Décembre 2022, finale de la Coupe du monde. Dans les prolongations, Emiliano Martinez repousse miraculeusement le tir de Randal Kolo Muani qui avait la balle du titre au bout du pied. Puis Dibu s’illustre de nouveau dans la séance des tirs aux buts pour offrir la troisième étoile à l’Albiceleste, lui qui avait été déjà décisif lors de la victoire finale en Copa América un an auparavant.
Depuis, le pays est traversé par une véritable « dibumania », qui célèbre partout son nouveau héros : des fresques peintes sur les murs à sa gloire, des tatouages, on copie son look, les enfants de tous âges l’imitent, pas une semaine ne passe sans une nouvelle déclaration de sa part et un nouveau récit de ses exploits. Dans un pays qui encense bien plus volontiers ses numéros 10, ses avant-centres ou tout joueur qui fait preuve de technique et de grinta, derrière Messi, c’est bien le gardien de Mar del Plata qu’on érige au rang d’idole nationale.
Après une longue traversée du désert au poste d’arquero, l’Argentine semble renouer avec son lointain passé et sa tradition du poste. C’est pourtant pas le plus fort, pas le plus incroyable, mais ses prestations avec la sélection, et les titres au bout, ont suffi largement à le mettre au panthéon pour les supporteurs. À l’image de Sergio Goycochea, qui n’était pas le plus impressionnant, une carrière en club par moment chaotique mais transcendé quand il enfilait le maillot de la sélection. Goyco le héros de 1990, qui était le dernier goal argentin encensé et qui affichait un niveau international au tout début des années 1990.
Difficile à imaginer, vu les titulaires au poste qui se succèdent en sélection depuis 30 ans, mais le football argentin regorgeait d’icônes à ce poste. Dès l’origine du football criollo, et pendant plusieurs décennies, plusieurs d’entre eux ont été acclamés et cités parmi les meilleurs mondiaux. L’Argentine produisait bon nombre de très bons gardiens – surpassant de loin ses voisins sud-américains à ce poste. Parmi eux, quelques figures mythiques qui ont révolutionné le poste à quelques moments charnières du football argentin. Dans un football rioplatense qui glorifie le geste technique, le génie créatif, le jeu de passes, le dribble et le but, les Argentins relatent avec passion et célèbrent tout autant celui qui arrête le but, stoppe le ballon.
Comme si, durant son fol été 2022-2023, le football argentin avait reconsidéré ce poste, remis au centre de son histoire. Les reportages font état que maintenant filles et garçons se battent pour aller au but, là où le « moins bon » allait avant, ils rêvent de devenir Dibu. De quoi susciter de nouvelles vocations, arrêter le but plutôt que le marquer. C’est ainsi que le foot argentin semble renouer avec un glorieux passé où les gardiens étaient admirés par les hinchas et enviés sur le continent. Aux origines, il y eut une figure mythique, celle d’Américo Tesoriere.
Un bon siècle en arrière, pour revenir aux sources du premier d’entre eux : Américo Tesoriere (écrit parfois Tesorieri ou Tesoriero). Figure des années 1920, peut-être même le plus populaire des joueurs du football argentin en ces temps, la première fois qu’un gardien de but occupe une telle place dans l’imaginaire des supporteurs et passionnées de football à l’époque. Avant lui, les premiers noms qui sortent du lot furent « El Vasco » José Buruca Laforia au tout début du XXe siècle, ou Carlos Isola, gardien du côté de River Plate. Mais Américo est un curseur chronologique, il marquera un tournant.
