1990, Stadio San Nicola de Bari… Igor Dobrovolski exulte sur son but de la tête. Il n’y a pourtant pas grand chose à célébrer. L’URSS vient d’en coller quatre à un Cameroun déjà qualifié et complètement amorphe mais la fête est finie pour ces Soviétiques dont on attendait certainement trop. La faute à ce diable de Marius Lăcătuş, à un Maradona qui utilisa une nouvelle fois habilement son bras, sur sa ligne cette fois-ci. Ils paraissent cramés les héros enthousiasmants de Mexico et de l’Euro 1988. A posteriori, les éléments annonciateurs du fiasco étaient pourtant visibles. Un Sacha Zavarov qui ne supporta jamais le poids de l’héritage de Platini à Turin, des Rats, Belanov, Vaghiz Khidiatoulin échouant par wagons en Europe de l’Ouest… Même le grand, l’insubmersible Rinat a déçu en Espagne, laissant surtout dans la mémoire des Sévillans son carambolage en bagnole contre un mur d’une université, un soir de biture. Néanmoins, dans cette Europe de l’Est qui tourne le dos à des décennies de totalitarisme, il reste de quoi croire en des lendemains qui chantent pour le foot soviétique. Les Mostovoi, Kanchelskis, Kolyvanov ou Shalimov remportent cet été 1990 l’Euro Espoirs face à la Yougoslavie de Suker, Prosinecki, Mijatovic ou Bokšić. De la jeunesse fougueuse, du talent pour des pays qui n’existeront bientôt plus…
Little Odessa
Dans Little Odessa de James Gray, Tim Roth, un tueur à gages, revient à Brighton Beach, quartier juif ukrainien de Brooklyn de son enfance où il assassina jadis le fils du parrain local. S’il y a fort à parier que Jean-Luc Ettori n’ait pas le même parcours, quoique l’on n’en sache rien, la plus fameuse moustache de la Principauté revient en Ukraine, plus de 10 ans après et une confrontation face au Shakhtar Donetsk. Monaco a mis une décennie à mûrir continentalement, preuve en est sa demi-finale récente et frustrante perdue face à la Samp de Mancini, mais ne doit sa qualification face aux Ukrainiens d’Odessa qu’à une splendide tête de Mister George. Rebelote au tour suivant, retour en URSS pour affronter le Torpedo Moscou cette fois-ci…
Arsene Wenger n’est pas serein. Le Torpedo vient d’éliminer les Palanganas de Toni Polster et Pablo Bengoechea, bien aidé dans sa mission par l’absence dans les cages de Rinat Dasaev. A l’aller à Moscou, un Gérald Passi ressuscité réduit le score en seconde période mais l’Alsacien souligne dans la presse que « le Torpedo est avec l’Inter de Matthäus, le verrou le plus difficile à briser de la compétition. » Au stade Louis-II, le Torpedo bloque les ailes et opère par contre-attaque, préparant patiemment l’embuscade. Gizelov se défait de Sonor, transmet à Grishin qui centre délicatement pour Tishkov. Ettori réagit trop tard, déjà 3 à 1 sur l’ensemble du duel. Ramón Díaz égalise à la 83e mais Gitselov double le score moscovite d’une frappe placée deux minutes plus tard. Rui Barros est sonné mais avouera sportivement la domination adverse aux médias soviétiques. « Je ne comprenais pas ce qui se passait sur le terrain. Je n’ai pratiquement pas eu le ballon, ni senti le jeu, les joueurs de Torpedo étaient partout. Votre équipe a tout simplement bien joué. »
Le coach du Torpedo n’est pas n’importe qui. Il s’agit de Valentin Ivanov, une légende ultime du club, champion d’Europe en 1960, meilleur buteur d’un mondial et d’un Euro s’il vous plaît! Il a su parfaitement gérer le départ pour Olympiakos de la perle médaillée d’or à Séoul, Yuri Savichev, son équipe est disciplinée et ambitieuse. Et comment ne pas l’être quand le tirage vous offre Brondby en quarts de finale de la Coupe de l’UEFA ? Il y a pas mal de similitudes dans les préparations des deux équipes. Elles reviennent d’une longue trêve hivernale et pleurent leurs absents. Tishkov chez le Torpedo, le défenseur nigérian Ukechukwu, rentré tardivement de funérailles au pays, que Morten Olsen ne considère pas prêt psychologiquement. Si le technicien danois refuse de désigner un favori, « il signerait illico pour une victoire 1-0 ! », les Soviétiques ont-ils