Alger, le 18 décembre 1976 en soirée. Enveloppé dans un manteau noir, Houari Boumédiène prend place dans l’ample fauteuil posé au centre de la tribune d’honneur du stade du 5-juillet-1962. À sa droite, à distance respectable, se trouve Ydnekatchew Tessema, le président éthiopien de la Confédération africaine de football, alors que les caciques du FLN sont en retrait. Le match retour de Coupe des clubs champions africains opposant le Mouloudia au Hafia FC de Conakry n’a pas encore débuté et, depuis son perchoir, Boumédiène observe distraitement les joueurs sautiller sur place pour se réchauffer. A cet instant, l’issue du match lui importe peu, il sait qu’il a déjà gagné. Au pouvoir depuis le coup d’état de 1965 ayant renversé Ben Bella, il s’est enfin soumis au vote populaire. Candidat unique, son élection à la présidence de la République est un plébiscite dont les résultats ont été publiés durant les jours précédents. Sans un regard pour ses hôtes, il allume un cigare, cadeau de son ami Fidel Castro, et savoure son triomphe, plus impénétrable que jamais.
Hafia FC, le jouet de Sékou Touré
L’isolement et le détachement de Boumédiène contrastent avec l’état dans lequel se trouve le stade du 5-juillet-1962, comparable à un cratère prêt à entrer en éruption. Depuis une semaine et la défaite 3-0 à Conakry, Alger est effervescente et vengeresse tant l’arbitrage fut partial. En cause, l’interventionnisme du président guinéen Ahmed Sékou Touré, pour qui le Hafia Football Club nourrit le sentiment de fierté nationale et sert la propagande hors des frontières.
Pionnier du grand mouvement d’émancipation de l’Afrique de l’Ouest en ayant dit non en 1958 au maintien de la Guinée dans la Communauté française, au grand dam du général De Gaulle, Sékou Touré exploite tous les moyens à sa disposition pour développer le panafricanisme et résister aux tentatives de déstabilisation du pays. En guise de ciment culturel et identitaire, il soutient la musique mandingue, allant jusqu’à créer un label discographique national, Syliphone, et à accorder aux musiciens un statut de fonctionnaire, se préservant ainsi de toute incohérence entre la production musicale et les orientations politiques guinéennes. Et parce qu’il s’agit du second levier le plus populaire, il s’intéresse évidemment au football qu’il confie à la section Jeunesse de la révolution démocratique africaine (JRDA), émanation du très socialisant Parti démocratique de Guinée. La JRDA promeut durant plusieurs années la pratique du sport de masse avant de le réorienter vers une approche plus élitiste, susceptible de faire rayonner la Guinée dans le concert des nations africaines et de contrer les rivaux de Sékou Touré sur l’échiquier politique international.
Les joueurs les plus performants sont d’abord regroupés dans deux équipes de la capitale appelées Conakry I et Conakry II mais cela ne suffit pas à performer au niveau continental. L’échec de Conakry I en 1971 (renommé AS Kaloum Star) incite le pouvoir à concentrer plus encore les talents et le choix se porte sur Conakry II, devenu le Hafia FC. Le buteur N’Jo Léa, le futur capitaine Ousmane Tolo et quelques autres rejoignent alors un trio de surdoués, le maestro Chérif Souleymane, les ailiers Maxime Camara et Sory Keita, dit Petit Sory. Avec cette armada, le Hafia remporte dès 1972 la Coupe des clubs champions africains[1], bien aidé en demi-finale retour par le renoncement énigmatique du TP Mazembe[2].
Après l’échec de 1973 et le forfait politique contre les Sénégalais de la Jeanne d’Arc de Dakar l’année suivante[3], le Hafia retrouve le sommet continental en 1975[4]. Pour les joueurs, étudiants ou employés d’état comme ceux du Bloc de l’Est, les succès leur offrent la gloire nationale et de menus présents, dérisoires au regard des pratiques en vigueur dans d’autres pays, alors que les défaites peuvent conduire au déshonneur ou à l’enfermement à Camp Boiro, les sinistres geôles de Sékou Touré, à quelques encablures du stade du 28-septembre[5].
