En cette année 2025, l’institution xeneize fête ses 120 ans. En effet, le Club Atlético Boca Juniors a été fondé officiellement le 3 avril 1905 dans le quartier du même nom. Passé de club de quartier populaire à club mondialisé totémique, Boca Juniors a toujours, plus ou moins, gardé une certaine identité sur le terrain, à base de lucha et de garra. Car l’âme véritable du club, est, selon les dires, dans le maillot à défendre, qui serait plus important que le joueur. La tunique xeneize, c’est peut-être elle la véritable idole du club ! À la fois, club le plus supporté et, forcément, le plus détesté du pays, Boca Juniors cristallise les passions et les haines. Pour célébrer et parcourir son histoire, Pinte de foot vous propose un long format sous forme d’un Top 50, bonifié et étalé sur plusieurs semaines, de ses plus illustres bosteros.
Photo d’en tête: Boca Juniors 1943
Haut (de gauche à droite): Sosa, Marante, Lazzatti, Pescia, Vacca, Varela
Bas (de gauche à droite): Boyé, Corcuera, Sarlanga, Valussi, M. Sánchez
15. Ernesto Lazzatti

Entre le double sacre des années 1930 et celui des années 1940, Ernesto Lazzatti est le trait d’union. Surnommé également, en son temps, «El Pibe de Oro », il était un cinco de très grand talent. Lazzatti est natif de Bahia Blanca, ville au sud de la province de Buenos Aires, à plus de 600 kilomètres de la Métropole bonaerense. C’est son oncle qui écrit une lettre au club de Boca Juniors à propos d’un jeune joueur qui a tout d’un futur grand. Le jeune Ernesto est en plus un fanatique de Boca. La démarche n’a rien d’extraordinaire pour un club qui en reçoit des centaines chaque semaine, mais elle se révèle fructueuse. Le club lui envoie l’argent nécessaire pour payer son voyage en train. Il quitte le Club Atlético Puerto Comercial, son club de la cité portuaire d’Ingeniero White accolée à Bahia Blanca, pour la capitale en 1933. Après quelques matchs, les dirigeants sont convaincus : l’essai est concluant. Il débute à 18 ans lors du championnat 1934. Titulaire dès sa première saison (37 matchs joués sur les 39 journées), Boca Juniors remporte le titre de champion, un point devant Independiente. Le club récidive l’année suivante en réalisant le doublé, encore devant Independiente et San Lorenzo, soit le même podium que la saison précédente. Devenu la plaque tournante de l’équipe, Lazzatti assure l’équilibre entre, devant lui, le trio d’attaquants Varallo – Benitez Cacéres – Cherro, et derrière lui, la défense emmenée par l’excellent Domingos Da Guia. Au milieu, il peut s’appuyer sur Pedro Arico Suárez indéboulonnable sur sa gauche, et Enrique Vernieres à sa droite.
Les années suivantes, San Lorenzo, Independiente ou River Plate s’imposent comme les équipes majeures, les mieux avancées tactiquement. Chacune de ses équipes peut compter sur une nouvelle génération de cracks qui font les différences, surpassant les Xeneizes en fin de cycle. Boca Juniors est donc un peu en retrait. Mais l’équipe conclue la décennie avec un troisième titre en 1940, acquis avec un certain avantage et grâce à un renouvellement offensif. Lazzatti est le joueur dominant du milieu et un des cadres de l’équipe, toujours accompagné par Suárez sur sa gauche, et l’Uruguayen General Viana sur sa droite pour cette saison. Après ce titre surprise, River Plate reprend sa domination avec San Lorenzo dans ses pattes pour les saisons 1941 et 1942, éjectant Boca Juniors du podium. Mais le club de la Boca voit l’émergence au début des années 1940 d’une ligne médiane qui sera historique. Autour de son milieu central et organisateur Ernesto Lazzatti, l’avènement à gauche de Natalio Pescia, et à droite la consécration du talentueux Carlos Sosa. Devant, l’attaque se construit autour de Jaime Sarlanga, Pio Corcuera, Mario Boyé, renforcée par le recrutement de la star uruguayenne Severino Varela. C’est dans cette configuration que Lazzatti est à son zénith, le patron d’un trident médian qui porte Boca Juniors au sommet.