sous-estimé les vainqueurs de l’Eintracht et du Bayer Leverkusen ? Peut-être… Noyés sous le pressing adverse, ils peuvent s’estimer heureux de revenir à Moscou avec un seul but de retard. La réaction est attendue mais se fait pourtant attendre au retour, aucune combinaison, aucune hargne à offrir à leurs fans. Le but de Shirinbekov est un clin d’œil farceur du destin, aucunement le fruit du mérite. Séance de tirs au but. Un grand blond, sans chaussures noires, sonnera le glas de leur espérance, Peter Schmeichel. Brondby ne montera jamais plus aussi haut, touchant du doigt une finale inespérée avant que Rudi Völler ne les crucifie à deux minutes de la fin au Stadio Olimpico. Quant aux fils spirituels d’Eduard Streltsov, ils n’ont jamais revu le jour depuis…
Moscou, 20 novembre 1990
Cette fois-ci, Diego est allé trop loin. Au grand étonnement et soulagement du stade Loujniki, el Pibe de Oro s’assoit sur le banc, un étrange numéro 16 dans le dos. Au jeune Zola de rependre le flambeau… Maradona et la Coupe des clubs champions, c’est de toute façon un rendez-vous manqué. Autant l’élimination précoce, trois ans auparavant, face à la Quinta del Buitre n’avait rien d’honteuse, autant le nul concédé à domicile face au Spartak sent clairement le sapin. Un truc s’est irrémédiablement cassé chez Maradona depuis le Mondial italien, il n’est plus que colère et parano, n’écoute absolument plus personne. Ayant préféré sécher le rassemblement de l’équipe à l’aéroport, il est venu à Moscou par ses propres moyens, en jet privé, accompagné de sa femme et de son agent, profitant de l’occasion pour visiter la Place Rouge et le mausolée de Lénine. Un touriste… Mais qui oserait rabrouer un demi-dieu ?
Un être qui ne recule devant rien, pas même un crime de lèse-majesté, Luciano Moggi. Plus de passe-droit pour Diego, quitte à en assumer les conséquences ! Les Partenopei subissent et ne doivent leur survie qu’à un Giovanni Galli de gala. Les résolutions ne nourrissant pas son homme, alors que le score était toujours de 0-0, l’entraîneur Bigon décide au bout d’une heure que Maradona avait suffisamment réfléchi à ses erreurs… Sans résultat malgré le poteau de Giuseppe Incocciati. Diego inscrit son tir au but pendant la séance mais le Napoli sort par la petite porte. Il sera bientôt exclu pour un test positif à la cocaïne…
Mais résumer la qualification du Spartak aux aléas de caprices d’une star ayant perdu le sens des réalités serait injuste. Le club moscovite le plus populaire réalise son meilleur parcours dans la compétition reine cette année là, avec talent et en ayant su prendre ses adversaires au bon moment. Le Real, au tour suivant, n’est pas dans un meilleur état que Naples. Personne n’ose se l’avouer mais l’ère dorée de la Quinta est révolue. Le Barça de Cruyff caracole en tête de la Liga, le Celta vient de gagner au Bernabéu pour la première fois en 50 ans et un triumvirat Grosso-Camacho-Di Stéfano a remplacé le pauvre Toshack. Malgré le froid glacial de Moscou, un immense Pedro Jaro tient le nul vierge à l’aller. Don Alfredo a pris 10 ans d’un coup mais les socios sont confiants, la mística blanca devrait renaître à domicile…
Hugo Sánchez réapparaît après un mois d’absence et le Buitre ouvre le score dès la 10e minute, mais les Moscovites ne désarment pas et égalisent aussitôt par le chevelu Radchenko. Un Radchenko qui doublera la mise avant la pause. Le château de cartes s’écroule, il n’y a plus rien… Ni Hagi, blessé pour une saison cauchemardesque, ni remontada qui fit la gloire de cette génération. Bernabéu, aussi dépité qu’ingrat, applaudit à tout rompre lors du troisième but soviétique. Un enterrement sans première classe pour une de ces équipes les plus esthétiques… Les Shalimov, Karpin, Mostovoi ou Kulkov ne pourront rien par la suite face aux coups de rein d’un Abedi Pelé ayant définitivement placé Piksi hors-jeu dans les schémas de Raymond la science. A défaut de Bari, les portes de l’Europe de l’Ouest leur sont désormais généreusement ouvertes…
Jin-Go-Loba !
