type à qui il fera confiance toute la saison. Son onze type ne change que très peu. On fera les comptes à la fin.
Bianchi, la force tranquille
Et ça marche d’entrée. Boca écrase le tournoi d’ouverture : champion et invaincu sur ses 19 matchs avec 13 victoires, mais aussi 45 buts marqués, avec un Palermo qui tourne à plus d’un but de moyenne par match. Boca impressionne et ne va pas ralentir pour la seconde phase. Sur les mêmes bases, malgré quelques titulaires touchés par des pépins physiques et un peu plus de turnover, Boca plie le tournoi de clôture, 13 victoires en 19 matchs, et ne concédant qu’une seule défaite. Avec onze buts encaissés, la défense est intraitable et ferme la boutique. Une défense de fer, une attaque efficace, pas besoin d’en faire plus, un classique de Boca. Bianchi a refait de Boca Juniors une équipe impressionnante, avec un jeu simple et efficace, au point d’être une machine qui établit le record d’invincibilité du football argentin avec 40 matchs d’affilée, en prenant en compte les résultats de quelques matchs de la saison antérieure à son arrivée.

Bianchi a construit une équipe à son image : simple, discipliné, obnubilée par la victoire. Le plus souvent, il aligne un 4-4-2 (qui se mue en 4-3-3 par moment, surtout quand Guille Barros Schelotto passe en véritable ailier). Durant son premier mandat, il bâtit ses succès sur une défense solide, avec deux gaillards imperturbables en défense centrale, Bermúdez et Samuel ; deux latéraux, l’inamovible Ibarra à droite, El Vasco Arruabarrena à gauche, qui alternent les montées et couvrent bien défensivement. Au milieu, une sentinelle devant la défense, Serna, plutôt donc, un cinq défensif, aidé par deux médians, Diego Cagna, en feu et moteur de l’équipe sur la saison 1998-1999, ainsi que Basualdo, qui sont au four et au moulin, capables d’apporter offensivement, d’étirer l’équipe adverse, d’apporter le surnombre dans l’entrejeu, effectuant le travail défensif, combinant avec leurs latéraux et les couvrant. Devant cette ligne de trois, un enganche, meneur de jeu, Bianchi confie évidemment ce rôle à Riquelme qui s’épanouira comme jamais. En attaque, deux attaquants, l’un, à l’extérieur de la surface, qui tourne autour de son collègue, plus vif, qui décroche, prend la profondeur, les couloirs, El Guille remplit ce rôle au début. L’autre, un avant-centre typique, plutôt central, un vrai neuf plus grand, physique – Palermo excellant dans ce rôle.
Collectivement, l’équipe met une pression constante sur son adversaire : un bloc, un pressing, mais elle sait aussi garder la balle et faire courir l’adversaire. Un de ses points forts est sa capacité à remonter la balle rapidement, de manière très verticale, elle est redoutable dans ses contre-attaques. Bien sûr, l’accent sur la préparation physique était vital, ces joueurs devaient être au top physiquement, suivre le rythme élevé et garder l’intensité tout au long du match. En tout cas, avec Bianchi, c’est bien la tactique qui s’adapte aux joueurs, et non l’inverse. Bianchi veut faire quelque chose de simple pour les joueurs, ne pas compliquer leur jeu. Il fait en fonction de ce qu’il a entre ses mains et les qualités de chacun. Accomplir sa fonction, et basta. Il ne demande pas aux joueurs d’en faire trop, de se prendre pour ceux qu’ils ne sont pas, mais bien de maîtriser les bases et ses schémas de jeu. Une équipe qui ne laissait pas place à l’improvisation, bien structurée, organisée et avec un plan de jeu bien établi.