En 1976, après l’échec sur le fil du Syli national à la Coupe d’Afrique des nations[6], le Hafia espère maintenir sa mainmise sur le football continental et s’approprier définitivement le trophée Kwame Nkrumah[7] avec un troisième sacre. Pour se hisser en finale, il a fallu éliminer l’ASEC Mimosas, deux matchs restés dans la mythologie de la compétition et que les presses guinéenne et ivoirienne ont respectivement intitulé « La tragédie de Bouaké » et « La guerre de Conakry ». Les antagonismes entre Houphouët-Boigny et Sékou Touré, à leur zénith, se déplacent dans les tribunes où des foules conditionnées par leurs dirigeants instaurent un climat de terreur. Euphoriques à l’aller (victoire 3-0), les Mimos sont emportés dans la tourmente à Conakry, le Hafia et sa nouvelle perle Papa Camara s’imposant 5-0. Intraitables à domicile, les Guinéens poursuivent leur démonstration lors de la première manche de la finale en balayant 3-0 le Mouloudia, avec la bienveillance de l’arbitre gambien Njonna dit-on (faute d’images, impossible d’avoir un avis). Excédés par les exclusions de Bellemou et Bencheikh, les Algérois se convainquent de la corruption arbitrale quand le troisième but de N’Jo Léa est validé alors qu’il est a priori entaché d’une main.
Le Mouloudia au service de l’arabisation
Si le football est une affaire d’état en Guinée, l’Algérie n’est pas en reste. Le championnat à poule unique est instauré à partir de 1964 mais aucun club algérien n’est inscrit aux cinq premières éditions de la Coupe des clubs champions africains. Quand le CR Belouizdad (ex-CR Belcourt) daigne participer, en 1970, c’est pour immédiatement se retirer en refusant de se rendre à Dakar au regard des menaces sécuritaires pesant sur la délégation algéroise après le match aller contre la Jeanne d’Arc.
De 1970 à 1974, l’exposition africaine des clubs algériens se limite à la Coupe du Maghreb des clubs champions[8], le CR Belouizdad d’El Kebch Lalmas trustant les trois premiers titres. Boumédiène semble s’en satisfaire, inquiet de la montée en puissance de la JS Kabylie et du berbérisme qu’il s’efforce de nier en systématisant la politique d’arabisation.
Depuis l’obtention de l’indépendance, les Fennecs font de la figuration dans les compétitions internationales. Hormis une participation à la CAN 1968, ils échouent systématiquement lors des phases qualificatives. Mais depuis les Jeux méditerranéens 1975 organisés à Alger, Boumédiène perçoit la puissance fédératrice du football, surtout lorsque le scénario sert le récit national. Finalistes contre la France, les Algériens sont menés à 10 minutes du terme. Refusant d’assister au sacre de l’ancienne force coloniale, Houari Boumédiène s’éclipse quand Omar Betrouni, un des rares non militaires de l’équipe, égalise presque miraculeusement. En toute fin de rencontre, Rabah Menguelti offre le titre aux Fennecs au moment où le cortège présidentiel revient précipitamment dans le stade en liesse.
Abdelkader Drif, président de la section football du Mouloudia champion en titre, se lance alors dans un grand combat contre la fédération : l’Algérie doit participer à la Coupe des clubs champions africains ! Drif finit par obtenir gain de cause, sans doute aidé par le fait que le Mouloudia soit le premier club de football musulman d’Algérie et un foyer précoce de la lutte anticoloniale, caractéristiques cardinales pour Boumédiène dont on se souvient qu’il fut le seul leader algérien à signer en 1962 les textes émancipateurs en langue arabe.
Avec le capitaine Zoubir Bachi, le buteur Abdesslem Bousri, le virtuose Alilou Bencheikh et l’ailier décisif Omar Betrouni, le MCA sillonne l’Afrique (Libye, Egypte, Kénya, Nigéria), surmonte les intimidations et se hisse en finale dès sa première apparition dans la compétition reine.