Dans sa chanson Jin-go-lo-ba, par la suite reprise par Carlos Santana, le percussionniste nigérian Babatunde Olatunji conseillait à son public de ne pas s’en faire… Je ne peux affirmer que Valeri Lobanovski, homme cultivé, comprenait le yoruba mais ses lendemains du Mondial italien laissent à penser qu’il avait décidé de ne plus s’en faire financièrement. Il signe aux Emirats Arabes Unis !
La sélection EAU vit alors sa plus belle période, le moral gonflé à bloc par sa participation au Mondial italien, même si, en fin de compte, elle servit avant tout de punching-ball aux Allemands et aux Yougoslaves. Lobanovski, par l’odeur alléché, prend la suite de Carlos Alberto Parreira, le courant passe instinctivement avec la star locale, Adnan Al Talyani. Bien qu’une rumeur persistante en Ukraine insinue que le travail au Moyen-Orient a entamé la santé de Lobanovski, de nombreux témoignages s’attachent à saluer son travail sur place. Il conduit son groupe à sa première demi-finale dans la Coupe d’Asie des Nations 1992, qui verra le titre inaugural des Japonais, dirige par la suite les voisins du Koweït avec qui il remportera une méritoire médaille de bronze aux Jeux Asiatiques. Six ans d’exil et de pétrodollars avant de mettre la dernière touche de couleur à l’œuvre d’une vie aux chevets des jeunes Shevchenko et Rebrov…
Anatoli Puzach, l’adjoint de toujours de Loba, a repris le flambeau au Dynamo. La nouvelle génération porte les noms d’Oleg Luzhni, Salenko ou du caractériel Sergeï Yuran. Le groupe, mélange d’anciens et de jeunes loups, s’offre le championnat de l’année civile 1990 au nez et à la barbe du CSKA, malgré les départs estivaux du blondinet Mikhailitchenko pour la Samp et du buteur Oleh Protassov pour le Pirée. L’homme fort du Dynamo, débarrassé de l’ombre omnisciente de Lobanovski, est désormais l’attaquant Yuran. Un miraculé, ce Sergeï, entre une double fracture juvénile et une mise au ban de la part de Loba pour « conduite inappropriée ». Résultat, le mutin fera deux mois dans une unité militaire à éplucher des pommes de terre ! Un bien pour un mal afin de canaliser ce coureur invétéré de jupons qui s’entend parfaitement avec son compère d’attaque, Salenko. Les deux permutent sans cesse et se défont en Coupe des Coupes d’un autre symbole du foot de Papy, le Dukla Prague. Et quoi de mieux pour jauger son niveau qu’une confrontation avec l’équipe à la mode, le Barça de Cruyff ?