Américo Tesoriere naquit dans le quartier de La Boca en 1899, pour ne jamais le quitter. Né d’un père marin, immigré d’Italie, comme ceux qui sont nombreux à peupler le quartier. L’enfant rêve de la mer et d’horizon, mais il ne fut pas marin comme son père, il choisit une autre forme de solitude : celle du gardien de but. Une position qui lui plaît bien comme il le dira plus tard “El mar abre todos los caminos. Yo quería ir por ellos sin buscar nunca un puerto. Me gustaba la soledad.” [La mer ouvre tous les chemins. J’aurais aimé les emprunter sans m’arrêter dans aucun port. J’aimais la solitude.] Véritable enfant du barrio, il a six ans quand le Club Atlético Boca Juniors voit le jour, dans ce quartier peuplé d’Italiens qui parlent génois. Quelques années plus tard, il est découvert par le club Xeneize quand il jouait sur un de ses nombreux potreros que compte la ville, ces terrains vagues où se développe le football argentin, où se forge son style. Clin d’œil du destin, ce terrain sera plus tard le terrain de jeu de Boca Juniors, des tribunes et du ciment en sortiront pour édifier La Bombonera. Américo joue gardien de but, par choix. Pourtant, ce n’est pas si évident qu’un futur footballeur décide de jouer à ce poste, souvent plutôt par défaut pense-t-on. Depuis petit, l’enfant rêve d’être seul sur sa barque au milieu de l’océan, c’est tout naturellement qu’il veut faire de sa surface de réparation sa mer intérieure dans cet océan du terrain de jeu. Le poste le plus solitaire lui était donc destiné.
Il débute dans les divisions inférieures en 1916 et en tant que titulaire en équipe première en 1918. Mais le jeune gardien est transi de peur lors de ses premiers matches, se demandant ce qu’il fait là. Il surmonte sa peur et enchaîne rapidement les bonnes prestations : des arrêts héroïques et une intuition à deviner où allait les tirs adversaires, dit-on de lui. Il apporte les premières évolutions à son poste. Américo apprend seul, lit des manuels, rassemble des données pour apprendre sur le poste, il établit une somme de connaissances pour défendre son but. Dès la fin des années 1910, il est convaincu que le gardien doit jouer comme un « troisième défenseur » (à l’époque où on joue avec deux défenseurs centraux). Il étudie et calcule, trace des croquis des schémas de jeu, apprend de ses adversaires, de la manière dont les attaquants conduisent la balle pour mieux anticiper. Méticuleux, il adapte son jeu en fonction de ses possibilités physiques, lui qui n’est pas très grand (à peine plus d’1,70m) et assez fin (une soixantaine de kilos), il se mesure pour juger de ses limites physiques. Il cherche la technique et le placement, à renforcer sa lecture du jeu pour combler ses lacunes physiques. Il dispose et place ses défenseurs de manière à anticiper le jeu adverse et ses actions offensives, pour que ses mains soient prêtes à tout moment pour arrêter le ballon. Il est l’un des premiers à sortir de son but, à couper les trajectoires, à être bon dans ses sorties. Sentir ce qui se passe quand les adversaires ont le ballon, saisir la mécanique du jeu, maîtriser son espace qui lui appartient, Américo a conscience de toutes les facettes de son poste. Il comprend qu’il peut prendre le dessus mentalement sur ses adversaires et faire basculer les parties. Sur le terrain, son style ne passe pas inaperçu, il joue avec son gros tricot de laine à col haut.
Il s’impose comme le grand gardien de l’ère du football amateur, le meilleur des années 1920, l’un des plus sûrs à son poste, et se forge une réputation de spécialiste des penaltys arrêtés. Surnommé « La Gloria », il est au sommet de son art dans les années 1920. Avec son club de cœur et de toujours (bien qu’en 1921, pour un différend financier, il part jouer une saison au Sportivo del Norte), il gagne les cinq premiers championnats de l’histoire du club : 1919, 1920, 1923, 1924 et 1926. Une constante de ces titres : un faible nombre de buts encaissés, peu de défaites. Boca brille par sa défense, une marque de fabrique qui restera dans l’ADN du club. « Un dieu » dans les buts s’enflamme la presse, il est au sommet et adulé, les supporteurs chantent à sa gloire : « tenemos un arquero, que es una maravilla ; ataja los penales, sentando en una silla » [nous avons un gardien de but, qui est une merveille ; il arrête les pénaltys, en étant assis sur une chaise]. Sa renommée et sa popularité sont telles qu’il fut le premier footballeur à occuper seul la couverture de la célèbre revue de football « El Gráfico » pour le numéro de juillet 1922. Les honneurs pour un gardien, inhabituel, et marque le début d’une ère argentine prolifique, un vivier riche et dense à ce poste. Car d’autres suivront pendant plusieurs décennies, chaque club important ayant sa figure tutélaire dans les bois.