Le rôle de Bianchi est celui d’un père, d’un homme de confiance, qui rassure et met les joueurs dans les meilleures conditions. Il leur apporte bien-être de par ses discours et ses paroles, motivants et rassurants. Il façonne un groupe loyal entre eux, même si ce n’était pas les meilleurs amis du monde, et des rivalités internes existaient, mais sur le terrain, c’est réciprocité, chacun se bat pour l’équipe et ses coéquipiers, laissant les différends aux vestiaires. Tout l’effectif, et pas seulement le onze titulaire, se sent impliqué, c’est aussi une force des années Bianchi, avoir su gérer parfaitement les départs, les blessures, d’avoir toujours une solution sous la main, pour ne pas altérer sa ligne directrice. Autre point mis en évidence, Bianchi insuffle de la tranquillité à son équipe, d’après les témoignages d’une majorité de joueurs qui ont été sous ses ordres à cette période. Bianchi c’est une personnalité qui apaise et qui transmet sérénité. Une fois conquis, son effectif est gagné par sa mentalité de gagneur, et cela contamine toute l’équipe. La fameuse « mystique » qui l’entoure, et dont toute son équipe se sent possédée par elle.
Du Brésil au Japon : 2000, l’année parfaite
Après avoir ébloui la saison 1998-1999, la saison suivante, Boca ralentit quelque peu en championnat, assez pour laisser filer les deux tournois. Après avoir été dominatrice sur le sol argentin, l’objectif de l’équipe, est la Copa Libertadores. Une compétition à laquelle Boca n’avait pas pris part depuis six ans. Le onze de Bianchi n’avait que peu bougé cette saison. La défense était restée la même, l’éclosion de Battaglia avait permis de remplacer Cagna parti à Villarreal. Les longues blessures intervenues durant la saison avaient été bien compensées, celle de Serna – absent de toute la Libertadores – par Traverso ; et celle de Palermo – de retour à partir des quarts – par le recrutement de Delgado en début d’année ou les bons services rendus de Barijho. Dans cette édition 2000, Boca se sort facilement de son groupe et élimine El Nacional (Quito) sans difficultés en huitième. Et veint le quart de finale contre River Plate, une double confrontation épique, passée à la légende. Boca, battu 2-1 à l’aller, étrille River Plate 3-0 pour obtenir sa qualification. L’équipe s’offre une frayeur en demi contre América, mais se qualifie pour la finale face au champion en titre, Palmeiras. La bande à Scolari faisait office de favori et était devenu maître dans les retournements de situation et séances de tirs aux buts. Palmeiras arrache le match nul sur la pelouse de la Bombonera 2-2. Un nul synonyme de victoire pour les Brésiliens, sûrs d’empocher une seconde Libertadores d’affilée. Et Scolari vend la peau de l’ours avant de l’avoir tué, en déclarant « nous nous sentons double champions ». Invaincu à domicile, le titre ne peut pas leur échapper pense-t-on du côté des Alviverdes… grave erreur et impardonnable. Bianchi saute sur l’occasion, la phrase est affichée partout dans le vestiaire. Boca se rend au Brésil, motivé comme jamais, 22 ans après leur premier sacre contre Cruzeiro.

debouts, de gauche à droite : Ibarra, Bermúdez, Córdoba, Riquelme, Traverso, Arruabarrena, Samuel
accroupis, de gauche à droite : Gui. Barros Schelotto, Battaglia, Palermo, Basualdo
Au Morumbí, la dernière fois que des joueurs de Boca étaient venus, ils en avaient pris 6 contre Palmeiras en Libertadores 1994. Les joueurs de Boca, gonflés à bloc, entament le match tambour battant, usent d’un pressing constant, asphyxient l’équipe brésilienne. Dès les premières minutes, Boca aurait pu prendre l’avantage, mais le but de Palermo est refusé, le passeur décisif Arruabarrena est signalé hors-jeu sur l’action. Boca domine la première mi-temps, contrôle le ballon – avec la précision de Riquelme, l’énergie de ses milieux à la récupération, et se procure offensivement des situations avec une attaque remuante qui manque juste de concrétiser. En face, Palmeiras déraille. Boca neutralise parfaitement son cerveau et maître à jouer Alex, qui est bien chassé par Traverso. En seconde mi-temps, Palmeiras parvient à se créer des situations, mais la défense or et bleue tient bon. La prolongation est un supplice pour Boca, acculé sur sa partie de terrain, les occasions s’enchaînent pour les locaux. Mais la défense ne rompt pas et Córdoba veille pour maintenir sa cage inviolée. Le titre se joue à la séance de tirs au but, et à ce jeu-là, Boca et Córdoba offre le sacre pour les Xeneizes. En deux ans, Bianchi a ramené Boca Juniors au sommet du continent.