Un Barça privé de son coach se remettant difficilement d’une opération cardiaque, mais récupérant après de longs mois d’absence Koeman pour l’occasion. Devant 96 000 personnes à Kiev, Stoitchkov et consorts délivrent une grande prestation mais Salenko maintient un soupçon d’espoir. Les Culés pensent avoir fait le plus dur mais subissent au Nou Camp. Yuran ouvre le score, trois partout sur la confrontation. Ce dernier est proche d’offrir le but de la qualification mais sa tête s’échoue sur la transversale de Zubizarreta. Baroud d’honneur noble mais inutile, Amor égalisera à la dernière minute. Le Dynamo mettra quelques années avant de retrouver un niveau européen de gala. Quant à Yuran, il disparaîtra au Spartak, choisira la Russie à l’Ukraine internationalement et ira user les nerfs des coachs portugais du côté de Benfica ou Porto…
Larnaca du siècle
Il n y a pas foule à Moscou ce 12 septembre 1990. 23 000 personnes à peine pour les débuts officiels de Anatoly Byshovets à la tête de la sélection, face à la Norvège. Le virevoltant ailier Kanchelskis brille, un moindre mal face à un adversaire présumé faible. La qualification pour l’Euro 1992 se jouera avec l’Italie d’Azeglio Vicini de toute façon… Dans la configuration d’un unique qualifié par groupe, tout faux pas est donc proscrit, ce que n’évite malheureusement pas l’Italie en arrachant un nul à Budapest pour son entrée en lice !
L’Italie est convalescente depuis sa nuit tragique à San Paolo. Vicini refuse de dévoiler sa composition, pour finalement faire confiance à ses cadres habituels pour accueillir les Soviétiques à Rome. Byshovets, l’ancienne gloire de Kiev, a décelé une faille chez Franco Baresi. Il garde trop la ballon et perd sa lucidité si on l’agresse, si on l’oblige à jouer plus rapidement. Baresi n’aura aucun répit pendant la rencontre, les deux transfuges génois Mikhailitchenko et Dobrovolski rayonnent au milieu de terrain. Une douce revanche pour ce dernier qui se voit exclu du Genoa par la limitation d’étrangers. Byshovets ramène un nul précieux, la presse transalpine salue la performance de « joueurs soviétiques souriant enfin… »
Oslo sera le Waterloo personnel de Vicini. Défaite 2 à 1 par de surprenants norvégiens, l’Italie n’a plus le choix, elle doit vaincre à Moscou. Rizzitelli est lancé dans le grand bain, aux côtés d’un Vialli toujours aussi emprunté en sélection. Un fougueux légionnaire romain comme électrochoc. Il n’en sera rien… Aucun espace, le manque de chance quand Rizzitelli touche le poteau ou de remise en question quand Vicini assure à la fin du match que la Nazionale aurait du vaincre, l’Italie ne verra pas la Suède… Sacchi débute officiellement sur un piteux nul à Gênes face à une Norvège décidément bien enquiquinante. L’URSS joue un dernier match sans enjeu à Chypre…
Le 13 novembre à Larnaca, l’URSS réalise une prestation sérieuse. Un trois à zéro sans contestation possible, où les vieux ours tel Portasov ou la jeune garde comme Kanchelskis marqueront. Byshovets est satisfait, soulignant l’état d’esprit remarquable de son groupe malgré une qualification déjà acquise. « L’essentiel pour nous maintenant est de ne pas nous flatter et de ne pas nous arrêter là. » Regrettant malgré tout de ne pouvoir préparer correctement la compétition, « pendant six mois, les joueurs ne se rencontreront que lors de camps d’entraînement de courte durée, et seulement avant le Championnat d’Europe lui-même, nous nous réunirons – juste pendant deux semaines ! » Bien peu de temps, c’est vrai Anatoly, mais les Kolyvanov, Shalimov, Yuran, sans omettre un gardien prometteur, Dimitri Kharin ont faim… Kanchelskis n’est-il pas ce grain de folie qui manqua si souvent au combiné soviétique?
Un mois après le match à Chypre, le 26 décembre 1991 précisément, le Soviet suprême de l’URSS reconnaissait formellement la disparition de l’Union soviétique en tant qu’État et sujet du droit international. La veille, Gorbatchev avait démissionné, transférant ses pouvoirs au président de la Fédération du Russie, Boris Eltsine. Byshovets conduira sa troupe en Suède sous la bannière éphémère de la CEI. Dimitri Kharin y réalisera quelques prouesses avant que son équipe ne sombre face à des Ecossais courageux. La fin d’une histoire tumultueuse…
Et un petit khiadia!
J ai l honneur de mettre le premier commentaire!
Repose toi bien Albert Londres!
Pfiouuuu …
Et tout çà, c’est gratuit ?
On peut pas offrir un Gin Tonic au 411 ?
