Las seis caídas de Cali – partie 1

Les Buffalo Bills et leur quête du Super Bowl, Frankie Fredericks et l’or olympique, la France et Roland Garros… Les exemples d’éternels vaincus ou seconds dans le sport sont nombreux. Un fardeau certainement moins pénible à porter à deux. Quoique…

La Bombonera, 1978…

Carlos Bilardo est arrivé en Colombie en 1977 avec un objectif clair de la part du président du Deportivo Cali. Le titre si possible mais surtout empêcher son père spirituel, Osvaldo Zubeldía, de gagner à nouveau aux chevets d’Atlético Nacional. Mission à moitié accomplie puisque c’est finalement l’Atlético Junior qui sera sacré ! El Narigón est une révolution violente à Cali, la fin de la récréation. Augmentation de la charge de travail, suivi médical et diététique, mise en place d’une organisation sans faille, El Azucarero réalise une grande campagne de Libertadores en 1977 où le duel avec le Boca de Toto Lorenzo n’aura de cesse d’alimenter les controverses. Lorenzo accuse son compatriote d’avoir refusé la retransmission d’un match pour ne pas dévoiler ses plans à Boca, tandis que Bilardo se voit interdire l’accès aux séances d’entraînements à Buenos Aires. Ce qui n’empêche pas Bilardo d’escalader en douce les clôtures, accompagné de photographes ! Les rencontres sont équilibrées, houleuses, surtout pour les pauvres arbitres, Boca file en finale et sa première Libertadores…

Le football cafetero n’a jamais connu de finale de Libertadores jusqu’à alors, mais celle de la Copa América 1975 l’a visiblement décomplexé. Le Deportivo a de solides arguments. Pedro Zapé, le gardien titulaire en sélection, qui fera des miracles. Diego Umana, le cappo du milieu, el Tigre Benítez en attaque, secondé par le frère d’Hector Scotta, Nestor. Seul manque à l’appel Jairo Arboleda, le joyau, considéré par beaucoup comme le plus fin technicien de l’histoire du pays avec Carlos Valderrama mais dont la vie dissolue et les multiples blessures ont définitivement sorti de l’équation.

Lors de la première phase, la Amenaza Verde est placée dans le groupe de Peñarol, Danubio et Junior de Barranquilla. La bande de Bilardo va dominer les débats, administrant une leçon à Peñarol, au stade Centenario, grâce à Benítez et malgré l’expulsion de deux de leurs joueurs. Nestor Scotta commence une moisson qui fera de lui le meilleur buteur de la compétition. Au tour suivant, le Cerro Porteño de Juan Manuel Bataglia pense revenir victorieux de Cali jusqu’à l’égalisation tardive du Tigre Benítez, avant qu’el Azucarero ne sorte par miracle du piège tendu à domicile par Alianza Lima. S’annonce alors leur plus grande performance… A Lima et face à une escouade menée par César Cueto, Hugo Sotil ou Cubillas, le Deportivo met quatre buts à ses hôtes, s’enfuyant à la fin du match vers les vestiaires pour éviter la colère des fans locaux ! La dernière marche pour la finale sera gravie au Paraguay grâce à un penalty arrêté par Zapé.

Le retour sur le territoire colombien suscite un vent de sympathie et de patriotisme inédit dans le pays. Tous les déplacements de l’équipe sont désormais scrutés par la télévision et les fans espèrent secrètement que la date de la finale aller à domicile, marquant le soixante-sixième anniversaire de la création du club, initiera le début de son hégémonie continentale. Le résultat sera décevant… Crispés, maladroits, les joueurs de Bilardo ne trouvent jamais le bon tempo et le Loco Gatti passe une soirée étonnamment calme. Ce ne sera pas le cas des Colombiens à Buenos Aires… Constamment harcelés, empêchés de dormir la veille du match par des cortèges de fans bosteros sous leurs fenêtres, los verdiblancos ont même des difficultés pour tirer les corners. Les chiens de la police locale, stratégiquement placés, les menaçant constamment. Le score est sans appel, 4 à 0 pour la bande d’un lumineux Ernesto Mastrángelo. Bilardo peut pester contre l’énergie inhumaine de son rival, il a perdu la bataille des superstitieux…

Estadio Defensores del Chaco, 1985…

A la fin des années 1970, les frères Orejuela, chefs du cartel de Cali, tentent en vain de prendre le contrôle du Deportivo, avant de se rabattre sur le rival, l’America qui, bien qu’ayant une troupe d’hinchas passionnés, n’avait encore jamais été champion. Une anomalie vite réparée dès 1979… Au même moment, s’assoit sur le banc l’ancien gardien de Di Stefano aux Millonarios, Gabriel Ochoa Uribe. Menés par ce fin stratège, au palmarès long comme le bras, los Diablos Rojos vont enchaîner cinq titres consécutifs à partir de 1982, dont une série de 23 matchs consécutifs sans défaite, et lorgnent désormais sur la continent…

L’America et l’argent du Cartel ne se refusent rien. On raconte que le jeune Maradona fût bien proche de rejoindre Cali. On n’ose imaginer la suite… A défaut du Pibe, Julio César Falcioni débarque dans les cages, en provenance du Velez, avec ses coups de gueule légendaires. El Pitufo, Schtroumpf en espagnol, Anthony De Avíla commence à filer le tournis aux adversaires tandis que Juan Manuel Battaglia le Paraguayen offre le titre face au Junior de Baranquilla. Mais la plus belle prise demeure Willington Ortiz, le héros du rival local qui, bien qu’en fin de carrière, continuera à martyriser les défenses adverses.