Cette équipe de Boca entre définitivement dans la légende en allant chercher l’Intercontinentale 2000, avec une nouvelle masterclass tactique de Bianchi. Boca Juniors maîtrise le Real Madrid « galactique ». Boca assomme dès le début de match, en moins de dix minutes, les Madrilènes sur un doublé de Palermo. Malgré la réduction du score de Roberto Carlos assez vite, Boca contrôle, conserve et occupe le terrain, avec maîtrise et sérénité, par la virtuosité et le talent de Riquelme. Le numéro 10 argentin donne une leçon magistrale durant 90 minutes, étalant sa panoplie technique et offrant un festival de dribbles. Mais c’est toute l’équipe qui est à la hauteur du match : une défense qui tient parfaitement autour du Patrón Bermúdez, bien qu’amputée avec les départs de Samuel et Arruabarrena, remplacés par un Traverso reculé d’un cran et Matellán à gauche, qui fut impeccable en individuel sur Figo sur ce match ; le retour précieux de Serna en sentinelle, qui se sacrifie tout le long du match, un Battaglia essentiel et omniprésent au milieu, Delgado, arrivé en début d’année remuant, ne comptant pas ses efforts et son travail de sape, ainsi que ses appels et courses sur le front de l’attaque, un Palermo clinique, les arrêts décisifs de Córdoba.

debouts, de gauche à droite : Ibarra, Bermúdez, Córdoba, Riquelme, Traverso, Matellán
accroupis, de gauche à droite : Serna, Battaglia, Palermo, Delgado, Basualdo
Ce 28 novembre, El Virrey Bianchi est à nouveau roi du monde, définitivement le roi à Boca. Le plus grand accomplissement de la carrière de Bianchi sans doute. Et son équipe peut se dire meilleure équipe du monde en cette fin de siècle, sans rougir et avec fierté. Un souvenir incroyable pour la dizaine de milliers d’hinchas venus faire le déplacement jusqu’à Tokyo, une partie d’entre eux sans tickets d’entrée, mais qui voulaient vivre ce match sur place, le match d’une vie. L’euphorie et le soutien passionnel des tribunes, de Buenos Aires à Tokyo. Le monde est conquis par Boca. L’année est historique, car Boca tient dans la dernière ligne droite du championnat national et remporte l’Apertura 2000, un troisième titre de champion sur les 5 disputés par Bianchi en deux saisons et demi. C’est la triple couronne pour Boca Juniors. Carlos Bianchi peut savourer les fruits de son travail et l’équipe modelée à son image : intelligence, humilité, solidarité, camaraderie, effort. Une équipe sur le toit du monde, qui a élevé le niveau du football sud-américain, qui commence à entrer en déliquescence. De loin, la dernière grande équipe argentine digne de ce nom, capable de rivaliser avec les meilleures équipes européennes.