« des pays qui n’existeront bientôt plus… »
Précisément, étaient-ce des pays ? Ou plutôt des assemblages hétéroclites de nations qui ne tenaient que par artifice ?
Évidemment. Mais j’avoue n’être pas suffisamment spécialiste pour affirmer ou non l’existence d’un sentiment national yougoslave à certaines périodes de son histoire. C’était quand même un sacré mélange géographique, souvent familial. Et le fait de ne pas avoir eu l’histoire belliqueuse et hégémonique de l’URSS a peut-être donner l’impression d’être une nation à part parmi toutes les républiques socialistes de l’époque. Le non-alignement…
Bon, les anciennes alliances ont vite explosé en 1991.
Après l’effondrement de l’URSS la Géorgie, de par la faiblesse de ses ressources économiques et de ses infrastructures sportives, a eu du mal a attirer des joueurs et entraineurs étrangers dans ses clubs et dans sa sélection comme ce fut le cas en Russie et en Ukraine qui ont hérité du gros des infrastructures soviétiques et ont les moyens d’attirer des joueurs étrangers au début des années 2000 ce qui a donné de bons résultats en sélection (Mondial 2006 pour l’Ukraine, Euro 2008 pour la Russie) et en club avec à la clé 3 succès en C3 (CSK Moscou, Zénith & Chakthar Donetsk). La sélection géorgienne va nettement mieux depuis la nomination de Willy Sagnol à sa tête et l’émergence d’une génération prometteuse , elle parvient à proposer un beau jeu et devient de plus en plus difficile à jouer.
Pareil pour l’Ouzbékistan qui ne pèse pas très lourd dans une zone Asie à priori faible malgré quelques compagnes honorables en coupe d’Asie des nations dont le point d’orgue fut une place de demi-finaliste en 2011, avec une belle génération de joueurs remarquables (Djeparov, Ahmedov, Haydarov, Geynrikh). Les résultats sont encore plus décevants en club car Pakhtakor et Bunyodkor (les deux plus grands clubs de la période post-soviétique) ne font pas le poids face aux clubs saoudiens, japonais et sud-coréens malgré une certaine aisance financière qui a notamment permis à Bunyudkor d’attirer un joueur nommé Rivaldo (03 saisons, mine de rien) et des entraineurs prestigieux de la trompe de Zico et Luis Felipe Scolari.
Loin d’être spécialiste en la matière, je pense que les défuntes URSS et Yougoslavie furent plutôt des assemblages hétéroclites de nations, qui n’ont jamais existé en tant que tels dans l’histoire complexe de ces régions respectives bien que la notion de « pays » dans le sens contemporain du terme demeure assez relative.
Cela saute vite aux yeux concernant l’URSS, assemblage très hétérogène de quelques 22 millions de km2 qui s’étend sur des milliers de kilomètre et qui comprend 15 principales républiques: la Russie qui en est le noyau dur (elle-même composée de dizaines de républiques et de peuples très différents les uns que les autres) et les républiques baltiques, du Caucase et d’Asie centrale. Les idéologues communistes ont voulu faire fondre les peuples des territoires conquis principalement sous l’empire russe (ouzbeks, kirghizes, kazakhs, lituaniens, ukrainiens, cosaques, géorgiens, azéris, slaves russes, tatares…) dans une seule et unique nation alors qu’ils ne partageaient absolument rien ethniquement, historiquement et culturellement parlant et sont parfois séparés de milliers de kilomètres. Le greffon n’a jamais voulu en trois quarts de siècle de propagande et d’aliénation culturelle et les peuples des républiques respectives ont fini par reprendre leur destin en main en retrouvant leurs identités nationales vieilles de plusieurs siècles. Le nationalisme russe a vu le jour après la grande guerre patriotique de 1812, ce ne fut apparemment pas le cas pour l’URSS d’après guerre malgré les lourds sacrifices collectifs consentis.