Boumédiène bat Sékou Touré
Dans les jours précédents la finale retour à Alger, les chefs d’états algériens et guinéens se fendent d’un communiqué pour appeler au calme et rappeler « la vieille solidarité de leurs peuples et des pouvoirs révolutionnaires dans la lutte anti-impérialiste, anticolonialiste et anti-néo-colonialiste. » Sékou Touré implore « l’esprit sportif de la jeunesse algérienne sœur » alors que Boumédiène assure que rien ne se saurait donner prise « aux ennemis de l’Afrique. » Ces beaux discours masquent une réalité moins fraternelle qu’il n’y paraît : les deux dirigeants ne s’apprécient guère, Sékou Touré ayant condamné avec virulence le renversement de Ben Bella et longtemps critiqué les hésitations d’Alger dans ses relations avec la France avant lui même de renouer avec l’ancien colonisateur.
En cette soirée froide et humide de décembre 1976, Boumédiène tient parole : aucun incident significatif n’est à déplorer malgré la présence de 80 000 spectateurs surexcités. Les joueurs du Mouloudia dictent d’emblée le tempo alors qu’il est évident que ceux du Hafia cherchent déjà à gagner du temps. Le cratère du 5-juillet-1962 explose une première fois quand le capitaine Zoubir Bachi accélère jusqu’à l’entrée de la surface puis frappe – sans doute légèrement de l’extérieur du pied – en direction du petit filet opposé d’Abdoulaye Sylla.
A l’heure de jeu, Bachi échoue sur pénalty et d’un seul coup, l’abattement gagne le public. C’est alors qu’intervient Omar Betrouni, le héros des Jeux méditerranéens. Bloqué par un défenseur, il le déborde au poteau de corner et tente un centre, un geste de désespoir. Sylla évalue mal la trajectoire et en dépit d’une formidable détente, ne peut qu’observer le ballon atterrir dans ses filets. Il reste un quart d’heure à jouer, l’enceinte algéroise, en cours d’extinction quelques instants plus tôt, est à nouveau bouillonnante. Le miracle survient dans les derniers instants du match : Betrouni, toujours lui, bénéficie d’un marquage un peu lâche, s’infiltre dans la surface et frappe alors que Sylla anticipe un centre. 3-0 ! Plus vulcanien que jamais, confronté à un choc thermique, le stade fume et crée une atmosphère oppressante dont on sait qu’elle sera fatale à des Guinéens déjà suffocants.
Les prolongations n’apportent aucun changement, c’est aux tirs au but que la Coupe se dénoue : Ait Mouhoub stoppe deux frappes du Hafia, les Algérois font un sans-faute et le titre va au Mouloudia. Telle une coulée de lave brûlante, le public se répand sur le terrain puis dans les rues d’Alger jusque tard dans la nuit. Boumédiène savoure sa victoire, la semaine est décidément faste. Il ignore que l’été suivant, lors de la finale de Coupe d’Algérie, dans ce même stade, les supporters de la JS Kabylie, dont le nom est arabisé en JS Kawkabi, vont siffler l’hymne algérien en guise de protestation contre la politique d’étouffement de la culture berbère. De cette humiliation naît une grande réforme sportive, renforçant la formation au sein des clubs, dont les résultats seront perceptibles au cours de la décennie suivante avec la finale des Fennecs à la CAN 1980, les qualifications aux Coupes du monde en Espagne et au Mexique et le sacre continental de la JS Kabylie en 1981.