2001: déjà-vu et retour à Tokyo
Lors de l’année 2001, en championnat, Boca Juniors laisse des plumes, moins fringant et souverain. L’équipe apparaît plus fébrile, moins performante, avec les départs de plusieurs joueurs, notamment de son buteur, difficilement remplaçable, Palermo, ou la longue blessure de Battaglia. En défense, elle peut compter sur de nouveaux visages, tels Burdisso et Rodriguez. S’appuyant sur son socle restant, le sage Bianchi maintient, tout de même, une équipe compétitive, plus sobre, mais dans la continuité de l’année précédente. D’autant que la mystique du chamane Bianchi continue en Copa Libertadores. Après un parcours sans encombres, en assumant son rôle de favori, Boca terrasse, avec la manière, Vasco de Gama, l’un des prétendants à la couronne continentale, en quart, doublement victorieux à l’aller (1-0 à Rio de Janeiro) et au retour en leur infligeant une claque, 3-0, à Buenos Aires. Puis ce sont les retrouvailles au tour suivant avec Palmeiras. Boca se défait à nouveau des Alviverdes en demi-finale, encore aux tirs aux buts. Après un 2-2 au Brésil, Boca menait 2-0 sur sa pelouse et aurait pu conclure sa demie sans trembler, mais, cette saison-là, l’équipe de Bianchi était moins solide et plus perméable. De nouveau, en finale, Boca joue avec le feu et les nerfs de ses supporters. Après avoir fait le plus dur au match aller à México en gagnant 1-0 contre Cruz Azul, Boca se complique la tâche mais reste insubmersible. Au match retour, la Bombonera était prête pour ce second sacre annoncée. Mais Boca se fait surprendre, sur le terrain, une équipe méconnaissable, comme absente du match. Elle perd 0-1 et joue de nouveau le titre à pile ou face à la séance des tirs aux buts. Mais, paradoxalement, confiante en sa destinée, rien ne pouvait arriver à cette équipe. Boca Juniors réalise le doublé. En ajoutant de la tragédie, du suspense, une issue finale victorieuse qui paraissait tant logique, comme si, avec Bianchi, il était normal que Boca soit champion. Tellement la gagne et la victoire étaient inscrites dans l’ADN de cette équipe.

Dans la ligne de mire, un nouveau doublé continental et mondial. Ce sera contre le Bayern Munich. Mais cette fois-ci, Boca redescend sur terre. Dans un match fermé, haché, Boca est à la peine, notamment avec l’expulsion de Delgado peu avant la mi-temps. Boca souffre, et certains se disent que ça tiendra jusqu’aux tirs aux buts. Finalement, sans vraiment profiter de leur supériorité numérique, les Bavarois, par l’intermédiaire de Kuffour, inscrivent le seul but du match dans la prolongation. Tout a une fin. Dans un match, à l’opposée de l’année précédente, la fin de cycle est visible, une équipe arrivée au bout de ses possibilités. Une régression certaine était visible après les multiples départs qui ont affaibli le onze, un manque de jus aussi, après deux années intenses.

Bianchi avait fait son choix plusieurs semaines avant, actant la fin de son mandant pour la fin d’année, en ne prolongeant pas son contrat. Une décision nourrie par les désaccords entre lui et Macri, qui s’affrontaient publiquement à coups de déclarations interposées, ou face à face, comme lors d’une conférence de presse d’après match en septembre, où l’abcès éclate en public. Sa relation avec le Président n’était plus tenable. Bianchi en avait assez de la politique du club et des calculs de Macri : de nombreux départs non compensés, qui se sont fait souvent dans le conflit entre ses joueurs cadres et la direction, à cause d’un Macri obnubilé par ses plus-values. Bianchi était du côté de « ses fils », tout naturellement. Bianchi voulait des renforts défensifs, et ils n’arrivèrent pas. Bianchi réclamait des noms, mais ce n’était pas ceux-là qui venaient, et Macri lui imposait des joueurs qu’ils ne voulaient pas. Dans un pays en crise, le côté face de Boca, ce fut Macri qui emmenait le club dans l’ère mondiale, du marché, du marketing et des sponsors à coups de millions. Bianchi déclara que le football n’est pas un commerce, mécontent de la stratégie du club. Surtout, irrité qu’on lui dicte ses choix. Trop honnête, trop droit, il quitte son poste et se termine son cycle, une ère spectaculaire de victoires et de trophées. Bianchi aurait pu rester, mais Boca n’a pas su garder son talisman.