L’histoire est plus compliquée concernant la Yougoslavie, bien que les nations qui la composaient se situent dans la même aire géographique, les Balkans. Mais je crois que les peuples slaves du sud (croates, serbes, bosniens, slovènes, albanais, bulgares) ont toujours affirmé leurs identités respectives sous les empires ottoman ou austro-hongrois, soit des siècles bien avant la Yougoslavie de Tito. Les tensions ethniques longtemps enfouies se réveillèrent brusquement dès sa mort et l’union sacrée volât en éclats en à peine 10 ans.
Pour revenir au football, ces deux ex-pays nous ont tout de même donné deux grandes nations footballistiques et des inoubliables souvenirs que l’on ne peut évoquer sans un petit pincement au cœur. Je partage amplement ta nostalgie, Khiadiatoulin.
La division de la Yougoslavie est donnée des nations soit très compétitive en football comme la Croatie et un degré moindre, la Serbie soit des sélections capables de participer aux grandes joutes internationales occasionnellement comme la Slovenie, la Bosnie ou récemment la Macedoine.
Et je m’étonne du peu de succès de la Géorgie indépendante qui était clairement la troisième force du foot soviétique. J’avoue ne pas avoir d’explication…
* a donné…
Pour les Balkans, on peut aussi retenir plusieurs étapes cruciales dans le développement singulier de cette région :
– le grand schisme d’Orient en 1054, qui sépare pour de bon les Catholiques et les Orthodoxes ; avec pour exemple les Croates, choisissant de rester catholiques mais qui ont fini par être absorbés plus tard par le royaume de Hongrie
– l’invasion ottomane après la défaite de la bataille de Kosovo Polje en 1389. Après leur départ 5 siècles plus tard, les Ottomans ont laissé, après leur départ, des populations musulmanes comme les Albanais et les Bosniaques, qui ont rajouté des tensions religieuses entre peuples voisins
– la colonisation albanaise du Kosovo, sur un lieu historiquement très chargé, surtout pour les Serbes, qui considèrent qu’avec des populations musulmanes sur leurs terres, l’empire ottoman est toujours présent à travers les Albanais
Bref, un sacré sac de nœuds
Quand on sait comment les cuistots français ont choisi le nom de la macédoine de légumes…
« (…) qui ont laissé des populations musulmanes comme les Albanais (…) »
Punaise il me fallut (..dans tous les sens du terme..) avoir un collègue du Kosovo, qui tirait à la carabine sur le chantier (bref), pour réaliser que les Albanais avaient été chrétiens à la base.. le truc qui coulait plutôt de source pourtant, mais bon : je leur avais imaginé une religion pré-Islam plus ancienne, plus farouche..mais en fait pas du tout.
Ce doit être le seul truc un peu malin qu’il m’ait fait réaliser, pour le reste il était du style à affirmer que l’homosexualité n’existait pas dans son pays, puis j’ai évidemment pensé à lui en voyant distraitement, dans Tracks (Arte), un queer pas piqué des vers originaire de son village, éh éh.
La haine du Serbe était par ailleurs pour le moins perceptible (les trucs peu amènes qu’il avait sans doute dit sur le front de la guerre, en tirant sur du Serbe, lui ressortaient de la bouche quand lui prenait de canarder tous azimuts sur son lieu de travail, quelle affaire). Je dois dire que ça m’a laissé l’image d’un assez incroyable merdier, car pour le reste il était plutôt civilisé, faut pas demander certains.. Surtout ça tranchait avec mes expériences en Europe centrale, où fin 90’s dominait par exemple le plus souvent du désintérêt, déjà, pour l’ex-Tchécoslovaquie..mais parfois tout de même beaucoup de nostalgie aussi (je ne jurerais pas que ce soit toujours le cas).
Sinon j’ai tout lu, d’une traite! Au début ça me fait toujours un peu peur les articles de Khiadia, à me demander d’emblée si je connaîtrai une référence sur 10..mais en fait ça va, comme dans du beurre..et merci donc!
« Je dois dire que ça m’a laissé l’image d’un assez incroyable merdier, car pour le reste il était plutôt civilisé, faut pas demander certains.. Surtout ça tranchait avec mes expériences en Europe centrale, où fin 90’s dominait par exemple le plus souvent du désintérêt, déjà, pour l’ex-Tchécoslovaquie..mais parfois tout de même beaucoup de nostalgie aussi (je ne jurerais pas que ce soit toujours le cas). »
Je ne comprends pas ce que tu veux dire. Qu’il y a moins de tensions ethniques en Europe centrale qu’en ex-Yougoslavie ?