Depuis Conakry, Sékou Touré vit la défaite comme un affront personnel dont il se venge par un grand nettoyage, du ministre des Sports à l’entraîneur roumain Moldoveanu, le gardien Abdoulaye Sylla et N’Jo Léa étant suspendus en raison de leurs défaillances en finale. Une épuration nécessaire ? Peut-être car dès l’édition suivante, le Hafia s’impose à nouveau, ce troisième titre faisant du club guinéen le propriétaire définitif de la Coupe Kwame Nkrumah. Le trophée mis en jeu l’année suivante prend alors le nom de Sékou Touré, une manière pour le dictateur guinéen de continuer à régner sur l’Afrique alors que le Hafia rentre définitivement dans le rang en perdant une ultime finale de Coupe des clubs champions le 17 décembre 1978 contre le Canon Yaoundé[9]. Curieuse concordance des temps, cette défaite a lieu 10 jours avant que la maladie n’emporte Houari Boumédiène, mystérieux et solitaire jusque dans la mort.
Principales sources
- Le Monde, exemplaires datés de 1962, 1965, 1966 et 1976 relatifs à Houari Boumédiène
- Le Corner, David Pont, mars 2022, « Hafia FC : des victoires, de la joie, du sang et des larmes »
- France Culture, Podcast « Guinée, le génie mandingue aux ordres de Sékou Touré »
[1] Victoire en finale contre les Ougandais du Simba FC.
[2] Les joueurs du TP Mazembe restent dans leur hôtel de Conakry, a priori victimes d’une fausse information de leur ministre des Sports leur signifiant le report du match. Absents au moment du coup d’envoi, les Zaïrois sont éliminés sur forfait. Une rumeur prétend qu’il s’agit d’une décision du président Joseph-Désiré Mobutu sur requête de son ami Sékou Touré.
[3] Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal et chantre de la Françafrique, est un ennemi de Sékou Touré.
[4] Victoire en finale contre les Nigérians d’Enegu Rangers.
[5] C’est ce que vit par exemple l’entraineur Maître Naby Camara après l’élimination de 1973 contre les Léopards de Douala.
[6] Le Maroc arrache la CAN grâce à un nul obtenu dans les derniers instants contre l’équipe de Guinée.
[7] Kwame Nkrumah, ancien président ghanéen, père du panafricanisme et inspirateur de Sékou Touré avant d’en être le rival pour le leadership africain.
[8] Algérie, Libye (une seule participation), Maroc, Tunisie. La première édition en 1970 est une Coupe du Maghreb des vainqueurs de coupe.
[9] La Guinée n’est pas absente du palmarès africain 1978 puisque l’Horoya AC gagne la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe contre les Algériens de Nasr Athletic Hussein Dey.
Merci Verano, excellent dossier
Ydnekatchew Tessema, immense joueur éthiopien de la période pré-CAN. Peut-être le plus important sur le foot local dans son ensemble. Joueur, coach et dirigeant.
Au Burkina, on m’a toujours dit que les plus grands Djembefola, percussionnistes, étaient guinéens. Burkinabé ou Ivoiriens étaient dithyrambiques.
1976 est une année douloureuse pour la Guinée. Outre cette défaite face au Mouloudia, la Guinée finit second de la CAN, sa meilleure place historique, derrière le Maroc. L’unique titre des Lions de l’Atlas. Et chose étonnante, les deux sélections sont entraînées par des Roumains. Petre Moldoveanu qui est aussi le coach du Hafia Conakry. Et du côté marocain, Virgil Mărdărescu.
Alors, j’ignore si les deux se connaissaient personnellement mais j’aurais bien aimé être présent lors de leur rencontre d’avant-match.
Tu parlais pour la Guinée de modele d’Europe de l’Est pour l’organisation de son foot, Cherif Souleymane, dont j’avais parlé cet été dans mon texte sur les pionniers africains dans le foot allemand, a été envoyé très jeune etudier en RDA. Où il est devenu joueur par la même occasion, permettant à son petit club de monter dans l’élite. Souleymane est l’unique guinéen Ballon d’Or.