Sa popularité, il la doit aussi à ses prouesses internationales, qui lui valent une réputation d’invincible hors des frontières du Río de la Plata. Véritable muraille, il gagne deux Campeonato Sudamericano (1921 et 1925), obtenant même la récompense individuelle du meilleur joueur du tournoi en 1921 – la première Copa América gagnée par l’Argentine, grâce à son incroyable performance de n’avoir encaissé aucun but. Les attaques sont prolifiques, les premières vedettes offensives émergent, mais les gardiens fascinent tout autant. D’autant qu’il réédite cette performance lors du Sudamericano 1924 : pas de but encaissé par l’Argentine, mais elle ne parvient pas à remporter le trophée. Le 2 novembre, lors de ce Sudamericano 1924 à l’Estadio del Gran Parque Central de Montevideo, Tesoriere est auteur d’arrêts multiples lors du 0-0 entre l’Argentine et l’Uruguay. Une fabuleuse performance selon les observateurs et le public présent pour garder sa cage inviolée, dans un match tenant lieu de finale. La Celeste championne olympique quelques mois avant, a nettement dominé les Argentins, mais elle n’est pas parvenue à mettre un but, empêchée par la muraille Tesoriere, qui a tout arrêté. Un résultat qui sacre l’Uruguay, mais c’est la performance d’Américo qui reste dans tous les esprits et qui est fêtée. Pour la deuxième fois consécutivement, il termine la compétition invaincu, les joueurs locaux le portent en triomphe sur leurs épaules jusqu’à la tribune officielle où le président de la République Orientale d’Uruguay, José Serrato, est présent et applaudit l’hôte argentin, qui est acclamé par le public de Montevideo.
Sa réputation franchit l’Atlantique, lors de la tournée européenne de Boca Juniors de 1925, la première pour un club argentin, le club est renforcé par cinq joueurs d’autres équipes argentines. Américo réalise son rêve, naviguer sur les mers, traverser les océans. Le bateau arrive à Vigo, là où autrefois le chemin se faisait majoritairement en sens inverse pour les populations désireuses d’autres destins. Boca affronte principalement les équipes espagnoles de Galice, de Madrid, de Catalogne et du Pays Basque. Avant de finir par quelques matchs en Allemagne et un tout dernier à Paris contre une sélection parisienne. La presse ibérique ne tarit pas d’éloges à son sujet, le qualifie de « meilleur gardien de toute l’Amérique Latine », renchérit pour décrire ses qualités « son agilité, sa clairvoyance et son placement sont extraordinaires » ; et pousse à la comparaison avec leur légende nationale : « pareil ou meilleur que notre Zamora ». Au total, 19 matchs joués, 15 victoires pour les Argentins, un nul et trois défaites (16 buts encaissés, pour 40 marqués). Cependant, Américo n’aura pas la même joie que ses compagnons. La distance le rend triste, loin de son barrio, de son monde à lui qu’il retranscrit autant qu’il peut.
Car Américo est aussi poète, un poète de son quartier, un poète des buts. Il a fait de Boca, le quartier et le club, son monde, qu’il arpente avec la solitude inhérente de son rôle de gardien de but. Il utilise ses mains pour arrêter les tirs et écrire des poèmes. Ses textes furent compilés par son fils Eduardo dans un livre El poeta del arco, qui exprime une relation profonde entre le gardien et le poète, entre le quartier et le club. Américo retranscrit l’histoire et la vie du barrio : ses premières parties, les fêtes, les rues, les personnages, les paysages, les nuits, le mouvement permanent, ses rêves.