Oui, je sais bien que je n’invente pas le fil à couper le beurre sur le coup 🙂 , simplement me remémorer tout haut mes primes « expériences » de ces coins respectifs, voire des trucs qui m’ont fait rire à l’époque (..car ce collègue kosovar, crénom..).
Maintenant, la Mitteleuropa, parfois.. Concernant ma « belle-famille » hongroise, il y a une vingtaine d’années, il n’était par exemple vraiment pas excessif de parler de haine à l’encontre des Roumains, et ils n’étaient pas du tout un cas isolé, loin s’en faut. Mais le peu que j’aie entendu des Balkans, c’est vraiment « quelques » ponts plus loin – guerre (laquelle n’a évidemment rien arrangé) ou pas guerre ; je vois mal quelque pax « europeana » (projets aujourd’hui au point mort d’intégration de ces ex-Républiques résiduelles au sein de l’UE) suffire à régler le bazar un jour.
Si l’Europe centrale a apuré ses tensions ethniques, au contraire de l’ex-Yougoslavie, c’est parce qu’elle a eu la « chance » que Staline (avec la bienveillance de ses alliés occidentaux) passe par là. Ce fut violent, terrible, mais nécessaire. C’est affreux à dire, mais l’incroyable réorganisation ethnique qui suivit la Deuxième Guerre mondiale (et qui fut l’exact opposé de celle voulue par les nazis) a permis de pacifier la région : fin de la marqueterie multi-ethnique et formation d’Etats-nations, abandon du pangermanisme parce que plus d’Allemands hors d’Allemagne, etc.
La Yougoslavie et l’URSS étaient les derniers grands Etats multi-ethniques.
Staline a oublié en route les Hongrois/Magyars de Slovaquie. J’en connais un, pas un extrémiste pourtant, mais il nourrit une rancoeur tenace vis à vis des Slovaques et leur politique tendant à nier leur culture.
Ah ! oui, il y a toujours des tensions.
Mais c’est franchement apaisé par rapport aux années d’entre-deux-guerres.
Bah, le pangermanisme dans ces contrées, il a pris une autre forme.
L’Allemagne n’a pas été toute blanche dans l’affaire yougoslave, et envisageait déjà de participer de ce bordel quand elle n’était encore que RFA.
Registre tensions ethniques (mot qui y est banni!), et pourtant pas faute que c’y fût hardcore : le Rwanda 10 ans après-génocide était infiniment plus apaisé que certains coins de l’ex-Yougoslavie ne le sont aujourd’hui. Faut dire que l’ingénérie sociale y est terrible, que la guerre a été d’une certaine manière exportée, qu’un et un seul Etat est à l’oeuvre pour arbitrer le bazar, une popote interne..et qu’un rien vous y gratifie d' »idéologie génocidaire », pas intérêt à moufter. Ou peut-être sont-ils, aussi?, tout bonnement allés trop loin, et en sont désormais « fatigués »?
Les Balkans, dans tout ça : ça me dépasse, je pige pas.
Peut-être que si on commençait déjà par leur foutre la paix, les laisser se démerder entre eux..??
Bref, Bobby : c’est quoi, le fin mot de cette histoire de cuistots français?
La macédoine de légumes est créée au 19e siècle. Elle prend ce nom en référence à la Macédoine. Tu vois l’analogie ?
Non, je vois pas, j’ai un peu honte car ça a l’air fastoche 🙂 On va dire que je suis trop affairé par mes tâches ménagères!
Comme ça, j’aurais dit : parce que la poche de Thessalonique (laquelle porte un autre nom sur lequel je ne reviens pas, mais bon), en 14-18??
Hommage à la révolution grecque de 1830??
J’ai épuisé toutes mes cartouches, là, abrège mes souffrances svp.
Macédoine = mélange de peuples.
Macédoine de légumes = mélange de légumes.
Mais je crois que c’est un nom typiquement français. En Italie, par exemple, ça porte un autre nom.