Boca Juniors remet la main sur le titre et réalise le doublé 1943 et 1944, mettant fin à la domination de La Máquina de River, l’équipe rivale double championne en titre. L’équipe xeneize évolue dans un style différent et dans un registre moins spectaculaire, tout aussi en maîtrise technique, mais plus vertical et efficace. Rayonnant au milieu avec son excellente vision de jeu, Lazzatti varie le jeu et distribue le ballon pour ses attaquants tel un chef d’orchestre. Il marque très peu mais compense par ses nombreuses passes décisives, lui qui est admiré par ses coéquipiers pour être un excellent passeur. En parallèle, Lazzatti gagne en popularité comme cette équipe de Boca restait dans les mémoires. De même qu’il reçoit la reconnaissance de ses pairs et stars du football argentin. À l’instar du légendaire Rinaldo Martino de San Lorenzo, rival de sa génération, qui le reconnaît comme « un des meilleurs milieux centraux que le football argentin a eu, très propre dans son jeu, avec une grande intelligence, avec de la qualité et un sens du placement. Un joueur très habile balle au pied, mais qui savait bien la distribuer aussi, la rendre meilleure et la passer dans le bon tempo. »
Avec Lazzatti à la baguette, Boca Juniors établit une série de 26 matchs sans défaite entre 1943 et 1944. Un record qui tiendra jusqu’en 1966 avant que le Racing de Pizzutti y mette fin. Boca ne réalisera pas le triplé, échouant trois fois à la deuxième place du championnat les trois saisons suivantes. Après cette dernière saison en 1947 et 14 années à régner au milieu, durant 379 matchs avec élégance et brio, Lazzatti quitte Buenos Aires pour Montevideo. Il rejoint son ami et ancien coéquipier, Severino Varela, en acceptant l’offre de Danubio. Il était inconcevable pour Ernesto de rester jouer en Argentine pour un autre club, lui qui ne voulait porter aucun autre maillot que celui de Boca.
Sa carrière internationale fut brève. Il gagna tout de même un Sudamericano en 1937 en étant titulaire. Sur le terrain, Lazzatti était un gentleman, aucuns cartons, ni jaunes, ni rouges, durant toute sa carrière. Il revient au club, entraîneur de l’équipe de 1954, le seul titre de la décennie. De 1934 à 1954, Lazzatti fut un fil conducteur de l’histoire de Boca Juniors sur 20 ans, tout en humilité et sobriété. Il coupe court à son expérience d’entraîneur, ne voyant pas l’intérêt de cette fonction, comme il l’affirmera plus tard. Car pour lui, fidèle à ses principes de jeu et sa carrière sur le terrain, ce sont les joueurs qui détiennent la vérité, pas un homme en fonction sur le banc. Après cette courte expérience, il devient journaliste pour la célèbre revue El Grafico, bible du journalisme sportif en Argentine. Il écrivit sur sa passion pour le football criollo qu’il défendit, car il notait déjà le risque et les dangers, face aux intérêts grandissants autres que le football, et l’essence du jeu qui commençait à changer sérieusement en Argentine. Le temps et les décennies suivantes lui donneront raison.
14. Ludovico Bidoglio

« El Gran Vico » était le plus grand défenseur argentin de sa génération, l’un des meilleurs de l’histoire du football gaucho. Figure du football amateur dans les années 1920, il a marqué durablement son poste, les terrains qu’il foula, les supporteurs qui l’ont vu jouer. C’est suite à un différent financier qu’il quitte son club de départ, le Sportivo Palermo, du même nom que le quartier qui l’a vu naître et grandir. En effet, le club ne peut lui garantir un travail ou une rétribution financière, en contrepartie de ses matchs, et pour les joueurs « amateurs » c’était leur sécurité. Il rejoint Boca Juniors qui lui offre ces conditions, après un essai infructueux à San Lorenzo. Bidoglio avait connu des débuts nettement plus offensifs, comme ailier droit au Sportivo Palermo, mais il fut repositionné plus bas, selon son envie, car il voulait être au cœur de la défense. Il ne lâchera plus son poste de back droit. On le considéra comme « un défenseur aux qualités d’attaquant » du fait de sa technique et de sa vitesse. En défense, il s’impose comme une référence et devient l’une des premières grandes icônes de Boca Juniors.
Il débute avec les Xeneizes lors du Championnat 1923, et devient très vite incontournable avec son collègue Ramón Mutis à ses côtés. Boca remporte le titre cette année-là, après un mano a mano avec Huracán, les deux équipes terminant toutes les deux en tête à égalité de points. Il faudra quatre matchs décisifs en guise de finale pour les départager. Boca l’emporte au dernier match 2-0 après une victoire chacune et un match nul lors des trois premières manches. De championnats en coupes nationales prestigieuses, Boca s’affirme comme la grande équipe de cette décennie. Elle enchaîne avec les titres de 1924 et 1926, et entre les deux, la tournée européenne qui fut autant retentissante que triomphante. Victorieuse également de la Copa Dr. Carlos Ibarguren 1923 et 1924 en prenant le dessus sur les équipes de Rosario, mais aussi de la prestigieuse Copa de Competencia 1925 contre Argentinos Juniors. En effet, Boca ne perdit pas un match officiel sur le sol argentin entre mars 1924 et juin 1927 – soit 60 parties sur plus de trois ans.