Il arrête sa carrière jeune, à 30 ans, de nouveau en conflit avec la direction, ce qui ne l’empêchera pas de revenir à un poste administratif ou gardien du stade, de toute façon il est lié à jamais au club et à son quartier. Tesoriere est une légende du club qui a accompagné les débuts et les premiers titres, comme avec la sélection argentine. Il raccroche avant le passage officiel à l’ère professionnelle du football argentin. Il restera comme une figure romantique de la période amateur, et joueur majeur de l’histoire du football argentin. Après avoir raccroché, il fait part de sa mélancolie, de la nostalgie de sa carrière de footballeur, de ses dimanches sur le terrain face aux supporteurs rivaux, tel seul sur son bateau face aux vagues, il ne lui reste plus que les souvenirs du quartier et des parties jouées. Comme il écrit dans un de ses poèmes intitulé « Imploración » :
« Ya quisiera / mi Dios querido / para estar de guardia / en los tres palos / del club que tú conoce. Oír de nuevo el ronco bramar / (olas rugientes contra la playa) / los centellantes aplausos / de la hinchada enardecida / (granizos sobre techos de cinc) / ahogar el grito de ¡goool! / en las gargantas / y después sereno esperar / del juez la pitada final.
Querido Dios / ¿No podrías darme / por unos domingos / mi perdida juventud? »
[J’aimerais / mon Dieu / pour être de garde / dans les buts / du club que toi tu connais. Entendre de nouveau le grondement mugir / (de vagues rugissantes contre la plage) / les brillants applaudissements / de la hinchada enragée / (de la grêle sur le toit de zinc) / étouffer le cri du but / dans les gorges / et après serein espérer / de l’arbitre le coup de sifflet final.
Mon Dieu / Peux-tu me donner / pour un de ses dimanches / ma jeunesse perdue ?]
Tesoriere est devenu « un mythe national » comme l’explique l’historien argentin du football, Pablo Alabarces. Après Mérico, ce sont les débuts officiels du professionnalisme dans le football argentin. Des articles, des unes, la presse continue de relater avec enthousiasme les exploits des gardiens et leur attribue des surnoms de « super-héros ». Le football argentin se passionne aussi pour ses gardiens, chaque « grand club » a sa vedette.
S’il y a bien un poste envié par ses voisins, où les Argentins eurent pendant un avantage, c’est bien celui-là. D’autres suivront : Angel Bossio « maravilla elástica » de River Plate, « El Oso » Octavio Diaz (Rosario Central), l’un et l’autre qui prirent la succession d’Américo en sélection ; Juan Botasso « Cortina metálica » qui joua la finale de 1930 ; Fernando Bello » dit Tarzán le gardien du grand Independiente des années 1930, l’un des meilleurs gardiens de cette décennie avec le moins spectaculaire mais efficace Sebastián Gualco (San Lorenzo), « El pez volador » Juan Elías Yustrich (Boca Juniors)… Puis dans les années 1940 : Juan Estrada (Huracan, Boca Juniors), Claudio Vacca (Boca Juniors), Gabriel Ogando (Estudiantes La Plata), Héctor Ricardo (Rosario Central) Miguel Ángel Rugilo (Vélez Sarsfield), Julio Musimessi (Newell’s Old Boys) et Julio Cozzi (Platense) considéré comme le meilleur de cette décennie.
Puis vint Amadeo Carrizo. Le mythique gardien de River Plate, posera un nouveau jalon historique, après lui il y eut de nouveau un « avant » et un « après ».
Le type même d’articles dont je me sens redevable, car il ouvre mes horizons avec force détails. Et merci donc!
J’ai pensé au cas espagnol à lecture de cet apparent paradoxe d’entre, d’une part, grinta (furia?), goût de la technicité, du toque..et d’autre part tradition (parfois malmenée – ce qui est inéluctable) des grands gardiens.
M’interpellent aussi la cérébralité et le rationalisme à l’oeuvre dans la maturation du jeu de ce jeune homme, ça tranche avec la dimension d’instinct que, le plus souvent, l’on prête trop globalement (je me mets dans le tas) aux footballs sud-américains vintage.
Lire des « manuels » dès les années 20, voire 10’s vraisemblablement? C’est quelque chose que je n’aurais pas même soupçonné en Europe continentale.. Que la culture-jeu fût pensée : ça oui, certainement! Mais que les enseignements en-tirés fussent couchés sur papier, codifiés dans des « manuels » : je croyais la chose plus tardive, on apprend tous les jours.