Très joli texte Verano. Merci. Dans cette génération du Mouloudia jouait également le funambule Aïssa Draoui. Un légende de ce club.
https://youtu.be/YQoPPQ2G8JI?si=q6raibqXs_hSlmCH
Et la JSK, championne d’Afrique, en 81 etait aussi phénoménale. Fergani, Mouloud Iboud, le capitaine. Le vif Djamel Menad…
La JSK de 1981 fut effectivement un rouleau compresseur qui écrasa tout sur son passage durant toute la décennie. Surnommée la « Jumbo JET » après un énième changement de nom imposé par le pouvoir central, l’équipe des Amara, Larbès, Adghigh, Iboud, Bahbouh, Meghrici, Fergani, Barris, Aouis, Belahcene, Menad, Bouiche, Medane développait un jeu fluide et spectaculaire sous la houlette du technicien polonais Ziwotco assisté par Khalef.
Le club le plus titré d’Algérie a malheureusement perdu tout son prestige durant les 20 dernières années au point de jouer la relégation.
Merci Agawa. Medane, j’en ai souvent entendu parler par de vieux copains, fans de la JSK. Un petit Giresse algérien. C’était ça, non?
Et Menad, c’est étrange qu’il n’ait pas joué plus haut que Nîmes à l’époque. C’est quand même un mec qui a répondu présent régulièrement sur la scène internationale.
Et puisque tu parles de Bouiche de la JSK, il faut dire qu’il y a eu deux Bouiche important dans le foot algérien. A la même époque! Nacer Bouiche, le grand buteur de la JSK des années 80. Et Nasser Bouiche, plutôt un milieu offensif du Mouloudia d’Alger. Qui arrive dans l’équipe 1, juste après la c1 1976, il me semble.
Alors débat pour nos spécialistes, Agawa et Chipalo, qui était le meilleur Bouiche????
Pas vraiment le même poste mais à vous de trancher…
Et d’ailleurs, une question bête. En arabe, Nacer et Nasser s’écrivent-ils de la même manière?
Medane Hakim était un ailier gauche de poche à l’ancienne, très rapide avec une patte gauche assez précise. Passé d’abord par les deux clubs formateurs que furent le NA Hussein Dey et USM El Harrach, c’est à la JS Kabylie qu’il a surtout brillé lors de deux passages couronnés de deux titres africains en 1990 et 2000. Il a eu une expérience européenne dans le modeste club portugais de FC Familcaõ avec un certain Djamel Menad.
A propos de Menad, quel immense attaquant, un des meilleurs de l’histoire du football algérien. Il était vraiment très complet : grosse frappe des deux pieds, bon jeu de tête, rapide, puissant et surtout doté d’un mental d’acier. Il aurait pu faire une meilleure carrière.
Concernant les deux Bouiche (tu as raison, en arabe les deux prénoms s’écrivent de la même manière), Nacer de la JSK était peut-être le moins doué mais il a eu la chance d’évoluer au sein d’une équipe pétrie de talent (Fergani, Barris, Adghigh, Medane, Menad, Belahcene) et les caviars arrivaient de toutes parts, il n’avait qu’à finir les actions et c’est pour cette raison qu’il a remporté le titre de meilleur buteur du championnat algérien en 86 avec la bagatelle de 36 buts. Pour l’anecdote, un voisin photographe qui se déplaçait souvent avec le club m’a raconté que lors d’un match de coupe d’Algérie, Menad a fait un remarquable débordement sur l’aile en éliminant deux défenseurs, puis il a adressé un centre tendu et précis sur la tête de Bouiche qui était totalement démarqué au second poteau. Mais au lieu de la mettre au fond, Bouiche a complètement dévissé en fermant les yeux et en prenant le ballon du haut du crâne, et là Menad, furieux et gesticulant, lui crie dessus en kabyle : » s wenyir ikkathen a yaghyoul » qui veut à peu près dire : » mais c’est avec le front qu’il fallait la prendre, espèce d’un âne ».