Peu compétitif jusqu’à présent en Libertadores, 1985 est un changement de cap. On remercie les vieux Péruviens Cueto et La Rosa. Roberto Cabañas de Cosmos est engagé tandis que Ricardo Gareca l’Argentin, qui avait créé un petit scandale en passant de Boca à River, rejoint une armada offensive impressionnante. Le premier tour de la Libertadores est poussif, même si l’America finit invaincu, et les premières rencontres du tour suivant déçoivent les plus optimistes. Il reste néanmoins deux matchs à l’Estadio Olímpico Pascual Guerrero. Le trio Cabañas-Gareca-Ortiz va coller un 4 à 0 au Peñarol, cinq au Nacional équatorien…

Le continent va donc accoucher d’un nouveau champion. Se dresse Argentinos Juniors qui a successivement éliminé le Vasco et le Ferro Carril de Beto Márcico, avant de faire la peau au tenant du titre, Independiente. Si Cali était clairement l’outsider en 1978, elle regarde désormais Buenos Aires dans les yeux… Mais dans l’antre des premiers exploits de Maradona, la navire rouge tangue dangereusement et peut s’estimer heureux de n’avoir cédé que sur une tête de Commisso. Un but de retard que le renard Ortiz effacera au retour. A Cabañas d’aller chercher la coupe dans son pays en match d’appui… Un match à la mort où Gareca le traître répond à nouveau à Commisso. Le juge de paix sera la séance de penalty. Ochoa Uribe, fin connaisseur, avertit ses tireurs qu’Enrique Vidallé, le portier adverse sautait toujours du côté droit, les cinq premières tentatives sont réussies. Au gardien Falcioni de tirer…Mais soudainement, il se rétracte et se tourne vers Uribe : « Voulez-vous qu’ils me chassent de Colombie ? » Le jeune De Avíla, 20 ans seulement, est envoyé à sa place à l’abattoir… C’est la bande de Borghi et Batista qui ira défier la Juventus de Platini à Tokyo dans un match de légende…

El Monumental, 1986…

La gueule de bois au lendemain de la défaite face à Argentinos est sévère mais l’America se ressaisit afin de ravir le titre 1986 au Deportivo de Carlos Valderrama. Pentacampeón, dépassant ainsi les quatres titres consécutifs de Millonarios d’un certain Ochoa Uribe dans les années 1960, los Diablos Rojos se lancent à corps perdu dans la bataille continentale.

Après une excellente première phase, au cours de laquelle ils ont battu les Chiliens Cobresal et Universidad Católica grâce à un doublé du toujours fringant Willington Ortiz, l’America piétine au tour suivant face à Olimpia, avant de céder en altitude face au Bolívar du Péruvien Jorge Hirano. Une nouvelle fois, l’espoir renaîtra au stade Pascual Guerrero où la bande de Falcioni se sent insubmersible. Elle est là, cette nouvelle chance en finale tant désirée. L’adversaire ? Un club de Buenos Aires évidemment…

River Plate… Un postulant au titre de plus grand club sud-américain sans doute. Mais un roi sans couronne en 1986… Par deux fois, el más grande a vu ses rêves anéantis. 20 ans auparavant face au Peñarol d’Alberto Spencer, gagnant pour l’occasion un de ses surnoms les plus fameux, las Gallinas. En 1976 face au Cruzeiro d’un Jairzinho ressuscité… La malédiction des années finissant en 6 va-t-elle à nouveau se jouer des Argentins ?

L’affrontement avec America marque les retrouvailles avec Roque Alfaro qui avait laissé une belle image à Cali. Le River est un mastodonte. Nery Pumpido, Oscar Ruggeri, Héctor Enrique, tous récemment titré mondialement au Mexique, auxquels s’ajoutent le vieux Beto Alonso et le très vif uruguayen Alzamendi. A l’aller à Cali, c’est une autre vielle connaissance du foot cafetero, El Búfalo Funes, qui porte la première estocade, rapidement suivi par Alonso. Cabañas limitant la casse dans l’éventualité du retour…

La veille du match deux à Buenos Aires, les deux équipes vont vivre des préparations bien différentes. Le buteur de l’America, Gareca raconte : « Gabriel Ochoa Uribe voulait faire une reconnaissance du terrain. Nous y sommes allés la veille et ils nous ont menacés avec des fusils. Le paraguayen Cabañas a reçu un coup de pied, ils m’ont menacé, Falcioni aussi, nous avons passé un mauvais moment. Nous n’aurions pas dû aller au stade ce jour-là… » Du côté de River, le tension est également palpable mais le coach Héctor Veira a une solution face à l’insomnie. « Tout le monde se lève et va au casino mais sans boire. A deux heures du matin, je vous veux dans la chambre !  » L’histoire ne dit pas combien a perdu Funes à la table de blackjack ce soir là mais c’est bien lui qui met le but le plus important de l’histoire de River le lendemain…

Enseguida regresamos…