Je suis sensible aussi à ces footballeurs habités de leur pratique au point de verser dans la poésie.. Ces vers que tu relaies ne sont pas même mauvais, et tels que tu les relaies ils font un peu penser à des haikus par leur caractère « atmosphérique ». Quoi qu’il en soit, tout cela traduit une profondeur dans le rapport au jeu et au cuir, la qualité intérieure de cette personne aussi..et laisse songeur quant à tout ce que le football contemporain a perdu.
« Il est l’un des premiers à sortir de son but, à couper les trajectoires, à être bon dans ses sorties. Sentir ce qui se passe quand les adversaires ont le ballon, saisir la mécanique du jeu, maîtriser son espace qui lui appartient, Américo a conscience de toutes les facettes de son poste. Il comprend qu’il peut prendre le dessus mentalement sur ses adversaires et faire basculer les parties. Sur le terrain, son style ne passe pas inaperçu, il joue avec son gros tricot de laine à col haut. »
Ca m’a troublé, l’impression de me (re)lire concernant Birger Jensen!
Le gros tricot en laine était (voire serait?) populaire car avait une fonction : amortir les coups et les retombées du corps. Rien de ce que tu rapportes ici des innovations prêtées à Tesoriere ne relève d’améliorations matérielles, tout est culture, savoir, analyse..sinon peut-être ceci, donc : ce « gros tricot de laine à col haut », lequel relève de l’équipement…….. Fut-il, là aussi et a minima pour l’Argentine, un pionnier?
Le tricot pour amortir les chocs, rester au chaud, des hypothèses plausibles. Pionnier ? Je ne m’avancerai pas, mais d’autres en Argentine, à peu près au même moment (voir quelques années après, l’ont-ils copiés ?), firent de même.
Sur la droite de l’affiche sur fond bleu, le vieil homme est-il Americo Tesoriere?
Oui c’est lui.
Je ne regrette pas de ne pas l’avoir lu en avance pour correction, l’effet du texte en est d’autant plus fort. C’est du très, très beau travail, bien aidé par le choix du sujet. Où trouverait-on aujourd’hui un footballeur qui s’épanche ainsi sur son rapport à la mer et qui écrive des poèmes à ses heures perdues ?
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/r17318060/cantona-entre-poesie-et-peinture
Superbe texte! C’est paradoxal de voir que l’Argentine a surement été le premier pays avec autant de bons gardiens pour finir avec une telle pénurie quelques décennies plus tard, à en devenir la grand nation de foot avec le plus de faiblesses à ce poste!
Très joli voyage. Merci Ajde. Cozzi, le gardien de Millonarios pendant le Dorado.
Il faut parler du poids du Grafico dans la construction de la mythologie du foot argentin. Du lyrisme et des photos magnifiques, digne d’une épopée…
Oui le Grafico a été un vecteur fondamental de cette « construction de la mythologie du foot argentin ».
Au service également, plus large, d’une construction de l’identité argentine, de la Nation, car dans l’entre deux guerres la ligne : s’éloigner de l’Europe. D’où le récit d’un football rioplatense propre à une Région, des photos et reportages épiques sur les tournées européennes, les compétitions internationales, la glorification de joueurs, etc.
Grafico et le sport argentin en général. Les unes sur le boxeur Locche et celle-ci sur Pascual Perez le premier argentin champion du monde de Boxe.
https://es.m.wikipedia.org/wiki/Archivo:Pascual_P%C3%A9rez_%28Campe%C3%B3n_mundial%29_-_El_Gr%C3%A1fico_1844.jpg
On avait eu cette discussion avec Verano de savoir qui était le plus grand gardien espagnol de l’histoire. Mais plus je lis des comparaisons faites entre des gardiens étrangers comme Tesoriere et Zamora, plus cela confirme qu’il était le maitre étalon de son époque. Ce qui n’a jamais été la cas pour les autres gardiens espagnols. Iker a le palmarès, Zamora a le prestige et le mythe.
Pas trop l’occasion de commenter en ce moment mais je veux te remercier pour ce magnifique texte.