Avec Américo Tesoriere dans les buts, Bidoglio et son acolyte Mutis sont les tauliers d’une défense quasi imprenable. À eux deux, ils forment un duo complémentaire et intraitable, la base des succès des xeneizes qui encaissent très peu de buts. Bidoglio ne s’y trompe pas. Il juge que son fidèle compère est « l’équilibre dont j’ai besoin. Résistant, efficace, c’est une garantie pour le marquage. » L’alchimie parfaite entre un profil technique, généralement le back droit, et un plus rugueux, le back gauche, comme il était coutume d’associer ces deux faces dans les défenses à deux de l’époque. Outre ses qualités techniques, Bidoglio était décrit aussi comme un joueur élégant et doté d’un sens du fair-play hors pair, toujours à jouer proprement. Joueur intelligent, la presse est élogieuse à son sujet. Elle dit de lui qu’il allie simultanément « pensée et action » sur le terrain, en maîtrisant l’art de la défense : le placement, la lecture des trajectoires, la couverture. En résumé : sa seule présence ordonne la défense.
Pour lui, le travail de la défense est collectif, les déplacements défensifs doivent coulisser ensemble et le marquage est affaire de collaboration entre défenseurs, plutôt que de responsabilité individuelle d’homme à homme, comme il l’expliqua dans la presse. D’une grande tranquillité, il écarte le danger et annihile les attaques adverses, toujours avec classe, propreté et sans un mauvais geste, ce qui force l’admiration des grands attaquants adverses. Il remporte ses duels sur eux, par supériorité de son jeu défensif. Suite à la réunification des deux ligues du football argentin en 1927, Boca Juniors se voit offrir une plus grande concurrence. Mais loin de rétrograder, le club échoue à trois secondes places d’affilée, tout en étant à chaque fois la défense qui encaisse le moins de buts du championnat. Boca s’adjuge le dernier titre amateur en 1930. Rebelote l’année suivante, Boca Juniors est de nouveau sacré. Cette fois-ci, c’est le premier titre officiel du championnat argentin professionnel qui lui est décerné. Son cinquième à Bidoglio.
Avec l’Argentine (33 sélections), Bidoglio était un pilier de la sélection qui s’affirme dans les années 1920 comme l’unique rival de son frère rioplatense, les deux nations dominent le football mondial. Il dispute cinq Sudamericano d’affilée, de 1923 à 1927, en étant titulaire à chaque tournoi. Bidoglio est un élément inamovible, le taulier en back droit. Il en remporte deux, en 1925 et 1927. Aux Jeux Olympiques de 1928, une nouvelle fois titulaire, Bidoglio ne peut empêcher un nouveau triomphe des Uruguayens. L’Argentine s’incline lors de la belle (1-2), après que la finale se soit terminée sur un match nul (1-1) trois jours auparavant. Deuxième, elle se contente de la médaille d’argent, et ne peut que constater la suprématie et l’avantage de la Celeste sur la décennie.
Cependant, une grave blessure, après un coup reçu par Alberto Zozaya d’Estudiantes La Plata, mettra un terme à sa carrière en 1931. Ironie du sort pour celui qui a défendu toute sa carrière, sans en mettre un. Quelques années plus tard, son souvenir reste vivace parmi les journalistes qui furent impressionnés par ses qualités. Si bien que pour eux, il ne peut pas avoir d’héritier comparable pour les années d’après : « Ceux dans dix ans qui nous dirons que le futur crack est meilleur ou égal à ce que fut Bidoglio, la vielle garde que nous sommes, sera présente pour affirmer qu’il n’y a pas de comparaisons« , écrit à son sujet, le plus influent d’entre eux, Borocotó, en 1934 dans El Grafico. Extraordinaire défenseur droit, Bidoglio fut inégalé dans la période amateure. Cependant, les années passèrent et son souvenir s’oublia vite au fil des années. Alors que, quand il faut parler des très grands défenseurs argentins et mondiaux, se souvenir de l’idole de Boca, et premier d’entre eux: Ludovico Bidoglio.
13. Carlos Tevez

Carlos Tevez, c’est une gueule qu’on n’oublie pas, la peau mate des villeros de Buenos Aires, un physique trapu, une boule de nerfs, bourrée de talent qui rebondit, qui rappelle forcément quelqu’un, un corps sculpté de cicatrices, signe d’une enfance difficile dans la villa malfamée de Fuerte Apache. D’ailleurs, l’intéressé affirmait que sans le football, il aurait fini « mort, drogué, ou en prison » comme ses parents ou parmi ses amis proches. Avant de se faire un nom dans le football européen et au niveau mondial, Carlos est devenu une idole à Boca Juniors.