@Khiadia pour la transcription en français Nasser ou Nacer, je ne saurais me prononcer sur l’éventuelle confusion, car tu peux faire ce que tu veux
Cependant, en arabe, on peut distinguer نصر et ناصر
Les deux déclinent de la base verbiale
نصر
Na – Ssadh – ra
Déjà, tu remarques que cela ressemble au premier mot, car il n’y a pas les voyelles
En plus, le « S » n’est pas un s « normal »
Je l’ai écrit Ssadh (un s guttural dirons nous)
Bref le premier mot signifie victoire (ou triomphe)
On retrouve cela dans les différents clubs arabes qui s’appelle Nassr ou En-Nassr
Mais aussi dans le prénom Nassreddine
Le second est une déclinaison (avec un a « allongé » -> Naaaasser) qui signifie le vainqueur
En découlent les prénoms Nasser (président du PSG), ou Abdel Nasser, l’ex président de l’Egypte, quoique dans son cas, c’était son nom 😀
C’est plus clair ? 😀
@agawa hahaha
J’ai compris tout ce qu’a dit Menad en kabyle, sauf swanyir
En chleuh, on dirait siguinzi (le front)
🙂
Agawa, merci! Medane, un Giresse par la taille mais forcément pas le style!
Merci Van pour le cours de linguistique!
Je suis récemment tombé sur cette chaine YT, qui retrace, dans ses dernières vidéos, les CAN 86, 88, 90, 92, et 94
En 90, Menad apparaît comme un artisan du premier titre continental de l’Algérie, quasi au même titre que Madjer, si ce n’est plus
https://youtu.be/glxC5p3qzhc?si=9klvsNphXIE2tmee
Un des grands artisans de la première CAN algerienne en 90 est
Chérif El-Ouazzani. Que l’on verra au Raja par la suite.
D’ailleurs, sur Footballia, j’ai maté la finale de la c1 africaine 89, entre le Raja et le Mouloudia d’Oran où jouaient encore Belloumi et Chérif El-Ouazzani. Et bien le but de la victoire du Raja à domicile est plus que litigieux. Vraiment pas certain que le ballon soit entré. Ambiance très tendue pour la première c1 du Raja.
J’allais en parler @Khiadia
C’est le numéro 14 de cette équipe
Un Vert parmi les Verts 🙂
Me permets de mettre les images de la finale de la c1 africaine de 1976.
https://youtu.be/iPej6VTbNpA?si=j9_0McePXI-Sm8Fa
Pas de la tarte de trouver des archives pour ce continent. Avant les années 80. Pour la CAN et pour les clubs, c’est encore pire.
D’ailleurs sur Footballia, je conseille la finale de la CAN 72. Chouette match entre le Congo Brazzaville et le Mali. Et sinon, même sur ce site, tu trouves aucune finale avant celle de 86, entre l’Égypte et le Cameroun.
J’ai vraiment fouillé, rien trouvé sur la finale aller à Conakry, pas même une image dégueulasse des buts du Hafia. C’est à la fois frustrant et très bien ainsi, la transmission orale est souvent bien plus belle.
J’ai cherché des images du Hafia sur la période 70. Tu trouves rapidement des images d’une autre finale. Je me souviens plus laquelle mais c’est peu…
Il me semble avoir trouvé des images de 75 et 78 mais ni 76, ni 77.
Merci pour ce petit bijou maître Verano. Je ne me permettrai qu’une petite remarque relative à mon aversion pathologique pour le surnom « Fennec ». Bon j’exagère un peu mais personne n’appelle la sélection comme ça, enfin en dehors des journalistes. Pour tout le monde, l’EN c’est les « Verts ». J’apprécie particulièrement le fait d’avoir abordé le sujet de l’arabisation et le rôle qu’avait joué en ce sens le MCA principalement par opposition avec la JSK ce qui avait accentué la rivalité entre les deux clubs. Bref, super article
Merci Chipalo, ton petit mot me fait plaisir. Désolé pour les Fennecs !
D’ailleurs, sais-tu l’origine de ce surnom de Fennec ?
Pour tout te dire camarade, je ne sais pas vraiment quand cette absurdité est apparue mais de mémoire, ça date de la fin des années 2000 où d’une part, certains avaient eu l’idée de créer une sorte de 7 d’or appelé Fennec d’or, et d’autre part, l’apparition du Fennec sur les maillots de l’E.N. Puma était l’équipementier à l’époque et c’est peut-être en lien avec leur pratique de l’époque de lettre l’animal national des sélections sous contrat sur leur maillot (Cameroun, Côte d’Ivoire). Je n’en sais pas plus mais j’espère t’avoir un peu éclairé !