Le retour du roi
À la surprise générale, Carlos Bianchi effectue son retour à Boca Juniors, une grosse année plus tard. La hache de guerre est enterrée avec Macri. Bianchi revient pour faire du Bianchi, et démarrer son second règne. De nouveau, Boca est réinvesti de sa fameuse mystique gagnante. D’où venait-elle ? Le mystère reste entier. Mais le retour de la figure paternelle et apaisante du Virrey réenchante les joueurs et les supporteurs. Rien ne résiste à Boca Juniors qui remporte sa troisième Libertadores en 4 ans, en appliquant les mêmes recettes qu’auparavant. Avec les retours d’Ibarra et de Cagna, l’affirmation du patron Battaglia au milieu, les fidèles Chelo Delgado et Mellizo intenables offensivement, qui secondent parfaitement l’éclosion de la nouvelle star de l’équipe Carlos Tévez, l’assurance retrouvée derrière avec ses hommes de base d’un second cycle défensif Burdisso, Schiavi et Rodriguez ; Boca la gagne en patron. Irrésistible à partir de la phase finale, l’équipe enchaîne sept victoires d’affilée – un record à ce stade. L’apothéose est atteinte par la double victoire en finale, 2-0 puis 3-1, ne laissant aucune chance à Santos. Puis, comme si tout était à nouveau logique par la magie de Bianchi : Boca remporte une nouvelle triple couronne avec un nouveau titre national, l’Apertura 2003, et surtout, l’Intercontinentale contre le Milan AC. Au Japon, Boca dispose des rossoneri aux tirs aux buts, Abbondanzieri endosse le rôle décisif en stoppant deux tentatives milanaises. Trois ans après, Boca réalise de nouveau le triplé.

Et de nouveau, Boca Juniors rêve de garder ses couronnes une année de plus. Mais son destin continental se brise sur les Colombiens d’Once Caldas, véritable surprise de la Libertadores 2004. Boca Juniors avait peiné à maintenir son niveau, un parcours poussif, malgré l’euphorie d’une victoire en demi-finale contre River Plate, avec un match retour au scénario fou et polémique. Mais Boca se laisse surprendre en finale, contre tout pronostic, incapable de prendre le dessus. Et le modjo de Bianchi ne survit pas à la séance de tirs aux buts, qui est un véritable désastre (4 échecs pour les tireurs de Boca, incapables d’en mettre un). Bianchi s’en va de nouveau, voyant qu’il a tiré le maximum de son équipe et qu’il ne peut pas faire plus. Après un nouvel échec en Europe à l’Atlético de Madrid, il signe un retour en 2009 à Boca Juniors dans un rôle de manager qu’il occupera une année. Puis, il fera un troisième passage au club, lors de la saison 2013-2014. Un retour qui avait été espéré, fêté, parce que la mémoire du supporteur est intacte et le nom Bianchi n’est que synonyme de victoire, de trophées. Mais la réalité était tout autre, une équipe faible, tout allait mal, mais Bianchi regardait ailleurs et il était incapable de solutionner les problèmes. Sa méthode ne marchait plus, il avait perdu sa magie. Largué sportivement, il sera démis de ses fonctions, loin des espérances, c’est un troisième passage anecdotique, à oublier, mais qui ne ternit pas son image dans les rues de La Boca. Car le nom de Bianchi, refait toujours surface, de temps en temps, sempiternelle invocation de sa mystique quand ça va mal, implorer des dieux le sauveur suprême pour faire revenir cet âge d’or bostero, quand les xeneizes se sentaient invincibles. Cette période où Bianchi le vice-roi, régnait sur toute l’Amérique latine et offrait la « vuelta » au Japon pour conquérir la couronne mondiale.
à Samedi prochain pour la suite !
Pas (encore) lu.
Un entraîneur quelque peu légendaire et mystérieux, qui fit d’un modeste club argentin le roi d’Amérique et du monde et qui refit d’un mastodonte une machine à enquiller les trophées nationaux, continentaux et mondiaux.
Bref, avec Velez ou Boca, Bianchi est le meilleur des deux côtés de l’Atlantique.
Et pourtant, en France, en Italie ou en Espagne, il échoue dans sa mission d’entraîneur. Comment expliquer que ses méthodes firent merveille dans l’Extrême-Occident mais ne parvinrent jamais à convaincre sur le Vieux Continent ?
Idole à Boca mais que dire de ce qu’il représente à Liniers ? Parmi les héros du 1er titre à la fin des 60es, meilleur buteur à son retour au début des 80es, ayant mené le club au sommet mondial dans les 90es. Je l’ai déjà dit, mais à Vélez, il y a lui, Spinetto et Amalfitani.