Sorti de son trou par Jorge Griffa, le découvreur de prodiges qui avait été débauché par Macri, il surgit du centre de formation pour faire ses débuts en fin d’année 2001. El Apache avait montré son potentiel par intermittence. C’est lors de la saison 2002-2003 qu’il explose en championnat (11 buts en 27 matchs) et surtout en Copa Libertadores. L’Amérique du Sud le découvre à ses 19 ans, Tevez est le facteur X de son équipe, l’élément décisif. Initialement non inscrit en phase de groupe, il métamorphose littéralement un Boca orpheline du talent de Riquelme. Tevez a renforcé le potentiel offensif aux côtés des vieux briscards Chelo Delgado et Guillermo Barros Schelotto, par ses actions déstabilisatrices pour les défenses adverses et décisives pour Boca, propulsant son club vers la finale. À compter de son huitième de finale retour, Boca Juniors aligne 7 victoires, terrassant l’América de Cali en demi-finale et Santos en finale (5-1 sur la double confrontation face aux Brésiliens). Aucune équipe ne résiste à l’ouragan xeneize. Au match retour, Tevez ouvre le score contre Santos d’une manière magistrale après un une-deux fabuleux avec Battaglia dans la surface de réparation adverse, tout en tranquillité et maîtrise technique. Le club gagne sa cinquième Libertadores, la troisième en quatre ans sous les ordres du maître Bianchi. Si Boca est redevenu irrésistible en Amérique du Sud, c’est en grande partie grâce à son jeune crack, Tevez a été comme un miracle. Le numéro 11 a amené de la fraîcheur et de l’insouciance à l’équipe de Bianchi qui en manquait, tout comme du génie et de la folie.
Après la Libertadores 2003, Boca signe un nouveau triplé annuel : l’Intercontinentale contre le Milan AC, où Tevez ne rentre en jeu qu’en fin de match, remplaçant, car il sortait d’un mois écarté des terrains ; et l’Apertura 2003 où Tevez en était à 8 buts en 11 matchs avant cette blessure. Lors de la Copa Libertadores 2004, une nouvelle fois l’équipe est amoindrie par les départs, moins forte et moins talentueuse. Malgré tout, Boca se hisse dans le dernier carré. Il y retrouve son éternel rival en demi-finale. Boca gagne à l’aller (1-0), sur un but de la tête de Schiavi, dans un match marqué par plusieurs expulsions, des gestes durs et des actions litigieuses. Au Monumental, Boca est mené 1-0 et à dix, quand le match bascule en une minute ! River se retrouve à neuf, après une expulsion et un joueur blessé qui ne peut être remplacé, car l’équipe avait fait ses trois changements. Profitant de la situation, à la 89e minute, Tevez surgit pour égaliser. Dans la joie, il enlève son maillot dans une course folle, mais surtout, il imite la poule et humilie River dans son poulailler. Provocation qui va trop loin, Tevez est expulsé ! Au bout du temps additionnel, River obtient un penalty qui permet d’arracher la victoire et les tirs aux buts où, finalement, Boca l’emporte. Mais pas de doublé pour Tevez (suspendu à l’aller) et Boca Juniors qui perdent la finale contre l’équipe colombienne d’Once Caldas. Boca Juniors se console à moindres frais avec la Copa Sudamericana gagnée à la fin de cette même année contre le club bolivien de Bolívar.
Tevez, joueur hors norme, technique, vif, avec un talent énorme, devient en peu de temps la figure que Boca attendait, la nouvelle icône, après le vide laissé par le départ des joueurs majeurs du premier mandat de Bianchi. Ses actions spectaculaires, ses buts décisifs, sa hargne, son amour du maillot, ravissent les supporteurs. De plus, l’image d’un joueur cabossé par la vie et qui parle au peuple argentin, renforce l’adulation envers lui. L’étiquette de « joueur du peuple » lui est même collé. Tevez est aussi devenu international, titulaire sur la Copa América 2004 et figure de proue de l’équipe championne olympique à Athènes. Mais après deux années pleines, Carlos Tevez quitte précipitamment les rives de Buenos Aires. Dans un football de plus en plus néolibéralisé, dans un football argentin en pleine érosion et déclassement, qui ne peut plus rien faire face à une fuite de ses talents, devenue massive et de plus en plus précoce ; le transfert du joueur argentin local le plus populaire à ce moment-là, comme une vulgaire marchandise en devient le symbole. Lui qui se voyait encore à Boca, est victime de son époque et du marché des joueurs sen Amérique du Sud. Les droits du joueur sont la propriété d’un fonds d’investissements, et il est vendu au Corinthians dans un transfert record, 15 millions de dollars, entre deux clubs sudaméricains. La suite de sa carrière : une saison 2005 exceptionnelle au Brésil, l’Angleterre, à West Ham dans un transfert de nouveau polémique, puis Manchester United et la Juventus Turin.