Le fennec n’a certes pas le standing d’un lion, d’un éléphant, d’un léopard, d’un mamba………..et cependant c’est lui l’ami du Petit Prince de Saint-Exupéry, bref : rien que pour ça, ça me plaît..mais je ne suis pas algérien 🙂
Il est un peu dommage qu’aucune équipe n’ait adopté le chacal comme emblème. Voilà un animal qui ne lâche jamais rien et qui exploite impitoyablement la moindre faiblesse de son adversaire. Un peu comme l’Allemagne de la grande époque, en quelque sorte… Si on peut donner ce surnom avec une certaine admiration à Armel Le Cléac’h, pourquoi pas à une équipe nationale ?
@Alex, en fait le problème n’est pas tant l’animal qui est au demeurant assez sympa mais plutôt sa représentativité. Je crois savoir qu’il ne vit que dans le Sahara algérien (à confirmer) mais du coup, rares sont les algériens a l’avoir déjà croisé. Ça fait 44 ans que je suis algérien et je n’en n’ai vu un qu’en septembre dernier ! Qu’il figure sur le maillot, pourquoi pas mais sans pour autant être un surnom. Qui aurait l’idée d’appeler l’équipe de France les Coq?!
@ggg, ton commentaire me plonge dans la douce nostalgie de l’époque de l’Allemagne du kampfgeist, des défenseurs centraux intraitables, des milieux très techniques, des bombers et des frappes de 30 mètres…
Merci pour cet article riche en détails qui relate des faits historiques assez méconnus sur le brassage du football et de la politique dans la jeune République algérienne postindépendance (enfin, l’Algérie tout court, car la République on l’attend toujours). Le régime dictatorial du colonel Mohamed Boukharrouba dit Houari Boumediene (un « colonel » de l’Armée de Libération Nationale qui n’a pourtant jamais tiré la moindre balle ni prit par à la moindre bataille, un « Chef d’état major » ayant passé la totalité de la guerre de libération au chaud et à l’abri au Caire ou à Oujda pour finir Ministre de la défense sous Benbella avant qu’il ne renverse ce dernier un certain 19 Juin 1965 dans un stade de football) a surmédiatisé la victoire du MC Alger en 1976 pour à la fois pour redorer son blason et contrecarrer la montée en puissance de la Jeunesse Sportive de Kabylie, club phare d’une région dissidente et porte-étendard des revendications identitaires, culturelles et politiques du peuple kabyle.
Merci de ton témoignage. Je n’ai pas la légitimité pour parler de Boumédiène sur le fond de son action mais ce qui est remarquable c’est à quel point il était l’exact contraire de Ben Bella sur le plan du caractère : peu loquace, peu médiatique, peu charismatique (du moins de prime abord).
Moi ce qui me tue, c’est que Ben Bella soit parvenu à mourir de vieillesse…….. ==> Combien de fois a-t-il louvoyé avec la mort?? C’est incroyable.
Il est vrai que Ben Bella était une sorte de trompe la mort assez doué dans son genre . Vétéran de la 2 ème GM et décoré pour ses états de services à Monté Cassino (En tant que tirailleur… marocain) c’était aussi un homme de pouvoir que sa bonhomie et sa passion du foot rendait sympathique au peuple en plus de son aura de membre des chefs historiques du FLN. Boumediene lui était un homme de pouvoir moins sympa mais plus habile. Sans légitimité aucune et quasi inconnu du peuple. Son accession au pouvoir devait se faire sur le dos d’un des historique et ce fut chose faite sur celui de Ben Bella avec L’assistance d’un certain Bouteflika qui avait noué les premiers contacts entre les deux peu avant l’indépendance.
Très beau texte, Verano. Merci et bonne année à tous.
Tout est neuf!