Comment vous appelez ça en Belgique ?
Comme chez vous, pardi.
On l’utilise aussi pour les fruits.
Nous disons salade de fruits.
« pour réaliser que les Albanais avaient été chrétiens à la base »
Oui, c’est aussi pour cela qu’il existe encore 1/4 de la population albanaise comme étant catholique (même si c’est difficile à jauger car il n’existe pas de statistiques religieuses en Albanie) ; la personnalité catholique albanaise la plus connue étant probablement Mère Térésa (Anjezë Gonxhe Bojaxhiu de son vrai nom).
Concernant les Balkans, c’est vraiment particulier, il est assez difficile de tout comprendre lorsqu’on est un occidental, même en s’y intéressant de très près. J’ai eu la chance de pouvoir aller en Slovénie et en Serbie 🙂
Comme toujours avec Khia, ça foisonne de références, c’est opulent, c’est généreux !
Le San Nicola, on pourrait bien le revoir prochainement en Serie A si Bari gagne le barrage d’accession contre le Cagliari de Claudio Ranieri. Ce qui signifierait l’obligation de vendre rapidement le club pour De Laurentiis, la multi propriété étant interdite dans une même compétition.
Le choix de Bari pour la finale 91 entre Marseille et l’Etoile Rouge est assez étonnant à posteriori. Une des plus petites villes à avoir reçu une finale de c1. Berne est plus petite mais c’est la capitale de la Suisse. Bari n’est pas un ténor du foot italien non plus. Comme si on choisissait Montpellier pour la finale de la Ligue des Champions.
Surprenant n’est pas le bon mot, souviens toi de la fratrie Matarrese ! Antonio et Vincenzo sont à la tête du club durant des années, puis Antonio est président de la fédération italienne, membre de l’UEFA etc… ça aide à obtenir une finale de C1 !
Ah, je l’ignorais. Comprends mieux. Parce qu’envoyer l’événement le plus important dans un des coins les plus pauvres d’Italie m’interrogeait un peu. D’ailleurs, il est beaucoup trop grand ce stade pour une ville comme Bari.
Merci, le Kia.
Sympa, le « Little Odessa » de James Gray, en effet. Comme la plupart des films de ce réalisateur, avec personnellement une préférence pour « Two lovers ».
Oui, j’en ai un bon souvenir également.
Que de souvenirs qui remontent à la lecture de cet article foisonnant…
Le meilleur de J. Gray est pour moi : « We own the night » (la nuit nous appartient).
Je me demande toujours pourquoi la génération soviétique, championne d’Europe espoir en 90, les Mostovoi, Karpin, Kanchelskis, Shalimov… a mieux réussi en Europe de l’Ouest que celle des Zavarov, Belanov…
J’imagine qu’ils se sont servis des erreurs de la génération précédente.
C’est sans doute là que j’ai découvert Gray.
« We own the night », j’étais allé le voir au cinoche.
2007 ? J’étais jeune et fougueux…
Et quel merveilleux titre !
Alex
Peur? Haha… C’est vrai que j’en mets souvent une tartine! Mais le prochain sujet est court pour une fois.
De cette période, me souviens être tombé en adoration devant l’équipe du Torpedo. Face à Monaco. C’est d’ailleurs à ce moment-là que le Torpedo est un peu devenu mon « equipe fétiche » en Russie. Bien avant que j’apprenne qui étaient Streltsov ou Ivanov.
Me souviens évidemment du Spartak face à l’OM où ils avaient ete bouffés par l’envie marseillaise.
Et de Kharin à l’Euro, qui lui avait valu un transfert à Chelsea!
Ah mais j’apprends toujours plein de trucs, c’est très bien, change rien!
Et aussi, un des stades pour Italia 90, non ?
San Nicola que tu vois de loin en arrivant par autoroute (en car, arrivant de Naples, dans mon expérience) à Bari, mais mal désservi par les transports locaux
En même temps, j’étais crevé avec des cloques aux jambes, grève des transports (pour aller à Alberobello), et meeting quasi avant élection de Giorgia Meloni
Mais j’y ai bien bouffé, et c’était sympa