Après presque dix ans d’une riche carrière européenne, où il s’est imposé parmi les joueurs les plus emblématiques de sa génération, Carlitos, qui a toujours exprimé le mal du pays, négocie son retour à Boca Juniors. Un retour tant attendu par les supporteurs. Et cela devient réalité à l’été 2015, où Tevez, apparaît de nouveau avec le maillot xeneize, ému lors de sa présentation à la Bombonera, lui qui avait fait de son retour un objectif. Et les hinchas chantent à sa gloire et au retour de l’idole, plus de dix après, qui le remercie, au premier match venu d’une banderole : « d’avoir renoncé à l’argent pour l’amour du maillot ». Un retour plein d’espoir et de passion, d’autant que Tevez a toujours été signe d’une popularité argentine : asado, maté, cumbia villera, fernet coca.
Numéro 10 dans le dos, comme Maradona, comme Riquelme, pour sa deuxième carrière à Boca, Tevez empoche un titre six mois après son retour, en jouant la deuxième partie de saison argentine qui se conclut avec un titre de champion national. Mais l’objectif du club est aussi, et surtout, de remettre la main sur la Libertadores. Dans cette quête Tevez échoue. D’abord un échec cuisant en 2016, une élimination en demi-finale contre l’étonnant Independiente del Valle, alors que Boca faisait figure de favori. Mais l’idylle retrouvée prend fin brutalement, Tevez ne résiste pas au contrat en or qui lui est proposé en Chine. Une décision incomprise, décriée, cocasse pour « le joueur du peuple » dont l’image en prend un sacré coup. Après son pont d’or d’une saison, il revient à Boca en début d’année 2018. L’équipe tourne bien, propose un jeu agréable, sous les ordres de l’ancien de la maison, Guillermo Barros Schelotto. Mais Tevez est tombé de son piédestal et a un rôle de joker. La saison finit en tragédie, après la défaite en Copa Libertadores 2018.
Tevez restera encore trois années supplémentaires, mais il avait perdu cette grâce malheureusement. Son attitude et certaines de ses déclarations agacent, un coup « je m’en vais », un coup « je reviens ». Il n’avait pas besoin non plus de mentir au peuple de Boca, de brandir l’amour du maillot et se cachait derrière « la tranquillité » pour l’argent, alors qu’il n’est plus le gamin sorti de la pauvreté. Un retour tant espéré et fêté, mais au final en demi-teinte. Après 94 buts en 279 matchs, la dernière grande idole de Boca Juniors a quitté le club à la fin d’année 2021 et mis un terme à sa carrière quelques mois plus tard.
12. Natalio Pescia

Le lion bostero est un symbole du club : courage, fidélité, dévouement. Natalio Pescia incarne les valeurs xeneizes. Formé au club, il n’a connu que le maillot auriazul pour un total de quinze saisons passées et 364 matchs de 1942 à 1956. Une fidélité récompensée par trois titres de champions : en 1943, 1944 et 1954. Vénéré des hinchas, et plus particulièrement, par ce qui va devenir la Doce, la « barra » mythique du club, dont une partie de tribune à la Bombonera, où elle prendra place, se nommera en son nom. Car Pescia est une véritable institution du club. Milieu gauche énergique et dans un rôle défensif, il ratissait au milieu : un « six » avant l’heure. De 1943 à 1947, aux côtés de ses coéquipiers Carlos Sosa et Ernesto Lazzatti, Pescia formait une ligne médiane redoutable et complémentaire, qui a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de Boca Juniors et du football argentin. Natalio était originaire de Dock Sud, ville au Sud de La Boca, qui fait face au quartier et qui est séparée de la ville de Buenos Aires par le Riachuelo. Un endroit où s’est développé le port de Buenos Aires. Une zone portuaire et ouvrière à la mauvaise réputation : peu fréquentable, malfamée, sombre et marginalisée. Ce qui ne s’est pas vraiment améliorée au fil du temps.