Sujet a priori un peu casse-gueule quand même, mais avec du Verano ça passe bien. Malgré les poches d’aspérités qu’il m’a semblé percevoir – et que je vais relire !
A propos de cette finale, avant même le match aller, les Algérois protestent contre la non suspension d’un joueur guinéen ayant été expulsé en demi-finale et y voient évidemment un acte d’allégeance de la CAF aux hommes Sékou Touré. Je suppose que cela crée un précédent dont bénéficie Bencheikh, expulsé lors de la finale aller mais bien présent au retour.
Peut-être qu’un jour une thèse de psychiatrie parviendra à sonder voire éclairer la personnalité et les complexes de Boumèdiene, mais là n’est pas le propos…
Excellentissime article Verano, bravo et merci -une correction minime et qui n’a aucun impact sur le présent sujet, la coupe maghrébine des clubs, c’est juste avant 1970 (bien que ce soit au cours de la saison 69-70) puisque ça court de décembre 1969 à Octobre 1975, avec un revival qui a fait long feu entre 2009 et 2015. Généralement en un weekend, sur un site unique (comme l’ancienne coupe d’Europe des nations). Mais entre les tatônnements quant à la formule, la date, le peu de succès populaire et les querelles de minarets, elles ont été abandonnées lorsque l’idée d’unité maghrébine a été entamée par les mouvements de troupes aux frontières de la Tunisie effectués par ses fraternels dirigeants voisins.
Sinon, au sujet de la JSKabylie, une anecdote : le pouvoir algérien a souvent imposé ses oukazes au football, et obligé à des changements de noms lors de l’arabisation -parfois faite à contresens, juste pour avoir des initiales correspondant à l’acronyme du nom original dans l’alphabet latin. Illustration : la Jeunesse Sportive de Kabylie devient la Jami3at Sari3 Kawkabi (en français, on pourrait le traduire par Club Etoile Filante, ou Comète). Mais ça reste JSK. Bref, en 1977 énième bouleversement, pour concrétiser « l’adossement » (chaque club et parrainé par une société d’Etat), les noms re-changent : les Mouloudia Clubs deviennent Mouloudia des Pétroliers (c’est la Sonatrach qui paye), l’USM Alger devient US Karahba (: automobile), etc. La JSK devient Jeunesse Electronique de Tizi-Ouzou (JET. C’est sous ce nom qu’elle remporte le titre africain en 1981 avec un score-record à la clé en finale). Toujours taquin, le public kabyle va en tirer un slogan, « Jugurtha Est Toujours-là »
Merci pour ton apprit Claudio. Tu me permettras une petite rectification. Lors de la réforme sportive de 77, l’USMA était devenue USKA, le K étant pour Kahraba, électricité et non automobile (c’est nos amis Tunisiens qui appellent les voitures Kahraba). Pourquoi Kahraba? C’est parce-que le club avait été intégré à la SONELGAZ équivalent algérien d’EDF. Idem pour l’ASM Oran qui était devenu l’ASKO. Autre chose, les joueurs et les staffs étaient carrément salariés des entreprises auxquelles les clubs était rattachés avec, si je ne me trompe pas, le statut de cadres.
Juste, déolé pour l’erreur. Mais je pensais que c’était la JET qui avait l’électricité pour elle seule 🙂
Par contre, le NAHD devenu Milaha, c’était du fait de quelle société ? Les engrais chimiques ?
Je t’en prie camarade pas de problème ! Le NAHD était pour sa part intégré à la CNAN qui était et qui est toujours la compagnie maritime nationale. Le Milaha est en lien avec la navigation maritime d’où un des surnoms du club « Les Navigateurs ». Quant à la JET, c’était Jeunesse Électronique Tizi-Ouzou quant à elle intégrée à l’ENIEM qui était l’entreprise publique de fabrication de produits électroménagers. Je ne sais pas si tu lis ou comprends l’arabe, mais les noms des clubs algériens à cette époque étaient franchement funs! Toute mon enfance…
Oui, et je viens de me rendre compte que ça fait 40 ans que je lis électronique et pense à électrique… 🙁