J’ai retrouvé un post sur sofoot parlant de Tesoriere, la Copa 1924 qu’Aide évoque et la suite tragique au match décisif entre la Celeste et l’Albi.
En octobre 1924, Montevideo accueille la Copa America dans l’Estadio Gran Parque Central, la mythique enceinte du Nacional. Il s’agit d’une édition à laquelle ne participent que l’Uruguay, l’Argentine, le Chili et le Paraguay (pays organisateur ayant délocalisé la compétition faute d’infrastructures). Le Brésil renonce pour la première fois à la suite de désaccords entre la Confédération brésilienne basée à Rio et l’association de l’état de São Paulo.
Malgré la présence de son futur martyr David Arellano, le Chili est un faire-valoir encaissant dix buts en trois rencontres. Le Paraguay emmené par Gerardo Rivas et Manuel Fleitas Solich est un adversaire coriace mais il ne peut contrarier l’Uruguay et l’Argentine dans leur lutte pour le titre lors d’une ultime rencontre disputée le 2 novembre, fête des morts, comme s’il fallait y voir un signe du destin.
Bien que privée d’Andrade, la révélation des Jeux Olympiques de Paris, la Celeste est favorite. Elle s’appuie sur ses champions Mazali, Nasazzi, Cea, Petrone et Scarone même si ce dernier ne joue pas le dernier match. De son côté, outre Manuel Seoane et Cesáreo Onzari (auteur du premier but sur corner direct de l’histoire cette même année 1924), l’Argentine compte sur deux cracks de Boca Juniors : Domingo Tarasconi, goleador immensément populaire ayant inspiré plusieurs airs de tango, et Américo Tesoriere, gardien impassible aux manières aristocratiques (en apparence). Maigre, pâle, froid, il semble dénué de toute émotion, un peu comme certaines stars du cinéma muet de l’époque. Critiqué par la presse de Buenos Aires après l’échec de l’Argentine lors de la précédente Copa, il fait la démonstration qu’à vingt-cinq ans il n’a rien perdu de son talent.
Pour ce clásico du Rio de la Plata, plus de 20 mille spectateurs viennent admirer le ballet de la Celeste. Mais ce jour-là, rien à faire « la Gloria » Tesoriere est à nouveau infranchissable et la rencontre s’achève sur un score nul et vierge, suffisant pour offrir le titre à l’Uruguay. A la fin de la rencontre, sublime hommage, les joueurs des deux équipes portent Tesoriere en triomphe jusqu’à la loge officielle afin qu’il soit félicité par le président de la République d’Uruguay, José Serrato.
En soirée, les festivités se poursuivent dans la vieille ville de Montevideo, à proximité du Palais Gandos alors transformé en palace, l’hôtel Colón. C’est le lieu d’hébergement de la délégation argentine dont la quiétude est perturbée par quelques supporters uruguayens éméchés. Agacés, des joueurs de l’Albiceleste leur jettent des objets depuis les balcons soutenus par des compatriotes sortis d’un café voisin. Une rixe éclate soudainement dans la rue jusqu’à ce que deux détonations interrompent les échanges de coups. Un homme est légèrement touché mais au sol, blessé à la gorge, Pedro Demby, est déjà sur le chemin de l’au-delà.
Le tireur parvient à s’enfuir, des témoins affirmant qu’il s’est réfugié dans l’hôtel Colón sans que la police ne le débusque. Des indices tendent à démontrer qu’il vient du quartier de la Boca à Buenos Aires (il parle avec un accent génois) et connaît au moins un joueur argentin auquel il venait livrer une commande de vêtements abandonnée sur la chaussée. Le tueur n’est pas arrêté et l’affaire semble devoir en rester là.