Avec l’équipe de la Ribera, il débute au milieu de la saison 1942 durant l’hiver austral. En concurrence en 1943, avec l’international Alfredo Zárraga, il gagne sa place et prend la succession du fidèle Arico Suarez, qui a tenu le flanc gauche pendant dix ans. Avec Lazzatti l’organisateur, Sosa l’élégant, Pescia tient le rôle du guerrier. Il trouve très vite ses marques et son style dans le onze. Boca Juniors est ainsi formée : Claudio Vacca dans les buts, le solide duo défensif Marante-Valussi ; le fameux trident au milieu de terrain ; et une attaque brillante avec l’idole Mario Boyé en ailier droit, Mariano Sánchez, dernier renfort venu de Newell’s Old Boys à l’opposée en ailier gauche ; Pío Corcuera inter-droit, Jaime Sarlanga avant-centre et Severino Verela inter-gauche. L’équipe est lancée à la poursuite de River Plate, l’équipe à abattre. Ce onze de Boca Juniors remporte les titres de 1943 et 1944, et passe à la postérité dans les livres d’histoire du football argentin. Parallèlement, en sélection, il gagne les trois Sudamericano consécutifs de 1945, 1946 et 1947, dont les deux derniers en tant que titulaire. C’est l’un des 5 joueurs argentins à avoir remporté ces trois titres.
Pescia, joueur de petite taille, se distinguait énormément par son style combatif, ses qualités physiques et son esprit bagarreur. Contrairement à Sosa, ce n’était pas ses qualités techniques qui étaient mises en avant. Son exceptionnelle endurance, lui permettait d’avoir un déploiement défensif sur tout le terrain, qu’il parcourait inlassablement pour couvrir de grands secteurs de jeu. Excellent au marquage, dur sur l’homme, il mettait la pression sur ses adversaires. Récupérateur hors-pair, il était partout sur le terrain comme un aimant attiré par la balle. Dès qu’il avait récupéré le ballon, il le donnait proprement à ses attaquants, sans essayer d’en faire plus ou d’ajouter de la fantaisie. Ce n’était pas son rôle, ni sa personnalité. Pescia c’était ainsi le digne représentant « du style Boca » : quel meilleur ambassadeur pour son maillot que celui qui ne lâche rien, celui qui donne tout, celui qui se bat de la première à la dernière minute ? Acclamé pour son engagement sur le terrain et à sa combativité sur chaque ballon, il représentait bien les valeurs de garra et de courage chères au club. Leader sur le terrain et respecté de ses coéquipiers, il deviendra au fil des années, « El León de la Boca » et capitaine du club.
L’une des plus grandes idoles de l’histoire de Boca, pour celui qui n’a jamais lésigné sur son engagement et les sacrifices, ce qui lui a permis de gagner le cœur des supporters de Boca. Pour les boquenses, contrairement à leurs rivaux de River, peu importe le « baile », le fait de bien jouer, c’est le résultat qui est le plus important. Un football pragmatique, rapide, incisif, sobre, épuré de chichis et de dribbles, enfin si, seulement quand le succès est assuré. Ne pas parader avant la victoire. Souffrir en défense, tenir, se battre, de tout temps garder cet esprit de lutte permanente. Le public n’admet pas qu’une chose : celui qui ne lutte pas sur le terrain. Et l’unique idole de Boca, au fond, c’est peut-être seulement le maillot. Et il faut lutter pour ce maillot, enter sur le terrain pour jouer et laisser toute son âme jusqu’au coup de sifflet final. Ce style est une marque de fabrique à Boca Juniors. Une ligne qui a perduré tout du long de son histoire plus que centenaire. Quand Boca gagne, dans ces grands succès, c’est toujours avec une équipe qui pratique un football vertical, énergique, avec une défense de fer souvent supérieure à l’attaque, qui elle, n’est pas en reste non plus, mais qui se doit d’avoir une vision du but direct et d’être efficace.
Après ses belles années dans la décennie 1940, Boca Juniors est au bord la descente en 1949. Avec l’exode des grands joueurs, les séquelles de la grève des joueurs, le départ de nombreux cadres xeneizes, le club mise sur un recrutement essentiellement de l’interior allié à la promotion de jeunes joueurs issus des catégories inférieures. La stratégie ne fut pas payante et quasi catastrophique. Mais au final, le club se maintient, et peut se targuer, à ce jour, d’être le seul des cinq grands argentins à n’avoir jamais connu la descente en B. Pescia, vétéran et capitaine, continue son chemin, toujours fidèle au maillot du club de Brandsen. Il remporte un dernier titre, celui de 1954, sous la conduite de son ex-collègue Lazzatti, et avec Mouriño et Lombardo au milieu de terrain. Il range les crampons deux ans plus tard. Le tango « A Natalio Pescia », enregistré en 1953 par Roberto Caló et la voix d’Enrique Campos, fait état dans ses paroles de tout son dévouement et sacrifices, toute la reconnaissance qu’il reçoit des tribunes qui l’aiment tant. C’était déjà l’hommage au lion de la Bombonera, toute une carrière dévouée à Boca Juniors.
