Suite et fin de notre interview d’Antonín Panenka, qui nous parle de sa jeunesse et de son rapport au football.
Qu’est-ce qui vous a attiré vers le football ?
Ça a commencé avec mon père. C’était un grand fan de football. Il aimait le sport en général, mais le football encore plus. J’ai commencé à jouer un peu partout, dans les parcs, sur les places, dans la rue… J’étais doué. J’ai reçu un don de Dieu et j’étais plus doué que les autres. Mon père suivait cette évolution et chaque samedi et dimanche il m’emmenait voir des matches. Quatre, cinq, six matches, des championnats mineurs jusqu’à la première division. Donc il m’a créé un lien particulier avec le football, ça me plaisait. Et comme j’étais doué pour jouer…
Et qu’est-ce qui vous plaît encore dans le football aujourd’hui ?
Je dirige toujours les vétérans des Bohemians, ce sont les anciens joueurs du club. On joue encore des matches de temps en temps. Je me suis récemment tordu le genou donc je travaille pour retrouver la forme… Le sport m’apporte de la joie, du plaisir. C’est quelque chose d’agréable. Donc je m’efforce de faire beaucoup de sport. Je joue au tennis, au tennis de table, au football, au golf… Je joue aussi aux échecs, aux cartes… Je veux continuer de jouer. Je pense que les gens qui font beaucoup de sport ne vieillissent pas. Ou en tout cas, ne vieillissent pas si vite.
Vous avez souvent dit que vous aimiez que le football soit attractif, agréable à regarder. Qu’est-ce que vous aimiez faire quand vous étiez sur le terrain ?
Je pense que mon rôle était d’amuser le public. J’aimais beaucoup réfléchir différemment, trouver des solutions que personne d’autre n’aurait imaginées. Je jouais pour les spectateurs, pour qu’ils passent un bon moment. Pour qu’ils aient quelque chose à raconter toute la semaine au bar, qu’ils discutent des meilleures actions, des buts… C’était rendre le football vivant en quelque sorte. Ça me plaisait beaucoup. Donc j’essayais toujours de penser différemment, de trouver une passe que personne n’attendait. Je pense et j’espère que j’y suis parvenu.
Est-ce que vous aviez un autre objectif que celui de devenir footballeur ? Qu’est-ce que vous auriez fait si vous n’aviez pas été professionnel ?
Quand j’étais encore chez les jeunes des Bohemians, j’ai dû me former à un métier. J’ai donc appris à être tourneur à l’usine ČKD [entreprise qui fabrique des tramways encore aujourd’hui, ndlr], mais ce n’était pas pour moi. Il fallait se lever à 4h30 le matin… Je me suis dit qu’il fallait que je m’en sorte avec le football. Cela dit, à l’époque, footballeur n’était pas un métier. Les meilleurs sportifs avaient un gros avantage, l’un des seuls d’ailleurs : c’était qu’ils n’étaient pas obligés d’aller travailler. Donc on se concentrait sur nos entraînements et on allait à l’usine seulement pour y retirer notre salaire et notre fiche de paie.
Et si vous aviez fait un autre métier, vous pensez que vous auriez donné votre nom à un geste là aussi ?
Je pense que oui. Quoi que je fasse, je m’efforce d’être différent, original, de ne pas faire les choses comme les autres. J’essaye, hein, je ne dis pas que j’y parviens à chaque fois… Donc dans un autre métier, j’aurais sûrement trouvé quelque chose.
Quel est le meilleur souvenir que vous conservez du football ?
Il y a quelque chose qui est pour moi particulièrement important quand je regarde le chemin parcouru et ce que j’ai fait. C’est la possibilité que j’ai eue de jouer avec les meilleurs joueurs d’Europe et du monde. Pour moi, c’était un grand honneur et un immense plaisir de m’asseoir dans le vestiaire en compagnie de joueurs comme Bobby Charlton, Eusebio, Johan Cruyff, Franz Beckenbauer, Carlos Alberto… Et je me suis senti à l’aise parmi eux, parce qu’ils me considéraient comme eux. J’étais sûrement le moins connu de tous, mais ils étaient fantastiques.
Ils avaient tous un seul point commun : une grande humilité. Ils étaient tous modestes, pas arrogants du tout, n’avaient pas de demandes particulières. Quand quelqu’un voulait quelque chose, ils signaient volontiers un autographe, se laissaient volontiers prendre en photo… Quoi qu’il arrive, ils avaient beaucoup d’humilité, et pourtant c’étaient les meilleurs footballeurs du monde. Donc c’étaient pour moi des rencontres uniques.
En France il y a un vieux débat à propos du pénalty tiré par Zidane en finale de la Coupe du monde 2006, à savoir si c’était une panenka ou non. Je me suis dit que vous seriez la personne la mieux placée pour juger.
Je dois avouer que je ne me souviens pas bien comment il a tiré. Il a tiré au centre et le ballon a touché la barre, c’est bien ça ?
Oui, mais ce n’était pas au centre. Plutôt franchement sur le côté…
Oui, oui, mais au final le principe était le même. Il a voulu tirer au centre, pas trop fort… Mais il a tiré trop haut.
Donc c’était une mauvaise panenka ?
Une mauvaise panenka… Disons plutôt qu’il a marqué, donc c’était bien ! Si le ballon avait fini deux centimètres plus haut, la barre transversale l’aurait renvoyé et il aurait eu l’air bête. Mais le principe était le même, il n’a juste pas été tout à fait précis. Mais il a marqué et c’est le plus important.
Panenka était un magnifique joueur. Et encore, celui que j’ai découvert sur les VHS avait déjà la trentaine. Vision du jeu, conduite de balle, qualité de passe (son exter est une sucrerie) et de tir (des deux pieds), sans parler évidemment des coups de pied arrêtés… le bonhomme était simplement formidable. Et puis, il y avait aussi quelque chose dans son allure, sa gestuelle, qui le rendait populaire ou sympathique. Un amuseur, un créatif, avec un côté faussement pataud. Bref, un joueur qui mérite d’être connu des jeunes générations pour autre chose qu’un pénalty.
Les jeunes générations connaissent la Panenka.
Mais pas Antonín Panenka.
Merci pour ce partage. Pas évident de se faire une place entre le Sparta et le Slavia, comment devient on fan du Bohemians? Le quartier, la famille, le désir d’être différent?
Bien souvent c’est le rejet du duel Sparta-Slavia.
Et les Bohemians c’est le seul club de gauche du pays.
La question sur la « panenka » de Zizou, c’était peut-être la meilleure question à poser à M. Antonín Panenka !
Bien joué Modro ! 😉
C’était ce que je voulais le plus lui demander parce que l’idée me faisait rire. En fait ça fait des années que je me dis que ce serait amusant de lui demander ce qu’il en pense. Sa réponse est pleine de diplomatie et de sympathie.
Mais sa réponse qui m’a le plus surpris et intéressé c’est quand il explique qu’il voyait au moins 4 matches de foot par week-end. Sa mère devait être ravie de voir le père et le fils passer leur temps en tribunes.
Je n’ai pas souvenir que cela ait été dit, mais : il a bien récupéré de son Covid, alors? Certain temps, son état avait été dit être préoccupant pendant la pandémie.
Et quelles sont ses origines familiales? S’il n’était pas né à Prague, j’aurais dit fils de paysans – ce qui est plutôt flatteur pour moi.