A la Roma, de mémoire, il gère mal la fin de parcours de Giannini et il ne calcule pas un petit jeune appelé Totti. Bref, il se fout le vestiaire et la presse à dos et ne passe pas l’hiver. C’est un échec mais objectivement, on ne lui a pas laissé beaucoup de temps. A Madrid, même s’il prend l’Atlético au moment où le club tente de se relever de la fin désastreuse de l’ère Gil y Gil, il se plante complètement… Un fiasco monumental.
« Comment expliquer que ses méthodes firent merveille dans l’Extrême-Occident mais ne parvinrent jamais à convaincre sur le Vieux Continent ? »
La question à 1000 francs.
Bianchi a réussi à fédérer autour de lui un groupe, les résultats exceptionnels lui ont donné l’immunité et c’était à la vie, à la mort. Les joueurs de cette époque, disent, qu’ils étaient comme déchargé de toute pression par Bianchi qui les mettait dans les meilleures conditions, à leur écoute. Un confident, un père. Et sur le terrain, ils étaient prêts à tous se sacrifier. Et certains ne se disaient pas bonjour dans le vestiaire, mais ils étaient frères sur le terrain. Voilà les planètes s’alignaient pour Bianchi à Boca, mais seulement pour un temps défini (ça n’a pas marché à son retour). une alchimie parfaite entre les joueurs et l’entraîneur dans un contexte particulier. Ailleurs, ça ne marchera jamais. Pas un seul joueur ne met en avant les entraînements de Bianchi, ses considérations tactiques. Point d’explications techniques, c’est une question de relations humaines.
Un super Pascal Dupraz, en somme.
Je pense que mon premier souvenir de Bianchi est le match de barrage entre Nice et Strasbourg en 90. Un festival des Niçois avec Langers, Bocande et Kurbos.
Et Naohiro Takahara ?
imposé par Macri pour le marché japonais. Bianchi n en voulait pas, donc il le faisait pas jouer.
Dans les années 90, le Camerounais Tchami avait un peu joué à Boca. Plutôt rares les Africains en Argentine. Même période, un mec que j’ai vu avec Toulouse, Ernest Mtawali du Malawi qui jouera à Newell’s et Talleres. Et plus prestigieux, Doctor Khumalo le Bafana qui lui portera les couleurs du Ferro. J’ignore si des Africains avaient joué dans la ligue avant ces 3 là…
Passarella à Boca ? J’imagine l’accueil…
Un retour aux sources pour lui. Toute la famille Passarella était hincha de Boca. Lui compris dans sa jeunesse. Tous le monde le savait.
Fabbri, sa fin de carrière à Nantes et Guingamp est superbe. Un véritable meneur.
T’as une qualité dans tes récits, qui me fait défaut, c’est cette capacité à retranscrire les choix tactiques et les projets de jeu de tes sujets. Toujours intéressant.
Merci, et tant mieux, parce que des fois en me relisant je mendemande si c est pas pompeux et ennuyant.
La finale 2000 de la Libertadores est peut-être la dernière à faire se confronter deux équipes de niveau mondial. C’est du très lourd.
Alex, j’adore ce joueur. Pas verni avec le Mondial, il aurait du faire parti du groupe 2002, il a quand même 2 Copa America dans son escarcelle. Genial à Palmeiras, Cruzeiro ou Fenerbahce.
T’as une saison préférée dans ce cycle ?
A Toulouse, on a eu Raúl Alfredo Cascini pendant une saison. Celle de la rétrogradation en National. Il était pas terrible…
Carlos, mon idole de jeunesse. Mes premiers souvenirs de foot dans les travées de Delaune dans les années 80. Les demi-finales de coupe deux années de suite, toutes ces accessions ratées d’un fil, ses fameux stages qu’il fit inaugurer par Maradona en personne… Déjà le profil d’un grand entraineur.
Rââââââââââhhhhhhhhhhh, enfin un article parmi nous (quoique, Khiadia ou Verano?? vous en avez fait, n’est-il pas?) sur un entraîneur sud-américain, merci beaucoup!
A relire au frais à Saint-Tropez. Et puis les questions.