11. Guillermo Barros Schelotto

Guillermo Barros Schelotto a été l’une des idoles marquantes de dix ans de succès fastueux pour Boca Juniors. Présent au club de 1997 à 2007, il a amassé pléthore de trophées. Il est l’un des trois à avoir remporté les quatre Libertadores des années 2000. Guillermo, appelons-le par son prénom pour ne pas confondre avec son jumeau Gustavo, est signé au club à l’été 1997, en compagnie de son inséparable frère. Gustavo milieu droit, jouera peu de saisons, il eut surtout un rôle lors de la saison 1999-2000. Les Mellizos (les frères jumeaux) s’étaient révélés au Gimnasia La Plata. Ils avaient enflammé le championnat argentin au milieu des années 1990, surtout Guillermo le plus offensif et le plus talentueux. Et les supporteurs de Boca, avaient en mémoire un 6-0 infligé par le « GELP » sur leur pelouse lors du Clausura 1996. Melli, pour Guillermo, avait inscrit un triplé. Il était devenu trop grand pour le Gimnasia et, comme d’habitude, River Plate et Boca Juniors se renseignèrent pour s’attirer ses services. C’est River qui aurait été le premier à faire le forcing pour prendre les deux frères. Mais finalement, ils rejoignent Boca, chaudement recommandé par un Diego Maradona en toute fin de carrière.
Guillermo et Gustavo arrivent donc ensemble à Boca Juniors. En même temps que Martin Palermo, lui aussi natif de La Plata, mais qui portait le maillot du rival Estudiantes. Guillermo et Martin se connaissaient depuis tout jeune, ils étaient dans le même collège et adversaires dans les catégories inférieures. Tous les deux avec des maillots distincts, rivaux, et ils n’étaient vraiment pas les meilleurs amis du monde. Mais par la force des choses et sous la tunique de Boca, ils vont devenir les meilleurs amis sur le terrain. Le leadership de Carlos Bianchi et l’accumulation des titres forgèrent leur amitié et leur entente sur le terrain. Guillermo n’était pas le plus élégant joueur de football de sa génération, ou doté d’un talent incommensurable qui sautait aux yeux. Cependant, il avait ce trait très argentin dans son jeu et sa personnalité, qui était à la fois aimé et détesté. Énormément de roublardise, de provocation, l’impression qu’il jouait encore sur un potrero, où chaque action vaut son peso… Il mettait du dribble dans son jeu, aussi bien que de l’arrogance et de la volonté. Guillermo était à la fois provocateur et génial.
Guille se déployait sur son côté, collé à la ligne de touche, dans un poste de pur ailier qui est en voie d’extinction à la fin des années 1990, pour faire place aux ailiers modernes. De l’extrémité du terrain, il débordait sur son aile ou repiquait en diagonale; de sa zone ou du milieu de terrain, il remontait à tout enjambée le ballon. Et il multipliait les centres, souvent dangereux, toujours précis, à ras de terre, tendu et puissant, à mi-hauteur, en retrait, savamment dosé, au moment où il faut, dans le bon tempo; et qui voyaient souvent Palermo à la conclusion de l’offrande. Bref, un passeur décisif né. Melli avait une habilité extraordinaire balle au pied, intelligent dan son jeu, il savait quoi faire avec le ballon. C’était le côté pile de Guillermo. Côté face, un caractère sulfureux, toujours à provoquer l’adversaire, à l’invectiver par les gestes et la parole, beaucoup de paroles. C’était le but, user psychologiquement son adversaire. Le pousser à la faute, pousser à la limite ses adversaires, leur faire « péter un plomb » : simulations, protestations, insultes. Et Guillermo trouvait satisfaction d’expulser un rival, encore plus, s’il avait le maillot de River, ce qui fut le cas notable lors de plusieurs Superclásicos. Exaspérant pour ses rivaux, brillant pour ses supporteurs.
A Boca, Guillermo s’était imposé et devenu un pion essentiel. Il était venu pour remplacer l’ingérable Claudio Caniggia. Il remplit parfaitement son rôle d’attaquant-ailier, bien que plusieurs blessures l’ont freiné et rendues irrégulières ses saisons. En tous cas, ces trois premières sont de haut niveau, marquant une dizaine de buts et délivrant un paquet de passes décisives lors de chaque saison. Il joue un rôle important lors des deux premières Libertadores, 2000 et 2001, malgré qu’il loupe plusieurs matchs dûs à ses problèmes physiques. Auteur de 5 buts dans les matchs à élimination directe de la Libertadores 2001, une blessure l’empêche de disputer la finale. Pour l’édition victorieuse de 2003, il se signale en mettant un triplé contre Paysandu en huitième à Belém, alors que Boca était mal embarqué après sa défaite 0-1 à l’aller.