Le fuyard parvient probablement à traverser le Rio de la Plata avec l’assistance des joueurs de l’Albiceleste. Les enquêteurs uruguayens ne renoncent pas et bien plus tard, un suspect est identifié grâce à une photo. Sur celle-ci, un homme connu sous le nom d’« El Petiso » José Lázaro Rodríguez pose aux côtés d’Américo Tesoriere. « El Petiso » fait partie des franges violentes des hinchas de Boca et aujourd’hui, il est établi que le très distingué Tesoriere fraye durant et après sa carrière avec des membres de la mafia boquense. « El Petiso » est finalement arrêté par la police argentine. Il n’est jamais remis aux autorités uruguayennes, purge deux années de prison avant de recouvrer la liberté. Quant à l’énigmatique Tesoriere, après 1921, il est sacré une seconde fois en Copa America le jour de Noël 1925 avant de se retirer prématurément à , en désaccord avec les dirigeants de Boca.
troublante suite de l’histoire !
« il est établi que le très distingué Tesoriere fraye durant et après sa carrière avec des membres de la mafia boquense »
Mérico a passé sa vie dans le quartier et dans le club qui porte son nom, il a fréquenté tous les personnages. De ce que j’ai lu aussi il s’est toujours immiscé dans les luttes internes au club, pour ça qu’il quitte le club, dans les jeux de pouvoir au sein de la direction: toujours du côté des perdants a t(il dit (interview du Grafico que j’ai lu pour préparer cet article)
« S’il y a bien un poste envié par ses voisins, où les Argentins eurent pendant un avantage, c’est bien celui-là. »
petite erreur de mise en page, il manque deux mots … » pendant des années un avantage »… entendu avantage sur ses deux grands voisins et rivaux, Brésil et Uruguay.
Quid de Rogelio Domínguez, coincé entre Amadeo et Antonio Roma?
Rogelio Dominguez, top 5 devant Roma
Chouette article ! Il y a de véritables connaisseurs ici, quel plaisir !
Je me demande si ce n’est pas un portier de grande qualité qui a fait défaut à l’Argentine en 2002 (pourtant annoncée archi-favorite !).
C’était sûr que c’était leur grande faiblesse sur le papier. Bielsa avait commencé avec el Mono Burgos à la Copa América 99, installant Bonano par la suite puis peu de temps avant le Mondial, Cavallero qui était chaud en Liga cette année-là. Bref, pas de stabilité, pas de titulaire indiscutable, pas de taulier En vrai, c’est Roa qui aurait du être le portier titulaire de ces années-là, mais il avait vu la lumière ailleurs.
Après, la blessure d’Ayala à l’échauffement du premier match qui était le taulier de la défense; Veron flingué par son transfert à MU; Simeone qui revenait d’une grave blessure sans jamais s’en remettre; deux ou trois choix critiquables du Loco, et ces éternels questions le concernant sur la fin de cycle de ses équipes qui se consument aussi rapidement et brutalement que leur construction.
Je me rappelle aussi de la polémique sur le choix de sélectionner Claudio Caniggia, âgé de 35 ans, alors pas en grande forme aux Glasgow Rangers, au détriment de la jeune pépite barcelonaise Javier Saviola.
D’ailleurs, quel est ton avis sur l’ancien gardien Luis « el loco » Islas en équipe d’Argentine ? Son mondial 1994 n’est pas une franche réussite. Là aussi, l’Argentine était mal lotie à ce poste crucial.
Pig,
oui Saviola c’était le prodige qui était attendu dans les 22..
(Bielsa ne voulait pas de Riquelme depuis 3 ans, si on demande hein..)
Magnifique article, un régal. Pour les spécialistes du foot sudam et surtout Argentin ce serait bien de faire un article sur Julio Libonatti dont le transfert de Newell’s au Torino est souvent considéré comme le premier vrai grand transfert de l histoire du foot.
L’histoire est écrite par les vainqueurs ( Robert Brasillach ou Churchill selon les dires ) car le Dibu jusqu’à l action finale de Kolo Muani et la séance de penaltys : bof bof , il en prend quand même 3 en finale
Si la France gagne il n’est jamais élu meilleur goal du mondial ( par exemple le gardien croate est meilleur )
Pour finir il joue à Aston Villa pas dans un top club et n’est jamais cité comme le gardien le plus performant actuel comme peut l être courtois par exemple
Certes, certes… mais avant lui, il faut remonter à Fillol pour voir un gardien argentin faire un arrêt décisif dans un match à fort enjeu.
T es dur avec goycochea en 1990 !!