Sous le maillot xeneize, il atteint les 300 matchs et remporte 4 Libertadores, 2 Intercontinentales, 2 Copa Sudamericana et 6 Championnats. Guillermo reviendra à Boca dans le costume de coach avec une belle réussite. C’est sous sa direction technique qu’on a vu le dernier Boca digne de ce nom et qui avait une belle allure sur le terrain. Entraîneur de 2016 à 2018, son équipe a terminé deux fois championne d’Argentine (2017 et 2018), en pratiquant un football agréable, offensif, solide, renouant avec certaines traditions boquenses. Mais la défaite contre River Plate dans une finale de Libertadores 2018 au scénario retour grotesque, restera une éternelle déception.
La suite au prochain épisode !
La fabrique anglaise à talents, West Ham donc, club alors décati, qui d’un coup de baguette magique s’offrait deux des grandes figures émergentes du football argentin, que dire..
Je n’ai aucun souvenir de Schelotto sous le maillot argentin.
Lazzatti, une découverte, merci.
Trop souvent oublié, pourtant essentiel. Des cinco de talent il n’y en pas eu des masses à Boca. Puis la ligne Sosa-Lazzatti-Pescia est resté mythique, au delà du club.
Zozaya, de la célèbre ligne offensive de Los Profesores d’Estudiantes, aux côtés de Scopelli , Miguel Ángel Lauri que l’on verra à Sochaux, Manuel Ferreira et Enrique Guaita. J’adore ces quintette.
D’ailleurs, cette génération n’a jamais été titrée mais a-t-elle été proche d’un titre?
eh ben justement les deux fois où ils étaient plus proche titre, c’est Boca Juniors qui est champion. 1930 et 1931. ça marquait beaucoup de buts, mais finalement pas vraiment plus. Et défensivement, c’était plus mauvais, en comparaison Boca c’était très fort sur les deux aspects 🙂 Ils étaient reconnus pour leur récital offensif mais ça fait pas tout.
Mais c’est comme La Maquiña y’ a un peu une légende, au final ils ont eu 2 saisons où ils étaient vraiment ensemble, après les saisons suivantes beaucoup de matchs où les 5 ne furent pas alignés…
Pescia, je l’imaginais plus haut. Et Schelotto, beaucoup beaucoup plus bas ! L’auteur laisse parler ses sentiments, c’est bien !
Pescia, autre surprise de ce classement pour ma part.
Pescia = doce = 12
L’équation est bonne.
Mellizo, eh ben il a une énorme côte à Boca, et beaucoup le mettrait bien plus haut que moi ! bon c’est vrai que les joueurs d’avant 1960 sont souvent pas pris en compte dans des classements en tout genre, mais Guillermo a eu, et conserve toujours, une place très importante dans l’histoire du club et dans le coeur des supporters.
Carlos Tévez, j’aimais beaucoup ce joueur. Et cette gueule, comment ne pas le trouver attachant malgré son côté effrayant, comme s’il sortait des temps obscurs, comme s’il s’extrayait d’une représentation de l’enfer de Brueghel ou Bosch sur lesquelles figurent dans les angles des personnages suppliciés ?
Son duo de talentueux sales gosses avec Rooney… Et un Cristiano bien plus créatif que celui que l’on verra à Madrid. Tevez, comme le Kun, j’ai l’impression qu’il a jamais réussi à s’imposer en sélection. J’ignore pourquoi…
Tevez a bien été meilleur en sélection qu’Aguero, même si les deux ne se sont jamais imposés. Très souvent en rôle de joker. Plus Carlitos qui a été décisif et utilisé à un moment, comme au Mondial 2010 le seul tournoi de mémoire où il a été titulaire. Aguero très souvent en dessous de tout avec l’Argentine, peut une ou deux Copa América en titulaire (celle de 2015 ? et ?), mais leur carrière internationale est finalement assez banale, des rôles secondaires dans l’Argentine des années 2010 qui se reposait sur Messi et rien d’autre offensivement.
Il reste qui ? Marzolini, Diego, Rattin, Riquelme, Boyé, Cherro…
Rojitas.
Plutôt facile là à retrouver les 10 derniers 🙂
Indice: il y a au moins une légende xeneize de toutes les grandes équipes qui ont marqué le club en 120 ans hehe
Va y avoir Palermo, pfffff
Palermo, meilleur buteur de Boca, c’est aussi moche que Giroud meilleur buteur des Bleus. Hehe